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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_654/2017  
 
 
Arrêt du 3 octobre 2018  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Eusebio et Chaix. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Christian Bettex, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. B.________ SA, 
2. C.________ SA, 
toutes les deux représentées par Me Benoît Bovay, avocat, 
intimées, 
 
Municipalité de Founex, représentée par Me Luc Pittet, avocat, 
Direction générale de l'environnement du canton de Vaud, Division support stratégique, Service juridique, 
Direction générale de la mobilité et des routes du canton de Vaud, Section juridique. 
 
Objet 
Autorisation de construire; qualité pour recourir, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 27 octobre 2017 (AC.2016.0223). 
 
 
Faits :  
 
A.   
La société C.________ SA est propriétaire de la parcelle n° 508 du registre foncier de la commune de Founex. Ce bien-fonds se situe près la sortie autoroutière de Coppet, au bord de la route de Divonne. 
 
La société C.________ SA et la constructrice, B.________ SA, ont déposé une demande de permis de construire un complexe hôtelier sur cette parcelle. Il ressort des plans que l'hôtel comprendrait 240 chambres, un parking souterrain de 152 places, un restaurant de 60 couverts, une "aire de restauration" de 40 couverts, une salle de conférence de 140 places assises et une salle de fitness avec 90 places de vestiaire. Mis à l'enquête publique du 29 décembre 2015 au 28 janvier 2016, ce projet a suscité des oppositions dont celle de la société de A.________ SA. 
 
Le 20 mai 2016, la Centrale des autorisations de construire du Département des infrastructures du canton de Vaud (CAMAC) a rendu une décision, dont il résulte que les autorisations spéciales cantonales ont toutes été délivrées, parfois à certaines conditions impératives. 
 
Par décisions du 25 mai 2016, la Municipalité de Founex a levé les oppositions et délivré le permis de construire sollicité. 
 
B.   
Le 27 juin 2016, A.________ SA a interjeté recours contre les décisions du 25 mai 2016 auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal). Elle a conclu à leur annulation, ainsi qu'à la mise en oeuvre d'une expertise de mobilité et de trafic. Après avoir tenu une audience le 9 février 2017 à Founex, en présence des parties, le Tribunal cantonal a déclaré le recours irrecevable, par arrêt du 27 octobre 2017. Il a confirmé les décisions municipales du 25 mai 2016. 
 
C.   
Par acte intitulé "recours de droit public", la société de A.________ SA demande principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du 27 octobre 2017, en ce sens que les décisions municipales du 25 mai 2016 sont annulées. Elle conclut subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvel arrêt au sens des considérants. 
 
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de l'arrêt attaqué. La Direction générale de l'environnement du canton de Vaud fait de même. C.________ SA et B.________ SA ainsi que la Direction générale de la mobilité et des routes du canton de Vaud concluent au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité. La Municipalité de Founex conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. L'Office fédéral de l'environnement conclut au rejet du recours. La recourante a répliqué par courrier du 4 mai 2018. 
 
D.   
Par ordonnance du 20 décembre 2017, le Président de la Ire Cour de droit public a accordé la requête d'effet suspensif, présentée par la recourante. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le fait que le recours soit inexactement intitulé "recours de droit public" ne prête pas à conséquence (cf. ATF 131 I 291 consid. 1.3 p. 296; 126 II 506 consid. 1b p. 509). La recourante est directement touchée par le prononcé d'irrecevabilité de l'arrêt attaqué et a un intérêt digne de protection à en obtenir l'annulation. Elle a dès lors qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
 
2.   
Invoquant l'art. 89 LTF, la recourante estime que la qualité pour recourir contre l'autorisation de construire devait lui être reconnue. Se fondant sur la jurisprudence du Tribunal fédéral (en particulier l'ATF 113 Ib 225 et l'arrêt 1C_411/2014 du 9 janvier 2015), elle soutient que le critère de la distance n'est pas le seul déterminant et que l'augmentation des immissions liées à la future construction, à savoir une surcharge du réseau routier permettant d'accéder à sa parcelle, la touche plus que les autres administrés. 
 
