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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_635/2018  
 
 
Arrêt du 24 octobre 2018  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Rüedi. 
Greffière : Mme Klinke. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représenté par Me Camille Perrier Depeursinge, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance de non-entrée en matière (escroquerie, faux dans les titres), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 16 mai 2018 (n° 367 (PE17.025414-YGL)). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 19 décembre 2017, X.________ a déposé plainte pénale pour escroquerie et faux dans les titres contre les " organes ou employés " de A.________ SA, société sise à B.________ et dirigée par un nommé C.________, ainsi que contre toute personne dont l'enquête permettrait d'établir l'implication dans les faits dénoncés. 
 
Ressortissant ukrainien domicilié en Ukraine, X.________ a exposé avoir, en été 2016, rencontré, à Moscou, D.________, lequel s'est prétendu propriétaire d'un lot de 143 émeraudes brutes d'une valeur totale de 44'455'334,95 USD, entreposé dans les locaux de B.________ de la maison A.________ SA. A cette occasion, D.________ a remis à X.________ la copie d'un certificat libellé par A.________ SA en date du 6 mai 2016 et signé par C.________, attestant qu'il était le bénéficiaire du dépôt portant sur les pierres en question. A ce certificat étaient joints la liste de gemmes et 64 rapports d'identification émis par les cabinets d'expertise E.________ (en 2002) et F.________ (en 1999-2000), sis respectivement au Royaume-Uni et en Russie. X.________ a émis l'intention d'acquérir ce lot de gemmes. Il a remis une copie de son passeport à son interlocuteur, afin que celui-ci fasse établir un certificat de dépôt à son nom par la dépositaire. Les deux intéressés ont eu plusieurs rendez-vous en ville de Moscou. 
 
Le 5 août 2016, X.________, accompagné d'un interprète, s'est rendu avec un certain G.________, représentant de D.________, dans les locaux de A.________ SA à B.________. Sur place, une employée de cette société leur a apporté les émeraudes pour examen, en l'absence de C.________. Chaque gemme était numérotée, avec mention séparée de son poids (en carats) et de sa valeur estimée par carat. X.________ a été surpris tant par la couleur de certaines pierres que par le fait que celles-ci étaient stockées dans  " des sachets plastique et sans le moindre soin ". A l'issue de cet examen, X.________ s'est vu remettre, contre signature d'un reçu, un certificat de dépôt, émis à son nom par A.________ SA et daté du 3 août 2016. Sous réserve de mentions spécifiques, ce titre était identique à celui précédemment délivré au nom de D.________ sous la signature de C.________ (valeur de la marchandise, type de gemmes, quantité d'émeraudes, carats). Le titre remis à X.________ comporte la mention suivante:  " The undersigned, A.________ SA (...), a Corporation registered under Swiss law, acting under strict laws in Switzerland, hereby confirms and acknowledges that we are holders in safekeeping and have on deposit, the aforementionned securities/ assets of described Gem stones, being held for the benefit of the beneficiary described herein, together with the Gem Stone's respective documentation. (...) B.________ 3rd August 2016".  
 
Alors qu'il voulait faire examiner à nouveau les pierres par un expert mandaté par lui, X.________ s'est vu répondre par une employée de A.________ SA, le 27 septembre 2016, que le certificat de dépôt émis à son nom avait été révoqué par D.________. Les mois suivants, c'est en vain que X.________ a réclamé les émeraudes auprès de A.________ SA. Sur requête de preuve à futur, le Juge de paix du district de Lausanne a ordonné une expertise des pierres litigieuses par décision du 5 juillet 2017. La valeur totale des 143 pierres a été évaluée à 689'957,17 USD, selon le rapport d'expertise établi hors procès le 26 février 2018 et produit par X.________. 
 
X.________ a exposé avoir acquis les émeraudes, le 9 août 2016, contre la cession d'une créance consolidée de 89'740'000 Hryvnia, devise ukrainienne, correspondant à environ 2'900'000 fr. au taux de change du 1er février 2018. 
 
