Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
8C_38/2019  
 
 
Arrêt du 12 août 2020  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Maillard, Président, Heine, Wirthlin, Viscione et Abrecht. 
Greffière : Mme von Zwehl. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
1.       A.________ SA, 
2.       B.________, 
3.       C.________, 
tous les trois représentés par Me Jacques Roulet, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Assurance-accidents (condition du cotisant), 
 
recours contre le jugement de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 29 novembre 2018 (A/2289/2017 - A/2290/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 1er juillet 2017, dans le canton de Genève, sont entrés en vi-gueur la loi cantonale sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC; RS/GE H 1 31), qui a pour objet de réglementer les professions de chauffeur de taxi et de chauffeur de voiture de transport avec chauffeur, ainsi que son règlement d'exécution (RTVTC; RS/GE H 1 31.01). Auparavant, l'exploitation d'un service de transport de personnes au moyen de voitures automobiles était régie par la loi cantonale sur les taxis et limousines du 21 janvier 2005 (aLTaxis/GE) et par son règlement d'exécution du 4 mai 2005 (aRTaxis/GE). L'art. 9 al. 1 de cette ancienne loi prévoyait plusieurs types d'autorisations d'exploiter un service de transport de personnes, dont celles d'exploiter: let. a) un taxi de service privé en qualité d'indépendant; let. b) un taxi de service public en qualité d'indépendant; let. c) une entreprise de taxis de service public; let. d) une centrale d'ordre de courses de taxis; let. e) une limousine en qualité d'indépendant; let. f) une entreprise de limousines.  
 
A.b. La société A.________ SA (ci-après: A.________ ou la centrale) est inscrite au Registre du commerce depuis 1959 et a pour but l'exploitation d'une centrale de taxis pour la place de Genève et l'acquisition d'appareils et de matériel s'y rapportant. Elle est au bénéfice d'une autorisation de centrale d'ordre de courses de taxi.  
 
A.c. Le 29 juin 2016, le Service du commerce du Département de la sécurité et de l'économie de la République et canton de Genève (ci-après: le service du commerce) a autorisé C.________ à exploiter en qualité d'indépendant un taxi de service public immatriculé GE-xxx. Une autorisation similaire pour l'exploitation d'un taxi de service public immatriculé GE-yyy a été délivrée le 19 octobre 2016 à B.________.  
Les prénommés ont tous deux conclu un contrat d'abonnement (CA) avec A.________. Selon ce contrat, les prestations fournies par la centrale consistent à assurer l'exploitation d'une centrale d'appels téléphoniques qui reçoit de la clientèle des commandes de courses et les distribue aux taxis des abonnés ou à ceux qu'ils ont confiés à leurs collaborateurs (art. 4 ch. 1 CA); pour assurer son service, la centrale met à disposition de l'abonné ou de ses collaborateurs un ensemble de matériel informatique et de radio transmission - qui reste propriété de la centrale (art. 10 ch. 2 CA) - ainsi qu'un appareil de cartes de crédit obligatoire par plaque (art. 4 ch. 2, 2e phrase, CA); pour bénéficier de ces prestations, l'abonné doit payer à la centrale une taxe mensuelle d'abonnement de 702 fr. 60 (art. 8 ch. 1, 1re phrase, CA). 
C.________ et B.________ ont commencé leur activité de chauffeur de taxi abonné à la centrale respectivement le 1er août 2016 et dans le courant du mois de novembre 2016. Ils ont déposé chacun une demande d'affiliation en tant qu'indépendants auprès de la Caisse cantonale genevoise de compensation, qui les a transmises à la Caisse nationale suisse en cas d'accidents (CNA) comme objet de sa compétence. 
 
A.d. Par décision du 28 septembre 2016, la CNA a constaté que C.________ exerçait une activité dépendante en tant que chauffeur de taxi. Les motifs de la décision, notifiée à son destinataire avec copie à A.________, étaient les suivants: "- un chauffeur de taxi rattaché à une centrale de taxi, avec ou sans son propre véhicule, est en principe réputé exercer une activité dépendante; - le contrat d'abonnement présente principalement des caractéristiques de dépendance dans l'organisation du travail avec la centrale; - vous ne disposez d'aucun matériel d'équipement significatif et n'assumez pas de risque d'entrepreneur." Le 23 novembre 2016, la CNA a rendu une décision similaire à l'égard de B.________.  
 
