Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_586/2021
Arrêt du 5 mai 2022
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président,
Viscione et Abrecht.
Greffière : Mme Betschart.
Participants à la procédure
Mutuel Assurances SA,
Service juridique, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny,
recourante,
contre
A.________,
représentée par Me Corinne Monnard Séchaud, avocate,
intimée.
Objet
Assurance-accidents,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 28 juillet 2021 (AA 71/19 - 90/2021).
Faits :
A.
A.a. A.________, née en 1950, travaillait comme secrétaire d'unité en radiologie au sein de l'Hôpital B.________ et était à ce titre assurée obligatoirement contre le risque d'accident auprès de Mutuel Assurances SA (ci-après: Mutuel). Le 11 mars 2012, elle a marché sur une aiguille à coudre qui s'est cassée dans la plante de son pied droit et a dû être extraite par une intervention chirurgicale, réalisée par le docteur C.________, spécialiste en chirurgie orthopédique. Le 26 mars 2012, ce médecin a revu l'assurée; il a constaté que l'évolution était parfaitement satisfaisante et que la cicatrice n'était localement pas encore complètement fermée, notamment la couche cornée.
Le 30 mars 2012, A.________ a consulté le docteur D.________, spécialiste en chirurgie orthopédique, pour une éventuelle arthroplastie totale du genou gauche. Ce praticien a confirmé l'indication à une telle intervention, mais comme il n'y avait pas urgence, celle-ci pouvait être réalisée dans deux ans, à l'âge de la retraite de l'assurée. En date du 7 avril 2012, l'assurée s'est présentée aux urgences de la Clinique E.________ en raison d'une toux, d'un malaise généralisé, de rhinorrhée, de crachats verts, de maux de gorge et de céphalées depuis quatre jours. Il a été diagnostiqué une rhino-sinusite avec écoulement postérieur et une toux sur syndrome descendant. Le 9 avril 2012, le docteur Auguste, spécialiste en médecine interne générale, s'est rendu au domicile de l'assurée en raison d'un état fébrile et de suspicion d'une infection pulmonaire ou abdominale. Il a diagnostiqué un probable érésipèle au niveau du membre inférieur droit et a prescrit un traitement antibiotique. Le 10 avril 2012, A.________ a été hospitalisée à l'Hôpital B.________ dans un état comateux, en raison d'un choc septique sur fasciite nécrosante à Streptococcus pyogenes du membre inférieur droit. Au vu de l'évolution défavorable, elle a dû être amputée du membre inférieur droit le 9 mai 2012.
A.b. Pour savoir s'il y avait un lien de causalité entre l'accident du 11 mars 2012 et le traitement ultérieur, Mutuel a confié une expertise bidisciplinaire aux docteurs F.________, spécialiste en infectiologie, et G.________, spécialiste en chirurgie orthopédique. Le docteur F.________ a, dans son rapport du 25 juillet 2013, conclu que la causalité était "probable avec une probabilité de >50 %". En revanche, le docteur G.________ a retenu dans son rapport du 27 janvier 2014 que la causalité naturelle entre la fasciite nécrosante et la plaie du 11 mars 2012 était possible, mais pas probable.
Se fondant sur l'expertise du docteur G.________ et sur le rapport de son médecin-conseil, le docteur H.________, spécialiste en chirurgie orthopédique, du 15 octobre 2014, Mutuel a considéré par décision du 2 février 2015 qu'un lien de causalité naturelle entre l'accident du 11 mars 2012 et les troubles traités dès le 9 avril 2012 n'était pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante, et elle a par conséquent refusé de prendre en charge les traitements entrepris dès le 9 avril 2012.
A.c. A.________ a formé opposition contre cette décision. Par la suite, Mutuel a mis en oeuvre une nouvelle expertise, qu'elle a confiée au docteur I.________, spécialiste en infectiologie. Dans son rapport du 1er juin 2018, ce dernier a conclu qu'un lien causal entre l'accident du 11 mars 2012 et l'infection ayant entraîné l'hospitalisation le 10 avril 2012 était probable. Sur la base des rapports de son médecin-conseil du 24 janvier et du 9 mars 2019, Mutuel a néanmoins rejeté l'opposition par décision sur opposition du 30 avril 2019.
B.