B.   
Par ordonnance du 1er février 2018, le ministère public central du canton de Vaud a refusé d'entrer en matière sur la plainte pénale déposée par X.________. S'agissant de l'infraction d'escroquerie, le procureur a considéré que les conditions à l'ouverture d'une procédure pénale n'étaient manifestement pas réunies, faute de compétence des autorités de poursuite pénale suisses (commission de l'infraction à l'étranger). Au demeurant, il a estimé que les éléments constitutifs de l'infraction d'escroquerie n'étaient pas réalisés, considérant, par surabondance que le dommage allégué n'était pas établi. S'agissant de l'infraction de faux dans les titres, le ministère public a mis en doute que les documents incriminés fussent assimilables à des titres. En tout état, ils n'émanaient pas des organes de la société dénoncée. Enfin, le certificat de dépôt du 3 août 2016 ne revêtait pas une valeur probante accrue, de sorte qu'il ne pouvait être considéré comme un faux intellectuel. 
 
C.   
Par arrêt du 16 mai 2018, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par X.________ contre l'ordonnance de non-entrée en matière. 
 
D.   
X.________ forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal et requiert, avec suite de frais et dépens, le renvoi de la cause au ministère public pour qu'il ouvre une instruction pour faux dans les titres et escroquerie contre les organes ou employés de A.________ SA. 
 
E.   
Invités à se déterminer, la cour cantonale a indiqué se référer à son arrêt du 16 mai 2018, tandis que le ministère public a déposé un mémoire de réponse et a conclu au rejet du recours. Ces déterminations ont été communiquées au recourant qui a répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 142 IV 196 consid. 1 p. 197). 
 
1.1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4). En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le procureur qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP).  
 
Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4 et les arrêts cités). 
Si la partie plaignante invoque des infractions distinctes, elle doit mentionner par rapport à chacune d'elles en quoi consiste son dommage. Si le dommage n'est motivé qu'en ce qui concerne l'une des infractions, le recours est irrecevable pour les autres (arrêt 6B_496/2018 du 6 septembre 2018 consid. 1.1 et arrêts cités). 
 
1.1.2. L'art. 146 CP vise à protéger, en tant que bien juridique, les intérêts pécuniaires du lésé (ATF 129 IV 53 consid. 3.2 p. 57 s. et les références citées; arrêt 6B_549/2013 du 24 février 2014 consid. 2.2.1).  
 
L'art. 251 CP protège, en tant que bien juridique, d'une part, la confiance particulière placée dans un titre ayant valeur probante dans les rapports juridiques et, d'autre part, la loyauté dans les relations commerciales (ATF 142 IV 119 consid. 2.2 p. 121; 129 IV 53 consid. 3.2 p. 58). Le faux dans les titres peut également porter atteinte à des intérêts individuels, en particulier lorsqu'il vise précisément à nuire à un particulier (ATF 140 IV 155 consid. 3.3.3 p. 159; 119 Ia 342 consid. 2b p. 346 s. et les références citées). Tel est le cas lorsque le faux est l'un des éléments d'une infraction contre le patrimoine, la personne dont le patrimoine est menacé ou atteint ayant alors la qualité de lésé (ATF 119 Ia 342 consid. 2b p. 346 s.; arrêts 6B_1128/2017 du 23 mai 2018 consid. 1.4.1; 6B_96/2017 du 16 octobre 2017 consid. 2; 6B_1315/2015 du 9 août 2016 consid. 1.2.2). 
 
1.2. Le recourant soutient avoir acquis des gemmes d'une valeur alléguée de 44'455'334,95 USD (environ 44'000'000 fr.) valant en réalité 689'957,17 USD (environ 680'000 fr.), en cédant des créances d'une valeur totale de 89'740'000 Hryvnia (environ 2'900'000 fr.). Il en déduit un dommage qu'il chiffre, à l'appui de certaines pièces. Si le recourant ne distingue pas expressément les infractions dénoncées, l'on comprend toutefois du mémoire de recours qu'il se plaint d'une escroquerie dont la tromperie astucieuse reposerait notamment sur des documents qu'il qualifie de faux. Au regard de l'infraction d'escroquerie (commise prétendument par le biais d'un faux dans les titres), le dommage invoqué est suffisamment explicité.  
Il y a lieu d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.   
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir établi les faits et apprécié les preuves de manière manifestement inexacte tant s'agissant de la compétence des autorités suisses que des éléments constitutifs des infractions incriminées. Selon lui, le refus d'entrer en matière viole les art. 310 al. 1 let. a CPP et 5 al. 1 Cst. en relation avec les art. 146 et 251 CP ainsi que l'art. 3 CP
 
2.1.  
 