A.e. A.________, C.________ - qui a entre-temps résilié le contrat d'abonnement conclu avec la centrale au 31 octobre 2016 - et B.________ ont formé opposition. Dans deux nouvelles décisions du 10 avril 2017, la CNA a écarté ces oppositions; en ce qui concerne C.________, elle a pris acte de la résiliation du contrat d'abonnement et a confirmé le statut de dépendant de l'intéressé pour la période allant du 1er août au 31 octobre 2016.  
 
B.   
C.________ et A.________ ont recouru contre la décision sur opposition de la CNA du 10 avril 2017 devant la Chambre des assurances sociales de la Cour de Justice de la République et canton de Genève (cause A/2289/2017). B.________ et A.________ ont fait de même (cause A/2290/2017). 
Après avoir entendu les parties en comparution personnelle et auditionné plusieurs témoins, la cour cantonale a statué par un seul jugement du 29 novembre 2018 sur les deux recours, qu'elle a admis. Elle a annulé les deux décisions sur opposition du 10 avril 2017, renvoyant les causes à la CNA pour nouvelles décisions dans le sens des considérants. 
 
C.   
La CNA interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, en concluant à son annulation "en tant qu'il reconnaît à C.________ et B.________ le statut d'indépendant pour les activités réalisées à l'égard de A.________ SA" et à la confirmation de ses décisions sur opposition des 10 avril 2017. 
A.________, C.________ et B.________, représentés par le même avocat, concluent au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique ne s'est pas déterminé. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Bien que le dispositif du jugement entrepris renvoie la cause à la CNA, il ne s'agit pas d'une décision incidente au sens de l'art. 93 LTF, car l'autorité précédente a statué définitivement sur les points contestés et que la CNA ne dispose plus d'aucune marge de manoeuvre (cf. ATF 144 V 280 consid. 1.2 p. 283; 140 V 321 consid. 3.2 p. 325 et la référence. Dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF), le recours est dès lors recevable. 
 
2.   
Le litige porte sur la qualification par la CNA, en vertu de son domaine de compétences (art. 66 al. 1 let. g LAA), de l'activité de chauffeur de taxi exercée par C.________ et B.________ en tant qu'abonnés à A.________. 
La question litigieuse n'ayant pas comme telle pour objet l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribunal fédéral est lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF a contrario; art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis en violation du droit ou de façon manifestement inexacte, à savoir arbitraire au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 et art. 105 al. 2 LTF; ATF 140 III 115 consid. 2 p. 117; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356). 
 
3.  
 
3.1. Selon l'art. 1a al. 1 let. a LAA, sont assurés à titre obligatoire conformément à la présente loi les travailleurs occupés en Suisse. Est réputé travailleur quiconque exerce une activité lucrative dépendante au sens de la législation fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (art. 1 OLAA; RS 832.202). Le jugement entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels en matière de détermination du caractère dépendant ou indépendant de l'activité déployée par un assuré (art. 5 al. 2 et 9 al. 1 LAVS; ATF 140 V 241 consid. 4.2 p. 245 s.; ATF 123 V 161 consid. 1 p. 162; voir aussi les arrêts 9C_213/2016 du 17 octobre 2016 consid. 3 et les références et 9C_796/2014 du 27 avril 2015 consid. 3.2) et il peut y être renvoyé.  
 
3.2. On rappellera que d'une manière générale, est réputé salarié celui qui dépend d'un employeur quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise, et ne supporte pas le risque en-couru par l'entrepreneur (ATF 123 V 161 consid. 1 p. 162; arrêt 9C_796/2014 du 27 avril 2015 consid. 3.2). Les principaux éléments qui permettent de déterminer le lien de dépendance quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise sont le droit de l'employeur de donner des instructions, le rapport de subordination du travailleur à l'égard de celui-ci et son obligation d'exécuter personnellement la tâche qui lui est confiée (RCC 1989 p. 111 consid. 5a; 1986 p. 651 consid. 4c; 1982 p. 178 consid. 2b). Un autre élément est le fait qu'il s'agit d'une collaboration régulière, autrement dit que l'employé est régulièrement tenu de fournir ses prestations au même employeur (ATF 110 V 72 consid. 4b p. 78 s.). En outre, la possibilité pour le travailleur d'organiser son horaire de travail ne signifie pas nécessairement qu'il s'agit d'une activité indépendante (ATF 122 V 169 consid. 6a/cc p. 176).  
 
