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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_672/2022  
 
 
Arrêt du 13 septembre 2022  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Hartmann. 
Greffière : Mme Vuadens. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Simone Nadelhofer et Me Tatiana Jullier, Avocates, 
recourant, 
 
contre  
 
Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, 
Eigerstrasse 65, 3003 Berne, 
intimée. 
 
Objet 
Assistance administrative (CDI CH-IN), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif 
fédéral, Cour I, du 27 juillet 2022 (A-0499/2021). 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.  
Par décision finale du 9 mars 2021, l'Administration fédérale des contributions a accordé l'assistance administrative que l'autorité fiscale indienne avait requise le 17 janvier 2020 au sujet de A.________, résident fiscal indien. 
Par arrêt du 27 juillet 2022, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours que A.________ avait formé contre cette décision. Il a estimé que les conditions d'octroi de l'assistance administrative à l'Inde étaient remplies et que l'on ne pouvait pas déduire des pièces produites par le recourant que l'autorité indienne utiliserait les renseignements obtenus en violation du principe de la spécialité ou de l'ordre public. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du 27 juillet 2022 et la décision finale du 9 mars 2021, de déclarer qu'il ne peut être entré en matière sur la demande de renseignements du 17 janvier 2020, respectivement de la rejeter, puis d'ordonner à l'Administration fédérale de détruire le dossier; subsidiairement, d'annuler l'arrêt du 27 juillet 2022 et la décision finale du 9 mars 2021; en tout état, de caviarder certains éléments. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
2.  
Selon l'art. 83 let. h LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière d'entraide administrative internationale, à l'exception de l'assistance administrative en matière fiscale. Il découle de l'art. 84a LTF que, dans ce dernier domaine, le recours n'est recevable que lorsqu'une question juridique de principe se pose ou lorsqu'il s'agit, pour d'autres motifs, d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF
 
2.1. D'après la jurisprudence, la présence d'une question juridique de principe suppose que la décision en cause soit importante pour la pratique. Cette condition est en particulier réalisée lorsque les instances inférieures doivent traiter de nombreuses causes analogues ou lorsqu'il est nécessaire de trancher une question juridique qui se pose pour la première fois et qui donne lieu à une incertitude caractérisée, laquelle appelle de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral (ATF 139 II 404 consid.1. 3; arrêts 2C_289/2015 du 5 avril 2016 consid. 1.2.1 non publié in ATF 142 II 218; 2C_481/2021 du 19 mai 2022 consid. 1.1.1).  
 
2.2. Selon l'art. 84 al. 2 LTF, un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves. Selon la formulation expresse de l'art. 84 al. 2 LTF ( "notamment "), la loi contient une liste non exhaustive de cas particulièrement importants (ATF 145 IV 99 consid. 1.1 p. 104 et les références; 139 II 340 consid. 4 p. 342). La reconnaissance d'un cas particulièrement important doit être admise avec retenue. Le Tribunal fédéral jouit à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 145 IV 99 consid. 1.2 et les références; 139 II 340 consid. 4).  
 
2.3. Il appartient au recourant de démontrer de manière suffisante en quoi les conditions de recevabilité de l'art. 84a LTF sont remplies (art. 42 al. 2 LTF; ATF 145 IV 99 consid. 1.5; 139 II 340 consid. 4; 404 consid. 1.3), à moins que tel ne soit manifestement le cas (cf. ATF 146 II 150 consid. 1.2.1; 139 II 340 consid. 4 et 5; 404 consid. 1.3).  
 
