Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_327/2022
Arrêt du 22 février 2023
IVe Cour de droit public
Composition
MM. et Mmes les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Maillard, Heine, Viscione et Abrecht.
Greffière : Mme von Zwehl.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Xavier Panchaud, avocat,
recourant,
contre
Commandement des opérations, Papiermühlestrasse 20, 3003 Berne,
agissant par Etat-Major de l'armée, Droit du personnel Défense, Bolligenstrasse 56, 3003 Berne,
intimé.
Objet
Droit de la fonction publique,
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 26 avril 2022 (A-4705/2021).
Faits :
A.
A.a. Le sergent A.________ (ci-après: l'employé) a été engagé le 1er octobre 2013 en qualité d'opérateur auprès du Détachement de reconnaissance de l'armée 10 (ci-après: DRA10) du Commandement des forces spéciales, lequel dépend du Commandement des opérations (ci-après: l'employeur). Les rapports de travail ont été régis en dernier lieu par un contrat de durée indéterminée du 14 septembre 2015.
A.b. Lors des réunions du 12 avril 2021 et du 10 mai 2021, l'employeur a informé l'employé que le processus de vaccination contre le SARS-CoV-2 (ci-après: le Covid-19) deviendrait obligatoire dès son intégration dans le concept de vaccination défini par le médecin en chef de l'armée. Le 1er juin 2021, ce dernier a fait savoir que la vaccination contre le Covid-19 faisait désormais partie, avec effet immédiat, de la liste des vaccins obligatoires pour le personnel militaire des forces spéciales, ce dont le chef de section a informé l'employé le 3 juin 2021. Par courriel du 7 juin 2021, l'employé a déclaré qu'il ne souhaitait pas se faire vacciner contre le Covid-19. Le 18 juin 2021, le Commandant du DRA10 lui a exposé les bases légales d'une vaccination contre le Covid-19 et lui a transmis l'évaluation du médecin en chef de l'armée sur les risques liés à une telle vaccination, précisant que celle-ci n'était qu'un élément supplémentaire au concept de vaccination global s'appliquant au personnel militaire des forces spéciales.
A.c. Lors d'un entretien du 28 juin 2021, le Commandant du DRA10 a expliqué à l'employé qu'en raison des engagements possibles en Suisse et à l'étranger, une protection vaccinale complète contre le Covid-19 était nécessaire pour assurer la disponibilité opérationnelle médicale du personnel des forces spéciales. Il lui a rappelé les bases légales de l'intégration du vaccin contre le Covid-19 dans le concept de vaccination global et a précisé que l'évaluation des risques effectuée par le médecin en chef de l'armée indiquait un très bon effet protecteur. L'employé l'a informé qu'il ne voulait pas se faire vacciner et que son avis n'allait pas changer dans les prochains mois ou années, justifiant sa position par le fait qu'il n'était pas en mesure d'évaluer les dommages indirects et les effets secondaires du vaccin sur sa santé.
A.d. Par déclaration écrite du 28 juillet 2021, l'employé a manifesté son refus définitif de se faire vacciner contre le Covid-19. Le jour même, l'employeur lui a remis en main propre un avertissement dans lequel il exposait que l'absence de protection vaccinale complète de l'employé compromettait sa disponibilité opérationnelle immédiate pour des engagements à court terme et pour des activités à l'étranger et qu'elle constituait une violation de ses obligations légales et contractuelles. L'employé était dès lors sommé de prendre rendez-vous d'ici au 6 août 2021 pour se faire vacciner, la première injection devant intervenir avant le 31 août 2021, à défaut de quoi il s'exposait à des mesures pouvant aller jusqu'au licenciement.
A.e. Le 2 septembre 2021, l'employeur a remis en main propre à l'employé un projet de décision de résiliation ordinaire des rapports de travail, au motif que l'employé avait violé ses obligations légales et contractuelles en n'assurant pas sa disponibilité opérationnelle immédiate dans le délai fixé par avertissement du 28 juillet 2021, de sorte qu'il n'était plus possible de l'occuper à la fonction prévue dans son contrat. Dans la mesure où l'employé n'avait pas la formation et le statut de militaire de carrière et où il n'existait aucun poste de militaire de carrière spécialiste, il n'était pas possible de maintenir son emploi dans une autre fonction, de sorte que la résiliation des rapports de travail était la seule option. Un délai au 20 septembre 2021 était fixé à l'employé pour exercer son droit d'être entendu. Ce dernier ne s'est pas déterminé dans le délai imparti.
A.f. Par décision du 27 septembre 2021, le Commandement des opérations a résilié les rapports de travail de l'employé avec effet au 31 janvier 2022 au motif que, nonobstant des entretiens personnels et un avertissement, l'employé n'avait pas saisi les occasions qui lui avaient été données de se soumettre au concept de vaccination établi par le médecin en chef de l'armée; il avait ainsi violé des obligations légales et contractuelles importantes en tant qu'il ne pouvait plus être engagé conformément à son contrat de travail, étant précisé que le concept de vaccination se justifiait en raison des restrictions d'entrée adoptées à l'étranger et du contexte sanitaire.
B.
L'employé a recouru auprès du Tribunal administratif fédéral contre cette décision, en concluant principalement au versement d'une indemnité pour résiliation injustifiée correspondant à une année de salaire ainsi que d'une indemnité pour longs rapports de travail correspondant à une année de salaire. Le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours par arrêt du 26 avril 2022.
C.
L'employé forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre cet arrêt, en concluant à sa réforme dans le sens de la condamnation de l'employeur à lui verser une indemnité pour résiliation injustifiée correspondant à une année de salaire (soit 95'243 fr.) ainsi qu'une indemnité de même montant pour longs rapports de travail.
Le Commandement des opérations conclut au rejet du recours. L'employé a répliqué. Par la suite, il a encore déposé une écriture spontanée.
Considérant en droit :
1.
L'arrêt entrepris a été rendu en matière de rapports de travail de droit public et concerne une contestation pécuniaire, de sorte que le motif d'exclusion de l'art. 83 let. g LTF n'entre pas en considération. La valeur litigieuse, déterminée par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 51 al. 1 let. a LTF), dépasse largement le seuil de 15'000 fr. ouvrant la voie du recours en matière de droit public en ce domaine (art. 85 al. 1 let. b LTF). Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) prise par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF). Il est dès lors recevable.
2.
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si le Tribunal administratif fédéral a violé le droit fédéral en confirmant la résiliation ordinaire du contrat de travail du recourant fondée sur la violation d'obligations légales ou contractuelles importantes.
