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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_108/2019  
 
 
Arrêt du 22 janvier 2020  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Hohl et Niquille. 
Greffier : M. Piaget. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Serge Patek, 
avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. A.B.________, 
2. B.B.________, 
tous les deux représentés par Me Raphaël Quinodoz, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
bail à loyer, erreur essentielle, défaut de la chose louée, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers, du 24 janvier 2019 (C/9236/2015, ACJC/100/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par contrat de bail à loyer du 26 avril 2010, A.________ SA (ci-après: la propriétaire ou la bailleresse) a cédé à A.B.________ et B.B.________ (ci-après : les locataires) l'usage d'un des deux appartements de six pièces qu'elle venait d'aménager dans les combles du 7e étage d'un immeuble situé à Genève. 
Le bail, qui a débuté le 1er mai 2010, pouvait être résilié par les parties moyennant le respect d'un délai de trois mois pour la fin d'un mois. Le loyer a été fixé à 38'280 fr. par année (hors charges), soit 3'190 fr. par mois. Le contrat indiquait une surface louée de 113 m2. 
Par contrat de bail à loyer du 1er mai 2010, la bailleresse a cédé l'usage du deuxième appartement de six pièces situé sur le même étage à A.C.________et B.C.________. Le loyer a été fixé à 31'440 fr. par année (hors charges), soit 2'620 fr. par mois. Le contrat indiquait une surface louée de 107 m2. 
Il résulte des constatations cantonales que le premier logement (des époux B.________) n'était en réalité pas de 113 m2, mais de 108,3 m2 et le second logement (des époux C.________) n'était pas de 107 m2, mais de 113 m2. L'erreur, commise par la bailleresse, ne procédait pas d'une approximation mais d'une (certaine) confusion entre la surface des deux appartements aménagés durant la même période dans les combles du 7e étage, les plans de chacun des appartements (remis aux locataires avec leur contrat de bail) étant également intervertis. 
Par courrier du 28 octobre 2010, les locataires des deux appartements du 7e étage ont informé la bailleresse que les radiateurs ne fonctionnaient pas correctement et que la température était inférieure à la norme, soit de 15 degrés en journée. Ils ont sollicité une réduction de loyer dès le 27 septembre 2010, ce jusqu'à la mise en fonction efficiente des radiateurs dans les logements. 
S'en est suivi un échange de nombreuses correspondances entre le 19 novembre 2010 et le 15 mai 2014. Les locataires se sont également plaints du reflux d'odeurs d'égouts dans une chambre à coucher et dans le salon. Malgré l'assainissement des canalisations des sous-sols (qui semblaient être à l'origine des odeurs), les locataires du premier appartement (époux B.________) ont signalé que les odeurs persistaient et que des odeurs de cuisine avaient également été perçues dans le couloir, la salle à manger, ainsi que dans la chambre à coucher. 
Par courrier du 4 décembre 2014, les locataires (époux B.________) ont indiqué à la bailleresse que la surface de leur appartement n'était pas de 113 m2, comme mentionné dans leur contrat, mais de 107 m2. L'appartement voisin avait,en réalité, une surface de 113 m2. Ils ont alors demandé que leur loyer soit fixé à 2'620 fr. par mois et que le trop-perçu leur soit restitué. 
Par courrier du 16 décembre 2014, la bailleresse s'est opposée à toutes les requêtes des locataires. Elle a relevé que la différence de surface constatée (elle admet que la surface réelle de l'appartement des locataires B.________ est de 108,3 m2), de l'ordre de 5% seulement, n'était pas constitutive d'un défaut donnant lieu à une réduction de loyer et elle a nié l'existence des défauts invoqués par les locataires. 
Le 9 décembre 2016, un huissier-judiciaire a établi un procès-verbal de constat duquel il ressort que, le même jour, il s'était rendu dans l'appartement des locataires et qu'il avait senti une forte odeur de moisi, mélangée à des odeurs de canalisations d'eaux usées se propageant dans la salle de douche, ainsi que dans la chambre contiguë, par le conduit d'aération de la salle de douche. 
Le 16 décembre 2016, les locataires ont remis à A.________ SA un état des lieux consécutif aux travaux de rénovation des façades et de réfection de certaines terrasses (dont la leur) de l'immeuble. La bailleresse a refusé l'état des lieux qui lui avait été communiqué. 
 
