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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_662/2020  
 
 
Arrêt du 18 août 2020  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, 
Jacquemoud-Rossari et van de Graaf. 
Greffière : Mme Livet. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Opposition à une ordonnance pénale, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 8 mai 2020 (ACPR/293/2020, P/24024/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par ordonnance pénale n° 4376672 du 19 septembre 2019, le Service des contraventions de la République et canton de Genève (ci-après: SdC) a condamné A.________ à une amende de 760 fr. pour avoir circulé avec un véhicule défectueux et pour n'avoir été porteur ni du permis de conduire, ni d'un passeport. 
 
B.   
Par ordonnance du 4 décembre 2019, le Tribunal de police genevois a suspendu la procédure relative à l'opposition formée contre l'ordonnance pénale n° 4376672 et renvoyé la cause au SdC pour " vérification et, cas échéant, nouvelle décision ". 
 
C.   
Par arrêt du 8 mai 2020, le Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a admis le recours formé par le Ministère public genevois, annulé l'ordonnance du 4 décembre 2019 et dit que l'ordonnance pénale n° 4376672 était assimilée à un jugement entré en force. 
 
En bref, il en ressort les éléments suivants. 
 
Le 31 juillet 2019, à B.________, le conducteur d'un véhicule défectueux immatriculé à Genève a été contrôlé par la police. Il n'était porteur ni de son permis de conduire, ni d'un passeport. Il a toutefois été identifié comme étant A.________, grâce au permis G qu'il avait sur lui. A la suite de ces faits, le SdC a notifié, à l'adresse D.________, en France, le 23 septembre 2019, l'ordonnance pénale n° 4376672. 
 
Par pli du 24 septembre 2019, E.________, se présentant comme le détenteur de l'automobile, a affirmé au SdC avoir prêté son véhicule à F.________, domicilié à D.________, frère de A.________, et n'avoir pas été le conducteur concerné par, entre autres, l'ordonnance pénale n° 4376672. Il a joint à son courrier une lettre d'opposition, non signée, mais à l'en-tête de F.________, et datée du 20 septembre 2019. Selon cette lettre A.________ était domicilié à G.________, en France. En outre, F.________ a déclaré former opposition à l'ordonnance pénale " n° 4299861 ". 
 
Le 4 octobre 2019, le SdC, par pli envoyé à l'adresse G.________, a invité A.________ à lui faire parvenir une procuration en faveur de E.________. A.________ n'en ayant rien fait, le SdC a transmis la cause au Tribunal de police le 21 novembre 2019. 
 
Dans son ordonnance du 4 décembre 2019, le Tribunal de police a estimé qu'un doute subsistait sur l'identité du conducteur au vu des différences de prénoms et d'adresses. En conséquence, il était opportun que le SdC vérifiât qui conduisait, par exemple en auditionnant les deux frères, avant de rendre, le cas échéant, une nouvelle décision, la procédure devant le Tribunal de police étant suspendue dans l'intervalle. 
 
D.   
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 8 mai 2020. En substance, il conclut à son acquittement. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
En résumé, le recourant indique que l'arrêt du 8 mai 2020 a été adressé à son nom, au n° xxx, route H.________, à G.________ (France). Il ne s'agirait toutefois pas de son adresse, mais de celle de son ex-épouse qui lui aurait transmis le courrier en question. Il serait domicilié au n° yyy, route I.________, à J.________ (France), soit à l'adresse figurant sur son permis de travail G, dont il produit une copie. Par ailleurs, son frère, F.________, utiliserait un faux permis G au nom du recourant, qui se serait lui-même trouvé au Maroc au moment des faits litigieux, comme cela ressortirait des timbres figurant sur son passeport dont il produit également une copie. 
 
1.1. En application de l'art. 99 al. 1 LTF, les faits et moyens de preuve nouveaux sont prohibés, sauf s'ils résultent de la décision de l'autorité précédente.  
 
