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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
2C_919/2018  
 
 
Arrêt du 24 octobre 2018  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président, 
Aubry Girardin et Stadelmann. 
Greffière : Mme Vuadens. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
3. C.________, 
4. D.________, 
toutes les quatre représentées par Me Jean-Frédéric Maraia et Me Julien Witzig, avocats, 
recourantes, 
 
contre  
 
Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, 
intimée. 
 
Objet 
Assistance administrative CDI CH-JP, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 26 septembre 2018 (A-6918/2017). 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le 21 avril 2014, la National Tax Agency japonaise (ci-après: l'autorité japonaise ou l'autorité requérante) a adressé une demande d'assistance administrative en matière fiscale à l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale ou l'autorité requise). Cette demande concernait la société japonaise A.________ et se rapportait à la période du 1er janvier 2012 au 30 juin 2013. Selon l'autorité requérante, cette société ferait partie du groupe A.________ dont les propriétaires seraient E.________ et F.________. Elle se servirait des sociétés du groupe pour diminuer artificiellement le montant d'impôts sur les sociétés dus au Japon. C'est pourquoi, l'autorité requérante sollicitait la transmission d'informations relatives à des documents d'ouverture de comptes et des avis de dépôt concernant plusieurs relations bancaires auprès de la banque G.________ à Genève et de la banque H.________ à Genève et Zurich dont A.________, ainsi que d'autres sociétés à savoir B.________, D.________, C.________ et I.________, étaient titulaires.  
 
Après avoir demandé des informations supplémentaires à l'autorité requérante et obtenu les documents requis auprès des banques, l'Administration fédérale a remis, le 9 mai 2017, les pièces du dossier aux mandataires des sociétés visées, qui ont pris position par écrit le 31 mai 2017. 
 
Le 23 juin 2017, l'Administration fédérale a demandé à l'autorité japonaise si le contrôle fiscal était toujours ouvert et si la demande d'assistance du 21 avril 2014 était maintenue. Lors d'une réunion technique du 18 juillet 2017, les autorités compétentes japonaises ont confirmé le maintien de la demande. 
 
1.2. Par décision du 3 novembre 2017, l'Administration fédérale a accordé l'assistance administrative à l'autorité requérante.  
 
Le 26 septembre 2018, le recours déposé à l'encontre de cette décision par A.________, B.________, C.________ et D.________ a été rejeté par le Tribunal administratif fédéral. Ce dernier a en substance admis une violation du droit d'être entendues des recourantes, dès lors que l'Administration fédérale aurait dû les informer de la réunion technique du 18 juillet 2017 et leur offrir la possibilité de se prononcer sur le maintien de la demande d'assistance par les autorités japonaises. Cette violation du droit d'être entendu, qualifiée de "non particulièrement grave", a été considérée comme réparée dans la procédure de recours, les juges précédents en tenant toutefois compte dans le cadre de la fixation des frais et dépens. Pour le surplus, le Tribunal administratif fédéral a estimé que la demande des autorités japonaises respectait les principes applicables en matière d'assistance administrative et ne constituait pas une pêche aux renseignements, rejetant les griefs formés par les sociétés recourantes. 
 
2.   
A l'encontre de l'arrêt du 26 septembre 2018, A.________, B.________, C.________ et D.________ ont formé un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. Elles concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et, principalement, au renvoi de la cause à l'Administration fédérale pour nouvelle décision dans le sens des considérants, subsidiairement à l'annulation de la décision de l'Administration fédérale du 3 novembre 2017 et à ce qu'il soit ordonné à cette dernière de ne pas transmettre les informations demandées par l'autorité japonaise. 
 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
3.   
Selon l'art. 83 let. h LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière d'entraide administrative internationale, à l'exception de l'assistance administrative en matière fiscale. Il découle de l'art. 84a LTF que, dans ce dernier domaine, le recours n'est recevable que lorsqu'une question juridique de principe se pose ou lorsqu'il s'agit pour d'autres motifs d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF. Il appartient au recourant de démontrer de manière suffisante en quoi ces conditions sont réunies (art. 42 al. 2 LTF; ATF 139 II 340 consid. 4 p. 342; 404 consid. 1.3 p. 410), à moins que tel ne soit manifestement le cas (arrêts 2C_594/2015 du 1er mars 2016 consid. 1.2 non publié in ATF 142 II 69, mais in RDAF 2016 II 50; 2C_963/2014 du 24 septembre 2015 consid. 1.3 non publié in ATF 141 II 436). Il découle de la formulation de l'art. 84 al. 2 LTF, selon laquelle un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves, que cette liste est exemplative; de tels cas ne doivent être admis qu'avec retenue, le Tribunal fédéral disposant à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 139 II 340 consid. 4 p. 342 s.). La présence d'une question juridique de principe suppose, quant à elle, que la décision en cause soit déterminante pour la pratique; tel est notamment le cas lorsque les instances inférieures doivent traiter de nombreux cas analogues ou lorsqu'il est nécessaire de trancher une question juridique qui se pose pour la première fois et qui donne lieu à une incertitude caractérisée, laquelle appelle de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral (ATF 139 II 404 consid. 1.3 p. 410, 139 II 340 consid. 4 et les références; arrêts 2C_28/2017 du 16 avril 2018 consid. 1.2 non publié in ATF 144 II 206; 2C_638/2015 du 3 août 2015 consid. 1.3, in SJ 2016 I 201). Il faut en tous les cas qu'il s'agisse d'une question juridique d'une portée certaine pour la pratique (notamment arrêts 2C_370/2018 du 4 mai 2018 consid. 3; 2C_749/2018 du 11 septembre 2018 consid. 3.1; 2C_54/2014 du 2 juin 2014 consid. 1.1, in StE 2014 A 31.4 Nr. 20). 
 