B.   
L'audience de conciliation s'étant soldée par un échec, les locataires ont saisi le Tribunal des baux et loyers le 22 décembre 2016. Ils ont notamment conclu à ce que celui-ci fixe le loyer mensuel net de leur appartement à 2'620 fr. dès le 1er mai 2010, qu'il condamne la bailleresse à leur rembourser le trop-perçu de loyer en résultant, intérêts moratoires en sus, qu'il leur accorde une réduction de loyer de 30% dès le 1er mai 2010 pour défaut de la chose louée (jusqu'à l'élimination complète des défauts) et une réduction de loyer de 60% supplémentaires du 7 juillet au 30 novembre 2016 (en raison des nuisances dues aux travaux réalisés dans l'immeuble), qu'il condamne la bailleresse à leur rembourser le trop-perçu de loyer et qu'il ordonne l'exécution des travaux tendant à remédier aux problèmes d'odeurs et d'étanchéité. 
Principalement, la bailleresse a conclu à ce que les locataires soient déboutés de toutes leurs conclusions. Elle a reconnu que l'appartement ne mesurait pas 113 m2, mais 108,3 m2. 
Par jugement du 22 janvier 2018, le Tribunal des baux et loyers a fixé le loyer de l'appartement à 3'057 fr., frais accessoires non compris, dès le 1er mai 2010 (ch. 1 du dispositif visant la question de la surface réduite), ordonné à la défenderesse d'entreprendre les travaux destinés à supprimer, dans l'appartement concerné, l'arrivée des mauvaises odeurs par la salle de douche et les conduits électriques (ch. 3), réduit le loyer de 5% dès le 21 décembre 2010 et jusqu'à complète exécution de ces travaux (ch. 4), réduit le loyer de 5% supplémentaires du 28 octobre 2010 au 30 avril 2011 et pendant chaque période hivernale du 1er octobre au 30 avril, dès le mois d'octobre 2011 et jusqu'au 30 avril 2016 (ch. 6 sur les problèmes de chauffage), réduit le loyer de 10% supplémentaires du 7 juillet au 30 novembre 2016 (ch. 8 sur les nuisances liées aux travaux dans l'immeuble) et elle a, pour chaque poste, condamné la défenderesse à restituer le trop-perçu. 
Par arrêt du 24 janvier 2019, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice a confirmé le jugement entrepris et débouté les parties de toutes autres conclusions. En substance, elle a retenu que l'erreur des locataires (surface réelle du logement de 108,3 m2 / surface mentionnée dans le contrat de 113 m2) était subjectivement et objectivement essentielle et qu'il convenait de réduire le loyer convenu entre les parties (3'190 fr. par mois) en proportion de la différence constatée (ce qui l'a amenée à confirmer le montant de 3'057 fr. fixé par l'instance précédente). Elle a également confirmé le jugement de première instance en ce qui concerne la réduction du loyer fondée sur les défauts de la chose louée (dysfonctionnements du chauffage, nuisances dues à la présence de mauvaises odeurs, nuisances liées au chantier situé dans l'immeuble). 
 
C.   
Contre cet arrêt cantonal, la défenderesse exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle conclut à sa réforme en ce sens que les demandeurs soient déboutés de toutes leurs conclusions en fixation de loyer, en restitution du trop-perçu de loyers, en réduction de loyer et en exécution des travaux, sous suite de frais et dépens. La recourante invoque une violation des art. 9 et 29 al. 2 Cst., ainsi que la transgression des art. 23 ss et 259a ss CO, ainsi que de l'art. 8 CC
Les intimés concluent au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt entrepris. 
Chacune des parties a encore déposé des observations. 
L'effet suspensif sollicité par la recourante lui a été accordé par ordonnance présidentielle du 21 mai 2019 en lien avec la condamnation de la défenderesse à éliminer les défauts de la chose louée. La requête a été rejetée pour le surplus. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la bailleresse qui a (partiellement) succombé dans ses conclusions libératoires (art. 76 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF), prise sur appel par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF), dans une affaire de bail (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. requis en cette matière (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est recevable.  
 
