Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_574/2019  
 
 
Arrêt du 26 mars 2020  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Haag et Boinay, Juge suppléant. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Patrice Keller, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de l'arrondissement de La Côte. 
 
Objet 
Procédure pénale; refus de désignation de défenseur d'office, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 30 septembre 2019 (790 PE19.014012-MNU). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A la suite de la plainte pénale déposée le 10 juillet 2019 par le Bureau de recouvrement et d'avances de pensions alimentaires, auquel l'épouse de A.________ avait cédé ses droits, le Ministère public de l'arrondissement de la Côte a ouvert une instruction contre A.________ pour violation d'une obligation d'entretien (art. 217 CP). Il lui est reproché de ne pas s'être acquitté des contributions d'entretien dues à son épouse et à sa fille, qui présentaient un arriéré de 69'488 fr. au 10 juillet 2019. 
 
B.   
Par courrier du 5 septembre 2019, A.________, agissant par son avocat, a demandé à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire, estimant ne pas être en mesure de faire face aux frais engendrés par la procédure pénale introduite à son encontre. Il a exposé que son revenu mensuel était de 2'400 euros en moyenne et que ses charges se composaient d'un loyer de 1'150 euros, plus 250 euros de charges, de son assurance-maladie par 183 euros, auxquelles il y avait lieu d'ajouter son minimum vital par 1'200 francs suisses; ainsi, sa situation financière révélait un déficit mensuel de 260 fr. 45 par mois. Cette demande était accompagnée, à titre de seule annexe, du formulaire de renseignements généraux, dans lequel il faisait état d'une dette de 70'000 fr., contractée auprès de sa famille et d'amis. 
Par décision du 9 septembre 2019, la Procureure itinérante du Ministère public de l'arrondissement de la Côte a rejeté la demande de désignation d'un défenseur d'office. A l'appui de sa décision, elle a retenu que A.________ ne se trouvait pas dans un cas de défense d'office et que son indigence alléguée était fondée sur des estimations de revenus et de charges sans qu'aucune preuve ne soit fournie. Estimant que ces éléments ne permettaient pas de retenir un changement dans la situation financière du requérant, la Procureure a tenu compte d'un revenu mensuel de 30'000 fr. réalisé par A.________ dans une activité indépendante, comme cela ressortait du jugement de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois du 15 mars 2019 fixant les contributions d'entretien. 
Le 18 septembre 2019, A.________ a recouru contre cette décision. Il a contesté qu'il soit possible de tenir compte d'un revenu mensuel de 30'000 fr., car la Cour d'appel civile n'avait pas calculé ce salaire mais l'avait évalué sur la base de la vraisemblance, à titre de revenu hypothétique. Il a expliqué que seules des estimations lui permettaient de déterminer le salaire obtenu au moyen de son activité indépendante de magnétiseur. Il a aussi produit un contrat de bail établissant le montant de son loyer et de ses charges. 
La Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté ce recours par jugement du 30 septembre 2019, estimant que A.________ n'avait pas établi son indigence. 
 
C.   
Le 27 novembre 2019, A.________ interjette un recours en matière pénale contre ce jugement. Il conclut, sous suite de frais et dépens, principalement, à son annulation et à l'octroi de l'assistance judiciaire depuis le début de la procédure pénale diligentée à son encontre. Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. Il sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. 
Appelé à se déterminer, le Ministère public de l'arrondissement de la Côte ne s'est pas prononcé, alors que la Chambre des recours pénale s'est référée aux considérants de sa décision, sans former d'observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Conformément à l'art. 78 LTF, une décision relative à l'assistance judiciaire dans une cause pénale peut faire l'objet d'un recours en matière pénale. Le recourant, prévenu et auteur de la demande de désignation d'un défenseur d'office, a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Le refus de désigner un avocat d'office au prévenu est susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 140 IV 202 consid. 2.2 p. 205). Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s.).  
En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des conclusions insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503). 
 
2.2. A teneur de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.  
L'art. 132 al. 1 let. b CPP prévoit que la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts. 
Selon la jurisprudence, une personne est indigente lorsqu'elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la procédure sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 144 III 531 consid. 4.1 p. 536 s.; 141 III 369 consid. 4.1 p. 371 s.). Pour déterminer l'indigence, il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant au moment où la demande est présentée, celui-ci devant indiquer de manière complète et établir autant que possible ses revenus, sa situation de fortune et ses charges. Il y a lieu de mettre en balance, d'une part, la totalité des ressources effectives du requérant et, d'autre part, l'ensemble de ses engagements financiers (ATF 135 I 221 consid. 5.1 p. 223). Il incombe au requérant de prouver les faits qui permettent de constater qu'il remplit les conditions de la mesure qu'il sollicite. S'il ne fournit pas des renseignements suffisants (avec pièces à l'appui) pour permettre d'avoir une vision complète de sa situation financière et que la situation demeure confuse, la requête doit être rejetée (ATF 125 IV 161 consid. 4 p. 164 s.). En revanche, lorsque le requérant remplit ses obligations, sans que cela permette d'établir d'emblée de cause, pour l'autorité, son indigence, il appartient à celle-ci de l'interpeller (arrêts 1B_427/2019 du 22 octobre 2019 consid. 3.1; 1B_ 179/2019 du 22 juillet 2019 consid. 3.2). 
 