2.2. Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'examine cependant la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante (cf. art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4; 141 I 36 consid. 1.3).
2.3. Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); à défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut pas être pris en compte (ATF 145 V 188 consid. 2 précité; 137 II 353 consid. 5.1). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
En tant que le recourant présente dans la partie faits de son recours un état de fait qui diverge de celui de l'arrêt attaqué, sans même chercher à exposer en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, il ne peut pas en être tenu compte. Il en va notamment ainsi de son allégation selon laquelle il aurait "demandé la permission de se rendre à l'étranger (en Angleterre semble-t-il) afin de se faire vacciner à sa charge et [...] trouver une alternative aux traitements ARNm". En outre, la pièce nouvelle produite par le recourant à l'appui de son recours ne sera pas prise en considération, conformément à l'art. 99 LTF.
3.
Il convient de commencer par rappeler les normes et principes pertinents pour la résolution du présent litige.
3.1.
3.1.1. Les rapports de travail entre la Confédération et son personnel sont régis par la loi fédérale du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers; RS 172.220.1) et par l'ordonnance du 3 juillet 2001 sur le personnel de la Confédération (OPers; RS 172.220.111.3), qui s'appliquent au personnel de l'administration fédérale ( art. 1 et 2 al. 1 let. a LPers ). Font partie de ce personnel notamment les militaires de métier et les militaires contractuels (art. 47 de la loi fédérale du 3 février 1995 sur l'armée et l'administration militaire [LAAM; RS 510.10]). Selon l'art. 10 al. 3 LPers, l'employeur peut résilier un contrat de durée indéterminée en cas de motifs objectivement suffisants, notamment en cas de violation d'obligations légales ou contractuelles importantes (let. a).
3.1.2. Si l'instance de recours admet le recours contre une décision de résiliation des rapports de travail prise par l'employeur et que, exceptionnellement, elle ne renvoie pas le dossier à l'instance précédente, elle est tenue d'allouer une indemnité au recourant s'il y a eu une résiliation ordinaire en l'absence de motifs objectivement suffisants ou une résiliation immédiate en l'absence de justes motifs, ou si les règles de procédure n'ont pas été respectées (art. 34b al. 1 let. a LPers). L'instance de recours fixe cette indemnité en tenant compte des circonstances; le montant de l'indemnité correspond en règle générale à six mois de salaire au moins et à un salaire annuel au plus (art. 34b aI. 2 LPers).
3.1.3. Avant de résilier le contrat de travail sans qu'il y ait faute de l'employé, l'employeur prend toutes les mesures qui peuvent raisonnablement être exigées de lui pour garder l'employé à son service (art. 19 al. 1 LPers). L'employeur verse une indemnité à l'employé si ce dernier travaille dans une profession où la demande est faible ou inexistante ainsi que s'il est employé de longue date ou a atteint un âge déterminé (art. 19 al. 3 LPers; cf. art. 78 al. 1 OPers). Selon l'art. 31 al. 1 OPers, la résiliation du contrat de travail est considérée comme due à une faute de l'employé si l'employeur le résilie notamment pour un des motifs définis à l'art. 10 al. 3 let. a à d LPers.
3.2. Selon l'art. 20 al. 1 LPers, l'employé est tenu d'exécuter avec soin le travail qui lui est confié et de défendre les intérêts légitimes de la Confédération et de son employeur. L'employé a ainsi un devoir de gestion, qui vise l'accomplissement des tâches publiques, et un devoir de fidélité, dont l'obligation d'obéissance est le corollaire (PIERRE MOOR/FRANÇOIS BELLANGER/THIERRY TANQUEREL, Droit administratif, vol. III, 2e éd. 2018, p. 589). S'agissant du personnel militaire, cette obligation est au surplus inhérente à la structure et à la mission de l'armée, l'art. 32 al. 2 LAAM disposant que les militaires doivent obéissance à leurs supérieurs dans les affaires relevant du service (voir également les chiffres 21 et 80 du règlement de service de l'armée du 22 juin 1994 [RSA; RS 510.107.0]). La désobéissance à un ordre - pour autant que celui-ci reste dans les limites du contrat et de la loi - peut constituer à tout le moins un motif objectivement suffisant de résiliation du contrat de travail lorsque l'injonction ou la prescription concerne des intérêts importants de l'employeur (cf. arrêts 4A_236/2012 du 2 août 2012 consid. 2.2; 4A_152/2011 du 6 juin 2011 consid. 2.3.1, in JdT 2012 II 212; 4C.357/2002 du 4 avril 2003 consid. 4.1).
3.3. Le recourant a été engagé en tant que sous-officier de carrière spécialiste (cf. art. 2 al. 4 de l'ordonnance du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports [DDPS] du 9 décembre 2003 sur le personnel militaire [O pers mil; RS 172.220.111.310.2]), avec le grade de sergent, au Détachement de reconnaissance de l'armée DRA10, lequel fait partie des formations professionnelles de l'armée (art. 5 let. e de l'ordonnance du 29 mars 2017 sur les structures de l'armée [OStrA; RS 513.11]).
3.3.1. La mission du DRA10, en tant qu'unité spéciale, est d'assumer des missions dans une situation de danger extrême et d'un degré de difficulté élevé. Cette unité doit être en mesure, à l'étranger, d'acquérir des informations-clés concernant la sécurité de la Suisse, d'assurer la protection des propres troupes, des personnes et des installations ainsi que de rapatrier des citoyens suisses se trouvant en situation de crise (art. 1 et 2 al. 1 de l'ordonnance du 3 mai 2006 concernant l'engagement de la troupe pour la protection de personnes et de biens à l'étranger [OPPBE; RS 513.76]). Le personnel militaire engagé au sein du DRA10 est instruit, équipé et préparé spécialement pour accomplir ces engagements au pied levé ou après une courte période de préparation (art. 2 al. 2 OPPBE).
3.3.2. Les rapports de travail du personnel militaire engagé dans le cadre d'un service d'appui à l'étranger sont d'abord régis par la LPers. Afin d'assurer une disponibilité opérationnelle immédiate, ils sont toutefois réglés spécialement par l'ordonnance du 6 juin 2014 concernant le personnel effectuant un engagement de la troupe visant la protection de personnes et d'objets à l'étranger (OPers-PPOE; RS 519.1), conformément à l'art. 1 let. a de cette ordonnance. L'art. 2 OPers-PPOE dispose que sauf disposition contraire de cette ordonnance, les rapports de travail sont régis par l'OPers et par l'O pers mil. Il y a lieu de préciser que cette dernière régit, pour le personnel militaire, les dispositions de l'OPers en matière de droit du personnel et règle les dérogations (art. 1 O Pers mil). Enfin, le contrat de travail du recourant du 14 septembre 2015 précise que celui-ci doit être prêt à participer à des engagements de courte et de longue durée à l'étranger dans la mesure où son employeur le lui demande et que le refus d'obtempérer à une telle demande peut représenter un motif de résiliation selon l'art. 10 al. 3 let. a LPers.