1.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261 s.). Les faits nouveaux sont irrecevables devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 1 LTF). 
La recourante met en évidence " trois points (...) qui n'ont pas été relatés par la Cour de justice " en signalant qu'elle les reprendra dans la suite de son mémoire. Elle n'indique toutefois pas, en respectant les exigences strictes qui viennent d'être rappelées, en quoi ces points de fait aurait dû être pris en compte par la cour cantonale, sous peine de sombrer dans l'arbitraire. La Cour de céans ne saurait dès lors, en se fondant sur la seule version présentée par la recourante, corriger l'état de fait dressé par l'autorité cantonale. 
 
1.3. Sous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'examine en principe que les questions soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (arrêts 4A_357/2015 du 4 décembre 2015 consid. 1.4; 4A_653/2014 du 11 août 2015 consid. 1.4 non publié in ATF 141 III 407). Il n'est cependant pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 140 III 86 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.4).  
 
2.   
Les locataires prétendent avoir conclu le contrat de bail sous l'influence d'une erreur essentielle au sens des art. 23 et 24 al. 1 ch. 4 CO. La cour cantonale a admis que l'erreur sur la surface réelle de l'appartement était objectivement et subjectivement essentielle, ce que la bailleresse conteste. 
 
2.1. Selon l'art. 23 CO, le contrat n'oblige pas celle des parties qui, au moment de conclure, était dans une erreur essentielle.  
Il y a erreur lorsqu'une personne, en se faisant une fausse représentation de la situation, manifeste une volonté qui ne correspond pas à celle qu'elle aurait exprimée si elle ne s'était pas trompée. Nul ne peut invalider un acte juridique sur la base des art. 23 ss CO si, en réalité, il n'était pas dans l'erreur (ATF 128 III 70 consid. 1b p. 74). Il incombe à celui qui invoque une erreur pour échapper aux conséquences d'un acte juridique d'apporter la preuve que ses représentations internes étaient erronées (arrêt 4A_641/2010 du 23 février 2011 consid. 3.5.1 publié in SJ 2011 I p. 321 et les références citées). 
En l'espèce, les ch. 1 à 3 de l'art. 24 al. 1 CO ne sont pas applicables (ce qui n'est pas contesté). Il ne s'agit en particulier pas d'une erreur sur l'étendue des prestations, dont parle l'art. 24 al. 1 ch. 3 CO, puisque les locataires connaissaient les locaux qu'ils louaient et le montant du loyer qu'ils devaient payer. Les locataires font valoir qu'ils ignoraient la surface réelle des locaux (c'est-à-dire qu'ils étaient dans l'erreur sur un fait existant) et qu'ils ont été amenés ainsi à accepter un loyer auquel ils n'auraient pas consenti s'ils avaient connu la situation réelle; ils se prévalent donc d'une erreur portant sur un fait que la loyauté commerciale permettait de considérer comme un élément nécessaire du contrat au sens de l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO (" erreur de base "; cf. ATF 135 III 537 consid. 2.1 p. 540 et les arrêts cités). 
 