2.1.1. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. L'art. 97 al. 1 LTF trouve également application lorsque le recours porte sur la question du classement de la procédure ou d'une non-entrée en matière. Lorsque les éléments de preuve au dossier sont peu clairs, le ministère public et l'autorité de recours ne sauraient anticiper l'appréciation des preuves qu'en ferait le tribunal du fond. Ainsi, lorsque le recours porte sur le classement de la procédure ou une non-entrée en matière, le Tribunal fédéral, dont le pouvoir de cognition est limité à l'arbitraire selon l'art. 97 al. 1 LTF, n'examine pas si les constatations de fait de l'autorité précédente sont arbitraires, mais si celle-ci aurait pu arbitrairement s'écarter d'un moyen de preuve clair ou, à l'inverse, tenir arbitrairement un fait comme clairement établi (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.2 p. 244 s.). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368 et les références citées).  
 
2.1.2. Conformément à l'art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière notamment s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a) ou lorsqu'il existe des empêchements de procéder (let. b). Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage " in dubio pro duriore " (arrêts 6B_800/2017 du 7 mars 2018 consid. 3.1; 6B_417/2017 du 10 janvier 2018 consid. 2.1.1; 6B_427/2017 du 15 novembre 2017 consid. 2.1 en lien avec l'art. 310 al. 1 let. a CPP). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91).  
 
2.1.3. Selon l'art. 3 al. 1 CP, le Code pénal est applicable à quiconque commet un crime ou un délit en Suisse. Un crime ou un délit est réputé commis tant au lieu où l'auteur a agi ou aurait dû agir qu'au lieu où le résultat s'est produit (art. 8 al. 1 CP).  
 
Le lieu où l'auteur a agi ou aurait dû agir est le lieu où il a réalisé l'un des éléments constitutifs de l'infraction. Il suffit qu'il réalise une partie - voire un seul - des actes constitutifs sur le territoire suisse; le lieu où il décide de commettre l'infraction ou le lieu où il réalise les actes préparatoires (non punissables) ne sont toutefois pas pertinents. Selon la jurisprudence, la nécessité de prévenir les conflits de compétence négatifs dans les rapports internationaux justifie d'admettre la compétence des autorités pénales suisses, même en l'absence de lien étroit avec la Suisse (ATF 141 IV 336 consid. 1.1 p. 338 s. et les références citées; 141 IV 205 consid. 5.2 p. 209 s.). 
 
E n matière d'escroquerie transnationale, le lieu de l'acte se définit comme celui où se trouve l'auteur au moment où il réalise la tromperie astucieuse. En pratique, la réalisation des manoeuvres frauduleuses, de la mise en scène ou la fabrication d'un édifice de mensonges permettant de retenir l'astuce impliquent souvent une pluralité d'actes. Il suffit alors qu'une partie seulement des actes caractérisant la tromperie astucieuse soient réalisés en Suisse pour fonder la compétence des autorités suisses (ALEXANDRE DYENS, Territorialité et ubiquité en droit pénal international suisse, thèse 2014 [cité territorialité], n° 903 ss; LE MÊME, La localisation de l'appauvrissement en matière d'escroquerie internationale, JdT 2006 III p. 58; cf. également GARBARSKI/BORSODI, in Commentaire romand, Code pénal II, 2017, n° 164 ad art. 146 CP). 
 
En matière de faux matériel ou intellectuel, le lieu de l'acte se définit comme le lieu où l'auteur confectionne un faux, falsifie un titre ou confère un contenu mensonger à un titre. En ce qui concerne l'usage de faux, le lieu de l'acte se situe au lieu où l'auteur utilise le faux (ALEXANDRE DYENS, op. cit., territorialité, n° 1021 ss; cf. ATF 122 IV 162 consid. 5 p. 170). 
 
2.2. Le recourant s'en prend au refus d'entrer en matière sur les faits qui relèvent, selon lui, de l'escroquerie.  
 
2.2.1. Se rend coupable d'escroquerie au sens de l'art. 146 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.  
Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 142 IV 153 consid. 2.2.2 p. 154 s.; 135 IV 76 consid. 5.2 p. 79 ss). Il y a notamment manoeuvre frauduleuse lorsque l'auteur fait usage de titres falsifiés ou obtenus sans droit ou de documents mensongers (ATF 128 IV 18 consid. 3a p. 20; arrêt 6B_114/2013 du 1er juillet 2013 consid. 4.1). 
 