3.3.3. Selon l'art. 16 O pers mil, le personnel militaire peut en tout temps être engagé en Suisse ou à l'étranger conformément aux besoins du service; lorsqu'il y a des motifs importants, on peut y renoncer dans certains cas (al. 1); les instructions à la troupe, les services de promotion de la paix et les services d'appui font partie des engagements à l'étranger (al. 2). Selon l'art. 7 al. 1 OPers-PPOE, avant d'accomplir son engagement à l'étranger, la personne concernée doit remplir un questionnaire médical; elle doit se faire examiner par un médecin et prendre des mesures de prévention et de traitement.
3.4.
3.4.1. L'obligation imposée au recourant, en tant que membre du personnel militaire du DRA10, de se faire vacciner contre le Covid-19, avec l'avertissement qu'un refus constituerait une violation de ses obligations légales et contractuelles et l'exposerait à des mesures pouvant aller jusqu'au licenciement, représente une atteinte à ses droits fondamentaux, en particulier à sa liberté personnelle garantie par l'art. 10 al. 2 Cst. Comme tout droit fondamental, la liberté personnelle peut être restreinte aux conditions fixées à l'art. 36 al. 1 Cst.; la restriction doit ainsi reposer sur une base légale, être justifiée par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (cf. ATF 140 I 168 consid. 4).
3.4.2. Les restrictions graves des droits fondamentaux doivent être fondées sur une base claire et explicite dans une loi au sens formel (art. 36 al. 1, 2e phrase, Cst.; ATF 147 IV 145 consid. 2.4.1; 143 I 194 consid. 3.2; 141 I 211 consid. 3.2; 139 I 280 consid. 5.1; 137 I 209 consid. 4.3). En revanche, les atteintes plus légères peuvent, par le biais d'une délégation législative, figurer dans des actes de niveau inférieur à la loi, ou trouver leur fondement dans une clause générale (ATF 147 IV 145 consid. 2.4.1; 130 I 65 consid. 3.3; 123 I 112 consid. 7a; 122 I 360 consid. 5b/bb et les arrêts cités). La gravité de l'atteinte se détermine selon des critères objectifs, l'appréciation de la personne touchée n'étant pas décisive (ATF 147 IV 145 consid. 2.4.1; 137 I 209 consid. 4.3; 128 II 259 consid. 3.3; 124 I 8 consid. 2c). Selon la jurisprudence, la vaccination constitue une atteinte légère, inoffensive et peu douloureuse à l'intégrité corporelle (YVES DONZALLAZ, Traité de droit médical, 2021, vol. 1, n° 1327 p. 633 et n° 1329 p. 634, avec référence à l'ATF 99 la 747 consid. 2 et à un arrêt du Tribunal administratif du canton de Saint-Gall du 19 octobre 2006, in GVP 2006 n° 1).
3.4.3. Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 Cst. , exige que la mesure envisagée soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il postule un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts; ATF 147 IV 145 consid. 2.4.1; 146 I 70 consid. 6.4; 143 I 403 consid. 5.6.3; 142 I 76 consid. 3.5.1; 136 IV 97 consid. 5.2.2).
3.4.4. En tant que militaire professionnel, le recourant se trouve avec la Confédération dans un rapport de puissance publique spécial, parfois aussi appelé rapport de droit particulier (cf. PIERRE MOOR/ALEXANDRE FLÜCKIGER/VINCENT MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd. 2012, p. 19 et 719 s.; PIERRE MOOR/FRANÇOIS BELLANGER/THIERRY TANQUEREL, Droit administratif, vol. III, 2e éd. 2018, p. 589). Or il est admis que la libre adhésion de l'administré à un tel rapport de puissance publique spécial et l'intérêt qu'il y trouve justifient que les droits fondamentaux et les principes qui en découlent, particulièrement ceux de la légalité et de l'intérêt public, ne puissent y déployer leurs garanties que dans une mesure restreinte (MOOR/FLÜCKIGER/MARTENET, op. cit., p. 19; ISABELLE HÄNER, Grundrechte im öffentlichen Personalrecht, in Helbling/Poledna, Personalrecht des öffentlichen Dienstes, Berne 1999, p. 408; cf. ATF 108 Ib 162 consid. 5a et les références). Les fonctionnaires doivent accepter des restrictions à leurs droits fondamentaux qui découlent de leur devoir de fidélité ou de leur devoir de fonction (ULRICH HÄFELIN/GEORG MÜLLER/FELIX UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8e éd. 2020, n° 2041). Dans le cadre d'un tel rapport de puissance publique spécial, a fortiori lorsque la personne y a librement adhéré, une base légale matérielle, telle qu'une ordonnance, est suffisante - pour autant qu'il ne s'agisse pas d'une restriction grave aux droits fondamentaux - si elle peut être rattachée à une base légale formelle même générale (DONZALLAZ, op. cit. n° 1329 p. 633; MARKUS MÜLLER, Das besondere Rechtsverhältnis, thèse d'habilitation Berne 2003, p. 40; H ÄNER, op. cit., p. 408; PIERRE TSCHANNEN/ULRICH ZIMMERLI/MARKUS MÜLLER, Allgemeines Verwaltungsrecht, 4e éd. 2014, n° 31 p. 411; ATF 108 Ib 162 consid. 5a; cf. ATF 119 Ia 178 consid. 5b). Les exigences quant à la densité normative de la norme de délégation sont alors allégées dans la mesure où il suffit que les restrictions se déduisent de la finalité et de la bonne marche de l'institution (MOOR/FLÜCKIGER/MARTENET, op. cit., p. 723; MARKUS MÜLLER, op. cit., p. 40 s.; H ÄNER, op. cit., p. 408; HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, op. cit., n° 2041; TSCHANNEN/ZIMMERLI/MÜLLER, op. cit., n° 31 p. 411).
3.5.
