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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_378/2022  
 
 
Arrêt du 12 septembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Müller et Merz. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève, 
 
Chancellerie fédérale, Palais fédéral ouest, 3003 Berne. 
 
Objet 
Votation fédérale du 25 septembre 2022 (objets n° 2 et n° 3), 
 
recours contre l'arrêté du Conseil d'Etat de la République et canton de Genève du 15 juin 2022 (2763-2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Dans sa séance du 18 mai 2022, le Conseil fédéral a décidé de soumettre les quatre objets suivants à la votation populaire du 25 septembre 2022: 
 
1. Initiative populaire du 17 septembre 2019 «Non à l'élevage intensif en Suisse (initiative sur l'élevage intensif) » (FF 2022 700);  
2. Arrêté fédéral du 17 décembre 2021 sur le financement additionnel de l'AVS par le biais d'un relèvement de la TVA (FF 2021 2991);  
3. Modification du 17 décembre 2021 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS; AVS 21) (FF 2021 2995);  
4. Modification du 17 décembre 2021 de la loi fédérale sur l'impôt anticipé (LIA; Renforcement du marché des capitaux de tiers) (FF 2021 3002).  
L'objet n° 2 concerne une modification de l'art. 130 al. 3teret 3quater Cst. prévoyant un relèvement des taux de TVA si le principe de l'harmonisation de l'âge de référence des femmes et des hommes dans l'AVS est inscrit dans la loi, le produit de ce relèvement étant attribué au Fonds de compensation AVS. L'objet n° 3 concerne une modification de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS, RS 831.10) fixant notamment à 65 ans l'âge de référence (art. 21). Cette modification ne doit entrer en vigueur qu'avec l'arrêté fédéral du 17 décembre 2021 sur le financement additionnel de l'AVS par le biais d'un relèvement de la TVA (ch. V). 
 
B.  
Le 27 mai 2022, A.________, citoyen genevois, a recouru auprès du Conseil d'Etat du canton de Genève en considérant que le scrutin fédéral sur les objets n° s 2 et 3 violait notamment la liberté de vote et les principes d'unité de la matière et de rang: les deux objets portaient sur des dispositions de rang constitutionnel et législatif; le corps électoral était contraint d'accepter ou de refuser les deux objets; il ne pouvait laisser au Conseil fédéral la compétence de définir la date d'entrée en vigueur de l'objet n° 2 et ne pouvait accepter la révision de la LAVS (art. 102, couverture des prestations) qui ne disposait pas encore de base constitutionnelle. 
Par arrêté du 15 juin 2022, le Conseil d'Etat a déclaré le recours irrecevable, sans frais. La question de savoir si l'acte attaqué pouvait faire l'objet d'un recours a été laissée indécise car la contestation dépassait le cadre cantonal ou régional, de sorte que le gouvernement cantonal devait rendre une décision d'irrecevabilité. 
 
C.  
Par acte du 27 juin 2022, A.________ forme un recours en matière de droit public par lequel il demande au Tribunal fédéral d'annuler le scrutin du 25 septembre 2022 concernant les objets nos 2 et 3. A titre de mesures provisionnelles, le recourant demande au Tribunal fédéral de bloquer les opérations de préparation du scrutin (impression du matériel de vote et de la brochure explicative). Il demande en outre l'assistance judiciaire. Le 27 juillet 2022, le recourant a indiqué que, faute de décision du Tribunal fédéral sur sa demande de mesures provisionnelles, il retirait celle-ci. 
Le Conseil d'Etat se réfère à son arrêté. Invitée à se déterminer, la Chancellerie fédérale conclut à l'irrecevabilité du recours, considérant que ni la décision de l'Assemblée fédérale de lier les deux objets soumis à votation, ni celle du Conseil fédéral fixant la date du scrutin ne peuvent faire l'objet d'un recours. 
Le recourant a déposé de nouvelles déterminations le 30 août 2022. Il déclare en particulier retirer son "grief préjudiciel" concernant le droit de la Chancellerie fédérale de se déterminer sur le recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui sont déposés devant lui (art. 29 al.1 LTF). 
 
1.1. Conformément à l'art. 82 let. c LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours qui concernent les votations populaires, en particulier en matière fédérale contre les décisions des gouvernements cantonaux (art. 88 al. 1 let. b LTF). Le recourant dispose du droit de vote sur le plan fédéral et a ainsi qualité pour recourir (art. 89 al. 3 LTF). Il a déposé son recours contre une décision du gouvernement genevois dans le délai prévu (art. 100 al. 3 let. b LTF).  
 