2.1.1. Pour que l'erreur soit essentielle au sens de l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO, elle doit porter sur un fait subjectivement essentiel: en se plaçant du point de vue de la partie qui était dans l'erreur, il faut que l'on puisse admettre que subjectivement son erreur l'a effectivement déterminée à conclure le contrat ou à le conclure aux conditions convenues. Cela n'est pas le cas si des circonstances particulières font apparaître que l'indication erronée n'avait pas un caractère essentiel pour le locataire dans l'espèce (ATF 136 III 528 consid. 3.4.1; 135 III 537 consid. 2.2 p. 542; arrêts 4A_624/2018 du 2 septembre 2019 consid. 4.4.1). Savoir ce que le locataire savait ou voulait au moment de conclure (i.e savoir s'il se trouvait dans l'erreur) relève du fait et lie le Tribunal fédéral, tandis qu'apprécier si l'erreur constatée est essentielle au sens de l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO relève du droit (ATF 135 III 537 consid. 2.2; 134 III 643 consid. 5.3.1; 113 II 25 consid. 1a p. 365; arrêt 4A_335/2018 du 9 mai 2019 consid. 5.1.1).  
Le fait sur lequel porte l'erreur doit également pouvoir être considéré, d'un point de vue objectif, comme un élément essentiel du contrat : le cocontractant doit pouvoir se rendre compte, de bonne foi, que l'erreur de la victime porte sur un fait qui était objectivement de nature à la déterminer à conclure le contrat ou à le conclure aux conditions convenues (caractère reconnaissable de l'erreur; cf. ATF 136 III 528 consid. 3.4.1; 135 III 537 consid. 2.2; 132 III 737 consid. 1.3 p. 741). Cette dernière appréciation relève du droit (ATF 132 III 737 consid. 1.3 p. 741; arrêts 4A_624/2018 déjà cité consid. 4.4.1; 4A_335/2018 déjà cité consid. 5.1.1). Selon la jurisprudence, une erreur commise par négligence conduit en principe aussi à l'annulabilité du contrat, sauf si le cocontractant dans l'erreur ne se soucie pas d'éclaircir une question particulière qui se pose manifestement, de sorte que l'autre partie peut inférer que ce point est sans importance pour son partenaire (ATF 129 III 363 consid. 5.3 et l'arrêt cité; arrêt 4A_162/2014 du 26 août 2014 consid. 1.2 publié in Pra, 2015/67 p. 521, cité par SCHWENZER/FOUNTOULAKIS, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 7e éd. 2019, no 23 ad art. 24 CO). 
L'erreur essentielle peut porter aussi bien sur la détermination de la chose dont l'usage est cédé que sur la détermination du loyer (sur l'échange de ces deux prestations, cf. art. 253 CO). 
 
2.1.2. Dans le domaine du bail à loyer, qu'il s'agisse d'un logement ou d'un local commercial, la surface à louer est évidemment un élément d'appréciation important pour décider de conclure ou non le contrat, ou en tout cas pour apprécier si le loyer demandé est conforme à l'état du marché dans la région concernée (ATF 135 III 537 consid. 2.2 p. 542). Cela vaut d'autant plus dans le domaine des locaux commerciaux, qui sont constamment évalués et comparés en fonction du prix au mètre carré (ATF 135 III 537 consid. 2.2 p. 542).  
Le Tribunal fédéral a admis qu'une certaine marge d'erreur pouvait être admise ou que des différences pouvaient exister en raison d'une petite divergence de calcul (ATF 135 III 537 consid. 2.2 p. 542 s.). Il a indiqué qu'une différence supérieure à 10 % n'était en tout cas pas admissible et fondait une erreur essentielle (ATF 135 III 537 consid. 2.2 p. 543; arrêt 4C.5/2001 du 16 mars 2001 consid. 3a). Il a aussi été jugé que le locataire qui s'est trompé de 8 % sur la superficie du logement peut se prévaloir d'une erreur essentielle (ATF 113 II 25 consid. 1 et 2). 
Le locataire n'est pas tenu - comme un acheteur - de contrôler les surfaces indiquées dans le bail ou par son cocontractant en les mesurant lui-même et d'aviser sans délai le bailleur d'une erreur ou d'un défaut (cf. arrêt 4C.5/2001 du 16 mars 2001 consid. 3a; ATF 113 II 25 consid. 2a p. 29). Si le bailleur a donné des indications erronées, c'est à lui qu'il incombe de dissiper l'erreur conformément aux règles de la bonne foi (cf. ATF 105 II 75 consid. 2a p. 80). 
 