3.5.1. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme, la vaccination obligatoire, en tant qu'intervention médicale non volontaire, constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée au sens de l'art. 8 CEDH (arrêt de la CourEDH n° 24429/03 du 15 mars 2012 Solomakhin c. Ukraine, § 33). Même si la vaccination contestée n'a pas été effectuée, le fait que le requérant subit les conséquences directes du non-respect de l'obligation vaccinale constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée (arrêt de la CourEDH n° 47621/13 du 8 avril 2021 Vavricka c. République Tchèque, § 263). Pour déterminer si cette ingérence viole l'art. 8 CEDH, il faut rechercher si elle est justifiée au regard du second paragraphe de cet article, c'est-à-dire si elle est "prévue par la loi", si elle poursuit l'un ou plusieurs des buts légitimes énumérés dans cette disposition, et si elle est à cet effet "nécessaire dans une société démocratique" (arrêt de la CourEDH n° 47621/13 précité, § 265).
3.5.2. Toute atteinte à un droit garanti par la CEDH doit avoir une base en droit interne; en outre, la "loi" - terme qui doit être entendu dans son acception matérielle et non formelle - doit être suffisamment accessible et énoncée avec assez de précision pour permettre aux personnes auxquelles elle s'applique de régler leur conduite: en s'entourant au besoin de conseils éclairés, elles doivent être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d'un acte déterminé (arrêt de la CourEDH n° 47621/13 précité, § 266 et 269, avec références; ATF 123 I 112 consid. 7a).
3.5.3. Une ingérence est considérée comme "nécessaire dans une société démocratique" pour atteindre un but légitime si elle répond à un besoin social impérieux et, en particulier, si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent pertinents et suffisants et si elle est proportionnée au but légitime poursuivi. Cela étant, le mécanisme de contrôle institué par la CEDH a un rôle fondamentalement subsidiaire; c'est au premier chef aux autorités nationales qu'il revient de se prononcer sur le point de savoir où se situe le juste équilibre à ménager lorsqu'elles apprécient la nécessité, au regard d'un intérêt général, d'une ingérence dans les droits des individus protégés par l'art. 8 CEDH (arrêt de la CourEDH n° 47621/13 précité, § 273, avec références).
4.
4.1. En l'espèce, le Tribunal administratif fédéral a relevé que le recourant avait l'obligation d'assurer sa disponibilité, au pied levé ou après une courte période de préparation, pour des engagements de courte et de longue durée à l'étranger, cette obligation correspondant à la mission même du DRA10 prévue par l'art. 2 al. 3 OPPBE (cf. consid. 3.3.1 supra). Or, afin d'accomplir ses obligations professionnelles, le recourant n'avait pas seulement l'obligation d'accepter des missions à l'étranger, mais devait également être en mesure d'intervenir au pied levé ou après une courte préparation. Autrement dit, il devait assurer sa disponibilité opérationnelle immédiate. Ce n'était que dans ces conditions qu'il était en mesure de satisfaire à son devoir de fidélité à l'égard de son employeur (cf. consid. 3.2 supra). Cette obligation passait aussi par un examen médical obligatoire et par la mise en place de traitements curatifs et préventifs, conformément à l'art. 7 al. 1 OPers-PPOE (cf. consid. 3.3.3 supra). Par conséquent, afin d'assurer sa disponibilité opérationnelle immédiate, le recourant devait se soumettre aux directives médicales du médecin en chef de l'armée concernant les traitements curatifs et préventifs à suivre. Le Conseil fédéral ne s'était manifestement pas réservé la compétence d'édicter de telles directives, ce qui était d'ailleurs cohérent compte tenu des spécificités des nombreux services qui composaient l'administration fédérale et que le Conseil fédéral chapeautait.
4.2. Le Tribunal administratif fédéral a examiné si la restriction aux libertés fondamentales du recourant engendrée par son obligation de se soumettre au concept de vaccination contre le Covid-19 reposait sur une base légale valable (cf. art. 36 al. 1 Cst.).
4.2.1. A cet égard, les juges précédents ont évoqué l'art. 7 al. 1 OPers-PPOE et ont relevé que si cette ordonnance se fondait notamment sur la délégation de compétence de l'art. 37 al. 1 LPers, cette loi ne donnait toutefois aucune précision quant aux éventuelles directives médicales de l'employeur. Cela étant, les rapports de travail du recourant reposaient également sur la législation militaire (l'OPers-PPOE se fondant d'ailleurs aussi sur la délégation de compétence de l'art. 150 al. 1 LAAM). Or l'art. 35 LAAM permettait au Conseil fédéral d'ordonner, en vue de lutter contre des affections transmissibles ou graves, des mesures médicales obligatoires pour les militaires (al. 1) et d'exiger, pour l'exercice de fonctions de l'armée présentant un risque élevé d'infection, des analyses de sang ou des vaccinations à titre préventif (al. 2). Sur cette base, le Conseil fédéral avait précisé que les militaires devaient se soumettre à tous les contrôles médicaux et à toutes les mesures sanitaires que l'on pouvait raisonnablement exiger d'eux (chiffre 88 al. 2 RSA).
4.2.2. Le Tribunal administratif fédéral a au surplus exposé que le médecin en chef de l'armée assumait, au sein de cette institution, les mêmes fonctions qu'un médecin cantonal au sens de l'art. 53 de la loi du 28 septembre 2012 sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (loi sur les épidémies, LEp; RS 818.101; cf. Message du Conseil fédéral du 3 décembre 2010 concernant la révision de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme, FF 2011 p. 291 ss, spéc. p. 381). Il disposait, à ce titre, des compétences prévues notamment par l'ordonnance du 25 octobre 1955 concernant les mesures à prendre par l'armée contre les épidémies et les épizooties (RS 510.35) et pouvait, conformément à l'art. 1 al. 1 de cette ordonnance, prendre les mesures de protection nécessaires pour empêcher que des maladies contagieuses soient introduites dans l'armée ou propagées par celle-ci.
4.2.3. En définitive, le médecin en chef de l'armée, qui disposait des mêmes attributions dans l'armée que les médecins cantonaux, pouvait prendre les mesures de protection nécessaires pour empêcher que des maladies contagieuses soient introduites dans l'armée ou propagées par celle-ci, soumettre le personnel militaire à des contrôles médicaux et l'astreindre à prendre toutes les mesures que l'on pouvait raisonnablement exiger de ce personnel, y compris la vaccination. Il importait ainsi peu que le concept de vaccination n'émanât pas directement du Conseil fédéral, mais du médecin en chef de l'armée, et l'employeur était fondé à en exiger le respect.