4.   
Il y a lieu de commencer par exposer, autant que de besoin, le cadre contractuel qui régissait, au moment déterminant (soit à la date des décisions sur opposition de la CNA), les rapports entre, d'une part, C.________ et B.________, et, d'autre part, A.________. Ce cadre inclut le "Contrat d'Abonnement" (CA), le "Règlement" de la centrale, la "Charte de qualité et d'accueil" et le "Barème des suspensions". 
 
4.1. Le CA contient douze articles sur cinq pages. Sans les énumérer exhaustivement, on mettra en exergue les dispositions suivantes:  
L'article premier, chiffre deux, selon lequel l'abonné est seul responsable de s'assurer qu'il remplit l'ensemble des conditions posées par la législation cantonale en vigueur et s'engage à faire signer un exemplaire du "Barème des suspensions" par ses collaborateurs. 
L'article septième, qui définit les obligations de l'abonné, à savoir en substance: utiliser l'équipement embarqué mis à disposition conformément aux dispositions du "Règlement" de la centrale (ch. 1); faire procéder à tous les aménagements techniques de son taxi pour garantir le bon fonctionnement de la centrale (ch. 2); allumer son équipement embarqué dès le début de son service et le laisser en fonction jusqu'au terme du service journalier (ch. 3); restituer sans délai l'équipement embarqué lorsque la centrale le demande (ch. 4); communiquer à la centrale toutes les informations utiles concernant les collaborateurs de l'abonné (ch. 5); apposer sur tout taxi en service, à l'extérieur et de manière visible, les signes distinctifs obligatoires dont la forme et l'emplacement sont décidés par le conseil d'administration de A.________ et répondre des dommages dus à l'apposition de ces signes ainsi qu'à la pose de publicité si celle-ci concurrence les activités de la centrale sous peine de sanctions administratives en rapport avec le dommage causé (ch. 6); utiliser exclusivement des quittances fournies par A.________ en y portant à chaque fois la date, l'heure, le prix de la course, le numéro d'immatriculation du taxi, le nom du chauffeur, sa signature et son numéro de TVA s'il est assujetti (ch. 7); respecter les dispositions du "Règlement" de la centrale et de la "Charte de qualité et d'accueil", en particulier celles qui fixent les modalités de distribution des commandes de courses, et s'engager à se soumettre au "Barème des suspensions" et aux décisions disciplinaires prises (ch. 8); accepter toutes les cartes de crédit en circulation y compris les cartes magnétiques émises par A.________ (ch. 9); respecter l'interdiction d'être affilié à une autre centrale ou à tout autre système de diffusion des courses qui ne serait pas autorisé par A.________ et s'engager à ne pas travailler, même à titre accessoire, sur un taxi n'étant pas enregistré auprès de la centrale (ch. 10); remplir de manière claire et véridique les différents formulaires nécessaires au bon fonctionnement de la centrale (ch. 11). 
L'article onzième, qui traite de la durée d'affiliation et de la résiliation. Selon le chiffre 1 de cette disposition, le CA a une durée d'une année; si la date de son terme ne correspond pas à un 31 décembre, il est tacitement reconduit jusqu'au 31 décembre de l'année en cours; ensuite, il est reconductible tacitement de trois mois en trois mois sauf résiliation par l'une des parties avec un préavis de trente jours pour la fin d'un trimestre. Le chiffre 3 prévoit que lorsqu'un abonné et/ou ses collaborateurs contreviennent aux dispositions du CA et du "Règlement" de la centrale ou lorsque leurs agissements sont contraires aux exigences du bon fonctionnement de la centrale, celle-ci est en droit de suspendre la distribution des commandes de courses à son taxi; les autres sanctions disciplinaires sont réservées; en cas de violation particulièrement grave, la centrale est en droit de résilier le CA avec effet immédiat, sans avertissement préalable, par courrier recommandé. A teneur du chiffre 7, avant l'entrée en vigueur définitive du CA, une période d'essai est imposée; pendant ce temps d'essai fixé à une année, la centrale peut résilier le CA moyennant un délai d'un mois; les motifs pour une résiliation de contrat sont: les plaintes répétées et écrites par la clientèle; l'inobservation répétée de la "Charte de qualité et d'accueil". 
 
