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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_426/2021  
 
 
Arrêt du 15 février 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hohl, Présidente, Kiss et Rüedi. 
Greffière: Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Andreas Fabjan, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me Laurent Baeriswyl, 
intimée. 
 
Objet 
contrat d'assurance de protection juridique; compétence à raison du lieu, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 29 juin 2021 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/17465/2019; ACJC/853/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ est domicilié à xxx, dans le canton de Vaud.  
B.________ SA (ci-après: B.________) a pour but l'exploitation d'une assurance de protection juridique. Son siège est à..., dans le canton de Zurich. B.________ est une société du Groupe X.________. 
A.________ (ci-après: l'assuré) et B.________ sont liés par un contrat d'assurance de protection juridique combinée " yyy ". L'assuré a également souscrit au supplément de protection juridique pour immeuble, avec une somme garantie s'élevant à 100'000 fr. Le contrat d'assurance a été conclu le 15 décembre 2016 auprès de C.________ (ci-après: l'Agence), à Genève. Il a été signé par l'assuré et B.________ et renvoie aux conditions générales de l'assurance de protection juridique. 
 
A.b. Le 10 mai 2018, l'assuré a informé B.________ de l'existence d'un litige survenu avec le bureau d'architecte D.________ SA et l'entreprise de gypserie-peinture E.________ SA, mandatés dans le cadre d'un projet de rénovation de sa villa. Il a sollicité une couverture d'assurance de protection juridique, laquelle a été refusée par B.________.  
 
B.  
 
B.a. Après une tentative infructueuse de conciliation, l'assuré a saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève d'une demande visant à ce que B.________ soit condamnée à lui accorder une couverture d'assurance de protection juridique en lien avec le litige l'opposant au bureau d'architecte D.________ SA et E.________ SA et à prendre en charge dans ce contexte l'ensemble des prestations prévues dans ses conditions générales, soit en particulier les honoraires de son conseil ainsi que les divers frais, incluant les frais de justice, les dépens et les frais d'expertise éventuelle.  
Dans sa réponse, B.________ a conclu, préalablement, à ce que le tribunal déclare la demande irrecevable faute de compétence à raison du lieu. 
Statuant le 11 novembre 2020, le tribunal a accueilli l'exception d'incompétence et a déclaré la demande irrecevable. 
 
B.b. Par arrêt du 29 juin 2021, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel formé par l'assuré et a confirmé le jugement attaqué. Elle a relevé que l'Agence ne constituait pas un établissement de B.________ au sens de l'art. 12 CPC. Par ailleurs, le contrat signé entre les parties renvoyait aux conditions générales de l'assurance de protection juridique, lesquelles prévoyaient au point D1 que les plaintes du preneur d'assurance contre B.________ devaient être déposées au domicile suisse de celui-ci, in casu à xxx dans le canton de Vaud, ou au siège de B.________ à.... Ces conditions générales étaient conformes au texte de l'art. 32 CPC, applicable en l'espèce.  
 
C.  
L'assuré (ci-après: le recourant) a exercé un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il a conclu, en substance, à la réforme de l'arrêt entrepris en ce sens que sa demande formée au Tribunal de première instance soit déclarée recevable. Il a présenté une requête d'effet suspensif. 
Dans sa réponse, B.________ (ci-après: l'intimée) a conclu au rejet du recours et de la demande d'effet suspensif. 
La cour cantonale s'est référée à son arrêt et s'en est remise à justice concernant ladite demande. 
Le recourant a déposé une réplique spontanée, suscitant une duplique de l'intimée. 
L'effet suspensif a été accordé au recours par ordonnance du 21 octobre 2021. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF) et au délai de recours (art. 45 al. 1, 46 al. 1 let. b et 100 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2). Il n'est en revanche pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi les conditions précitées seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). 
En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait envisageable, voire préférable (ATF 136 III 552 consid. 4.2). 
En l'espèce, le recourant méconnaît ces principes lorsqu'il procède à un rappel des faits en s'écartant parfois de ceux figurant dans l'arrêt cantonal, sans invoquer, ni a fortiori motiver le grief d'arbitraire. Il n'en sera donc pas tenu compte.  
 
3.  
Le recourant dénonce une violation de l'art. 12 CPC, dans la mesure où la cour cantonale a nié l'application du for de l'établissement ou de la succursale prévu par cette disposition. Il soutient que l'Agence constitue un établissement de B.________ à Genève. Il fait également valoir, en se fondant sur l'art. 32 CPC, que le for de l'art. 12 CPC est partiellement impératif et que la limitation du for au domicile du preneur d'assurance, en l'occurrence à xxx dans le canton de Vaud, ou au siège de B.________, telle que prévue par les conditions générales, n'est pas valable. 
Il n'y a pas besoin d'examiner si B.________ dispose d'un établissement au sens de l'art. 12 CPC à Genève, dès lors que le for de cette disposition n'est pas applicable en l'espèce, pour les motifs qui suivent. 
 
3.1.  
 
3.1.1. En vertu de l'art. 17 al. 1 CPC, sauf disposition contraire de la loi, les parties peuvent convenir d'un for pour le règlement d'un différend présent ou à venir résultant d'un rapport de droit déterminé; sauf disposition conventionnelle contraire, l'action ne peut être intentée que devant le for élu.  
 