4.2.4. Les juges précédents ont ainsi considéré que la restriction aux libertés fondamentales du recourant engendrée par l'obligation d'adhérer au concept de vaccination contre le Covid-19 reposait, pour le personnel militaire, sur une base légale suffisante. Au surplus, la jurisprudence ayant toujours considéré la vaccination comme une atteinte légère, inoffensive et peu douloureuse à l'intégrité corporelle (cf. consid. 3.4.2 supra), une loi au sens formel n'était en tout état de cause pas nécessaire, bien qu'elle existât de par l'art. 35 LAAM et les dispositions de la LEp.
4.3. Examinant ensuite l'existence d'un intérêt public suffisant (cf. art. 36 al. 2 Cst.), le Tribunal administratif fédéral a relevé que l'intérêt premier à la vaccination du personnel militaire était notamment de lutter contre les affections transmissibles ou graves au sein de l'armée ou entre les membres de l'armée et les populations civiles en contact avec le personnel militaire. Il s'agissait là d'un intérêt public manifeste, qui était au surplus conforme aux exigences de la CEDH (cf. arrêt de la CourEDH n° 47621/13 précité, § 272). En outre, au vu de la mission du DRA10 (cf. consid. 3.3.1 supra), l'intérêt public était également de permettre au personnel militaire qui devait être détaché à l'étranger d'être opérationnel immédiatement compte tenu de la grande disparité des restrictions d'entrée dans les différents pays et de la situation sanitaire locale. Par conséquent, la restriction aux libertés fondamentales du recourant engendrée par l'obligation de se soumettre au concept de vaccination contre le Covid-19 était justifiée par des intérêts publics légitimes au sens tant de la Constitution fédérale que de la CEDH.
4.4. Le Tribunal administratif fédéral a enfin examiné si cette restriction respectait le principe de la proportionnalité, dans ses trois composantes que sont la règle de l'aptitude, la règle de la nécessité et le principe de la proportionnalité au sens étroit (cf. consid. 3.4.1 supra).
4.4.1. Concernant d'abord la règle de l'aptitude, il a considéré qu'il était indéniable que la restriction imposée par l'adhésion au concept de vaccination contre le Covid-19 était apte à atteindre les buts visés, à savoir notamment assurer la disponibilité opérationnelle immédiate du recourant pour effectuer des missions au pied levé dans l'intérêt de la Suisse à l'étranger et limiter la propagation de maladies contagieuses au sein de l'armée ou par le biais de cette dernière. A cet effet, il importait peu que la protection vaccinale ne fût pas une garantie absolue. Selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, une telle garantie serait en tout état de cause illusoire. Il était suffisant que la mesure contribuât à réduire le risque que la disponibilité opérationnelle du personnel militaire des forces spéciales ne pût plus être assurée en raison d'une forme, légère ou grave, de Covid-19. Tout comme le recourant devait être prêt à intervenir au pied levé lorsque cela est nécessaire, le Commandement des opérations devait être prêt à mobiliser et envoyer des troupes au pied levé et devait pouvoir compter, à cet effet, sur l'ensemble de son personnel.
4.4.2.
4.4.2.1. Concernant la règle de la nécessité, les juges précédents ont exposé que le concept de vaccination contre le Covid-19 reposait d'abord sur le document intitulé "Concept et stratégie de vaccination V" du 31 octobre 2013. Ce document prévoyait, s'agissant des membres du DRA10, que "[aufgrund] der möglichen Einsätze im In- und Ausland und der kurzfristigen Einsatzverfügbarkeit ist für die Mitglieder dieser Einheit ein umfassender Impfschutz zu erstellen" (p. 10). Il listait ensuite une série de quinze vaccins destinés au personnel militaire amené à effectuer des missions à l'étranger et dont l'adhésion était obligatoire.
4.4.2.2. Le 1er juin 2021, le médecin en chef de l'armée avait ajouté la vaccination contre le Covid-19 à cette liste pour le personnel militaire des forces spéciales. Il précisait dans son information que, même si les infections dues au Covid-19 étaient généralement bénignes, les symptômes qui en résultaient pouvaient, à court et moyen terme, limiter significativement la disponibilité et la capacité d'action du personnel militaire, voire l'empêcher d'être mobilisable; les vaccins disponibles avaient été testés et autorisés par les autorités sanitaires et les données scientifiques montraient un bon effet protecteur; les effets secondaires étaient généralement moindres, étant précisé que si des données scientifiques devaient modifier ces conclusions, le concept de vaccination serait revu en conséquence.
4.4.2.3. Les premiers juges ont ensuite relevé que le médecin en chef de l'armée n'était pas responsable des restrictions d'entrée sur le territoire des autres pays. Celles-ci pouvaient notoirement varier du jour au lendemain et seule la vaccination contre le Covid-19 permettait d'assurer un minimum de contrainte dans un maximum de destinations pour le personnel militaire amené à effectuer des engagements à l'étranger. Si le résultat d'un test PCR, voire d'un test antigène, était susceptible de se substituer à la vaccination pour certaines destinations, certains pays exigeaient un second test, voire un troisième test après une période donnée pour les personnes non vaccinées. Selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, seul un concept de vaccination contre le Covid-19 était à même de permettre au recourant d'intervenir au pied levé pour des engagements à l'étranger, quel que fût le pays de destination et l'évolution des mesures sanitaires - dans un sens ou dans l'autre - en Suisse et à l'étranger.
4.4.2.4. Par conséquent, compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont disposait l'autorité, rien ne permettait de remettre en cause ses conclusions selon lesquelles le concept de vaccination contre le Covid-19 était nécessaire pour le personnel militaire des forces spéciales.
4.4.3.
4.4.3.1. S'agissant de la proportionnalité au sens étroit et de la pesée entre les intérêts publics à protéger et ceux affectés du recourant, les premiers juges ont relevé que le recourant ne faisait pas partie du personnel de n'importe quel service de l'administration fédérale, mais avait été engagé au sein des forces spéciales de l'armée dans le but de sauvegarder les intérêts de la Suisse et des citoyens suisses à l'étranger. Lorsqu'une menace pesait sur l'un de ces intérêts, les forces spéciales et l'unité de reconnaissance du recourant étaient amenées à intervenir dans des situations extrêmement dangereuses. Les récents détachements du DRA10 en août 2021 en Afghanistan et en Ukraine en mars 2022 en étaient la preuve. Leur mission consistait notamment à évacuer les ressortissants suisses encore dans le pays, ainsi que les employés locaux de la Confédération et leur famille. Les membres de l'unité du recourant étaient formés précisément pour de telles missions, qui impliquaient un danger pour l'intégrité physique et la vie non seulement des soldats, mais également de la population civile et des citoyens suisses se trouvant en zone de conflits armés. Ainsi, lorsque le recourant se mettait délibérément en situation de ne plus pouvoir effectuer ses missions, il mettait non seulement en péril les intérêts de la Confédération, mais aussi la vie de citoyens suisses à rapatrier. L'intérêt public en jeu était ainsi particulièrement important.