2.1.3. Le contrat entaché d'une erreur essentielle est tenu pour ratifié lorsque la partie qui était dans l'erreur a laissé s'écouler une année, à compter du moment où l'erreur a été découverte, sans déclarer à l'autre sa résolution de ne pas le maintenir, ou sans répéter ce qu'elle a payé (art. 31 al. 1 et 2 CO). Déterminer à quel moment une partie a découvert son erreur et quand elle a manifesté sa volonté d'invalider le contrat sont des questions de fait qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) (ATF 135 III 537 consid. 2.1 p. 540 s.).  
Bien que les dispositions sur les vices du consentement ne contiennent pas de règle analogue à celle figurant à l'art. 20 al. 2 CO, la jurisprudence a admis qu'une invalidation partielle est possible lorsque la prestation affectée du vice est divisible et que l'on peut admettre que les deux parties auraient conclu le contrat avec une prestation réadaptée pour tenir compte de ce vice (ATF 135 III 537 consid. 2.1 p. 541; 130 III 49 consid. 3.2 p. 56 et les arrêts cités). 
 
2.2. Dans son premier grief, la recourante estime que la cour cantonale n'a pas assez motivé les raisons qui l'ont poussée à retenir que l'erreur était subjectivement essentielle. Elle se plaint d'une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.), plus précisément de son droit d'obtenir une décision motivée.  
 
2.2.1. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu consacré par l'art. 29 al. 2 Cst. l'obligation pour le juge de motiver ses décisions. L'autorité n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui paraissent pertinents (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88). Savoir si la motivation présentée est convaincante est une question distincte de celle du droit à une décision motivée. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé le juge, le droit à une décision motivée est respecté (arrêt 4A_344/2018 du 27 février 2019 consid. 2.3.1; cf. ATF 126 I 97 consid. 2c p. 103).  
 
2.2.2. En l'espèce, la cour cantonale a qualifié l'erreur des locataires de subjectivement essentielle en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce. Elle a explicitement retenu que les locataires savaient, avant la conclusion de leur contrat et comme leurs voisins, que les deux objets étaient proposés à la location à des conditions distinctes (loyers différents) compte tenu de la différence de surface. La surface du logement (113 m2) était déterminante pour eux puisque, face à ce choix, ils ont accepté de payer un prix plus élevé pour obtenir le plus grand des deux appartements. Enfin, la cour cantonale a ajouté que " les locataires n'auraient pas conclu le contrat à ces conditions s'ils avaient connu la taille du logement ".  
La motivation de la décision attaquée permet aisément de comprendre pour quelle raison la cour cantonale a retenu que l'erreur était subjectivement essentielle, autre étant la question de savoir si la motivation présentée est erronée (cf. infra consid. 2.3.1). 
 
2.3. Dans un second grief, la recourante soutient que la cour cantonale a violé les art. 23 et 24 CO, ainsi que l'art. 9 Cst., en réduisant le loyer pour tenir compte de la différence entre la surface de l'appartement litigieux (108,3 m2) et celle inscrite dans le contrat de bail (113 m2). Elle est d'avis que l'erreur essentielle ne peut être retenue, tant objectivement que subjectivement.  
 
