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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
8C_10/2019  
 
 
Arrêt du 13 février 2020  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Maillard, Président, 
Heine et Viscione. 
Greffier : M. Beauverd. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Johnny Dousse, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Caisse cantonale de chômage, 
Division juridique, 
rue Caroline 9bis, 1014 Lausanne, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-chômage (suspension du droit à l'indemnité), 
 
recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 19 novembre 2018 (ACH 135/18 - 202/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, née en 1969, a travaillé en qualité de responsable "finances et administration" au service de la société B.________ SA (ci-après: la société) à partir du 1 er septembre 2015. Par lettre du 29 février 2016, l'employeur a résilié les rapports de travail avec effet immédiat au motif que l'intéressée avait gravement manqué à ses obligations contractuelles en relation avec une escroquerie commise par des tiers au préjudice de la société. En outre il indiquait lui allouer, à bien plaire, un montant de 30'000 fr. non remboursable, au titre de soutien à sa famille et afin qu'elle puisse assumer ses obligations dans l'attente de retrouver une nouvelle activité auprès d'un autre employeur.  
L'intéressée a requis des prestations de l'assurance-chômage à partir du 1 er mars 2016 en indiquant rechercher une activité à plein temps et en exposant avoir reçu de l'employeur une somme de 30'000 fr. lors de la résiliation des rapports de travail, au titre de prestation financière supplémentaire au salaire. Selon l'attestation de l'employeur, la durée du délai de congé était de six mois et le dernier salaire mensuel perçu de 11'000 fr. Invitée par la Caisse cantonale de chômage du canton de Vaud (ci-après: la caisse de chômage) à fournir des informations complémentaires, l'assurée a notamment indiqué qu'elle avait finalement renoncé à ouvrir une action en dommages-intérêts pour non-respect du délai de congé et que le montant de 30'000 fr. versé par l'employeur consistait en une indemnité de départ.  
Par décision du 12 mai 2016, confirmée sur opposition le 26 août suivant, la caisse de chômage a reporté le début du droit à l'indemnité de chômage du 1 er mars 2016 au 1 er juin suivant, motif pris que l'indemnité de 30'000 fr., qui correspondait à trois mois de salaire, avait pour effet de différer d'autant le début du droit dans la mesure où le délai de congé de six mois n'avait pas été respecté.  
Saisie d'un recours, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud a annulé la décision sur opposition. Elle a retenu, en résumé, que le délai-cadre relatif à la période d'indemnisation avait commencé à courir le 1 er mars 2016, motif pris que la somme de 30'000 fr. allouée par l'employeur ne constituait pas une indemnité pour cause de résiliation anticipée des rapports de travail, mais une prestation volontaire qui, en l'occurrence, n'ouvrait pas un délai de carence (jugement du 21 août 2018).  
Par arrêt du 29 novembre 2018 (cause 8C_595/2018), le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par la caisse de chômage contre cette décision. 
 
A.b. Par décision du 10 juin 2016, confirmée sur opposition le 26 août suivant, la caisse de chômage a suspendu le droit de l'assurée à l'indemnité journalière pour une durée de quinze jours à compter du 1 er juin 2016, motif pris qu'en s'abstenant de faire valoir ses droits découlant d'un licenciement avec effet immédiat injustifié, l'intéressée avait renoncé de manière fautive au paiement d'une indemnité correspondant à six mois de salaire.  
 
B.   
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition, la cour cantonale l'a rejeté par jugement du 19 novembre 2018. 
 
C.   
A.________ forme un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle requiert l'annulation, en concluant à ce que la caisse de chômage soit condamnée à lui payer un montant de 6679 fr. 50 correspondant aux quinze indemnités journalières retenues. 
L'intimée s'en remet à justice, tandis que la cour cantonale et le Secrétariat d'Etat à l'économie ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.   
Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 136 II 304 consid. 2.4 p. 313 s.) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. A défaut d'une telle motivation, il n'est pas possible de prendre en considération un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (ATF 136 I 184 consid. 1.2 p. 187). 
 