3.  
Le recourant fait valoir que la présente cause soulève trois questions juridiques de principe. 
 
3.1. La première consiste à déterminer le degré de preuve exigé pour démontrer une violation du principe de spécialité conformément à l'art. 26 par. 2 CDI CH-IN par l'autorité requérante. Cette question n'aurait jamais été traitée par le Tribunal fédéral et devrait être examinée de manière spécifique lorsqu'une demande d'assistance administrative émane d'Inde, car ce pays n'a pas ratifié la Convention européenne des droits de l'homme et utiliserait notoirement les renseignements reçus dans des procédures pénales qui ne respecteraient pas les droits fondamentaux. Cette question serait fondamentale en l'espèce, car l'application du principe de spécialité exclurait que l'Inde puisse utiliser les informations reçues dans le cadre du Black Money Act, une loi indienne qui prévoit une procédure pénale à des fins contraires à l'assistance administrative.  
La question soulevée trouve déjà des réponses dans la jurisprudence. Il découle ainsi des arrêts du Tribunal fédéral que la bonne foi d'un Etat est présumée dans les relations internationales (sur les fondements de la présomption de bonne foi, cf. ATF 146 II 150 consid. 5.3.1 et 7.1 et les références). Cette présomption implique que l'Etat requis doit partir de l'idée que les engagements résultant du Traité conclu vont être respectés. Cette présomption ne peut être renversée que sur la base d'éléments concrets (ATF 146 II 150 consid. 7.1; 144 II 206 consid. 4.4; 143 II 202 consid. 8.7.1; 142 II 161 consid. 2.1.3 et consid. 2.4). Il a également été souligné, en lien avec l'art. 26 al. 2 CDI CH-IN, que l'utilisation des données reçues par l'assistance uniquement pour la poursuite de délits fiscaux et exclusivement contre la personne concernée par la demande n'était pas contraire au principe de la spécialité, alors qu'elle l'était en cas de poursuite pénale en-dehors du domaine fiscal (arrêt 2C_750/2020 du 25 mars 2021 consid. 8.2). 
 
L'étendue du principe de la spécialité en lien avec le risque d'utilisation des informations reçues dans le cadre d'une procédure purement pénale en lien avec l'Inde a donc déjà été fixée. Quant à savoir si les éléments présentés par la personne visée s ont propres à renverser la présomption de bonne foi de l'Etat requérant quant au respect du principe de la spécialité, ou à tout le moins susciter des doutes sérieux à cet égard, relève de l'appréciation des preuves et des circonstances d'espèce. Cette analyse n'est pas propre à soulever une question juridique de principe (cf. arrêt 2C_588/2018 du 13 juillet 2018 consid. 4.2). Il n'y a par ailleurs pas lieu de traiter de manière différenciée les demandes d'assistance administrative lorsqu'elles émanent de l'Inde, sur la base d'une accusation formulée de manière générale de non-respect des droits fondamentaux dans le cadre de procédures pénales. 
 
3.2. Le recourant fait ensuite valoir qu'il serait nécessaire de préciser l'arrêt 2C_750/2020 du 25 mars 2021 du Tribunal fédéral en tant qu'il a utilisé la notion de " probabilité suffisante " en lien avec le degré de preuve requis pour admettre l'existence d'une violation de la réserve de l'ordre public figurant à l'art. 26 par. 3 let. c CDI CH-IN. Le Tribunal fédéral devrait préciser ce que recouvre matériellement et concrètement cette notion de probabilité suffisante, dès lors que les juges précédents n'ont pas constaté que l'autorité requérante utiliserait les renseignements transmis pour appliquer à titre rétroactif la loi pénale indienne " Black Money Act ", alors qu'il en aurait pourtant apporté la preuve.  
 
La jurisprudence citée par le recourant souligne tout d'abord que la réserve d'ordre public qui figure notamment à l'art. 26 par. 3 let. c CDI CH-IN et qui est utilisée dans le domaine de l'assistance administrative doit être interprétée de manière extrêmement restrictive (arrêt précité consid. 6 et plus spécifiquement 6.8). Puis, elle indique que l'interdiction de la rétroactivité sur le plan pénal peut toucher l'art. 7 par. 1 CEDH et est contraire à l'art. 2 al. 1 CP (arrêt 2C_750/2020 du 25 mars 2021 consid. 7), de sorte qu'une violation de cette interdiction par le droit matériel interne de l'Etat requérant est susceptible de s'avérer contraire à la réserve d'ordre public figurant à l'art. 26 par. 3 let. c CDI CH-IN (arrêt 2C_750/2020 consid. 7.1). Cependant, seule est visée la rétroactivité de nature pénale; ne sont pas concernées les procédures administratives en particulier en matière de taxation ou de rappel d'impôt (consid. 7.3). Il appartient au recourant qui entend se prévaloir d'une atteinte à l'ordre public telle que prévue à l'art. 26 par. 3 let. c CDI CH-IN pour s'opposer à la remise de ses données de démontrer de manière suffisante (" mit genügender Wahscheinlichkeit "; consid. 9.3.4) qu'il risque une sanction pénale prononcée en violation de l'interdiction de la rétroactivité. Ce faisant, le Tribunal fédéral n'a fait qu'appliquer sa jurisprudence générale, selon laquelle l'allégation d'un comportement contraire à la bonne foi de la part de l'Etat requérant doit reposer sur des indices suffisamment concrets (cf. supra consid. 3.1). On ne voit pas que, sous cet angle, il y ait une nouvelle question juridique de principe à trancher. Quant à savoir si le recourant a ou non apporté des éléments apportant de manière suffisante la preuve qu'il est menacé d'une application rétroactive du droit pénal, elle relève de l'appréciation des preuves et non de la question juridique de principe. 
 