A l'appui de son recours, le recourant produit une copie de son permis G, afin d'établir son adresse de domicile, ainsi qu'une copie de son passeport afin de démontrer qu'il était au Maroc au moment de la commission des faits litigieux. S'agissant de la copie de son permis G, cette pièce, certes nouvelle, est recevable devant le Tribunal fédéral. En tant que le recourant tente, ainsi, de démontrer qu'il n'a eu connaissance de la procédure qu'au moment de la communication fortuite de la décision de la cour cantonale, respectivement, l'absence de notification valable tout au long de la procédure, il faut considérer qu'il produit un élément destiné à établir l'existence d'un vice de procédure, en particulier une violation de son droit d'être entendu, qui ne pouvait être invoqué plus tôt (cf. BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, no 23 ad art. 99 LTF). La copie de son permis G est donc recevable. Quant à la recevabilité de la copie de son passeport, la question peut demeurer indécise au vu du sort de son recours. 
 
1.2. En vertu de l'art. 353 al. 3 CPP, l'ordonnance pénale est immédiatement notifiée par écrit aux personnes et aux autorités qui ont qualité pour former opposition. Selon l'art. 85 CPP, sauf disposition contraire du CPP, les communications des autorités pénales sont notifiées en la forme écrite (al. 1); les autorités pénales notifient leurs prononcés - dont les ordonnances (cf. art. 80 al. 1 2 ème phrase CPP) - par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, notamment par l'entremise de la police (al. 2); le prononcé est réputé notifié lorsqu'il est remis au destinataire, à l'un de ses employés ou à toute personne de plus de seize ans vivant dans le même ménage, les directives des autorités pénales concernant une communication à adresser personnellement au destinataire étant réservées (al. 3). Toute communication doit être notifiée au domicile, au lieu de résidence habituelle ou au siège du destinataire (art. 87 al. 1 CPP); les parties et leur conseil qui ont leur domicile, leur résidence habituelle ou leur siège à l'étranger sont tenus de désigner un domicile de notification en Suisse, les instruments internationaux prévoyant la possibilité de notification directe étant réservés (art. 87 al. 2 CPP); si les parties sont pourvues d'un conseil juridique, les communications sont valablement notifiées à celui-ci (art. 87 al. 3 CPP).  
 
Selon l'art. 85 al. 4 let. a CPP, un prononcé est réputé notifié lorsque, expédié par lettre signature, il n'a pas été retiré dans les sept jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, si la personne concernée devait s'attendre à une telle remise. La personne concernée ne doit s'attendre à la remise d'un prononcé que lorsqu'il y a une procédure en cours qui impose aux parties de se comporter conformément aux règles de la bonne foi, à savoir de faire en sorte, entre autres, que les décisions relatives à la procédure puissent leur être notifiées. Le devoir procédural d'avoir à s'attendre avec une certaine vraisemblance à recevoir la notification d'un acte officiel naît avec l'ouverture d'un procès et vaut pendant toute la durée de la procédure. Il est admis que la personne concernée doit s'attendre à la remise d'un prononcé lorsqu'elle est au courant qu'elle fait l'objet d'une instruction pénale au sens de l'art. 309 CPP (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2 p. 33). 
 
De jurisprudence constante, le fardeau de la preuve de la notification et de la date de celle-ci incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi. La preuve de la notification peut néanmoins résulter d'autres indices ou de l'ensemble des circonstances, par exemple un échange de correspondance ultérieur ou le comportement du destinataire (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 p. 128 et les arrêts cités). 
 
1.3. En substance, la cour cantonale a estimé que le tribunal de première instance devait se contenter d'examiner la validité de l'opposition formée à l'ordonnance pénale. Elle n'avait pas à entrer en matière sur le fond, comme elle l'avait fait en mettant en doute l'auteur des faits. Le tribunal de police aurait dû constater qu'aucune opposition n'avait été formée contre l'ordonnance pénale querellée, ni par son destinataire, ni par quelqu'un qui aurait prétendu agir pour lui. En l'absence d'une opposition valable, la cour cantonale a constaté l'entrée en force de l'ordonnance pénale du 19 septembre 2019.  
 