2.2.2. En l'espèce, s'agissant de l'infraction d'escroquerie, la cour cantonale a estimé que la compétence des autorités suisses faisait défaut dès lors que, d'une part, les actes susceptibles d'être pénalement pertinents avaient été commis à l'étranger et, d'autre part, le recourant n'avait aucun lien personnel ou économique avec la Suisse en lien avec le résultat. Le lieu de l'acte et le lieu du résultat envisagé étaient situés en Russie, respectivement en Ukraine, de sorte qu'il n'existait pas de rattachement avec la Suisse. En présence d'un empêchement de procéder au sens de l'art. 310 al. 1 let. b CPP, la cour cantonale a confirmé le refus d'entrer en matière du ministère public.  
 
Dans un raisonnement subsidiaire, la cour cantonale a relevé que, même à admettre le for pénal suisse, l'astuce, en tant qu'élément constitutif de l'infraction d'escroquerie, n'était manifestement pas réalisée, de sorte que la non-entrée en matière se justifiait sous l'angle de l'art. 310 al. 1 let. a CPP. Elle a retenu que le recourant avait procédé à une opération d'un montant élevé en négociant avec un tiers qu'il savait ne pas être propriétaire des pierres et dont les pouvoirs de représentation n'étaient pas dûment établis. Ce tiers l'avait mis en relation avec D.________, inconnu du recourant. Le défaut de contrat écrit pour l'acquisition des pierres constituait une carence pour le moins insolite pour une vente d'une telle ampleur. En outre, compte tenu de la discordance flagrante entre la valeur prétendue des gemmes (44'455'334,95 USD) et celle de la créance prétendument cédée en paiement (env. 2'900'000 fr.), il était incompréhensible que l'aliénateur éventuel eût accepté d'être désintéressé de la sorte. La valeur vénale des pierres, estimée dans l'intervalle par expertise, révélait encore que le recourant avait failli à son devoir de prudence le plus élémentaire en renonçant à requérir une expertise au préalable ou l'ensemble des rapports portant sur les gemmes, ce d'autant qu'il admettait ne pas être expert en joaillerie. 
 
2.2.3. A titre liminaire, il sied de relever que, si le ministère public a considéré que le dommage n'était nullement établi, la cour cantonale n'a pas confirmé le refus d'entrer en matière pour ce motif. Elle a exclusivement considéré que l'astuce faisait manifestement défaut, sans exclure la tromperie.  
 
Or l'état du dossier ne permet pas de déterminer les rapports entre les différents intervenants, le rôle joué par A.________ SA dans le commerce des gemmes incriminées ainsi que les prestations et contre-prestations effectivement fournies. La cour cantonale fait mention d'un aliénateur éventuel sans toutefois l'identifier. Rien ne permet de déterminer si et dans quelle mesure A.________ SA s'est enrichie dans l'opération litigieuse. En outre, alors que le rapport d'expertise (établi hors procès le 26 février 2018) évalue les gemmes à une valeur 64 fois moins élevée que les documents portant l'estampe de la société A.________ SA, on ignore la cause de cette différence flagrante. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la société A.________ SA a délivré des certificats de dépôt portant sur le même lot d'émeraudes à trois personnes différentes. On ignore ainsi qui est propriétaire des pierres, respectivement, bénéficiaire du lot en question. Sauf à douter de l'intérêt qu'aurait eu la société A.________ SA à procéder de la sorte (arrêt entrepris, consid. 4.3 p. 15), la cour cantonale n'explique pas la configuration d'espèce, laquelle implique que l'un des documents au moins comporte une erreur, voire un mensonge. A ce stade, il n'était pas possible de déterminer si le recourant avait observé les mesures de prudence élémentaires qui s'imposaient. Faute d'avoir caractérisé les circonstances concrètes de la tromperie, la cour cantonale ne pouvait pas se contenter des informations qu'elle détenait pour exclure d'emblée toute escroquerie au motif que l'astuce n'était manifestement pas réalisée et confirmer le refus d'entrer en matière. 
 
Cela étant, dès lors que l'acte de tromperie reproché par le recourant aurait eu lieu, à tout le moins en partie, à B.________, la cour cantonale devait, dans le doute, admettre la compétence des autorités suisses, fondée sur le lieu de l'acte. 
Au vu de ce qui précède, il convient d'admettre le recours sur ce point et de renvoyer la cause à la cour cantonale pour qu'elle ouvre une instruction sur les faits relevant, selon le recourant, de l'escroquerie. 
 