4.2. Le "Règlement" de la centrale comporte neuf articles (article 1: dispositions générales; article 2: utilisation des stations de taxis; article 3: utilisation des installations informatiques; article 4: ordre de course non exécuté; article 5: fausses courses; article 6: maraudage; article 7: objets trouvés et perdus; article 8: utilisation de la radiotéléphonie; article 9: sanctions). Il y sera fait référence dans la mesure où cela s'avère nécessaire en lien avec l'argumentation spécifique de la recourante.  
 
4.3. Quant à la "Charte de qualité et d'accueil", elle se compose d'une liste de seize engagements à prendre par les chauffeurs abonnés (par exemple: adopter un comportement prévenant à l'égard des personnes âgées et handicapées et des enfants voyageant seuls; travailler avec un véhicule confortable et aéré, propre à l'intérieur et à l'extérieur, même par mauvais temps; effectuer toute commande ou réservation, même s'il s'agit d'une course à courte distance; appliquer les tarifs officiels et emprunter le trajet moins onéreux; conduire calmement et sans à-coups et d'une façon défensive etc.).  
 
4.4. Enfin, le "Barème des suspensions" s'applique en cas de mauvais service à la clientèle, d'inobservation de la "Charte de qualité et d'accueil" et du "Règlement" de la centrale ou encore de manipulation volontairement incorrecte du terminal FMS. Il prévoit un régime de sanctions (suspension d'un jour à une semaine selon la gravité des manquements, avec une durée doublée à chaque récidive) et l'exclusion en cas de répétition systématique des plaintes. Par exemple: un jour de suspension pour chaque conducteur qui: "N'observe pas un article de la 'Charte de qualité et d'accueil'; Ne trouve pas une adresse figurant sur le plan officiel; Refuse une commande jugée pas assez lucrative; Accepte une commande et la passe verbalement à un collègue; Annonce une fausse course sans attendre au moins cinq minutes sur place; etc.".  
 