Le raisonnement de la cour cantonale ne peut être suivi. Celle-ci part de la prémisse que l'ordonnance pénale a été valablement notifiée au recourant. On comprend toutefois des écritures du recourant qu'il n'a jamais eu connaissance de l'ordonnance pénale litigieuse, pas plus que de l'existence de la procédure en cause. A cet égard, il ressort de la copie du permis G produite par le recourant qu'il est domicilié au n° yyy, route I.________, à J.________ (France). Or, l'ordonnance pénale a été notifiée à une adresse à D.________ (France). En outre, le lendemain de cette " notification ", E.________, détenteur du véhicule, a adressé un courrier au SdC exposant qu'il avait prêté celui-ci à F.________, frère du recourant, domicilié à D.________. Le recourant soutient que son frère F.________ détiendrait un faux permis G au nom du recourant. Même si cette allégation n'est pas établie à ce stade, elle permettrait d'expliquer comment le recommandé au nom du recourant adressé à l'adresse de D.________ a pu être retiré à la Poste. Par ailleurs, le numéro du permis G dont copie a été produite par le recourant ne correspond pas à celui reproduit dans le rapport de police comme ayant figuré sur le permis G ayant servi à établir l'identité du conducteur du véhicule le jour des faits litigieux (cf. art. 105 al. 2 LTF; dossier cantonal, rapport de police du 7 août 2019). Au vu de l'ensemble de ces éléments, il existe un doute sérieux quant à la notification de l'ordonnance pénale au recourant si bien qu'il y a lieu de se fonder sur ses déclarations. L'autorité n'a ainsi pas établi avoir valablement notifié l'ordonnance pénale du 19 septembre 2019 au recourant si bien qu'elle doit en supporter les conséquences. En l'absence d'une notification valable, l'ordonnance pénale ne déploie aucun effet juridique et ne fait pas partir les délais (ATF 142 IV 201 consid. 2.4 p. 205). Par conséquent, c'est en violation du droit fédéral que la cour cantonale a constaté l'entrée en force de l'ordonnance pénale du 19 septembre 2019. L'arrêt attaqué sera annulé et la cause renvoyée au SdC (cf. art. 107 al. 2, 2ème phrase LTF). En principe, le SdC devrait notifier valablement, c'est-à-dire à l'adresse de domicile du recourant, l'ordonnance pénale du 19 septembre 2019. Toutefois, au vu du contenu des écritures du recourant, celui-ci a déjà manifesté son intention de former opposition à dite ordonnance. Par économie de procédure, il incombera ainsi au SdC de reprendre la procédure conformément à l'art. 355 CPP, c'est-à-dire après opposition valablement formée. Dans ce cadre, une copie des écritures du recourant et de ses annexes seront transmises au SdC. Il lui incombera d'administrer les preuves qu'il estime nécessaires (cf. art. 355 al. 1 CPP), notamment quant à l'absence à l'étranger du recourant au moment des faits litigieux. Si, dans le cadre de ses investigations, le SdC devait découvrir qu'une ou des autre (s) infraction (s), en particulier en relation avec une éventuelle fausse autorisation frontalière ou de séjour, a/ont été commise (s), il lui incombera de dénoncer ces faits à l'autorité compétente. 
 
2.   
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée, en application de l'art. 107 al. 2, 2ème phrase LTF, au SdC pour reprise de la procédure conformément à l'art. 355 CPP. Au regard de la nature procédurale du vice examiné et dans la mesure où le Tribunal fédéral n'a pas traité la cause sur le fond, ne préjugeant ainsi pas de l'issue de celle-ci, il peut être procédé au renvoi sans ordonner préalablement un échange d'écritures (cf. ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2 p. 296; arrêt 6B_30/2020 du 6 avril 2020 consid. 2; 6B_103/2020 du 10 mars 2020 consid. 3). Le recourant obtient gain de cause. Il ne supporte pas de frais (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée au Service des contraventions de la République et canton de Genève pour reprise de la procédure conformément à l'art. 355 CPP
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Service des contraventions de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 18 août 2020 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
La Greffière : Livet