3.   
Le litige porte sur la suspension du droit de la recourante à l'indemnité de chômage d'une durée de 15 jours pour avoir renoncé à faire valoir des prétentions de salaires contre son ancien employeur. 
 
4.  
 
4.1. Selon l'art. 30 al. 1 LACI (RS 837.0), le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu notamment lorsqu'il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute (let. a) ou qu'il a renoncé à faire valoir des prétentions de salaire ou d'indemnisation envers son dernier employeur, cela au détriment de l'assurance (let. b).  
Le comportement du salarié qui consiste à accepter un congé donné par un employeur en violation du délai contractuel ou légal, à consentir à la résiliation anticipée des rapports de travail ou à refuser la continuation du contrat jusqu'à son terme est susceptible de tomber sous le coup de l'art. 30 al. 1 let. a LACI (ATF 112 V 323 consid. 2b p. 325). En effet, dans le cas où, par exemple, le congé a été donné sans respecter le délai légal ou contractuel, l'employé n'est pas fondé à élever des prétentions de salaire ou en dommages-intérêts pour la période allant jusqu'au terme régulier du contrat lorsqu'il l'accepte sans opposition. Or, en l'absence de droit à un salaire, il ne peut ainsi pas y avoir renonciation à faire valoir des prétentions au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LACI (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 76/00 du 10 mai 2001 consid. 2a; cf. BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 45 ad art. 30 LACI; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3 e éd., n. 842 p. 2517).  
 
4.2. Aux termes de l'art. 337 CO, l'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs; la partie qui résilie immédiatement le contrat doit motiver sa décision par écrit si l'autre partie le demande (al. 1); sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (al. 2). En règle générale, seul un manquement particulièrement grave peut justifier une telle mesure (ATF 142 III 579 consid. 4.2). Si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 130 III 213 consid. 3.1 p. 220).  
 
5.   
La cour cantonale a constaté que le contrat de travail avait été résilié avec effet immédiat par l'employeur le 29 février 2016 et que l'assurée n'avait pas introduit d'action en réparation du dommage résultant du fait que le délai de résiliation de six mois n'avait pas été respecté. Quant au montant de 30'000 fr. payé par l'employeur, il consistait en un versement exceptionnel, alloué à bien plaire afin de soutenir la famille de l'intéressée, et il n'avait pas eu pour effet de modifier la nature de la résiliation des rapports de travail, soit un licenciement avec effet immédiat pour justes motifs. Les premiers juges ont en effet écarté l'éventualité que l'assurée ait pu passer avec l'employeur une convention en vertu de laquelle elle aurait accepté l'indemnité en cause à la place d'une somme équivalant à six mois de salaire. 
Par ailleurs, la cour cantonale a considéré que l'escroquerie qui était à l'origine du licenciement était particulièrement astucieuse, de sorte que l'on ne pouvait reprocher une faute grave à l'assurée en dépit de la fonction élevée qu'elle exerçait en sa qualité de responsable des finances et de l'administration et qui impliquait un devoir de vigilance et de précaution particulière. Les qualités professionnelles de l'intéressée étaient d'ailleurs reconnues par l'employeur qui avait rédigé un certificat de travail intermédiaire élogieux le 4 décembre 2015. Selon la juridiction précédente, il paraissait au demeurant peu probable que l'employeur eût alloué la somme de 30'000 fr. à l'occasion du licenciement s'il estimait que l'intéressée avait commis une faute grave. Les premiers juges infèrent de l'ensemble de ces éléments que la confiance mutuelle entre les parties n'était pas irrémédiablement rompue au point d'empêcher la continuation des rapports de travail jusqu'à l'expiration du délai de congé de six mois. 
Enfin, en ce qui concerne la renonciation de l'assurée à faire valoir ses droits, la cour cantonale a rejeté l'argument de l'intéressée selon lequel elle craignait le dépôt d'une plainte pénale par son ancien employeur. Cela étant, elle a considéré que l'assurée ne pouvait pas renoncer à contester le licenciement et à faire valoir ses prétentions de salaire. Quant à la durée de la suspension (quinze jours), elle correspondait à la sanction d'une faute légère (art. 45 al. 3 let. a OACI [RS 837.02]) et n'était pas critiquable. 
 
