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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_423/2022  
 
 
Arrêt du 23 août 2022  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
Marazzi et von Werdt. 
Greffier : M. Piccinin. 
 
Participants à la procédure 
1. A.A.________, 
2. B.A.________, 
tous deux représentés par Me Jonathan Rey, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
C.________ SA, 
représentée par Me Olivier Bastian, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
action en revendication (art. 641 al. 2 CC), cas clair (art. 257 CPC), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 25 avril 2022 
(101 2021 473). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. D.________ a prêté aux époux A.________ (ci-après: les recourants) 250'000 fr. le 29 septembre 2017, puis 900'000 fr. le 14 novembre 2017. Par acte du 14 novembre 2017, la recourante a acheté, avec ces sommes, le bien-fonds no 2110 de la commune de U.________. À des fins de garantie, elle a transféré à D.________ une cédule hypothécaire au porteur de 1'500'000 fr. grevant l'immeuble précité.  
Les 14 novembre 2017 et 22 avril 2018, D.________ et les recourants ont signé des reconnaissances de dette en lien avec les montants prêtés, majorés d'un intérêt de 50'000 fr., respectivement de 180'000 fr. Les recourants n'ayant pas payé les intérêts ni remboursé les montants en capital précités, D.________ a dénoncé la cédule hypothécaire, puis requis et obtenu la réalisation forcée du bien-fonds no 2110. Il a acquis celui-ci aux enchères le 12 février 2020 pour le montant de 1'000'000 fr. par compensation de créances et a été inscrit au registre foncier comme propriétaire avec effet au 6 mars 2020. 
 
A.b. Par contrat du 30 juin 2020, D.________ a vendu le bien-fonds précité à C.________ SA (ci-après: l'intimée), qui a été inscrite comme propriétaire à compter du 14 juillet 2020.  
Par courrier du 2 juillet 2020, l'intimée a requis des recourants qu'ils quittent son immeuble. 
 
A.c. Par mémoire du 7 juin 2021, l'intimée a déposé à l'encontre des recourants une action en revendication et en restitution en protection des cas clairs. Les recourants ont conclu à l'irrecevabilité de cette requête et ont demandé que l'intimée soit astreinte à prester des sûretés en garantie des dépens.  
 
B.  
Par décision du 2 novembre 2021, le Président du Tribunal de l'arrondissement de la Broye a entièrement admis l'action en revendication et en restitution de l'intimée et rejeté la requête de sûretés des recourants. 
Statuant par arrêt du 25 avril 2022, notifié aux recourants le 28 avril 2022, la Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg a rejeté l'appel des recourants, dans la mesure de sa recevabilité et, partant, confirmé la décision de première instance. 
 
C.  
Par acte du 30 mai 2022, les époux A.________ exercent un recours en matière civile au Tribunal fédéral, en concluant principalement à l'admission de leur appel et à la réforme de la décision de première instance du 2 novembre 2021 en ce sens que la requête introduite par C.________ SA le 7 juin 2021 est déclarée irrecevable. 
A titre superprovisionnel et provisionnel, ils sollicitent l'octroi de l'effet suspensif à leur recours et demandent, sous commination de la peine d'amende, qu'il soit fait interdiction à la police cantonale, à l'intimée et à tout auxiliaire de celle-ci de procéder à tout acte d'exécution de la décision du 2 novembre 2021 jusqu'à droit connu sur le recours et qu'il soit donné ordre à l'intimée de leur remettre les clés de l'immeuble dès lors que celle-ci avait remplacé les serrures. 
 
D.  
Par ordonnance du 3 juin 2022, le Président de la Cour de céans a rejeté la requête superprovisionnelle des recourants, faute d'urgence rendue vraisemblable qui justifierait de renoncer à entendre au préalable la partie intimée. 
Invitées à se déterminer sur la requête d'effet suspensif des recourants, la cour cantonale s'en est remise à justice et l'intimée s'y est opposée. 
Dite requête a été rejetée par ordonnance présidentielle du 27 juin 2022, au motif que l'exécution de l'arrêt entrepris était déjà intervenue antérieurement au recours et à la demande de restitution de l'effet suspensif qu'il contient; l'octroi de l'effet suspensif impliquait ainsi de nouveaux changements importants dans la possession de l'immeuble, de sorte qu'il convenait de conserver le statu quo durant la procédure fédérale.  
Des déterminations sur le fond de la cause n'ont pas été requises. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 142 IV 196 consid. 1 et la référence). 
 
1.1. Pour déterminer si, au moment où il se prononce, les conditions de recevabilité sont réunies, le Tribunal fédéral peut prendre en compte des faits postérieurs à l'arrêt attaqué, en dérogation à l'interdiction des faits nouveaux prévue à l'art. 99 al. 1 LTF (ATF 136 II 497 consid. 3.3; 136 III 123 consid. 4.4.3; arrêt 2C_569/2018 du 27 mai 2019 consid. 1.1, non publié aux ATF 145 II 303).  
 