2.3.1. S'agissant de l'élément subjectif de l'erreur essentielle, il résulte des constatations cantonales que " les locataires n'auraient pas conclu le contrat à ces conditions s'ils avaient connu la taille du logement " et que " la surface était déterminante pour les locataires puisqu'ils ont accepté de payer un prix plus élevé en raison du fait qu'ils prenaient à bail un logement plus grand que le voisin, dont le nombre de pièces était identique ".  
La bailleresse reproche aux magistrats cantonaux d'avoir ignoré que les locataires n'ont fait aucune observation sur la surface réelle du logement lors de l'état des lieux d'entrée et qu'ils ne se sont plaints de la différence de surface que plus de quatre ans après avoir pris possession du logement. 
La première critique tombe à faux. On ne saurait reprocher aux locataires de n'avoir pas relevé la différence de surface lors de l'état des lieux d'entrée puisqu'il ne leur incombait pas de contrôler la surface indiquée sur le bail en la mesurant eux-mêmes lorsqu'ils ont pris possession du bien loué (sur la question, distincte, du caractère reconnaissable de l'erreur, pour la bailleresse, cf. infra consid. 2.3.2). 
Quant à la deuxième critique (les locataires n'ont réagi que quatre ans après leur entrée dans l'appartement), elle ne convainc pas. Le délai d'une année dans lequel la victime doit invoquer l'erreur essentielle (sous peine de voir le contrat vicié ratifié définitivement) commence à courir dès que l'erreur a été découverte (art. 31 al. 2 CO). Or, la bailleresse ne prétend pas que les locataires auraient découvert l'erreur plus d'une année avant le 4 décembre 2014 (date à laquelle ils ont déclaré à la bailleresse que la surface de leur logement n'était pas celle qui figurait sur leur contrat de bail) et que, pour cette raison, le contrat devrait être tenu pour ratifié. 
La recourante se limite à prétendre, dans une perspective différente, que les locataires, en ne réagissant pas, ont montré qu'ils s'étaient accommodés de la surface de leur logement, ce qui exclurait toute erreur essentielle. On ne saurait la suivre. On peut certainement inférer du silence des locataires que, malgré la différence de surface, ils se satisfaisaient du logement qui leur était loué, mais il serait faux d'en exclure d'emblée toute erreur essentielle sur le loyer (d'un point de vue subjectif). Cela reviendrait à ignorer la constellation particulière dans laquelle s'inscrit le présent litige : dans le contrat de bail liant les parties, le loyer a été déterminé essentiellement en fonction des mètres carrés qui y sont mentionnés. Il s'agit dès lors de savoir si les locataires étaient subjectivement disposés à payer un loyer surfait parce que celui-ci avait été arrêté en fonction d'une surface erronée. A cet égard, il résulte des décisions des autorités cantonales que, du moment que les locataires ont accepté de payer 3'190 fr., charges non comprises, pour ce qu'ils pensaient être un appartement de 113 m2, le prix par m2 se monte à 28,23 fr. et qu'un loyer correspondant à une surface de 108,3 m2 équivaut à 3'057 fr. par mois. L'écart en valeur entre ce loyer et celui payé par les locataires est donc de 1'596 fr. par an. On ne peut concevoir que les locataires sont indifférents à l'idée de payer 1'596 fr. de trop par année. On doit dès lors admettre qu'ils attachaient de l'importance à la surface qui leur était indiquée (celle-ci permettant d'apprécier le montant du loyer demandé) et on doit reconnaître qu'une telle différence était aussi subjectivement essentielle. 
 