3.1.2. En cas de litige concernant un contrat conclu avec un consommateur, comme en l'espèce, l'art. 32 al. 1 CPC prévoit que le for est celui du domicile ou du siège de l'une des parties lorsque l'action est intentée par le consommateur (let. a), ou celui du domicile du défendeur lorsque l'action est intentée par le fournisseur (let. b).  
Le législateur fédéral a rangé cette disposition dans la catégorie des fors partiellement impératifs, instituée par l'art. 35 CPC. Ces derniers découlent du concept de procès civil à caractère social et visent à assurer la protection de la partie dite faible au contrat, tel que le consommateur (art. 35 al. 1 let. a CPC). L'art. 35 al. 1 CPC interdit ainsi à ces parties de renoncer à l'avance ou par acceptation tacite aux fors spéciaux prévus aux art. 32 à 34 CPC (cf. ATF 137 III 311 consid. 4.1.1 et les références citées). 
 
3.1.3. Selon l'art. 12 CPC, le tribunal du domicile ou du siège du défendeur ou du lieu où il a son établissement ou sa succursale est compétent pour statuer sur les actions découlant des activités commerciales ou professionnelles d'un établissement ou d'une succursale.  
De telles actions peuvent être introduites, en matière de droit des contrats, aux fors spéciaux prévus par les art. 31 à 34 CPC et au for de l'établissement ou d'une succursale de l'art. 12 CPC (for alternatif; cf. ATF 129 III 31 consid. 3.2 concernant une action fondée sur le droit du travail). 
La loi ne prévoit pas que le for institué par l'art. 12 CPC serait partiellement impératif, ou impératif (cf. art. 9 CPC). Il doit ainsi être considéré comme un for dispositif (cf. DOMINIK INFANGER, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3e éd. 2017, n° 2 ad art. 12 CPC; FELLER/BLOCH, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3e éd. 2016, no 2 ad art. 12 CPC; IVO SCHWANDER, in ZPO Schweizerische Zivilprozessordnung, 2e éd. 2016, n° 2 ad art. 12 CPC; BERNHARD BERGER, in Berner Kommentar, 2012, no 4 ad art. 12 CPC; FRANZ SCHENKER, in Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO], Baker & McKenzie [éd.], 2010, n° 3 ad art. 12 CPC; voir également FABIENNE HOHL, Procédure civile, t. II, 2e éd. 2010, n° 164 p. 48). L'art. 12 CPC n'est donc pas réservé par l'art. 17 al. 1 in initio CPC, de sorte que les parties peuvent convenir librement d'un autre for (cf. art. 17 et 18 CPC).  
 
3.2. En l'espèce, la cour cantonale retient que les conditions générales auxquelles renvoie le contrat signé par les parties contiennent expressément une clause sur le for de l'action du consommateur. La cour cantonale relève que cette clause prévoit que les plaintes du preneur d'assurance contre B.________ doivent être déposées à son domicile suisse ou au siège de B.________ à..., ce qui est conforme au texte de l'art. 32 al. 1 let. a CPC.  
Tel est bien le cas. On doit toutefois également considérer que cette clause limite les fors de l'action du consommateur à ceux prévus par l'art. 32 al. 1 let. a CPC uniquement. Elle ne prévoit pas le for de la succursale ou de l'établissement, de sorte que le for dispositif de l'art. 12 CPC est exclu, et l'action ne peut y être intentée (cf. art. 17 al. 1, 2ème phrase, CPC). 
Contrairement à ce que soutient le recourant, le fait que le for au domicile ou au siège du défendeur est partiellement impératif lorsque l'action est intentée par le consommateur (art. 32 al. 1 let. a CPC en lien avec l'art. 35 al. 1 let. a CPC) n'a pas pour effet de rendre également partiellement impératif le for du lieu de la succursale ou de l'établissement (art. 12 CPC). Les deux références doctrinales auxquelles il renvoie n'appuient pas cette thèse. PATRICIA DIETSCHY-MARTENET relève d'ailleurs expressément que le for de l'art. 12 CPC est dispositif (in Code de procédure civile, Petit commentaire, Chabloz et al. [éd.], 2021, n° 2 ad art. 12 CPC). Le recourant n'élève pas d'autres critiques à l'encontre de cette clause d'élection de for. 
L'intimée a excipé de l'incompétence du tribunal saisi (cf. art. 18 CPC) en se fondant sur cette clause. Ainsi, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en retenant que ce tribunal était incompétent à raison du lieu. 
Dans ces conditions, la question de savoir si l'Agence constitue un établissement de B.________ au sens de l'art. 12 CPC peut rester indécise. Les arguments du recourant à cet égard n'ont donc pas à être analysés. 
 
4.  
Il en va de même du grief du recourant quant à une prétendue violation de l'art. 317 al. 1 CPC. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir déclaré recevables des faits nouveaux présentés par l'intimée. Toutefois, ces faits ne jouent un rôle que s'agissant de la question de l'existence d'un établissement au sens de l'art. 12 CPC. Ils n'ont dès lors aucune incidence sur l'issue du litige, ce qui rend superflu l'examen d'une prétendue violation de l'art. 317 al. 1 CPC
 
5.  
En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Le recourant, qui succombe, prendra en charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il versera en outre une indemnité de dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 15 février 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
La Greffière : Raetz