5.   
La cour cantonale a relevé en préambule qu'au regard de la législation cantonale genevoise dans sa version en vigueur à l'époque de la décision litigieuse, C.________ et B.________ avaient un statut d'indépendant dans l'exercice de leur activité de chauffeur de taxi par le biais de la centrale A.________. En effet, les prénommés étaient au bénéfice d'une autorisation d'exploiter un taxi de service public en qualité d'indépendants au sens de l'art. 11 aLTaxis/GE; quant à A.________, elle était uniquement une centrale d'ordres de courses au sens de l'art. 13 de la loi. Or l'aLTaxis/GE contenait une disposition particulière prévoyant un statut de chauffeur de taxi employé ne conduisant pas son propre véhicule (art. 40). Seul le titulaire d'une autorisation d'exploiter un taxi de service public ou une entreprise de taxis de service public était autorisé à employer des travailleurs salariés pour la conduite des véhicules dont il était détenteur (art. 40 al. 1 a contrario); ainsi, A.________ n'était pas autorisée par la loi cantonale à engager des chauffeurs de taxis. 
Cela étant, après avoir examiné les circonstances économiques concrètes du cas d'espèce conformément à la jurisprudence fédérale, la cour cantonale est parvenue à la conclusion que les éléments en faveur d'une activité indépendante de C.________ et B.________ l'emportaient sur ceux en faveur d'un rapport de subordination vis-à-vis de A.________. Pour elle, en effet, les éléments examinés permettaient de retenir que les prénommés traitaient sur un pied d'égalité avec la centrale comme le feraient deux entreprises qui entretiennent des liens commerciaux. 
En ce qui concerne le risque économique d'entrepreneur, la cour cantonale a relevé qu'en présence d'activités n'exigeant pas, de par leur nature, des investissements importants, la jurisprudence accordait un poids moindre à ce critère dans l'appréciation d'ensemble. Tel était le cas d'une activité de chauffeur de taxi, de sorte qu'il fallait relativiser l'incidence du critère sur la qualification de l'activité déployée par C.________ et B.________. Elle n'en a pas moins constaté qu'en tant que chauffeurs de taxi professionnels abonnés à A.________, ceux-ci devaient engager et supporter des frais non négligeables pour une personne seule (achat et entretien d'un véhicule; RC et assurances privées; essence; coûts liés à l'accès à la centrale [voir les art. 8, 10 ch. 3 et 5 CA]; taxe de 40'000 fr. pour le permis de service public; émoluments; TVA). De plus, ils supportaient tous les risques liés à l'encaissement et au ducroire. 
Sur le plan économique, la cour cantonale a mis en avant le fait que les chauffeurs abonnés ne percevaient de la part de A.________ aucune rémunération convenue et qu'en cas de maladie, d'accident, de vacances ou d'obligations militaires, ils n'étaient pas payés, à l'inverse de ce qui était usuel dans le cadre d'un contrat de travail. De plus, le CA ne contenait aucune garantie quant au nombre minimal de courses transmises mensuellement. Les abonnés ne pouvaient donc pas mettre en demeure A.________. Même si en raison du paiement de la taxe d'abonnement mensuelle, la collaboration entre les chauffeurs de taxi et la centrale tendait à être régulière, elle n'était cependant pas exclusive. Si près 50 % des revenus des abonnés provenaient des courses transmises par le biais de A.________, les recettes ainsi obtenues ne constituaient qu'une source de rémunération parmi d'autres dès lors que les mêmes chauffeurs étaient libres de véhiculer leur propre clientèle et de prendre en charge des clients lorsqu'ils circulaient à vide ou à une station de taxi. Cette part d'activité n'était d'ailleurs pas visée par la clause de non-concurrence incluse dans le CA (cf. art. 7 ch. 10 CA). Un autre indice important de l'indépendance économique des chauffeurs abonnés était que ceux-ci conservaient l'intégralité des recettes des courses, sur lesquelles A.________ n'avait aucun contrôle, et tenaient leur propre comptabilité. 
Sur le plan de la liberté organisationnelle, la cour cantonale a constaté que les documents contractuels n'exigeaient pas des chauffeurs qu'ils se tiennent à disposition de la centrale et fournissent une prestation de travail. C.________ et B.________ déterminaient de manière indépendante l'étendue de leur activité et n'avaient aucun devoir de présence. Certes, A.________ avait émis un certain nombre d'instructions à l'égard de ses abonnés. Toujours selon la cour cantonale, ces prescriptions n'avaient cependant pas d'autre but que de permettre à A.________ de se conformer à ses obligations légales et s'inscrivaient dans une volonté de garantir un service public de qualité. La législation cantonale de l'époque imposait en effet à toute centrale, comme condition à la délivrance d'une autorisation, de démontrer qu'elle disposait de l'infrastructure suffisante et de moyens techniques adéquats pour gérer le trafic des taxis qui lui étaient affiliés ainsi que pour recevoir et leur transmettre des ordres de courses (art. 13 al. 1 let. f et g aLTaxis/GE); la centrale devait également garantir un service 24 heures sur 24 tous les jours de l'année et s'assurer qu'un nombre suffisant de véhicules était à disposition du public durant la nuit, les samedi et les jours fériés (art 13 al. 1 let. h aLTaxis/GE et 8 al. 4 aRTaxis/GE). Ainsi, l'obligation faite aux chauffeurs abonnés de garder l'équipement embarqué pendant toute la durée de leur service (art. 7 ch. 3 CA) était un moyen pour A.________ de vérifier qu'assez de véhicules étaient en circulation durant toutes les plages horaires. Quant aux règles du CA relatives aux signes distinctifs apposés sur les taxis (art. 7 ch. 6 CA) et aux quittances (art. 7 ch. 7 CA), elles mettaient en oeuvre les obligations d'information aux passagers prévues par la loi (art. 34 al. 3 et 4 aLTaxis/GE). De même, la plupart des comportements susceptibles d'entraîner une sanction par A.________ selon le "Barème des suspensions" consistaient en des manquements aux obligations légales et réglementaires auxquelles étaient soumis l'ensemble des chauffeurs de taxi qu'ils fussent affiliés ou non à A.________. Au demeurant, selon les explications données par A.________, le régime des sanctions avait rarement été appliqué. Enfin, même si les abonnés ne pouvaient certes pas, en tout temps, mettre fin à leurs relations avec A.________ (art. 11 CA) à l'instar de ce qui était usuel dans le cadre d'un contrat de mandat, ce seul élément n'était pas suffisant pour établir l'existence d'une dépendance organisationnelle des chauffeurs de taxi abonnés vis-à-vis de A.________. 
 