2.3.2. S'agissant de l'élément objectif de l'erreur essentielle, on constate que la différence de surface est de 4,15% (4,7 x 100 / 113). Selon la bailleresse, il serait exclu de parler d'une erreur essentielle, ce chiffre représentant " moins de la moitié de ce qui est considéré comme le plancher tolérable par la jurisprudence du Tribunal Fédéral ".  
On observera d'emblée que, lorsque la recourante s'attaque à l'élément objectif de l'erreur essentielle, elle fait appel à diverses reprises à des critères qui sous-tendent en réalité l'élément subjectif. En tant qu'elle est effectuée dans cette perspective erronée, sa critique tombe à faux et il est inutile de s'y arrêter. 
On peut ensuite relever, à la suite de la recourante, qu'une différence de surface d'environ 4% ne peut en principe pas être qualifiée d'erreur objectivement essentielle. Les circonstances de l'espèce appellent toutefois ici une conclusion différente, comme on va le voir. 
Il résulte des constatations cantonales, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que la bailleresse a proposé aux locataires deux appartements quasiment identiques (état neuf, même nombre de pièces, même étage), qui se distinguaient exclusivement par leur surface et leur prix, et que les locataires ont choisi le bail au loyer le plus élevé. La bailleresse avait elle-même décidé d'apposer (en commettant une erreur involontaire puisqu'elle a inscrit la surface de l'un des appartements sur le contrat de bail de l'autre appartement, et inversement) la surface précise de chacun des logements sur les contrats respectifs et, en fonction de cette surface, fixé le loyer correspondant (ce qu'elle admet). 
Il est donc patent que les locataires ont pris l'appartement correspondant au loyer le plus élevé pour avoir le plus grand logement et que le motif de leur choix était parfaitement reconnaissable pour la bailleresse. Le nier reviendrait à admettre - et c'est la seule conclusion à laquelle conduit la thèse de la bailleresse qui implique que, même s'ils avaient connu l'erreur, les locataires auraient conclu le même contrat, à des conditions identiques - que les locataires auraient choisi l'un des appartements plutôt que l'autre pour le seul plaisir de payer plus cher, ce qui est pour le moins incongru. La bailleresse ne saurait dès lors aujourd'hui de bonne foi prétendre que la différence de surface n'était pas de nature à déterminer les locataires à conclure le contrat aux conditions convenues (loyer le plus élevé). 
La surface louée, en tant que critère déterminant pour fixer le loyer, était donc un fait que la loyauté commerciale permettait objectivement de considérer comme un élément nécessaire du contrat. 
Le caractère reconnaissable, pour la bailleresse, de l'erreur commise conduit dès lors à l'annulabilité du contrat (cf. art. 23, 24 al. 1 ch. 4 et 31 CO). La bailleresse ne saurait ici, pour échapper à cette conséquence, reprocher aux locataires de n'avoir pas éclairci la situation et, partant, de s'en être accommodés, puisqu'ils ignoraient complètement l'existence de l'erreur lors de la conclusion du contrat. 
Partant, il sied d'admettre - avec l'autorité cantonale - que les locataires ont valablement invalidé partiellement le contrat pour cause d'erreur essentielle au sens de l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO
Il n'y a pas lieu d'examiner les autres arguments de la recourante qui sous-tendent la garantie pour les défauts de la chose louée, celle-ci ne faisant pas l'objet de la motivation de la cour cantonale. 
 
2.4. La recourante revient ensuite sur les réductions de loyer consécutives aux défauts de la chose louée, indépendamment de la surface de l'appartement (examinée sous l'angle de l'erreur essentielle).  
Elle reproche à la cour cantonale d'avoir accordé aux locataires une réduction de loyer en lien avec le dysfonctionnement du chauffage. 
Le fait que diverses entreprises sont intervenues à de nombreuses reprises dans l'appartement des locataires pour résoudre les problèmes de purge (qui empêchaient le bon fonctionnement des radiateurs) a - contrairement à ce que suggère la recourante - été explicitement relevé par la cour cantonale qui a considéré qu'une réduction du loyer n'en restait pas moins justifiée, les locataires ayant quoi qu'il en soit subi des nuisances. 
La recourante revient à la charge en notant plus spécifiquement qu'il n'est pas établi que la température de l'appartement aurait été insuffisante; elle en conclut que les locataires n'ont, à ce titre, subi aucune diminution de la jouissance de la chose louée. Elle omet toutefois de préciser que, si la diminution de la température n'a pas été démontrée, les locataires ont subi régulièrement des pannes de radiateurs dans toutes les pièces de leur logement, ce qui a nécessité des interventions régulières, notamment de la part d'entreprises spécialisées et l'installation de deux purgeurs automatiques (en raison de la présence d'air dans les installations). En raison de ces dysfonctionnements récurrents et de l'état (neuf) de l'appartement, la cour cantonale a (au moins implicitement) considéré que l'usage de l'objet loué avait été réduit de façon effective et qu'une réduction de loyer devait être prononcée. On est donc loin de la situation dans laquelle l'installation de chauffage qui, bien que ne répondant pas aux normes, n'avait pour conséquence ni une baisse de la température dans le logement ni une restriction de l'usage (nuisances) pour le locataire (cf. arrêt 4A_565/2009 du 21 janvier 2010 consid. 3.3). La recourante ne revient pas spécifiquement sur cette argumentation, et il n'y a donc pas lieu de s'y attarder. 
Pour les autres critiques, et notamment s'agissant de la fréquence et de l'importance du dysfonctionnement du système de chauffage, la recourante se contente de substituer sa propre appréciation à celle de la cour cantonale, ce qui n'est pas admissible. 
Pour autant qu'elle soit recevable, la critique se révèle dès lors mal fondée. 
 
