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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_602/2017  
 
 
Arrêt du 8 octobre 2018  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Karlen et Chaix. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
1. Etat de Genève, représenté par Me Pierre Martin-Achard, avocat, 
2. Aéroport International de Genève, représenté par Me Nicolas Wisard, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
A.________, représentée par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
Expropriation matérielle, prescription, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, du 19 septembre 2017 (ATA/1289/2017 A/4418/2010). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________ est propriétaire de la parcelle n° 4'229 du registre foncier de la commune genevoise de Vernier sur laquelle est construite une villa d'une surface au sol de 156 m2 ainsi qu'un autre bâtiment de 12 m2. Le 5 octobre 2012, la prénommée a fait donation à sa fille, B.________, de la parcelle adjacente n° 4'230. L'inscription au registre foncier précisait toutefois que A.________ restait "titulaire des droits de l'indemnité à déterminer d'expropriation matérielle en raison du déclassement en zone de développement industriel et artisanal". 
En effet, ces parcelles, situées à environ 1'600 m de la piste de l'Aéroport international de Genève (ci-après: l'Aéroport), sont affectées d'une charge sonore d'environ 66 dB (A) de jour. Elles étaient classées en zone de bruit NNI B par le plan de zones de bruit de 1987. Elles étaient sises en cinquième zone de construction et ont été déclassées en 2009 en zone de développement industriel et artisanal. 
 
Le 30 mai 2006, A.________ avait déjà adressé simultanément à l'Etat de Genève, à l'Aéroport international de Genève et à la Confédération suisse, une demande tendant à obtenir des garanties quant à la constructibilité des parcelles n° 4'229 et 4'230, ou, dans la négative, à l'ouverture d'une procédure d'expropriation et d'indemnisation, ainsi que des travaux d'insonorisation, du fait des nuisances causées par l'exploitation de l'aéroport. 
 
B.   
Par requête du 24 décembre 2010, A.________ a saisi la Commission cantonale de conciliation et d'estimation du canton de Genève d'une demande d'indemnisation pour expropriation matérielle dirigée contre l'Etat de Genève; elle a notamment conclu à ce que l'Etat de Genève soit condamné à lui verser la somme de 655'200 francs (plus intérêts à 5 % dès le 1er juin 2001), à titre d'indemnité pour expropriation matérielle du fait du déclassement des parcelles n° 4'229 et 4'230. 
 
Dans une seconde requête datée du 27 mai 2011, A.________ a demandé cette fois que l'Etat de Genève, subsidiairement l'Aéroport, soit condamné à lui verser à titre d'indemnisation pour expropriation matérielle des parcelles n° 4'229 et n° 4'230, en raison de l'atteinte à sa faculté de bâtir du fait des nuisances sonores inhérentes à l'exploitation de l'aéroport, la somme de 1'425'723 francs (plus intérêts à 5 % à compter du 1er juin 2001). 
 
En septembre 2011, le Tribunal administratif de première instance du canton de Genève a repris les causes pendantes devant la Commission, à la suite d'une modification législative. Après avoir suspendu l'instruction de la cause jusqu'à droit jugé dans une procédure semblable (de décembre 2013 à août 2015), le Tribunal administratif de première instance a rendu une décision préjudicielle sur la question de la prescription, le 22 novembre 2016. Il a jugé que la requête n'était pas prescrite, le  dies a quo du délai de prescription devant être fixé au 1er juin 2001 date de l'entrée en vigueur de la deuxième version de l'annexe 5 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB; RS 814.41), intitulée "valeurs limites d'exposition au bruit des aérodromes civils".  
 
Saisie sur recours de l'Etat de Genève et de l'Aéroport, la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a confirmé cette décision préjudicielle, par arrêt du 19 septembre 2017. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'Etat de Genève et l'Aéroport (ci-après: les recourants) demandent principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué et de constater que la requête en indemnisation pour expropriation matérielle est prescrite. Ils concluent subsidiairement au renvoi de la cause pour nouvelle décision au sens des considérants. 
 
Invitée à se déterminer, la Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de l'arrêt attaqué. A.________ conclut à l'irrecevabilité du recours, voire à son rejet. Les parties ont maintenu leurs positions à l'issue d'un second échange d'écritures. Les recourants ont déposé d'ultimes observations le 11 juin 2018. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis. 
 
1.1. La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF, est ouverte contre l'arrêt attaqué rendu par une autorité de dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le cadre d'une procédure d'indemnisation pour expropriation matérielle.  
 