6.   
A lire le recours, sous couvert du grief d'établissement arbitraire des faits, la recourante conteste en réalité l'appréciation juridique que la cour cantonale a effectuée des éléments à disposition pour conclure que les caractéristiques d'une activité dépendante étaient prépondérants. En particulier, la cour cantonale se serait fourvoyée en retenant que C.________ et B.________ supportaient un risque économique d'entrepreneur "non négligeable" et en niant l'existence d'une dépendance économique et organisationnelle des prénommés à l'égard de A.________. 
De l'examen de la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la qualification du statut des chauffeurs de taxi rattachés à une centrale d'appels (pour un résumé de cette jurisprudence, cf. arrêt 8C_554/2018 du 5 mai 2020 consid. 7.1), il ressort que la nature et l'étendue du lien de dépendance quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise des chauffeurs concernés à l'égard de la centrale en cause sont déterminantes pour décider de cette qualification, de sorte qu'il convient de traiter cette question d'abord. 
 
6.1.  
 
6.1.1. Pour la recourante, la constatation d'une collaboration régulière entre les chauffeurs de taxi abonnés et A.________ et le fait qu'au moins 50 % des revenus des chauffeurs proviennent des courses transmises par le biais de la centrale auraient dû conduire la cour cantonale à reconnaître l'existence d'une dépendance économique des premiers à l'égard de la seconde.  
 
6.1.2. Le critère est d'application délicate car une dépendance économique peut exister dans d'autres types de contrats que le contrat de travail (voir arrêt 4A_592/2016 du 16 mars 2017 consid. 2.1). Il est indéniable que l'activité des chauffeurs de taxi est facilitée par le fait que les commandes des clients leur sont transmises par une centrale d'appels. Mais, en matière d'assurances sociales, la qualification du statut d'un chauffeur de taxi compte tenu de son rattachement à une centrale déterminée ne s'épuise pas dans ce constat, comme l'a encore récemment rappelé la Cour de céans (arrêt 8C_554/2018 précité, consid. 7.2.4). En l'occurrence, la recourante passe sous silence que les prestations fournies par A.________ à ses abonnés sont un service payant. En échange de l'accès à la centrale d'appels et de la mise à disposition des appareils techniques pour recevoir les commandes des clients, les chauffeurs de taxi payent un abonnement mensuel fixe (702 fr. 60 par véhicule selon l'art. 8 ch. 3 CA). Par ailleurs, le modèle économique de A.________ - laquelle n'a pas fait usage de la possibilité que lui offrait l'art. 9 al. 2 let. c aLTaxis/GE de cumuler l'autorisation d'exploiter une centrale d'ordres de courses de taxis et celle d'exploiter un taxi de service public ou de service privé ou une entreprise de taxi de service public - est exclusivement fondé sur ces abonnements payants. L'activité commerciale de A.________, telle qu'elle résulte également de son but social inscrit au Registre du Commerce, se veut donc distincte de celle d'exploitant de services de transport de personnes. Il est significatif à cet égard, comme l'a constaté à juste titre la cour cantonale, que, d'un côté, les chauffeurs de taxi abonnés perçoivent directement et conservent les recettes des courses obtenues par le biais de A.________, et que, de l'autre, le chiffre d'affaires de celle-ci n'est pas lié au nombre de courses transmises et exécutées mais uniquement à la quantité d'abonnements souscrits auprès d'elle. On peut ajouter que A.________ n'est pas informée du montant des recettes de ses abonnés (voir la page 3 du procès-verbal de comparution personnelle du 4 décembre 2017). Sous cet angle, il apparaît bien plutôt que les relations entre A.________ et ses abonnés s'insèrent dans un rapport économique qui profite aux deux parties.  
 
6.2.  
 