Par arrêt du 28 juillet 2021, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud a admis le recours formé par l'assurée contre la décision sur opposition du 30 avril 2019, qu'elle a réformée en ce sens que Mutuel était tenue de prendre en charge tous les frais de traitement relatifs aux troubles survenus dès le 9 avril 2012, consécutifs à l'accident du 11 mars 2012.
Sur demande de rectification voire d'interprétation de A.________, le Tribunal cantonal a, par arrêt du 9 septembre 2021, prononcé que son arrêt du 28 juillet 2021 devait être compris en ce sens que Mutuel était tenue de prendre en charge, à compter du 9 avril 2012, les suites de l'accident subi par A.________ le 11 mars 2012.
C.
Mutuel interjette un recours en matière de droit public contre l'arrêt du 28 juillet 2021, en concluant à sa réforme dans le sens de la confirmation de la décision sur opposition du 30 avril 2019.
A.________ conclut au rejet du recours. Le Tribunal cantonal et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), contre les décisions partielles (art. 91 LTF) ainsi que contre les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation (art. 92 al. 1 LTF). Selon l'art. 93 al. 1 LTF, les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b).
1.2. Les jugements qui renvoient la cause à l'autorité inférieure constituent des décisions incidentes car ils ne mettent pas fin à la procédure (ATF 142 II 20 consid. 1.2; 134 II 124 consid. 1.3). En revanche, lorsque l'autorité inférieure à laquelle la cause est renvoyée ne dispose plus d'aucune marge de manoeuvre parce que le renvoi ne porte que sur l'exécution (par simple calcul) des injonctions de l'autorité supérieure, le jugement constitue matériellement une décision finale (ATF 145 III 42 consid. 2.1; 144 III 253 consid. 1.4 et les références). Tel étant le cas en l'espèce, le recours, déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, est recevable.
2.
2.1. Par arrêt du 28 juillet 2021, la cour cantonale a condamné la recourante à "prendre en charge tous les frais de traitement relatifs aux troubles de [l'intimée] survenus dès le 9 avril 2012, consécutifs à l'accident du 11 mars 2012". Toutefois, il ressort des conclusions de la recourante qu'elle a bien compris cette formulation dans le sens qu'elle était obligée de prendre en charge non seulement les frais médicaux mais également le versement d'indemnités journalières et d'une rente d'invalidité. Cette interprétation du dispositif correspond à celle de l'intimée et de la cour cantonale elle-même, retenue dans l'arrêt du 9 septembre 2021. Par conséquent, est litigieux en l'espèce le point de savoir si la cour cantonale a violé le droit fédéral en obligeant la recourante à prendre en charge toutes les suites de l'accident du 11 mars 2012, au-delà du 9 avril 2012. Il s'agit plus particulièrement d'examiner s'il existe un lien de causalité entre l'évènement accidentel du 11 mars 2012 et les troubles de l'intimée survenus dès le 9 avril 2012, à savoir la fasciite nécrosante ayant conduit à l'amputation de la jambe droite.
2.2. Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF). Aussi, lorsque sont en jeu des prestations en espèces et en nature, comme c'est le cas ici, le Tribunal fédéral dispose-t-il d'un pouvoir d'examen étendu en ce qui concerne les faits communs aux deux types de prestations (arrêt 8C_490/2021 du 11 février 2022 consid. 2.2 et la référence).
3.
3.1. L'arrêt entrepris expose correctement les dispositions légales régissant le droit aux prestations de l'assurance-accidents (art. 6 al. 1 LAA; art. 4 LPGA) ainsi que les principes jurisprudentiels relatifs à la notion de causalité naturelle (ATF 142 V 435 consid. 1; 129 V 177 consid. 3.1) et à la valeur probante des rapports médicaux (ATF 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3; voir aussi ATF 143 V 124 consid. 2.2.2) Il suffit d'y renvoyer.
3.2. On rappellera que, selon la jurisprudence, le tribunal peut accorder une pleine valeur probante à une expertise mise en oeuvre dans le cadre d'une procédure administrative au sens de l'art. 44 LPGA, aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de son bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4; 125 V 351 consid. 3b/bb).
3.3. En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1; 126 V 353 consid. 5b; 125 V 193 consid. 2; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3).
4.