1.2. Conformément à l'art. 89 al. 2 let. d LTF, ont la qualité pour recourir les personnes, organisations et autorités auxquelles une loi fédérale accorde un droit de recours. Dans la mesure où l'art. 34 al. 2 let. a LAT réserve expressément le droit de recours du canton contre les décisions portant sur les indemnisations résultant de restrictions au droit de propriété au sens de l'art. 5 LAT, l'Etat de Genève, qui a pris part à la procédure devant l'instance précédente, a la qualité pour agir.  
 
La qualité pour recourir de l'Aéroport, établissement de droit public autonome, peut par conséquent demeurer indécise. 
 
L'autorité qui a qualité pour recourir peut, dans le cadre de ses compétences, invoquer toute violation d'un droit susceptible d'être alléguée par la voie du recours en matière de droit public, en particulier l'interdiction de l'arbitraire (ATF 134 II 124 consid. 3 p. 131 ss). 
 
1.3. L'arrêt attaqué, qui rejette le moyen tiré de la prescription, ne met pas fin à la procédure cantonale, laquelle va se poursuivre; il ne s'agit donc pas d'une décision finale au sens de l'art. 90 LTF. Il ne statue pas non plus sur l'un des objets de la demande au fond, ni ne met fin à la procédure pour l'une des parties; il ne s'agit pas davantage d'une décision partielle (art. 91 LTF). Statuant sur une objection juridique qu'il fallait examiner avant de pouvoir se prononcer sur les conclusions prises, il constitue une décision incidente ou préjudicielle qui, dès lors qu'elle ne concerne pas la compétence ou une demande de récusation (art. 92 LTF), ne peut donner lieu à un recours immédiat au Tribunal fédéral que dans les conditions posées par l'art. 93 al. 1 LTF.  
 
Selon l'art. 93 al. 1 let. b LTF, une décision incidente ou préjudicielle peut être attaquée sans attendre la décision finale devant le Tribunal fédéral si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Il est évident que si le Tribunal fédéral parvenait à une conclusion inverse de celle formulée par la cour cantonale, à savoir que le droit à l'indemnité pour expropriation matérielle est prescrit, la procédure prendrait fin (ATF 97 II 136 consid. 1 p. 137). Les recourants ont longuement expliqué pourquoi la procédure probatoire pourrait être longue et coûteuse; ils ont exposé que le Tribunal administratif de première instance n'avait pas ouvert l'instruction sur le calcul des éventuelles indemnités d'expropriation et sur la détermination du préjudice. Compte tenu des explications données - que l'intimée ne conteste pas réellement -, on peut admettre que les conditions posées par l'art. 93 al. 1 let. b LTF sont réunies et que le recours est ouvert. 
 
1.4. Les autres conditions de recevabilité sont par ailleurs réalisées, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.  
 
2.   
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, les recourants se plaignent d'une constatation manifestement inexacte des faits. Ils reprochent à la cour cantonale d'avoir omis de prendre en considération la charge de bruit affectant les parcelles litigieuses au 1er mai 2000. Ils soutiennent que le dossier contiendrait les pièces utiles et les données pour retenir les faits pertinents au 1er mai 2000, respectivement au 1er juin 2001. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Si la partie recourante entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, elle doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 139 II 404 consid. 10.1 p. 444; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral ne connaît de la violation des droits fondamentaux que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée (ATF 138 V 67 consid. 2.2 p. 69).  
 
2.2. En l'espèce, la Cour de justice a retenu que les parcelles étaient "affectées d'une charge sonore d'environ 66 dB (A) de jour". Les recourants affirment qu'au 1er mai 2000 les parcelles en question étaient affectées d'une charge sonore d'environ 66-67 dB (A) durant la journée, de 61 dB (A) en première heure de nuit et de 55 dB (A) le reste de la nuit. Ils prétendent que ces données ressortent du chapitre 3.3 du cadastre du bruit de l'aéroport de Genève, adopté en mars 2009 par l'Office fédéral de l'aviation civile. S'il est vrai que ce document mentionne que les données de trafic réelles ont été enregistrées durant l'année 2000, il n'y a aucune indication précise se rapportant aux parcelles n° 4'229 et 4'230. Quoi qu'il en soit, cet élément n'a pas d'incidence sur l'issue du litige dans la mesure où l'intimée ne pouvait en avoir connaissance le 1er mai 2000 puisque ce cadastre du bruit a été publié en mars 2009 seulement.  
 