1.2. Le recourant affirme qu'il agit contre le scrutin lui-même, en considérant que, dans les quatre cas de figure possibles concernant les deux objets (rejet des deux, admission des deux, rejet de l'un et acceptation de l'autre), il y aurait violation du principe de l'unité de la matière et de l'unité de rang, découlant de l'art. 34 al. 2 Cst., violation du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) et des droits fondamentaux (art. 35 al. 2 Cst.). Le recourant estime qu'il ne pourrait attendre l'issue du scrutin pour faire valoir ses arguments, et que l'irrégularité qu'il invoque était connue le jour de la publication de la date du vote. Il précise qu'il ne recourt ni contre un acte de l'Assemblée fédérale, ni contre la décision du Conseil fédéral fixant la date de la votation, mais uniquement contre la votation elle-même qui, selon lui, ne respecterait pas le principe de la liberté de vote. L'art. 189 al. 4 Cst. ne pourrait lui être opposé dans un tel contexte.  
 
1.3. En matière fédérale, le recours concernant les votations populaires n'est recevable que contre les décisions de la Chancellerie fédérale et des gouvernements cantonaux (art. 88 al. 1 let. b LTF et art. 80 de la loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques [LDP; RS 161.1]). En vertu de l'art. 189 al. 4 Cst., les actes de l'Assemblée fédérale et du Conseil fédéral ne peuvent pas être portés devant le Tribunal fédéral, sauf si une loi fédérale le prévoit. Le législateur fédéral n'a pas prévu de moyen de droit contre les actes de l'Assemblée fédérale et du Conseil fédéral en lien avec les votations et les élections fédérales (ATF 147 I 194 consid. 4.1; 145 I 207 consid. 1.5; 138 I 61 consid. 7).  
 
1.4. Bien qu'il ait agi à la suite de la décision fixant la date de la votation, le recourant indique qu'il ne s'en prend pas à cette décision, ni aux actes normatifs soumis au vote. Il estime que le scrutin consacrerait une violation des principes de l'unité de genre et d'unité de la matière en présentant deux objets apparemment séparés, de rang (législatif et constitutionnel) différents et intrinsèquement liés entre eux puisqu'ils ne peuvent entrer en vigueur l'un sans l'autre.  
En dépit de ces explications, les irrégularités dont se plaint le recourant découlent directement et uniquement du contenu matériel des deux actes soumis au référendum, soit d'une part de l'art. 130 al. 1ter in fine Cst. (s'agissant du relèvement des taux de TVA) et d'autre part, du ch. V al. 3 de la modification de la LAVS du 17 décembre 2021. Ce faisant, et bien qu'il s'en défende, le recourant s'en prend bel et bien à des actes de l'Assemblée fédérale, qui ne peuvent être attaqués devant le Tribunal fédéral. C'est en effet l'Assemblée fédérale qui a décidé de lier la modification de la LAVS et celle de la Constitution qui sont parallèlement soumises au vote. Dans un tel cas, le recours au Tribunal fédéral n'est pas ouvert puisqu'il se heurte à la disposition de l'art. 189 al. 4 Cst. (cf. ATF 145 I 207 consid. 1.5; arrêt 1C_323/2019 du 24 juin 2019 consid. 3). 
Dans ses dernières observations, le recourant critique cette disposition, selon lui contraire à l'art. 2 par. 3 let. a du Pacte ONU II (en rapport avec l'art. 25 let. b du même Pacte), et également problématique au regard de la CEDH. Il demande une précision, voire un changement de la jurisprudence rendue à ce sujet. Un tel changement n'a pas lieu d'être. L'art. 189 al. 4 Cst. est clair et s'applique, selon la jurisprudence constante, également en matière de droits politiques, faute d'exception prévue par la loi dans ce domaine (ATF 147 I 194 consid. 4.1; 138 I 61 consid. 7.1; arrêt 1C_308/2021 du 24 août 2021 consid. 4.2 et les références citées). Quoiqu'en pense le recourant, une modification législative et une modification constitutionnelle décidées par l'Assemblée fédérale tombent clairement sous le coup de cette disposition, et l'immunité reconnue à ces actes s'applique indépendamment du grief qui est élevé à leur encontre, en l'occurrence l'absence alléguée de fondement constitutionnel. Au demeurant, les instruments internationaux invoqués par le recourant ne s'appliquent pas en matière de droits politiques (arrêts 1C_684/2021 du 15 mars 2022 consid. 4.2; 1C_315/2018 du 10 avril 2019 consid. 3). 
 
2.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours est irrecevable (cf. arrêts 1C_225/2022 du 14 juillet 2022 consid. 3; 1C_684/2021 du 15 mars 2022 consid. 4; 1C_331/2021 du 24 août 2021 consid. 2.2). Le recourant a demandé l'assistance judiciaire et, compte tenu des indications qu'il a fournies, celle-ci peut lui être accordée sous la forme d'une dispense des frais judiciaires, quand bien même la recevabilité du recours apparaissait d'emblée douteuse. Vu ce qui précède, il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (cf. art. 68 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est admise en ce sens qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à la Chancellerie fédérale et au Conseil d'Etat de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 12 septembre 2022 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Kurz