4.4.3.2. Le recourant pouvait quant à lui faire valoir un intérêt privé à ne pas se faire vacciner contre le Covid-19, à ne pas s'exposer aux risques inhérents à la vaccination et à voir ses convictions personnelles respectées. Cependant, ses arguments ne résistaient pas à la critique. En effet, en acceptant de servir en tant que militaire professionnel au sein des forces spéciales, qui étaient amenées à intervenir en zone de guerre ou de conflit armé, le recourant avait volontairement limité ses droits personnels au profit de la communauté et des objectifs communs. En acceptant de se mettre en danger de mort chaque fois qu'il partait en mission, le recourant sacrifiait bien davantage sa liberté personnelle qu'en se faisant vacciner contre le Covid-19.
4.4.3.3. De plus, le concept de vaccination comprenait quinze vaccins en sus de celui contre le Covid-19 et le recourant n'alléguait pas les avoir refusés. A l'instar de tout traitement curatif ou préventif, y compris le plus simple, il existait certes des effets secondaires au vaccin contre le Covid-19 et il était parfois nécessaire de faire des rappels. A cet égard, une lecture attentive du concept de vaccination global du personnel militaire des forces spéciales permettait de constater que le vaccin contre le Covid-19 n'était de loin pas le seul à imposer des injections multiples, à des délais parfois beaucoup plus courts. Cela étant, le but poursuivi par l'autorité de régulation Swissmedic en autorisant la mise sur le marché suisse d'un médicament ou d'un vaccin était précisément de contrôler leur innocuité et de déterminer si, de façon globale, les effets secondaires potentiels d'un traitement et leur probabilité sur un groupe de population donné était contrebalancés par ses avantages curatifs ou préventifs (art. 1 de la loi fédérale du 15 décembre 2000 sur les médicaments et les dispositifs médicaux [loi sur les produits thérapeutiques, LPTh; RS 812.21]). Dans ce cadre, il s'agissait également de mettre en lumière, sur la base des connaissances scientifiques acquises, les cas d'éventuelles contre-indications. Par conséquent, il importait peu que cette autorisation fût temporaire ou définitive. Les vaccins Moderna et Pfizer avaient fait l'objet d'une autorisation en Suisse et le recourant ne faisait pas partie des groupes cibles pour lesquels ces vaccins n'étaient pas recommandés. Il n'appartenait pas au Tribunal de remettre en cause cette autorisation ou les conclusions médicales qui en découlaient, à savoir que les risques liés aux effets secondaires du vaccin contre le Covid-19 étaient contrebalancés par les effets positifs sur la santé, en particulier lorsque l'innocuité des vaccins était soumise à un contrôle permanent des autorités compétentes, raison pour laquelle l'autorisation pouvait être octroyée temporairement.
4.4.3.4. Les juges précédents ont ensuite relevé que Swissmedic avait publié, le 8 avril 2022, un rapport concernant les déclarations d'effets indésirables présumés des vaccins contre le Covid-19 pour la période du 1er janvier 2021 au 5 avril 2022 (cf. www.swissmedic.ch > Actualité > Pandémie de maladie à coronavirus > Déclarations d'effets indésirables présumés de vaccins contre le Covid-19, consulté le 26 avril 2022). Il en ressortait que, sur les quelque 15'702'712 doses de vaccin administrées en Suisse et au Liechtenstein, ce qui correspondait à 6'106'917 personnes vaccinées avec au moins une dose, seules 5491 déclarations d'effets indésirables graves avaient été recensées, soit quelque 0.03 % des doses administrées ou 0.09 % des personnes vaccinées avec au moins une dose. Par conséquent, les déclarations du recourant étaient largement surévaluées et ne reposaient que sur ses convictions personnelles. Au surplus, le recourant n'apportait aucun élément tangible que, dans son cas particulier, le vaccin contre le Covid-19 présenterait un risque particulier et grave pour sa santé. Il ne s'était soumis à aucun examen médical et ne faisait pas non plus état de contre-indications médicales. L'impact de la vaccination sur son intégrité était donc moindre. Les chiffres de l'agence européenne des médicaments EMA, EudraVigilance, avancés par le recourant dans le cadre de son mémoire de recours, n'emportaient pas une conclusion différente. Il en ressortait qu'au 1er février 2022, sur les 545'000'000 de doses de vaccins Moderna et Pfizer administrées au sein de l'Union européenne, seules 522'530 déclarations d'effets secondaires, toutes catégories confondues, avaient été recensées, ce qui représentait 0.09 % des doses administrées. S'ils étaient supérieurs aux chiffres suisses, les chiffres européens ne faisaient pas la distinction entre effets secondaires graves ou légers, et le nombre de personnes atteintes d'effets secondaires restait de toute manière largement en deçà des limites de l'acceptable. Contrairement à ce que soutenait le recourant, il s'agissait là de faits établis et rien ne permettait de les remettre en cause.
4.5. Dès lors que la restriction aux libertés individuelles du recourant engendrée par son obligation de se soumettre au concept de vaccination contre le Covid-19 reposait sur une base légale suffisante (cf. consid. 4.2 supra), qu'elle était justifiée par un intérêt public (cf. consid. 4.3 supra) et qu'elle respectait le principe de la proportionnalité conformément à l'art. 36 Cst. (cf. consid. 4.4 supra), l'autorité inférieure n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le refus du recourant de se faire vacciner contre le Covid-19 l'empêchait de remplir ses obligations légales et contractuelles et constituait une violation de celles-ci.
5.
Le recourant fait valoir que l'obligation de vaccination imposée par son employeur restreint son droit à la liberté personnelle et à l'intégrité physique (art. 10 al. 2 Cst. et 8 § 1 CEDH) et porte atteinte à sa liberté de conscience et de croyance (art. 15 al. 1 Cst. et 9 CEDH) en le contraignant à effectuer un acte médical allant à l'encontre de ses convictions intimes sans qu'une telle restriction soit justifiée selon les conditions fixées par l'art. 36 Cst., cela tant sous l'angle de la base légale (art. 36 al. 1 Cst.) que sous celui de la proportionnalité au but visé (art. 36 al. 3 Cst.).
5.1.