3.3. Dans sa troisième question, qui se recoupe partiellement avec la deuxième, le recourant s'interroge sur le point de savoir s'il ne faudrait pas admettre un allègement, voire un renversement du fardeau de la preuve lorsqu'une personne a démontré que l'autorité requérante a déjà violé le principe de la spécialité ou la réserve de l'ordre public dans un autre cas d'espèce.  
 
Ce raisonnement repose sur la prémisse selon laquelle le recourant aurait démontré l'existence d'une violation du principe de la spécialité ou une application rétroactive de dispositions pénales fiscales indiennes constitutive d'une violation de l'ordre public, ce qui n'a précisément pas été retenu. Au demeurant, contrairement à ce que laisse entendre le recourant, la jurisprudence n'exclut pas que, parmi les indices suffisants de violation du principe de la spécialité ou de l'ordre public, l'existence de situations similaires dans lesquelles ces principes auraient déjà été violés par l'Etat requérant puissent suffire à renverser la présomption de bonne foi. A nouveau, il s'agit d'interpréter les circonstances d'espèce, ce qui ne relève pas de l'art. 84a LTF
 
4.  
A titre subsidiaire, le recourant soutient que la présente cause relève du cas particulièrement important, parce qu'elle soulève des questions fondamentales relatives à la réserve de l'ordre public et au principe de spécialité, qui concerneraient un grand nombre d'affaires similaires en Inde. 
 
Il est concevable que, si l'on se trouve en présence d'une situation dans laquelle il existe des indices concrets de violation de la spécialité au sens de l'art. 26 par. 2 CDI CH-IN ou d'atteinte à l'ordre public garanti par l'art. 26 par. 3 let. c CDI CH-IN au sens restrictif souligné par la jurisprudence, le Tribunal fédéral entre en matière en raison d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF (cf. supra consid. 2.2), indépendamment de l'existence d'une question juridique de principe. Pour ce faire, il faut cependant que le recourant fournisse à l'appui de son recours devant le Tribunal fédéral, des indices suffisants du risque d'une violation du principe de la spécialité ou d'une atteinte à l'ordre public. 
 
En l'occurrence, le recourant reproduit l'art. 72c du Black Money Act qui prévoit, selon la traduction libre qu'il en propose, que lorsqu'un actif a été acquis ou réalisé avant l'entrée en vigueur de la présente loi et qu'aucune déclaration relative à ce bien n'est faite en vertu du présent chapitre, ce bien est réputé avoir été acquis ou fabriqué dans l'année au cours de laquelle l'agent évaluateur a émis un avis en vertu de l'article 10 et les dispositions de la présente loi s'appliquent en conséquence (recours § 60). La lecture de ce texte ne permet pas de déterminer la nature et la portée de cette disposition au sens du droit interne indien, ni a fortiori de comprendre en quoi celle-ci irait clairement à l'encontre de l'interdiction de la rétroactivité dans le domaine pénal, étant rappelé que seul cet aspect est susceptible de tomber sous le coup de la réserve d'ordre public (cf. supra consid. 3.2). En outre, l'affirmation du recourant selon laquelle il a déjà fait l'objet en Inde d'une procédure pénale en matière fiscale impliquant l'application rétroactive de dispositions du Black Money Act, sur la base de renseignements obtenus de Singapour par la voie de l'assistance administrative n'est pas suffisante. En effet, on ignore tout de l'objet de cette procédure, de sa nature juridique et du contenu des informations fournies. 
Ces éléments ne suffisent donc pas à reconnaître l'existence d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF
 
5.  
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être déclaré irrecevable selon la procédure applicable en vertu des art. 107 al. 3 et 109 al. 1 LTF, étant précisé que, comme l'arrêt attaqué émane du Tribunal administratif fédéral, la voie du recours constitutionnel subsidiaire est exclue (art. 113 a contrario LTF). 
 
6.  
Succombant, le recourant doit supporter les frais de justice devant le Tribunal fédéral (art. 66 al. 1 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant, à l'Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lausanne, le 13 septembre 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : S. Vuadens