2.1. En vertu de l'art. 33 al. 3 let. a LAT, la qualité pour recourir devant les instances cantonales contre les décisions et les plans d'affectation fondés sur la présente loi et sur les dispositions cantonales et fédérales d'exécution doit être reconnue dans les mêmes limites que pour le recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral. Une exigence analogue ressort de manière générale de l'art. 111 al. 1 LTF. L'art. 111 al. 3 LTF précise au surplus que l'autorité qui précède immédiatement le Tribunal fédéral doit pouvoir examiner au moins les griefs visés aux art. 95 à 98 LTF. Il en résulte que la qualité pour recourir devant les autorités cantonales ne peut pas s'apprécier de manière plus restrictive que la qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral, les cantons demeurant libres de concevoir cette qualité de manière plus large (ATF 135 II 145 consid. 5 p. 149).  
 
2.2. Aux termes de l'art. 89 LTF, la qualité pour recourir est reconnue à toute personne atteinte par la décision attaquée et qui dispose d'un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. L'art. 75 let. a de la loi vaudoise sur la procédure administrative du 28 octobre 2008 (LPA/VD; RS/VD 173.36) définit de la même manière la qualité pour agir.  
 
Selon la jurisprudence, le voisin direct de la construction litigieuse a en principe la qualité pour recourir. La distance entre bâtiments constitue ainsi un critère essentiel, la jurisprudence reconnaissant généralement la qualité pour agir lorsque l'opposant est situé, au maximum, à une centaine de mètres, du projet litigieux (ATF 140 II 214 consid. 2.3 p. 219; arrêt 1C_565/2012 du 23 janvier 2013 in SJ 2013 I 526, consid. 2.1 p. 527). La proximité avec l'objet du litige ne suffit toutefois pas à elle seule à conférer la qualité pour recourir contre l'octroi d'une autorisation de construire. Les voisins doivent en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permette d'admettre qu'ils sont touchés dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée de manière à exclure l'action populaire (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 p. 33-34; 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252; Aemisegger/Haag, Commentaire pratique de la protection juridique en matière d'aménagement du territoire, 2010, n. 123 ad art. 34 LAT, p. 182 s.). Une atteinte particulière est reconnue lorsqu'il faut notamment s'attendre avec certitude ou avec une grande vraisemblance à des immissions sur le fonds voisin en provenance de l'installation (ATF 136 II 281 consid. 2.3.1 p. 285; 121 II 171 consid. 2b p. 174). Par ailleurs, s'il est certain ou très vraisemblable que l'installation litigieuse serait à l'origine d'immissions - bruit, poussières, vibrations, lumières ou autres - touchant spécialement les voisins, ces derniers peuvent aussi se voir reconnaître la vocation pour recourir, même s'ils sont situés à une distance supérieure à celle habituellement requise pour reconnaître la qualité pour recourir (ATF 140 II 214 consid. 2.3 p. 219 s.; 136 II 281 consid. 2.3.1 p. 285). 
Pour déterminer si le propriétaire voisin d'une installation litigieuse est particulièrement atteint, il convient néanmoins d'examiner la nature et l'intensité du bruit provoqué par cette installation ainsi que le niveau des nuisances existantes. Lorsque l'établissement en cause est situé dans un environnement déjà relativement bruyant, il ne suffit pas d'invoquer un quelconque bruit supplémentaire pour avoir la qualité pour recourir (arrêt 1C_33/2011 du 12 juillet 2011 consid. 2.4). L'augmentation des nuisances doit être nettement perceptible (ATF 136 II 281 consid. 2.3.2 p. 285; 120 Ib 379 consid. 4c p. 387; 113 Ib 225 consid. 1c p. 228). 
 
2.3. En l'occurrence, l'établissement de A.________ SA est situé à 600 m de la parcelle n° 508, soit à une distance très supérieure à celle qui, selon la jurisprudence, permet d'admettre la qualité pour recourir d'un voisin (cf. consid. 2.2 ci-dessus). La recourante affirme d'abord que son hôtel se situerait à 500 m du projet litigieux et non pas 600 m, comme l'a retenu la cour cantonale. Comme elle n'étaie son affirmation d'aucune preuve, il n'y a pas lieu de prendre en considération d'autres faits que ceux retenus dans l'arrêt cantonal (art. 105 et 97 LTF).  
 