4.1. Il ressort de l'arrêt attaqué que la recourante avait mandaté les docteurs F.________ (expert infectiologue) et G.________ (expert orthopédique) pour une expertise bidisciplinaire sur le rapport de causalité entre l'accident du 11 mars 2012 et les évènements survenus à partir du 9 avril 2012. Les conclusions de ces deux experts étant contradictoires, le médecin-conseil de la recourante, le docteur H.________, s'était rallié à l'appréciation du docteur G.________, qui a conclu à un rapport de causalité seulement possible. Suivant les avis des docteurs G.________ et H.________, la recourante avait refusé, par décision du 2 février 2015, la prise en charge des traitements à partir du 9 avril 2012. Ce n'était que trois ans plus tard qu'elle avait confié une nouvelle expertise sur la question de la causalité au docteur I.________, expert infectiologue, qui était parvenu à la même conclusion que le docteur F.________, à savoir un lien de causalité probable entre l'accident et les traitements litigieux en l'espèce. Toutefois, la recourante s'était écartée de l'appréciation de ce troisième expert et avait maintenu sa position dans sa décision sur opposition du 30 avril 2019.
4.2.
4.2.1. La juridiction cantonale a retenu que face aux deux expertises des docteurs F.________ et G.________, qui aboutissaient à des conclusions contradictoires sans que les experts soient parvenus à se mettre d'accord sur la question cruciale du lien de causalité entre l'accident du 11 mars 2012 et les évènements survenus à partir du 9 avril 2012, il apparaissait nécessaire de recourir à un troisième expert. C'était donc à juste titre que la recourante avait ordonné une nouvelle expertise, confiée cette fois-ci au docteur I.________.
4.2.2. La cour cantonale a ensuite exposé de manière détaillée les raisons qui faisaient douter la valeur probante de l'expertise du docteur G.________. Elle a notamment retenu que, même si les rapports médicaux à disposition entre le 30 mars 2012 et le 9 avril 2012 ne faisaient pas mention de plaie ou de cicatrice dans la plante du pied droit de l'intimée, on ne pouvait rien en déduire sur l'état de cette plaie et ce praticien ne pouvait pas être suivi lorsqu'il affirmait avoir démontré que la plaie à la plante du pied était fermée et guérie "ceci vu et confirmé par différents intervenants thérapeutiques". Concernant le rapport du docteur F.________, les premiers juges ont constaté que bien qu'il fût relativement succinct, cela ne suffisait pas à lui ôter toute valeur probante. Ce spécialiste avait relevé deux points particulièrement importants dans la détermination de l'existence du lien de causalité, à savoir le fait que la blessure initiale soit survenue au niveau du talon droit et que la fasciite nécrosante ait touché la partie inférieure de la jambe droite (étant précisé que les fasciites nécrosantes étaient des infections qui se propageaient par continuité et non pas de manière hématogène) ainsi que le fait que le pied droit de l'intimée n'était pas complètement guéri le 26 mars 2012 (étant précisé que même des lésions minimes de la barrière cutanée pouvaient être la porte d'entrée pour des Streptococcus pyogenes).
4.2.3. Quant au rapport d'expertise du 1er juin 2018 du docteur I.________, les juges cantonaux ont considéré qu'il remplissait en tous points les réquisits jurisprudentiels pour se voir accorder une pleine valeur probante, qu'il contenait une argumentation claire et convaincante et que ses conclusions étaient confortées par d'autres rapports médicaux au dossier, notamment des médecins traitants. En particulier, le docteur J.________, médecin hospitalier intensiviste à l'Hôpital B.________, avait rapporté le 25 avril 2012 que le point de départ de l'érésipèle correspondait à une plaie de la plante du pied droit de l'intimée et le professeur K.________, chef de service d'orthopédie et traumatologie de l'Hôpital B.________, avait abouti à la même conclusion dans son rapport du 21 juin 2012, à savoir qu'il s'agissait d'un état après excision d'un corps étranger au pied droit de l'intimée en mars 2012. En suivant l'avis de l'expert I.________, les premiers juges ont admis, au degré de la vraisemblance prépondérante, l'existence d'un lien de causalité entre l'accident du 11 mars 2012 et les évènements survenus à partir du 9 avril 2012.
4.3. La recourante reproche en substance à la juridiction cantonale d'avoir procédé à une appréciation manifestement erronée des preuves en accordant une pleine valeur probante à l'expertise du docteur I.________.
5.