2.3. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir confirmé le refus d'entrer en matière sur l'infraction de faux dans les titres.  
 
2.3.1. A teneur de l'art. 251 CP, se rend coupable de faux dans les titres, celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.  
 
Sont des titres tous les écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique et tous les signes destinés à prouver un tel fait (art. 110 al. 4 CP). 
 
L'art. 251 ch. 1 CP vise non seulement un titre faux ou la falsification d'un titre (faux matériel), mais aussi un titre mensonger (faux intellectuel). Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel du document ne correspond pas à l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent, mais dont le contenu ne correspond pas à la réalité. Un simple mensonge écrit ne constitue cependant pas un faux intellectuel. Le document doit revêtir une crédibilité accrue et son destinataire pouvoir s'y fier raisonnablement. Tel est le cas lorsque certaines assurances objectives garantissent aux tiers la véracité de la déclaration. Il peut s'agir, par exemple, d'un devoir de vérification qui incombe à l'auteur du document ou de l'existence de dispositions légales qui définissent le contenu du document en question. En revanche, le simple fait que l'expérience montre que certains écrits jouissent d'une crédibilité particulière ne suffit pas, même si dans la pratique des affaires il est admis que l'on se fie à de tels documents (ATF 142 IV 119 consid. 2.1 p. 121 et les arrêts cités). 
 
Le caractère de titre d'un écrit est relatif. Par certains aspects, il peut avoir ce caractère, par d'autres non. La destination et l'aptitude à prouver un fait précis d'un document peuvent résulter directement de la loi, des usages commerciaux ou du sens et de la nature dudit document (ATF 142 IV 119 consid. 2.2 p. 122 et arrêts cités). 
 
La distinction entre de " simples mensonges écrits " et des " mensonges écrits qualifiés " est malaisée (ATF 117 IV 35 consid. 1d p. 38; DANIEL KINZER, in Commentaire romand, Code pénal II, 2017, n° 60 et 66 ad art. 251 CP). 
 
2.3.2. S'agissant des 64 rapports d'identification et d'évaluation, la cour cantonale a affirmé qu'ils n'émanaient pas des organes de A.________ SA, mais de cabinets d'expertise sis à l'étranger. En outre, les rapports en question étaient antérieurs à la création de A.________ SA. Pour le reste, les 64 rapports avaient été remis au recourant en Russie.  
 
Quant au certificat de dépôt établi au nom du recourant, il ne faisait que reprendre la teneur du certificat de dépôt établi le 6 mai 2016 au nom de D.________, se limitant à constater le changement de déposant des valeurs. Le titre en question présentait donc, de fait, des caractéristiques d'un papier-valeur. Cela étant, selon la cour cantonale, le dépositaire ne pouvait garantir la valeur vénale des éléments de patrimoine confiés. Au surplus, elle ne voyait pas l'intérêt qu'aurait eu le dépositaire à délivrer des certificats de validité simultanée à diverses personnes portant sur les mêmes éléments du patrimoine, s'exposant ainsi au risque de restituer ou de dédommager à double. En conclusion, selon la cour cantonale, le certificat de dépôt en cause n'avait pas de valeur probante accrue au sens de la jurisprudence. 
 
2.3.3. Le raisonnement de la cour cantonale ne saurait être suivi pour les motifs suivants.  
S'agissant des 64 rapports d'identification et d'évaluation des gemmes, la cour cantonale suggère, sans trancher, que l'infraction de faux dans les titres ne relève pas de la compétence des autorités suisses. Or, ainsi que le souligne le recourant, chaque rapport figurant au dossier comprend la mention " A.________ SA Verification complete ". Aussi, la cour cantonale ne pouvait se limiter à relever les indications en tête de page des documents et exclure qu'ils aient été réalisés ou modifiés dans les locaux de B.________ de la société, en faisant fi de l'estampillage de A.________ SA. 
 