3.  
 
3.1. L'autorité précédente a retenu que le recourant avait allégué que sa situation financière se serait péjorée et qu'il ne réaliserait plus qu'un salaire mensuel net de 2'400 euros; il n'étayait cependant pas ses affirmations par la production de pièces, soit par exemple un extrait de sa comptabilité. Concernant les charges, la juridiction précédente a relevé que le recourant n'avait produit qu'un contrat de bail pour un appartement en Grèce dont le loyer était de de 1'150 euros, plus 250 euros de charges. En conséquence, la cour cantonale a retenu que, en se référant à l'arrêt de la Cour d'appel civile du 15 mars 2019, le recourant continuait à réaliser un revenu mensuel estimé à 30'000 fr. et que ses charges comprenaient les pensions alimentaires dues à son épouse et à sa fille à hauteur de 8'686 fr., ainsi que des frais personnels à hauteur de 1'400 euros; de ce fait, le recourant n'apparaissait pas indigent au point de ne pas pouvoir amortir ses frais de justice et d'avocat.  
 
3.2. Le recourant reproche à l'autorité précédente de ne pas avoir établi de façon précise son revenu, se limitant à reprendre comme revenu effectivement réalisé le montant de 30'000 fr. retenu par la Cour d'appel civile pour déterminer les contributions d'entretien. Selon le recourant, cette autorité avait calculé un revenu hypothétique, ce qui ne saurait fonder un refus de l'assistance judiciaire demandée ultérieurement alors que sa situation économique et financière aurait changé. En n'établissant pas la situation exacte, l'autorité précédente violerait le droit fédéral, voire aurait fait preuve d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.  
 
3.3. En l'espèce, il y a lieu de constater que le recourant a allégué une diminution très importante de ses revenus par rapport à une époque durant laquelle il a admis avoir eu un niveau de vie très élevé. Toutefois, selon le jugement civil du 15 mars 2019, il n'avait alors produit aucun document pour établir cette baisse qui existerait, à suivre le recourant, depuis fin 2016; il ressort également de ce prononcé que le recourant disposait d'avoirs sur plusieurs comptes bancaires et de participations en qualité d'administrateur ou d'actionnaire dans plusieurs sociétés. Eu égard à ces éléments rappelés dans l'arrêt attaqué (cf. consid. 3.3.1), le recourant aurait dû au moins établir ce qu'il était advenu de ses comptes bancaires et de ses participations, ce qu'il n'avait pas fait; devant le Tribunal fédéral, le recourant ne donne au demeurant toujours aucune explication à cet égard. Il ne fait pas non plus état de circonstances particulières qui permettraient de considérer que sa situation financière se serait péjorée de manière notable depuis l'arrêt civil, rendu seulement six mois préalablement au prononcé attaqué. En l'absence de renseignements et/ou de pièces venant étayer les dires du recourant, la cour cantonale ne disposait pas d'éléments suffisants lui permettant d'avoir une vision complète de sa situation financière et celle-ci reste donc confuse. Dans ces conditions, la cour cantonale pouvait, sans arbitraire, admettre que le recourant continuait de réaliser un salaire mensuel estimé à 30'000 francs. Pour pouvoir ensuite reprocher à la juridiction précédente de n'avoir pas suffisamment investigué pour établir son revenu, le recourant devait au moins apporter quelques éléments de preuve sur lesquels cette autorité aurait pu se fonder pour faire des recherches ou recalculer le revenu réalisé, ce que le recourant ne prétend pas avoir fait; on ne saurait en effet estimer que la production au cours de la procédure cantonale de recours de la seule pièce attestant de charges suffise pour considérer que le recourant aurait rempli ses obligations en matière de démonstration de sa situation financière.  
Enfin, l'argument du recourant, tiré d'une similitude entre le revenu pour déterminer le droit à l'assistance judiciaire (art. 132 al. 1 let. b CPP) et les ressources nécessaires pour faire face à une obligation d'entretien (art. 217 CP) est dénué de pertinence, car les deux notions ne se recouvrent pas. Si l'indigence en matière d'assistance judiciaire se fonde sur une situation financière que celui qui s'en prévaut doit établir, la capacité de payer les pensions alimentaires est évaluée en fonction des revenus effectivement réalisés mais aussi de ceux que le débiteur de la pension aurait pu ou dû réaliser pour être en mesure de les payer (sur cette dernière notion, voir arrêt 6B_787/2017 du 12 avril 2018 consid. 6.1 et les arrêts cités). 
Au vu de tous ces éléments, la cour cantonale pouvait, sans violer le droit fédéral et sans arbitraire, considérer que le recourant n'avait pas rendu vraisemblable son indigence et, en conséquence, elle pouvait confirmer le refus du Ministère public de lui accorder l'assistance judiciaire. 
 
4.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté. 
La demande d'assistance judiciaire doit être rejetée, faute de chances de succès (art. 64 al. 1 LTF). Les frais de la procédure sont mis à la charge du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de l'arrondissement de La Côte et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 26 mars 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
La Greffière : Kropf