Les recourants se réfèrent ensuite aux courbes isophones établies par le Laboratoire fédéral d'essai des matériaux de recherche (EMPA) en 1996. Aucune pièce n'est toutefois produite pour justifier le prétendu caractère identique de la charge de bruit entre 1996 et 2000. 
 
Partant, les recourants, soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF, ne parviennent pas à démontrer en quoi la Cour de justice, qui a retenu une charge sonore d'environ 66 dB (A) de jour, aurait établi les faits de manière manifestement inexacte. Ils n'étaient leur affirmation d'aucune preuve et n'établissent pas que la qualification opérée par l'instance précédente serait en contradiction manifeste avec la situation effective. En réalité, ils se limitent à opposer leur propre appréciation à celle de la cour cantonale et ne démontrent pas en quoi celle-ci serait insoutenable. 
Par conséquent, le Tribunal fédéral statuera sur la base des seuls faits constatés dans l'arrêt attaqué, sans tenir compte de ceux qui sont allégués par les recourants. 
 
3.   
Sur le fond, le litige ne porte pas sur la durée quinquennale du délai de prescription en vue d'une indemnisation pour expropriation matérielle mais sur le jour à partir duquel ce délai doit être calculé. Les recourants reprochent en effet à la Cour de justice d'avoir retenu que le  dies a quo du délai de prescription devait être fixé au 1er juin 2001. Ils prétendent que ce délai devait partir le 1er mai 2000. Ils font grief à l'instance précédente d'avoir interprété arbitrairement l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_460/2014 du 15 juin 2015 ainsi que l'ATF 126 II 522.  
 
3.1. La question de savoir si une indemnité pour expropriation matérielle est due constitue une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement (ATF 115 Ib 408 consid. 1b p. 409/410; 112 Ib 514 consid. 1b p. 517); c'est en revanche, le droit cantonal, dont l'interprétation et l'application ne sont revues que sous l'angle de l'arbitraire, qui détermine selon quelle procédure et pendant quel délai le propriétaire peut faire valoir une prétention à indemnité pour expropriation matérielle (ATF 97 I 624 consid. 6 p. 626).  
 
Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; il faut encore que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Il ne suffit d'ailleurs pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse être tenue pour également concevable ou apparaisse même préférable (ATF 142 II 369 consid. 4.3 p. 380; 140 III 157 consid. 2.1 p. 168; 139 III 334 consid. 3.2.5 p. 339). 
 
3.2. En matière d'expropriation matérielle, le point de départ de la prescription est la date de l'entrée en vigueur de la restriction définitive au droit de propriété (ATF 130 II 394 consid. 11 p. 413; 124 II 543 consid. 4 p. 549). En d'autres termes, le  dies a quo du délai de prescription correspond à la source de l'inconstructibilité de la parcelle, soit à l'entrée en vigueur du plan ou de la norme qui cause la restriction du droit de bâtir (arrêt 1C_460/2014 du 15 juin 2015 consid. 2.2, in SJ 2016 I 149).  
 
3.3. En l'espèce, la Cour de justice a retenu que le point de départ du délai de prescription était le 1er juin 2001, date de l'entrée en vigueur de la deuxième version de l'annexe 5 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB; RS 814.41), intitulée "valeurs limites d'exposition au bruit des aérodromes civils". Elle a rappelé que l'ordonnance sur la navigation aérienne du 14 novembre 1973 dans sa teneur à l'époque et l'ordonnance concernant les zones de bruit de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, Genève-Cointrin et Zurich prévoyaient que les terrains sis en zone de bruit NNI A et B ne pouvaient pas accueillir de bâtiments d'habitation. Elle a toutefois exposé que les restrictions à la constructibilité liées à ces zones de bruit avaient perdu toute portée s'agissant de parcelles situées près de l'aéroport de Genève, après un arrêt du Tribunal fédéral du 12 juillet 1995 (ATF 121 II 317). Elle a ensuite considéré que, bien qu'en vigueur depuis le 1er janvier 1985, l'art. 22 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE; RS 814.01) qui fixait déjà le principe selon lequel les permis de construire de nouveaux immeubles destinés au séjour prolongé de personnes ne pouvaient être délivrés que si les valeurs limites d'immission (VLI) n'étaient pas dépassées, n'avait pas paralysé l'application des ordonnances précitées, faute d'une détermination de ces valeurs par le Conseil fédéral. Elle a encore jugé que le caractère définitif de l'éventuelle restriction de bâtir que contenait la première version de l'annexe 5 de l'OPB ne pouvait être retenu, dans la mesure où elle était devenue inapplicable en décembre 2000 à la suite de l'ATF 126 II 522. Elle a ajouté que le flou juridique qui avait suivi l'ATF 126 II 522 jusqu'à l'entrée en vigueur de la deuxième version de l'OPB, avec le renvoi fait par le Tribunal fédéral à des valeurs limites contenues dans un rapport partiel d'une Commission fédérale, ne présentait pas non plus ce caractère définitif, condition qui permettait d'envisager une atteinte à la garantie de la propriété susceptible de fonder une indemnité pour expropriation matérielle. Elle a enfin estimé que la pratique qu'auraient adoptée les autorités genevoises chargées de la délivrance des autorisations de construire dans la période avant et après l'entrée en vigueur de la première version de l'annexe 5 de l'OPB n'était pas déterminante, la restriction à la constructibilité des parcelles susceptibles de fonder une expropriation matérielle devant découler d'un plan ou d'une norme et non de la pratique administrative.  
 