6.2.1. La recourante plaide également l'existence d'une dépendance du point de vue de l'organisation du travail, en énumérant les nombreuses obligations et instructions spécifiques à l'intention des chauffeurs de taxi contenues dans les documents contractuels (art. 7 ch. 1 à 11 CA; art. 3 ch. 2 du "Règlement" qui dit que le chauffeur exécute chaque commande de course immédiatement, personnellement et avec ponctualité et qu'en cas d'empêchement, il doit avertir le standard sans délai en précisant la raison; il lui est interdit de transmettre une commande verbalement à un autre chauffeur de taxi; [...] etc.). Elle considère que c'est à tort que la cour cantonale - au motif que ces obligations découlent essentiellement de la législation cantonale et n'ont pas d'autre but que de permettre à la centrale de se conformer aux exigences légales - n'y a pas vu un indice pertinent du fait que A.________ a le pouvoir de donner des instructions à ses abonnés comme le ferait un employeur. Pour la recourante, c'est précisément parce que la centrale est tenue de garantir un service 24h sur 24 qu'elle a édicté les prescriptions correspondantes. Elle soutient qu'il est indifférent que les devoirs et obligations auxquels sont soumis les abonnés résultent de règles imposées par la législation cantonale ou par A.________, tout en soulignant que certains engagements vont clairement au-delà des prescriptions publiques en matière d'autorisation d'exploiter un taxi de service public. En particulier, la clause de non-concurrence prévue à l'art. 7 ch. 10 CA ne vise assurément pas la mise en oeuvre des intérêts publics poursuivis par l'aLTaxis/GE, mais permet à A.________ de lier les abonnés à elle et d'éviter la concurrence avec d'autres centrales d'appels. Enfin, par l'instauration d'un barème de sanctions, A.________ démontre qu'elle dispose également d'un pouvoir disciplinaire à l'encontre de ses abonnés. En résumé, A.________ interviendrait à l'égal d'un employeur dans la manière de travailler des chauffeurs de taxi, vu son pouvoir d'instruction et de sanction à leur égard.  
 