5.1.1. Le recourant soutient d'abord que l'obligation qui lui a été faite de se faire vacciner contre le Covid-19 ne reposerait pas sur une base légale suffisante. Selon lui, les vaccins de Moderna et de Pfizer, qui devraient être qualifiés de "médicaments en phase de test bénéficiant d'une autorisation temporaire en Suisse", ne sauraient entrer dans la catégorie des traitements au sens de l'art. 7 al. 1 OPers-PPOE (cf. consid. 3.3.3 supra); en effet, en écrivant cette ordonnance, le Conseil fédéral pensait à des traitements éprouvés, bénéficiant d'autorisations ordinaires, dont les effets secondaires sont connus, et pas à des produits en phase de test. Quant à l'art. 35 LAAM, qui permet au Conseil fédéral d'exiger des vaccinations pour l'exercice de fonctions de l'armée présentant un risque élevé d'infection (cf. consid. 4.2.1 supra), il ne constituerait pas non plus une base légale suffisante dans le cas d'espèce. En effet, premièrement, l'obligation qui lui a été faite de se faire vacciner contre le Covid-19 n'a pas été prononcée par le Conseil fédéral, mais par le médecin en chef de l'armée. Deuxièmement, dans ses explications relatives à la modification de l'art. 35 LAAM, le Conseil fédéral a indiqué que "[l]es militaires qui se destinent à un engagement à l'étranger devraient consentir à tous les vaccins de base (ROR, hépatite A et B, diphtérie et tétanos, etc.) et à des vaccins spécifiques en fonction de l'engagement à l'étranger" (Message du Conseil fédéral relatif à la modification des bases légales concernant le développement de l'armée, FF 2014 p. 6693 ss, spéc. p. 6747); or les vaccins de Moderna et de Pfizer, qui seraient encore en phase de test, ne seraient ni des vaccins de base ni des vaccins spécifiques en fonction de l'engagement à l'étranger, tels que des vaccins antipaludiques.
5.1.2. Il ressort de la décision de résiliation des rapports de travail du 27 septembre 2021 que l'obligation qui a été faite au recourant de se faire vacciner contre le Covid-19 reposait sur la nécessité d'assurer sa disponibilité opérationnelle immédiate, en tant que membre du DRA10, pour des engagements au pied levé à l'étranger. Il s'agissait ainsi d'un ordre (cf. consid. 3.2 supra) qui se rapportait à une exigence ayant pour but de garantir l'exécution de ses obligations légales et contractuelles en tant que militaire professionnel, membre du DRA10 (cf. consid. 3.3.1 supra). Au regard du rapport de droit particulier dans lequel il s'inscrit, un tel ordre pouvait, s'agissant d'une restriction considérée comme légère à la liberté personnelle, se fonder sur une base légale matérielle (cf. consid. 3.4.2 et consid. 3.4.4 supra). Celle-ci se trouve à l'art. 7 al. 1 OPers-PPOE, qui prévoit qu'avant d'accomplir son engagement à l'étranger, la personne concernée doit remplir un questionnaire médical; elle doit se faire examiner par un médecin et prendre des mesures de prévention et de traitement (cf. consid. 3.3.3 supra). L'OPers-PPOE se fonde notamment sur la délégation de compétence de l'art. 37 al. 1 LPers (cf. consid. 4.2.1 supra) et règle spécialement, conformément à son art. 2, les rapports de travail du travail du personnel militaire effectuant un engagement de la troupe visant la protection de personnes et d'objets à l'étranger (cf. consid. 3.3.2 supra). L'obligation inscrite à l'art. 7 al. 1 OPers-PPOE de prendre des mesures de prévention et de traitement, en tant qu'elle a pour objectif de permettre l'exécution des obligations légales et contractuelles des membres du personnel militaire, se justifie ainsi par rapport au but et à la bonne marche de l'institution (cf. consid. 3.4.4 supra).
Par ailleurs, si cette disposition ne contient pas une énumération expresse des mesures de prévention concernées, cela tient à la nécessité de réserver une marge de manoeuvre suffisante à l'institution militaire pour définir elle-même les mesures propres à atteindre l'objectif visé et permettre une adaptation de celles-ci à des situations susceptibles d'évoluer au cours du temps. Il n'est en effet pas possible, ni souhaitable, de délimiter une fois pour toutes les mesures de prévention auxquelles doit se soumettre le personnel militaire pouvant être appelé à accomplir un engagement à l'étranger. Comme moyen préventif contre les maladies qui pourraient faire peser un risque sur cet engagement, la vaccination entre clairement dans la définition d'une mesure de prévention au sens de l'art. 7 al. 1 OPers-PPOE. En l'occurrence, en sa qualité de responsable, pour l'Etat-major, du domaine sanitaire et médical au sein de l'armée, le médecin en chef de l'armée a élaboré un document intitulé "Concept et stratégie de vaccination V" du 31 octobre 2013, qui prévoit une série de quinze vaccins destinés au personnel militaire amené à effectuer des missions à l'étranger et dont l'adhésion est obligatoire (cf. consid. 4.4.2.1 supra). Afin d'assurer la disponibilité opérationnelle du personnel militaire des forces spéciales dans le contexte des restrictions d'entrée imposées par de nombreux pays dans le cadre de la pandémie de Covid-19, le médecin en chef de l'armée a ajouté le 1er juin 2021 à cette liste la vaccination contre le Covid-19 pour les membres du personnel concerné (cf. consid. 4.4.2.2 supra).
Contrairement à ce que soutient le recourant, le fait que les vaccins contre le Covid-19 de Moderna et de Pfizer aient fait l'objet d'une autorisation de durée limitée - après un examen minutieux de toutes les données fournies concernant la sécurité, l'efficacité et la qualité du vaccin, qui satisfait aux exigences élevées de sécurité, d'efficacité et de qualité applicables (cf. www.swissmedic.ch > Actualité > Pandémie de maladie à coronavirus > Swissmedic autorise le vaccin de Moderna contre le Covid-19, consulté le 21 novembre 2022) - ne signifie pas que ces vaccins seraient encore "en phase de test". Au demeurant, comme l'a relevé à raison l'autorité précédente, les données publiées depuis lors sur les effets secondaires graves de ces vaccins montrent que des effets indésirables graves n'ont été recensés que dans une proportion infinitésimale de cas sur plus de 15 millions de doses administrées en Suisse et au Liechtenstein ainsi que sur 545 millions de doses administrées au sein de l'Union européenne (cf. consid. 4.4.3.4 supra).
Il s'ensuit que l'art. 7 al. 1 OPers-PPOE constitue une base légale suffisante à la mesure en cause, laquelle peut être imposée au personnel des forces spéciales indépendamment des prévisions de l'art. 35 LAAM, qui vise quant à lui à lutter contre des affections transmissibles ou graves en prévenant un risque élevé d'infection. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner les griefs du recourant relatifs à l'art. 35 LAAM.