La recourante fait ensuite valoir qu'elle dispose de la qualité pour recourir contre le projet au motif que le trafic supplémentaire qu'il générera surchargera les voies d'accès à A.________ SA; en effet, la seule voie d'accès à celui-ci est le chemin des Champs-Blancs, qui est une voie sans issue; or la route de Divonne sur laquelle débouche ce chemin est systématiquement engorgée aux heures de pointe, ce qui empêcherait tant les employés que les clients de l'établissement de s'y rendre ou de le quitter. La recourante, vu son activité spécifique, soutient faire un usage privilégié de ce tronçon dont elle dépend. Elle prétend être "coupée du monde" aux heures de pointe, ce qui serait problématique dans la mesure où la clientèle accueillie à l'hôtel est avant tout une clientèle internationale devant pouvoir se rendre rapidement à l'aéroport de Genève. 
 
La cour cantonale a retenu au contraire que l'éventuelle aggravation de la surcharge de trafic dont se plaignait la recourante était un problème que subiront les autres propriétaires du secteur et de la région; la recourante n'était pas touchée plus que les autres utilisateurs du chemin des Champs-Blancs et de la route de Divonne, ni que les propriétaires de biens situés le long de ces voies; le fait qu'elle exerçait une activité hôtelière n'était pas déterminant. 
 
On peut ajouter que la Direction générale de la mobilité et des routes du canton de Vaud a estimé que l'infrastructure routière actuelle était suffisante pour absorber l'accroissement du trafic lié à la construction du complexe hôtelier projeté. Un giratoire, qui permet de quitter la route de Divonne pour emprunter le chemin des Champs-Blancs, a été récemment aménagé pour améliorer la fluidité du trafic. Une voie d'accès à l'autoroute dès la sortie du giratoire a en outre été créée. Le giratoire est par ailleurs constitué de deux voies. Enfin, le projet ne devrait pas engendrer une augmentation du trafic sur le chemin des Champs-Blancs sans issue au bout duquel se trouve l'établissement de la recourante. Il ressort de ces différents éléments que la recourante n'est pas affectée dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants. 
 
Pour le reste, la recourante ne démontre pas que ses clients n'accéderont à l'hôtel qu'aux heures de pointe. Enfin, les arrêts cantonaux cités par l'intéressée ne lui sont d'aucune aide. En effet, l'arrêt cantonal AC.2010.0225 du 18 novembre 2015 n'est pas pertinent en l'espèce, dès lors qu'il admet la qualité pour recourir de personnes subissant, du fait d'un projet, une augmentation de trafic de 5 % devant leurs parcelles, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. 
 
La recourante ne peut rien tirer non plus de l'arrêt cantonal AC.1999.0143 du 18 octobre 2000, lequel avait admis la qualité pour recourir d'une société exploitant un dancing à 250 m du projet de construction en raison de l'aggravation des conditions de stationnement pour sa clientèle. En effet, le présent projet ne portera pas atteinte aux places de stationnement et il se situera à 600 m de l'établissement de la recourante et non à 250 m. 
 
2.4. Sur le vu de ce qui précède, la recourante ne parvient pas à rendre vraisemblable l'existence d'une atteinte particulière susceptible de fonder sa qualité pour agir. C'est dès lors sans violer le droit fédéral que son recours a été déclaré irrecevable par le Tribunal cantonal.  
 
3.   
Le recours doit par conséquent être rejeté, aux frais de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera en outre une indemnité de dépens aux intimées, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 francs, sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera aux intimées la somme de 3'500 francs à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, des intimées et de la Municipalité de Founex, ainsi qu'à la Direction générale de l'environnement, à la Direction générale de la mobilité et des routes du canton de Vaud, à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, et à l'Office fédéral de l'environnement. 
 
 
Lausanne, le 3 octobre 2018 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
La Greffière : Tornay Schaller