6.2.2. Même si, en vertu de l'art. 8 al. 4 aRTaxis/GE, la centrale doit notamment prouver être en mesure d'imposer à ses affiliés, selon des critères objectifs tels que l'ancienneté, l'obligation de travailler durant certaines périodes horaires, on ne voit pas, en parcourant les documents contractuels, que A.________ aurait pris des dispositions dans ce sens, ceci probablement en raison du nombre élevé de ses abonnés (composé de chauffeurs individuels comme d'entreprises de taxis). A l'instar de la cour cantonale, force est ainsi de constater que C.________ et B.________ ne sont soumis à aucune instruction quant au lieu et au temps de travail, pouvant choisir, sans avoir à en justifier, de travailler ou non, et fixer seuls leurs périodes de congés. Ils sont libres d'engager un employé pour effectuer leur activité et doivent seulement en informer la centrale (art. 7 ch. 5 CA). Ils peuvent poser de la publicité pour un tiers sur leur voiture (art. 7 ch. 6 CA). A y regarder de plus près, comme l'a remarqué avec pertinence la cour cantonale, bien des prescriptions de A.________ - dont la recourante déduit un lien de subordination des abonnés vis-à-vis de la centrale - reprennent les obligations légales que l'aLTaxis/GE et l'aRTaxis/GE imposent aux chauffeurs de taxi de service public pour des motifs d'intérêt public et de police indépendamment de la qualification juridique qui peut être donnée à leurs relations contractuelles. Contrairement à ce que prétend la CNA, il n'est pas indifférent que l'exercice de l'activité de chauffeur de taxi soit soumis à un régime d'autorisation et au contrôle de l'Etat. Dans un arrêt certes ancien concernant des chauffeurs de taxi rattachés à une centrale d'appels (RCC 1971 p. 27), mais à ce jour pas remis en cause, la cour fédérale a jugé que l'existence de prescriptions de droit public dans des domaines d'activité réglementés par une collectivité publique pour des motifs d'intérêt public et de police n'a pas de portée décisive pour déterminer si une personne exerçant une activité commerciale est indépendante ou a un statut de salarié. En l'occurrence, la prescription donnée aux abonnés par l'art. 3 ch. 2 du "Règlement" de A.________ d'exécuter chaque commande de course "immédiatement, personnellement et avec ponctualité" ne constitue pas la démonstration que la centrale exerce un pouvoir d'employeur sur les chauffeurs de taxi. En effet, c'est là une obligation liée à leur permis de service public (voir l'art. 39 aLTaxis/GE). L'instruction menée par la cour cantonale a du reste permis d'établir que les abonnés peuvent laisser défiler les propositions de courses transmises par A.________ sans y répondre et qu'ils n'ont pas de compte à rendre sur les courses qu'ils décident de leur propre chef d'accepter et d'exécuter. La même conclusion s'impose en ce qui concerne la prescription de règles de comportement à respecter par les chauffeurs de taxis qui découlent déjà de la réglementation légale (voir art. 34 aLTaxis/GE; art. 45 et ss aRTaxis/GE). On peut encore observer que le CA et le "Règlement" de A.________ - laquelle a expliqué avoir rédigé ces documents "dans l'esprit d'un bon fonctionnement de la profession dans le sens voulu par la législation" - ont reçu l'agrément du département de la sécurité et de l'économie chargé de l'application des dispositions de la loi et d'exercer la surveillance des activités autorisées (voir l'art. 8 al. 5 en liaison avec l'art. 1 al. 1 aRTaxis/GE).  
A la lumière de tout ce qui vient d'être dit, et sans qu'il se justifie d'entrer dans les détails de toutes les dispositions contractuelles citées par la recourante - dont certaines sont secondaires [par exemple l'obligation d'accepter toutes les cartes de crédit y compris les cartes magnétiques émises par A.________] ou n'ont, à l'évidence, pas de portée sur la qualification du statut des chauffeurs de taxi [voir celles relatives aux modalités d'utilisation de l'équipement embarqué] -, on peut retenir que A.________ n'intervient pas dans l'organisation du travail des abonnés en leur donnant des ordres ou en exigeant des comptes, ce qui parle en défaveur d'une situation de subordination. 
Quant au fait que A.________ a instauré un barème de suspension de l'accès à ses prestations en cas de mauvais service à la clientèle, d'inobservation de la "Charte de qualité et d'accueil" et du "Règlement" ou encore de manipulation volontairement incorrecte du terminal FMS, on ne saurait y voir, dans le cas particulier, la manifestation d'un pouvoir disciplinaire d'employeur au sens où l'entend la recourante. En effet, selon les faits constatés par la cour cantonale de manière à lier le Tribunal fédéral, A.________ n'a jamais procédé à un contrôle systématique ou même régulier de l'activité de ses abonnés, qui n'ont été que rarement sanctionnés sur la base du barème émis. Dans ces conditions, ce barème doit bien plutôt être considéré comme un instrument contractuel permettant à A.________ de s'assurer que les chauffeurs de taxi à qui elle fournit ses services s'abstiennent d'adopter des comportements qui pourraient nuire à son fonctionnement ou à sa réputation de centrale d'appels. 
 
6.3. En définitive, quand bien même les abonnés ont l'interdiction d'être affiliés à une autre centrale ou à tout autre système de diffusion des courses non autorisé par A.________ (art. 7 ch. 10 CA) - ce qui est, il est vrai, évocateur de l'obligation de fidélité du travailleur -, dans l'ensemble, les éléments montrant que ceux-ci sont indépendants économiquement et du point de vue de l'organisation de leur travail vis-à-vis de la centrale sont prédominants.  
 
6.4. Pour le surplus, il peut être renvoyé au considérant pertinent du jugement attaqué (consid. 20) en ce qui concerne la pondération du critère du risque économique d'entrepreneur dans l'appréciation d'ensemble s'agissant d'une activité de chauffeur de taxi.  
 
6.5. Il s'ensuit que les griefs de la recourante sont mal fondés. La cour cantonale a reconnu à bon droit que C.________ et B.________ doivent être qualifiés d'indépendants. Le recours doit être rejeté.  
 
7.   
Vu l'issue du litige, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Elle versera en outre aux intimés une indemnité de dépens (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais de justice, d'un montant de 2000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera aux intimés une indemnité de 2800 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 12 août 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
La Greffière : von Zwehl