Par ailleurs, tandis qu'elle considère que les conditions d'une non-entrée en matière selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP sont réunies, la cour cantonale n'expose d'aucune manière quel élément constitutif de l'infraction de faux dans les titres ferait manifestement défaut. Alors que le recourant reprochait à A.________ SA d'avoir fabriqué des faux matériels de toutes pièces ou d'avoir utilisé des faux préexistant en y apposant une prétendue vérification, on ignore de qui émanent réellement les documents et s'ils ont été modifiés. L'état du dossier ne permet pas non plus de déterminer si les marques et signatures liées à E.________ et F.________ sont réelles et ce que signifie la mention " A.________ SA Verification complete ", associée à une photographie de chaque pierre identifiée (à côté d'une réglette) et à différentes données y relatives. Le dossier ne contient aucune indication quant à la nature, à la destination et à l'aptitude à prouver de ces documents. Or il n'apparaît pas clairement que des documents comportant une mention de vérification d'une société suisse de gemmologie, certifiant l'identification d'émeraudes et l'évaluation de leur valeur vénale, échapperaient à la qualification de titre au sens de l'art. 251 CP. La cour cantonale ne le prétend d'ailleurs pas. 
 
Il en résulte que le refus d'entrer en matière sur ce point ne se justifie pas sous l'angle des let. a et b de l'art. 310 al. 1 CPP
Quant au certificat de dépôt émis au nom du recourant, le raisonnement de la cour cantonale ne convainc pas davantage. 
 
En qualifiant ce document de titre présentant des caractéristiques de papier-valeurs, la cour cantonale accorde une certaine valeur probante au certificat de dépôt, sans expliquer pour quelle raison l'infraction de faux dans les titres serait clairement exclue. La cour cantonale nie tout intérêt de la société dépositaire de délivrer plusieurs certificats de validité simultanée. Or il ressort de la plainte pénale ainsi que des pièces à l'appui, que la société dépositaire a émis des certificats de dépôt concernant le même lot de gemmes (numéro de reçu identique) au nom de trois bénéficiaires différents, valables simultanément (pièce 2: certificat au nom du recourant, émis le 3 août 2016 et échéant le 3 août 2017; pièce 4: certificat au nom de D.________, émis 1er novembre 2008 et échéant au 1er avril 2017; pièce 12: certificat au nom de H.________ SA, émis le 16 septembre 2015). Il en résulte que la situation de fait n'est pas claire. Cela étant, la cour cantonale ne pouvait considérer, en l'état du dossier, que l'infraction n'était manifestement pas réalisée. 
 
En outre, la société A.________ SA a elle-même indiqué, dans son mémoire de déterminations relatif à la procédure civile de preuve à futur (produit à l'appui de la plainte), que le certificat de dépôt en question était un faux. Elle a relevé n'avoir jamais vu l'original, que le nom de l'administrateur était mal orthographié et que la signature n'était pas la sienne. Elle a requis reconventionnellement une expertise documentaire de ce certificat de dépôt (pièce 9, déterminations du 31 mai 2017). Quand bien même le ministère public estime que cela n'attesterait pas la commission d'une infraction, la situation factuelle demeure douteuse. 
 
S'agissant du for, la cour cantonale a relevé que le certificat de dépôt portait la mention " B.________ 3rd August 2016 ". Dans la mesure où le document a été vraisemblablement réalisé ou modifié en Suisse, la compétence des autorités helvétiques ne saurait être déniée à ce stade. 
 
2.3.4. Il résulte de ce qui précède que les faits n'étaient pas clairs; les circonstances du cas d'espèce justifiaient d'ouvrir une instruction. Étant donné les différentes caractéristiques à prendre en compte pour définir le titre visé par l'art. 251 CP ainsi que les nombreux types de comportements appréhendés par cette disposition, il n'est pas possible, à ce stade, de considérer que les éléments constitutifs de l'infraction ne sont manifestement pas réunis. Les conditions d'une non-entrée en matière ne sont donc pas remplies. Le grief de violation du principe " in dubio pro duriore " s'avère fondé. Le recours doit être admis et la cause renvoyée à l'autorité inférieure afin qu'elle ordonne l'ouverture d'une instruction sur les faits dénoncés en lien avec l'infraction de faux dans les titres également.  
 
3.   
Le recours doit être admis, l'arrêt attaqué, annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
Le recourant qui obtient gain de cause ne supporte pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et peut prétendre à des dépens à la charge du canton de Vaud (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
  
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Une indemnité de dépens, arrêtée à 3'000 fr. est allouée au recourant, à la charge du canton de Vaud. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 24 octobre 2018 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
La Greffière : Klinke