Les recourants ne partagent pas cette analyse. Ils soutiennent que la date à retenir pour faire partir le délai de prescription est le 1er mai 2000, soit la date de l'entrée en vigueur de la première version de l'annexe 5 de l'OPB. Ils affirment que cette première version a immédiatement sorti ses effets juridiques, restreignant de manière définitive le droit de propriété de l'intimée, puisque les parcelles étaient exposées, en première heure de la nuit, à une charge de bruit dépassant les valeurs limites d'immission fixées par ce premier texte. Ils se réfèrent à l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_460/2014 du 15 juin 2015 précité, duquel il ressort que le point de départ de la prescription devait être fixé "au plus tard au 1er juin 2001", laissant la possibilité à la fixation d'une date antérieure. 
 
3.4. En l'occurrence, les terrains de l'intimée étaient classés en zone de bruit NNI B par le plan des zones de bruit du 2 septembre 1987. Les terrains situés en zone de bruit NNI B ne pouvaient pas accueillir de bâtiments d'habitation (ancien art. 42 al. 1 précité de l'ordonnance sur l'infrastructure aéronautique du 23 novembre 1994 [RO 1994 p. 3063]), contrairement aux parcelles sises en zone NNI C, sur lesquelles des bâtiments d'habitation insonorisés étaient autorisés. Toutefois, les restrictions à la constructibilité liées à ces zones de bruit ont perdu toute portée s'agissant des parcelles situées près de l'aéroport de Genève, après un arrêt du Tribunal fédéral du 12 juillet 1995, dans lequel il a été retenu que les zones de bruit A et B étaient surdimensionnées et qu'une grande partie des parcelles auraient dû être en réalité affectées à la zone C, voire soustraites à toute restriction fondée sur la législation fédérale sur l'aviation (ATF 121 II 317 consid. 12 p. 343 ss). A cette date, l'inconstructibilité des parcelles litigieuses n'était donc pas définitive.  
 
L'art. 42 précité de l'ordonnance sur l'infrastructure aéronautique a été abrogé le 1er mai 2000 lors de la modification du 12 avril 2000 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit et l'adoption de la première version de l'annexe 5 de l'OPB (RO 2000 1388); cette première version fixait la valeur limite d'immission de jour, pour le degré de sensibilité II, à 67 dB (A) et à 57 dB de nuit; elle prévoyait cependant un facteur de correction K = - 2 de jour pour le bruit provenant de l'aviation commerciale (chiffre 4 de la première version de l'annexe 5 de l'OPB), ce qui fixait la VLI à 67 dB (A) de jour. A cette date, les parcelles litigieuses, affectées d'une charge sonore de 66 dB (A) de jour, étaient donc encore constructibles. 
 
Dans un arrêt du 8 décembre 2000, le Tribunal fédéral a toutefois constaté que cette annexe 5 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB) violait l'art. 74 Cst. et les art. 13 al. 2 et 15 LPE, les valeurs limites d'exposition au bruit des aéroports nationaux retenues ne garantissant pas une protection suffisante par rapport aux objectifs de la LPE; les valeurs limites d'immission des aéroports nationaux que la Commission fédérale pour l'évaluation des valeurs limites d'immission pour le bruit avait prévues dans son 6ème rapport partiel de septembre 1997 demeuraient applicables (ATF 126 II 522 consid. 44 à 46). En conséquence, le Conseil fédéral a adopté, le 30 mai 2001, la version actuelle de l'annexe 5 de l'OPB, entrée en vigueur le 1er juin 2001 et fixant la valeur limite d'immission de jour à 60 dB (A) pour le degré de sensibilité II (RO 2001 1610). 
 