5.1. Dans son rapport du 1er juin 2018, le docteur I.________ a listé les pièces médicales sur lesquelles son expertise se fonde, a rappelé le contexte médical et a exposé les données scientifiques propres au domaine de la fasciite nécrosante et à la cicatrisation des plaies. Ensuite, il a répondu de manière circonstanciée aux questions qui lui avaient été posées, en tenant compte de l'anamnèse et des plaintes actuelles de l'intimée et de ses propres constatations et en prenant position sur les appréciations des autres experts. Pour évaluer le lien de causalité, il a examiné à la fois le lien temporel et le lien anatomique.
Concernant le lien temporel, qu'il a admis, il a expliqué que l'infection avait été objectivée pour la première fois le 9 avril 2012 et qu'elle était ainsi survenue un mois après l'accident, précisant que dans la définition des infections du site opératoire, on utilisait un délai de 30 jours après l'intervention pour considérer qu'une infection de cicatrice était possiblement liée au geste chirurgical. En l'espèce, il ressortait du rapport de la consultation du docteur C.________ que la couche cornée de la peau n'était pas fermée le 26 mars 2012, soit deux semaines avant le début de l'infection. Jusqu'au 9 avril 2012, aucune observation fiable et documentée ne permettait de connaître l'évolution de la fermeture de cette plaie, les rapports du docteur D.________ de la consultation du 30 mars 2012 et de la Clinique E.________ n'apportant aucun élément probant quant à cette évolution. On ne pouvait notamment pas partir du principe que l'examen de la jambe et du pied droit par le docteur D.________ aurait eu lieu ni donc que cette consultation constituait une preuve en soi que la plaie était bien fermée à ce moment-là, ce qui aurait semblé par ailleurs étonnant puisqu'elle avait encore été ouverte quatre jours plus tôt. En ce qui concernait le rapport de la Clinique E.________ du 7 avril 2012, l'intimée avait consulté pour une infection des voies respiratoires supérieures, de sorte que le status ne comprenait que les systèmes en lien avec les symptômes. Les cicatrices de la plante du pied étaient connues pour mettre plus de temps à se fermer que d'autres sites anatomiques et le processus de cicatrisation permettant une restauration adéquate de l'intégrité microscopique de la peau pouvait prendre jusqu'à six semaines après l'intervention. La reprise du travail par l'intimée dès le 13 mars 2012 avait très probablement contribué à augmenter la charge sur la jambe droite et ainsi ralenti le processus de cicatrisation. L'effraction de la couche cornée sur une plaie chirurgicale qui mettait du temps à se refermer constituait une porte d'entrée tout à fait plausible pour une fasciite nécrosante à Streptococcus pyogenes et l'infection pouvait alors survenir de façon brutale à distance du traumatisme initial, même en l'absence de signe infectieux de la plaie jusque-là.
Quant au lien anatomique, le docteur I.________ a retenu qu'il ne pouvait pas être prouvé de façon formelle, dès lors que l'intimée avait bien présenté une infection au niveau du tiers inférieur de la jambe droite, du côté où elle s'était planté l'aiguille, mais que sur la base des documents médicaux à disposition, il n'était pas possible de déterminer si la plaie était le point de départ de l'infection, la localisation exacte de l'érythème n'étant précisée dans aucun rapport médical. Les rapports des consultations infectiologique et orthopédique effectuées le jour de l'admission de l'intimée ne mentionnaient pas non plus de signes d'infection au niveau de la plaie de la plante du pied.
Le docteur I.________ a ensuite exposé qu'environ 50 % des fasciites nécrosantes se développaient sans porte d'entrée visible et qu'on pensait qu'elles survenaient en général par dissémination hématogène à partir d'un foyer oropharyngé asymptomatique (colonisation de la gorge) ou symptomatique (angine à streptocoque). Toutefois, ce type d'infection se développait en général sur des zones présentant des traumatismes fermés (contusion, crampe, hématome), ce qui n'avait pas été le cas de l'intimée. Quoiqu'elle eût présenté une infection des voies respiratoires deux jours avant le diagnostic de l'infection cutanée, les symptômes pour lesquels elle avait consulté le 7 avril 2012 n'étaient pas vraiment typiques d'une angine à streptocoque, le fond de gorge ayant été décrit comme calme et la présence d'une rhinorrhée et d'une toux parlant plutôt en faveur d'une virose. A l'instar des médecins de l'Hôpital B.________, l'expert a retenu que la plaie de la plante du pied était la porte d'entrée de la fasciite nécrosante, soulignant qu'imaginer qu'une infection aussi rare soit survenue par pure coïncidence dans une région du corps aussi proche que la plaie, et dans un intervalle aussi court après la fermeture incomplète de la cicatrice, était hautement improbable.