2.5. La recourante conteste ensuite la réduction de loyer liée à la présence d'odeurs désagréables et la condamnation à l'exécution des travaux correspondants.  
Pour tenter de démontrer que la cour cantonale aurait sombré dans l'arbitraire en retenant l'existence de nuisances, la recourante reprend, en les interprétant en sa faveur, des extraits des déclarations de plusieurs témoins. Ces éléments sont totalement impropres à démontrer l'arbitraire. On ignore notamment, pour un témoin (D.________), le contexte dans lequel il est intervenu, de sorte qu'on peine à comprendre la portée qu'il convient de donner à ses déclarations. D'autres témoins, cités par la recourante, ont considéré que les nuisances n'étaient pas suffisantes pour demander une réduction de loyer (époux C.________); cette affirmation, qui confirme par ailleurs (en soi) l'existence de nuisances, est impropre à démontrer l'arbitraire de la cour cantonale. Le fait qu'il résulte du procès-verbal daté du 3 novembre 2017 que certaines pièces du logement n'étaient pas touchées par les odeurs désagréables ne permet pas automatiquement de qualifier d'insoutenable les constatations cantonales, puisqu'il ne résulte pas de celles-ci que les odeurs auraient été présentes dans toutes les pièces de l'appartement. 
On observera, de manière générale, que la recourante, pour contester la décision cantonale, joue sur les mots. C'est ainsi qu'elle reconnaît l'existence de " légères émanations passagères et fluctuantes ", soit un euphémisme évasif qui n'est pas loin des " mauvaises odeurs " établies par les locataires. Quant au fait que les voisins n'ont " pas considéré que les prétendues nuisances auraient été 'nauséabondes' au point de demander à leur tour une réduction de leur loyer ", il n'est pas susceptible de démontrer qu'il serait arbitraire de parler d' "odeurs nauséabondes ", mais seulement que, dans la perspective des voisins concernés, elles ne l'étaient pas, pour eux, au point de demander une baisse de loyer. 
Le moyen tiré de l'arbitraire est infondé. 
 
2.6. La recourante se plaint, enfin, de la réduction de loyer ayant trait aux nuisances liées au chantier intervenu entre le 7 juillet et le 30 novembre 2016.  
Les juges précédents ont retenu que ces nuisances ne pouvaient être qualifiées de simples entraves mineures en se fondant sur plusieurs témoignages : les voisins des locataires ont déclaré avoir subi de nombreuses nuisances durant les travaux (parois de leur terrasse abîmée, pots de fleurs cassés, ouvrier pique-niquant et fumant sur la terrasse, etc.) et, tant l'architecte en charge des travaux que son employée de bureau, ont confirmé que les locataires n'avaient plus accès à leur terrasse. 
La déclaration d'un (seul) habitant de l'immeuble selon laquelle il n'aurait " pas subi plus de nuisances que ce qui était attendu " n'est pas susceptible de rendre insoutenable l'appréciation des preuves entreprise par la cour cantonale. L'extrait fourni par la recourante ne permet pas de comprendre à quels types de nuisances (faibles, moyennes ou importantes) ce témoin " s'était attendu ", de sorte qu'on ne peut en tirer aucun élément en faveur de la recourante. 
Quant au grief tiré de la violation de l'art. 8 CC, il tombe à faux, puisque les juges cantonaux, après avoir apprécié les preuves à leur disposition, ont confirmé l'existence de nuisances (qui n'avaient rien de mineures). Pour revenir sur cet état de fait, la recourante aurait dû se prévaloir de l'arbitraire dans l'appréciation des preuves, ce qu'elle n'a pas fait. 
Le moyen se révèle sans consistance. 
 
3.   
Il résulte des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 3'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers. 
 
 
Lausanne, le 22 janvier 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : Piaget