4.   
Les recourantes soutiennent en premier lieu que les conditions de l'art. 84a LTF sont réalisées en lien avec le traitement de la violation de leur droit d'être entendues par le Tribunal administratif fédéral, qui a estimé que la violation de ce droit avait été réparée devant lui. Elles soutiennent en résumé que l'importance des aspects procéduraux dans le domaine de l'assistance administrative internationale font que l'existence même d'une violation du droit d'être entendu et le principe de sa réparation relèvent d'un cas particulièrement important, subsidiairement soulèvent une question juridique de principe. 
 
4.1. Il n'est pas contesté que le Tribunal administratif fédéral a traité la violation du droit d'être entendu invoquée par les recourantes et sa réparation en se conformant aux principes issus de la jurisprudence rendue au sujet de l'art. 29 al. 2 Cst., de sorte qu'il suffit de renvoyer aux considérants juridiques à l'arrêt attaqué à ce sujet (art. 109 al. 3 LTF). Il en a déduit que l'Administration fédérale avait violé le droit d'être entendues des recourantes en ne les informant pas du maintien de la procédure d'assistance administrative confirmé par l'autorité requérante lors de la réunion technique du 18 juillet 2017 et en ne leur offrant pas la possibilité de se prononcer à ce sujet. Ce point n'est pas non plus contesté. Considérant que cette violation n'était pas particulièrement grave, les juges précédents ont estimé que celle-ci avait été réparée, puisque les recourantes avaient eu l'opportunité de faire valoir leurs moyens liés à cette violation dans le cadre de la procédure de recours devant le Tribunal administratif fédéral. C'est avant tout le principe de cette réparation qui est contestée sous l'angle de l'art. 84a LTF.  
 
4.2. Contrairement à ce que soutiennent les recourantes, on ne voit pas que le principe d'une réparation du droit d'être entendu dans le cadre d'une demande d'assistance administrative internationale en matière fiscale justifierait à lui seul d'entrer en matière sous l'angle du cas particulièrement important ou de la question juridique de principe. Les recourantes soulignent elles-mêmes que le législateur fédéral a décidé d'offrir des garanties procédurales aux personnes concernées par une demande d'assistance administrative, ce que rappelle expressément le Message du Conseil fédéral du 25 août 2010 concernant l'approbation d'un protocole modifiant la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et le Japon (cf. FF 2010 p. 5393). Le Tribunal fédéral a du reste déjà confirmé l'application des principes posés par l'art. 29 al. 2 Cst., y compris la possibilité de réparer une violation, en lien avec l'assistance administrative (ATF 142 II 218 consid. 2, en particulier 2.8 p. 226 s.).  
 
On ne voit pas non plus que la procédure comporterait des vices graves qui fonderaient l'intervention du Tribunal fédéral. Le Tribunal administratif fédéral a mis en oeuvre, de façon correcte, la jurisprudence, notamment les règles permettant de tenir une violation du droit d'être entendu pour réparée. Les recourantes se contentent de raisonner sur d'autres prémisses que les juges précédents, affirmant, contrairement à l'arrêt attaqué et sans démonstration convaincante, que la violation de leur droit d'être entendues était extrêmement importante. Quant à l'art. 6 al. 3 LAAF qu'elles invoquent, il prévoit que l'Administration fédérale peut donner la possibilité à l'autorité requérante de compléter sa demande par écrit. Cette compétence ne concerne pas le pouvoir d'examen des autorités et, sur ce point essentiel pour admettre la réparation du droit d'être entendu, le Tribunal administratif fédéral dispose du même pouvoir que l'autorité administrative (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.8 en lien avec l'assistance administrative). 
 