5.2.
5.2.1. Le recourant se plaint ensuite d'une violation du principe de la proportionnalité (cf. art. 36 al. 3 Cst.) à deux égards. D'une part, il soutient que pour défendre son intégrité corporelle et faire usage de sa liberté personnelle face à l'obligation vaccinale imposée par son employeur, il n'aurait pas eu d'autre choix que de refuser simplement de se faire inoculer le produit. D'autre part, il fait valoir que des militaires du DRA10, dont lui-même, auraient proposé en vain diverses solutions alternatives à la vaccination, dont celle d'utiliser les opérateurs réfractaires aux vaccins comme "training wing", et qu'il aurait certainement été possible de lui proposer un autre poste dans l'armée, par exemple militaire contractuel dans une école de recrues ou mécanicien (sa profession apprise) à la base logistique de l'armée, plutôt que de le licencier (cf. art. 19 al. 1 LPers).
5.2.2. On peine à comprendre le premier argument. Le recourant a consciemment choisi de refuser la vaccination imposée par son employeur en sachant que cela entraînerait son licenciement. Au regard de l'art. 36 al. 3 Cst., la question est de savoir si l'obligation de vaccination contre le Covid-19 imposée au recourant comme aux autres membres du DRA10 était apte à atteindre le but d'intérêt public visé (règle de l'aptitude), si ce but ne pouvait pas être atteint par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) et si l'intérêt public visé l'emportait sur les intérêts affectés du recourant (principe de la proportionnalité au sens étroit; cf. consid. 3.4.3 supra). Or le recourant ne conteste pas que la mesure litigieuse soit apte à atteindre le but visé, soit assurer la disponibilité opérationnelle immédiate du personnel militaire du DRA10 pour des engagements au pied levé à l'étranger dans l'intérêt de la Suisse. Il ne démontre au surplus pas que ce but aurait pu être atteint par une mesure moins incisive. Si des solutions alternatives comme celle d'utiliser les opérateurs réfractaires aux vaccins comme "training wing" constitueraient certes des mesures moins incisives pour ceux-ci, elles ne permettent en revanche pas d'atteindre le but visé. En l'absence de grief dûment motivé sur ce point, il n'y a pas non plus lieu de revoir l'appréciation des juges précédents quant à la pesée à effectuer entre les intérêts publics à protéger et ceux affectés du recourant (cf. consid. 4.4.3 supra). Enfin, en ce qui concerne l'argumentation tirée de l'art. 19 al. 1 LPers, elle n'est pas pertinente dès lors que cette disposition ne s'applique que lorsqu'une résiliation du contrat de travail est envisagée sans qu'il y ait faute de l'employé (cf. consid. 3.1.3 supra).
6.
6.1. Le recourant conteste avoir violé des obligations légales et contractuelles importantes de nature à constituer des motifs objectivement suffisants de résiliation du contrat de travail par l'employeur selon l'art. 10 al. 3 let. a LPers (cf. consid. 3.1.2 supra). Il reproche à cet égard aux premiers juges de ne pas avoir sérieusement examiné les critiques qu'il avait formulées sur sa soi-disant indisponibilité opérationnelle et d'avoir violé l'art. 2 al. 3 OPBE en ne disant pas concrètement quelles missions il n'avait pas pu accomplir ou n'aurait pas pu accomplir du fait qu'il n'était pas vacciné contre le Covid-19.
6.2. Le recourant avait soutenu devant les juges précédents que s'il devait se rendre dans un pays où un certificat Covid était nécessaire, il aurait pu l'obtenir rapidement en présentant les résultats d'un test de dépistage, comme l'avaient fait les opérateurs du DRA10 qui avaient participé au déploiement de cette unité en Afghanistan en août 2021 et qui avaient dû à cette occasion, en plus de la vaccination, effectuer un test PCR avant de partir en mission. Il continue à soutenir devant le Tribunal fédéral qu'il est facile d'organiser rapidement un test de dépistage et qu'il ne serait dès lors pas établi que son refus de se faire vacciner contre le Covid-19 aurait concrètement nui à sa disponibilité opérationnelle.
Ces critiques tombent à faux. Il ressort en effet des faits constatés par le Tribunal administratif fédéral et il est d'ailleurs notoire qu'au moment où le licenciement du recourant a été prononcé, de nombreux pays exigeaient pour entrer sur leur territoire la vaccination contre le Covid-19, tandis que certains autres exigeaient uniquement un résultat négatif à un test PCR voire à un test antigène (certains pays exigeant toutefois un second test, voire un troisième test après une période donnée pour les personnes non vaccinées; cf. consid. 4.4.2.3 supra). Il s'ensuit que seule la vaccination contre le Covid-19 - et non, comme le soutient le recourant, la simple possibilité d'organiser rapidement des tests de dépistage - permet d'assurer que les opérateurs du DRA10 soient en mesure de participer en tout temps aux missions de cette unité spéciale à l'étranger. En refusant délibérément de se soumettre à une mesure ordonnée par son employeur qui était nécessaire pour assurer sa disponibilité opérationnelle en vue des missions pour lesquelles il avait été engagé, le recourant a indéniablement violé des obligations légales et contractuelles importantes.
6.3. Il résulte de ce qui précède que la résiliation ordinaire du contrat de travail du recourant repose sur des motifs objectivement suffisants, à savoir la violation d'obligations légales ou contractuelles importantes (art. 10 al. 3 let. a LPers). Par conséquent, c'est à bon droit que les juges précédents ont rejeté les prétentions du recourant tendant au versement d'une indemnité fondée sur l'art. 34b LPers (cf. consid. 3.1.2 supra), de même que ses prétentions tendant au versement d'une indemnité fondée sur l'art. 19 al. 3 LPers, la résiliation devant être considérée comme due à une faute de l'employé conformément à l'art. 31 al. 1 OPers (cf. consid. 3.1.3 supra). Il n'y a donc pas lieu d'examiner les développements du recours à cet égard, qui reposent sur la prémisse que la résiliation du contrat de travail pour violation d'obligations légales ou contractuelles importantes serait contraire au droit, ce qui n'est pas le cas.
7.
Mal fondé, le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires. Bien qu'obtenant gain de cause, l'intimé n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF; cf. arrêt 8C_70/2010 du 20 décembre 2010 consid. 8.2, non publié in ATF 137 I 58).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.
Lucerne, le 22 février 2023
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : von Zwehl