1.2. Selon l'art. 76 al. 1 LTF a qualité pour former un recours en matière civile quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), pour autant qu'il soit particulièrement touché par la décision attaquée et ait un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification (let. b). Si la qualité pour recourir n'est pas évidente, il incombe au recourant de démontrer que les conditions en sont remplies et, pour ce faire, de fournir toutes les données nécessaires (ATF 138 III 537 consid. 1.2; 133 II 353 consid. 1).  
 
1.2.1. Conformément à l'art. 76 al. 1 let. b LTF, le recourant doit notamment avoir un intérêt digne de protection à l'annulation de la décision attaquée. L'intérêt digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à son auteur, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision entreprise lui occasionnerait (ATF 138 précité consid. 1.2.2; 137 II 40 consid. 2.3). L'intérêt à recourir doit être actuel et personnel (arrêt 5A_885/2018 du 23 janvier 2019 consid. 1.1 et les références). On renonce toutefois à l'exigence d'un intérêt pratique actuel et continu, lorsque la situation ayant donné lieu aux griefs invoqués est susceptible de se répéter à n'importe quel moment de manière à rendre pour ainsi dire impossible un contrôle judiciaire en temps opportun dans un cas concret (intérêt dit " virtuel "; ATF 136 III 497 consid. 1.1).  
Si l'intérêt exigé n'existait déjà plus au moment du dépôt du recours, celui-ci doit être déclaré irrecevable (ATF 136 précité consid. 2.1; arrêt 5A_851/2014 du 23 mars 2015 consid. 3). 
 
1.2.2. En droit du bail à loyer, dans une contestation portant sur la restitution de la chose louée après la résiliation du contrat de bail, la jurisprudence retient que le locataire est dépourvu de cet intérêt digne de protection dès le moment où l'usage de la chose lui est effectivement retiré (arrêt 4A_315/2021 du 9 juin 2021 consid. 3 et les arrêts cités). Dans la mesure où l'action en revendication de la propriété de l'art. 641 al. 2 CC a pour but d'obtenir la restitution de la chose à l'encontre de celui qui possède la chose au moment de l'ouverture de l'action (arrêt 5C.161/1993 du 8 février 1994 consid. 2a in SJ 1994 557), il y a lieu de considérer, de la même manière que pour la restitution de la chose louée, que la personne qui détenait la chose à l'ouverture de l'action n'a plus d'intérêt digne de protection dès qu'elle est dépossédée de la chose.  
 
2.  
Dans leur mémoire, les recourants ont notamment exposé, en lien avec la requête d'effet suspensif et de mesures provisionnelles, que l'intimée avait fait appel à la police cantonale afin de faire remplacer les serrures des entrées de l'immeuble et qu'ils n'avaient dès lors plus accès à leurs meubles, objets et effets personnels. À l'appui de ces allégués, ils ont produit des échanges de correspondance attestant du changement de serrures entrepris le 20 mai 2022 et du fait qu'ils ne pouvaient plus accéder à l'immeuble litigieux. Ces éléments ont été confirmés par l'intimée dans ses déterminations sur la requête d'effet suspensif et par les pièces annexées à celles-ci. I l y a lieu de tenir compte de ces faits nouveaux postérieurs à l'arrêt querellé dès lors qu'ils déterminent la recevabilité du recours (cf. supra consid. 1.1).  
En effet, le litige devant les autorités cantonales portait sur l'évacuation des recourants de l'immeuble acquis par l'intimée, qui a été ordonnée par le Président du Tribunal d'arrondissement de la Broye et confirmée par la cour cantonale. Avec le changement des serrures entrepris le 20 mai 2022, la prétention de l'intimée a été exécutée, les recourants n'étant plus dans l'immeuble et n'y ayant plus accès. Les recourants - qui se sont limités à conclure à l'irrecevabilité de la requête en revendication, par ailleurs sans invoquer un droit sur l'immeuble - n'avaient donc pas d'intérêt actuel à recourir contre une décision ordonnant leur évacuation au moment de déposer leur mémoire devant le Tribunal fédéral le 30 mai 2022 (cf. supra consid. 1.2.2). Dès lors qu'au surplus les conditions pour admettre un intérêt virtuel font manifestement défaut, les recourants ne bénéficient pas d'un intérêt digne de protection, ce qui conduit à l'irrecevabilité du recours.  
 
3.  
Le recours doit donc être déclaré irrecevable, aux frais des recourants (art. 66 al. 1 LTF), qui verseront en outre une indemnité de dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 LTF) pour ses déterminations sur l'effet suspensif. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.  
Une indemnité de 1'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg. 
 
 
Lausanne, le 23 août 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
Le Greffier : Piccinin