On ne se trouve en outre pas dans une situation où la doctrine dominante critiquerait fortement le principe de la réparation du droit d'être entendu, en particulier en lien avec l'assistance administrative, de sorte à justifier son réexamen en application de l'art. 84a LTF (cf. ATF 139 II 340 consid. 4). Le fait que les recourantes contestent la possibilité d'une telle réparation, en se fondant sur la critique d'un auteur, n'est à cet égard pas suffisant. 
 
Enfin, comme l'admettent du reste les recourantes, la portée du droit d'être entendu et les intérêts de la personne concernée s'agissant d'admettre la réparation d'une violation de ce droit dépend des circonstances. Il s'agit donc d'appliquer des principes juridiques connus, en fonction des particularités du cas d'espèce, comme y a procédé le Tribunal administratif fédéral. 
 
Il en découle que le grief découlant de la violation du droit d'être entendu soulevé par les recourantes ne relève ni du cas particulièrement important ni, a fortiori, de la question juridique de principe, qui justifieraient d'entrer en matière sur le recours en application de l'art. 84a LTF
 
5.   
En second lieu, les recourantes invoquent l'existence d'une question juridique de principe en lien avec l'interdiction de la recherche indéterminée de preuve (fishing expedition) et la bonne foi présumée de l'Etat requérant. Elles soutiennent en substance que l'application de ces principes lorsque l'autorité requérante ne donne pas d'indications sur l'existence de la procédure de contrôle étrangère alors que l'Etat requis le lui a demandé pose une question juridique nouvelle qui appelle une réponse de la part du Tribunal fédéral. 
 
5.1. Comme les recourantes l'admettent elles-mêmes, le Tribunal fédéral s'est déjà prononcé sur le point de savoir si une demande d'assistance administrative conserve un intérêt actuel eu égard aux spécificités de la procédure nationale (cf. ATF 144 II 206 consid. 4.6 p. 217 en lien avec un accord conclu avec le contribuable; arrêt 2C_241/2016 du 7 avril 2017 consid. 5.6 en lien avec une procédure de rectification prétendument close; cf. aussi ATF 142 II 161 consid. 2.2 p. 169 s.; 218 consid. 3.6 et 3.7 p. 229 s.). Quant à la portée du principe de la bonne foi lors de l'appréciation des indications données par les autorités requérantes dans le cadre de l'assistance administrative, elle est désormais connue (ATF 143 II 202 consid. 8.7.1 p. 221 s. et 8.7.4 p. 223 s.; 142 II 161 consid. 2.1.3 p. 167 s. et consid. 2.4 p. 172; 218 consid. 3.3 p. 228 s.).  
 
Les recourantes estiment que la présente cause pose une question juridique nouvelle, dans la mesure où l'Etat requérant n'aurait pas répondu à la question de l'Administration fédérale concernant l'état de la procédure au Japon, se limitant à indiquer qu'il maintenait sa demande d'assistance. Contrairement à ce qu'elles prétendent, cette problématique relève de l'application des principes, déjà définis par la jurisprudence, de la bonne foi et de la pertinence vraisemblable des informations demandées. Savoir si les indications données par l'autorité japonaise étaient ou non suffisantes relève de l'appréciation des circonstances. C'est à cet examen que s'est livré le Tribunal administratif fédéral lorsqu'il a considéré que le Japon avait expressément confirmé le maintien de sa demande, que celle-ci était dûment documentée et que les informations requises gardaient leur pertinence vraisemblable, même si les taxations avaient été apparemment établies (arrêt attaqué, consid. 3.2.1.3 et 3.2.2.2). Le fait que son appréciation d'ensemble de la situation ne corresponde pas à la position des recourantes ne suffit pas à démontrer l'existence d'une question juridique de principe. 
 
6.   
Dans ces circonstances, le recours sera déclaré irrecevable en application de l'art. 107 al. 3 LTF en lien avec l'art. 42 al. 2 LTF, étant précisé que, comme l'arrêt attaqué émane du Tribunal administratif fédéral, la voie du recours constitutionnel subsidiaire ne saurait entrer en considération (art. 113 a contrario LTF). 
 
7.   
Les frais sont à la charge des recourantes, débitrices solidaires (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est irrecevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourantes, à l'Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale, et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lausanne, le 24 octobre 2018 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
La Greffière : Vuadens