Selon la jurisprudence, le  dies a quo du délai de prescription correspond à la source de l'inconstructibilité de la parcelle, soit à la date de l'entrée en vigueur du plan ou de la norme qui cause la restriction du droit de bâtir (supra consid. 3.2). Par conséquent, c'est dès le 1er juin 2001, lors de l'entrée en vigueur de la deuxième version de l'annexe 5 de l'OPB, que l'inconstructibilité des parcelles, affectées d'une charge sonore de 66 dB (A) de jour, ressort d'une norme. A partir de cette date, l'interdiction de construire des logements sur les parcelles en cause déployait un effet concret et opposable à la propriétaire. L'intimée disposait alors de tous les éléments lui permettant d'agir en justice pour réclamer l'indemnisation du préjudice qu'elle estimait subir. L'arrêt attaqué peut dès lors être confirmé, en ce sens que le point de départ de la prescription doit être fixé, pour les parcelles affectées d'une charge sonore de 66 dB (A) de jour, au 1er juin 2001.  
 
Si les parcelles avaient été exposées dès le 1er mai 2000 à une charge de bruit dépassant les VLI fixées par la première version de l'annexe 5 OPB, elles seraient devenues inconstructibles à cette date et le seraient restées ultérieurement, les valeurs limites d'immission ayant été corrigées à la baisse. Tel n'est cependant pas le cas des parcelles n° 4'229 et 4'230. 
 
3.5. Pour le reste, les recourants ne peuvent rien déduire de l'arrêt 1C_460/2014 précité dans lequel le Tribunal fédéral n'avait pas eu à déterminer si c'était la date du 1er mai 2000 ou celle du 1er juin 2001 qui représentait le point de départ de la prescription, dans la mesure où la prescription était largement acquise dans les deux hypothèses.  
De même, quoi qu'en disent les recourants, il n'y a rien d'arbitraire à considérer que le  dies a quo d'un délai de prescription pour une indemnisation à la suite d'une expropriation matérielle dans le canton de Genève doit résulter d'une norme ou d'un plan, et non de la date à laquelle a été rendu l'ATF 126 II 522. Cela est d'autant plus vrai que dans l'arrêt en question le Tribunal fédéral avait imposé au canton de Zurich (et non à un particulier dans le canton de Genève) de respecter les valeurs d'exposition au bruit mentionnées par une Commission fédérale, dans le cadre d'un recours dirigé contre l'octroi d'une concession relative à la construction d'un nouveau bâtiment pour l'agrandissement de l'aéroport de Zurich.  
 
4.   
Les recourants se plaignent encore d'une violation du principe de l'égalité de traitement. Ils reprochent à la Cour de justice de ne pas avoir opéré de distinction entre ce cas et celui d'un propriétaire d'une parcelle dont la charge sonore au 1er mai 2000 était inférieure aux VLI prévues par la première version de l'annexe 5 de l'OPB. 
Ce grief peut être d'emblée rejeté, puisque les recourants ne sont pas parvenus à démontrer que la charge sonore des parcelles en cause ne respectait pas les VLI prévues par la première version de l'annexe 5 de l'OPB (voir supra consid. 2). 
 
5.   
Enfin, les recourants ne contestent pas que le délai de prescription a été valablement interrompu par la requête de l'intimée du 30 mai 2006 et qu'un nouveau délai de 5 ans a commencé à courir à cette date. L'arrêt attaqué doit ainsi être confirmé en ce qu'il retient que le droit à l'indemnité n'est pas prescrit. 
 
6.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté. 
 
En tant qu'ils succombent et qu'ils défendent un intérêt patrimonial, l'Etat de Genève et l'Aéroport sont tenus de supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Ils verseront en outre une indemnité de dépens à l'intimée, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, fixés à 2'000 francs, sont mis à la charge de l'Etat de Genève et de l'Aéroport, pris solidairement entre eux. 
 
3.   
Les recourants verseront à l'intimée la somme de 2'500 francs à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lausanne, le 8 octobre 2018 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
La Greffière : Tornay Schaller