6.  
 
6.1. La recourante invoque la violation du droit fédéral, ainsi que la constatation incomplète des faits pertinents sur deux points précis. Premièrement, la cour cantonale aurait omis le fait que le licenciement avec effet immédiat était motivé par le versement par l'intéressée d'un montant de 286'770 Euros à la suite de l'escroquerie commise par des tiers au préjudice de la société. Deuxièmement, elle n'aurait pas non plus retenu le fait que l'un des éléments ayant conduit l'assurée à s'abstenir d'agir en réparation du préjudice découlant du licenciement avec effet immédiat injustifié était le risque qu'elle se retrouve nettement perdante selon le tour que prendrait le procès sur les conclusions reconventionnelles de l'employeur. La recourante allègue que, même si elle pouvait penser que le congé avec effet immédiat n'était pas justifié, elle n'a pas voulu introduire une procédure dans laquelle elle aurait eu plus à perdre qu'à gagner puisque le montant correspondant à six mois de salaire (67'500 fr.) était largement inférieur au préjudice subi par la société du fait de l'escroquerie. Aussi, l'intéressée est-elle d'avis que même si le licenciement avec effet immédiat n'était pas justifié, on ne saurait lui reprocher d'avoir renoncé, après une évaluation soigneuse des risques, à introduire une procédure judiciaire aléatoire, à l'issue de laquelle elle s'exposait à devoir réparer le préjudice subi par la société. C'est pourquoi elle soutient que la cour cantonale ne pouvait lui imputer à faute sa renonciation à agir contre son ancien employeur et la suspension de son droit à l'indemnité journalière était ainsi infondée.  
 
6.2. En l'occurrence, il est constant qu'aucune faute grave ne pouvait être imputée à la recourante en relation avec le préjudice subi par la société à la suite de l'escroquerie. En outre, il n'apparaît pas que la confiance mutuelle entre les parties était irrémédiablement rompue au point d'empêcher la continuation des rapports de travail jusqu'à l'expiration du délai de congé contractuel de six mois. Au demeurant, la recourante ne conteste en rien le point de vue de la cour cantonale, selon lequel le licenciement avec effet immédiat prononcé par l'employeur était injustifié. Cela étant, en voulant, comme elle le dit, éviter le risque d'un procès éventuel portant sur des conclusions reconventionnelles de l'employeur, l'intéressée a fait en réalité supporter à l'assurance-chômage le dommage découlant de sa renonciation à faire valoir des prétentions contractuelles. Or, laisser à l'appréciation de la personne assurée le choix d'agir ou non contre l'employeur apparaît manifestement contraire à l'obligation générale de diminuer le dommage qui incombe à la personne qui requiert des prestations. C'est d'ailleurs précisément pour limiter des abus éventuels que le législateur a instauré un système de suspension du droit à l'indemnité de chômage en cas de manquement à cette obligation (cf. BORIS RUBIN, op. cit., n. 1 ad art. 30 LACI). On ne saurait dès lors partager le point de vue de la recourante, selon lequel la cour cantonale ne pouvait lui imputer à faute sa renonciation à agir contre son ancien employeur.  
 
7.   
Vu ce qui précède, le jugement attaqué n'est pas critiquable et le recours se révèle mal fondé. 
 
8.   
La recourante supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud et au Secrétariat d'Etat à l'économie. 
 
 
Lucerne, le 13 février 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
Le Greffier : Beauverd