Dans un courrier de février 2019, le docteur I.________ a encore indiqué que c'était bien à cause de l'absence de preuve formelle de la non-fermeture de la plaie initiale et de signes infectieux touchant cette plaie au moment de l'apparition de la fasciite nécrosante qu'il avait conclu à un lien de causalité probable. Si ces éléments avaient été objectivés, il aurait conclu à un lien de causalité certain entre les deux évènements, étant relevé que, pour lui, les éléments temporels et géographiques étaient déterminants dans l'appréciation du lien de causalité.
5.2.
5.2.1. Concernant l'état de fait ressortant de l'arrêt attaqué, la recourante fait référence à plusieurs rapports médicaux et en déduit qu'aucune pièce au dossier ne permettrait de penser que la plaie du pied droit se serait ré-ouverte ou infectée et qu'au-delà du 26 mars 2012, aucune pièce ne ferait même état d'une plaie au pied droit. Or le docteur I.________ a répondu à la question de l'évolution de la fermeture de la plaie, et ce non seulement de manière abstraite et hypothétique, mais également par rapport aux spécificités du cas d'espèce et en prenant position sur les documents qu'invoque la recourante. S'agissant du fait qu'aucune pièce médicale ne fait état de rougeur au talon, ni de cloques au dos du pied, comme l'avait retenu le docteur F.________, il faut d'une part retenir que cet élément n'a pas été déterminant dans les appréciations infectiologiques des docteurs F.________ et I.________ dans l'examen de la causalité et ne saurait les remettre en cause. D'autre part, le docteur I.________ a tenu compte du fait que la localisation de la rougeur n'était attestée nulle part, précisant que l'information selon laquelle l'infection cutanée aurait commencé au niveau de la plante du pied et aurait remonté le long de la jambe relevait des dires de l'intimée. Par ailleurs, le docteur F.________ a retenu comme élément faisant douter de la causalité que l'intimée souffrait de troubles importants de la mémoire et que ses indications étaient parfois incohérentes et contradictoires.
5.2.2. La recourante soutient en outre que l'expert admettrait la causalité pour des raisons d'ordre chronologique ("infection dans les suites de la plaie, donc à cause d'elle") ainsi que "géographique (site d'infection proche de la plaie, donc à cause d'elle) ", et qu'il partirait du postulat - non soutenu par la documentation médicale - de la fermeture incomplète de la cicatrice et renverrait à l'adage "post hoc ergo propter hoc", qui n'aurait tout au plus qu'une valeur d'indice selon la jurisprudence. S'il est vrai que le principe "post hoc ergo propter hoc" ne suffit pas en soi à établir un rapport de causalité entre une atteinte à la santé et un accident (ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 s., consid. 3b; arrêt 8C_117/2020 du 4 décembre 2020 consid. 3.1), on ne saurait cependant lui dénier toute valeur lorsqu'il est mis en relation avec d'autres éléments médicalement déterminants comme l'a fait le docteur I.________ (cf. arrêt 8C_348/2020 du 7 juin 2021 consid. 4.3). Quelques éléments de son argumentation pourraient certes faire penser à un raisonnement du type "post hoc ergo propter hoc". Toutefois, loin de se borner à un tel raisonnement, il a expliqué de manière détaillée et circonstanciée l'évolution de la cicatrisation de la plaie chirurgicale à la plante du pied et du développement d'une fasciite nécrosante, se fondant sur ses connaissances spéciales en tant qu'infectiologue et en entreprenant une appréciation critique de la documentation médicale. De plus, il a écarté de manière convaincante d'autres possibles causes de l'infection, et ses conclusions sont corroborées par d'autres rapports médicaux au dossier. On doit dès lors reconnaître avec la cour cantonale que son rapport remplit les exigences formelles et matérielles auxquelles sont soumises les preuves médicales pour pouvoir être prises en considération (ATF 125 V 351 consid. 3a). Il en résulte que la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en suivant l'avis de cet expert et en admettant qu'il existe, au degré de la vraisemblance prépondérante (cf. consid. 3.3 supra), un lien de causalité probable entre l'accident du 11 mars 2012 et les évènements survenus dès le 9 avril 2012.
6.
Au vu de ce qui précède, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera une indemnité de dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Président prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée la somme de 2800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 5 mai 2022
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Betschart