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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_191/2020  
 
 
Arrêt du 26 août 2020  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux 
Chaix, Président, Haag et Müller. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
représentée par Me B.________, avocate, 
2. B.________, 
recourantes, 
 
contre  
 
C.________, 
p.a. Ministère public d'arrondissement de l'Est vaudois, quai Maria-Belgia 18, 1800 Vevey, 
intimée, 
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD. 
 
Objet 
Procédure pénale; récusation; interdiction de représentation, 
 
recours contre la décision du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 3 mars 2020 (146 PE18.018974-CMS). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 27 septembre 2018, la Procureure de l'arrondissement de l'Est vaudois a ouvert une instruction pénale à l'encontre de D.________ pour conduite sous l'influence de l'alcool ayant provoqué un accident de la circulation, dont a été victime A.________. Cette dernière a déposé plainte pénale contre le prévenu le 6 novembre 2018 et s'est constituée partie civile sans toutefois chiffrer ses prétentions. 
 
Par ordonnance pénale du 25 février 2019, la Procureure C.________, en charge de la procédure, a condamné D.________ pour conduite en état d'ébriété, conduite en état d'incapacité et contravention à la loi sur les stupéfiants à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu'à une amende. Cette ordonnance fait l'objet d'une opposition de la part de A.________. 
 
Par ordonnance du même jour, la Procureure C.________ n'est pas entrée en matière sur la plainte déposée par A.________, considérant que les éléments constitutifs de l'infraction de lésions corporelles simples par négligence n'étaient pas réunis. Cette ordonnance a fait l'objet d'un recours déposé auprès de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois (cf. let. C ci-dessous). 
 
B.   
A une date inconnue, A.________ a consulté Me B.________, associée de l'Etude " E.________ ", et lui a confié la défense de ses intérêts. Cette avocate a informé la direction de la procédure de son mandat par courrier du 27 février 2019, en produisant une procuration datée du 25 février 2019. 
 
C.   
Par arrêt du 3 juin 2019, la Chambre des recours pénale - composée des juges cantonaux F.________, G.________ et H.________ - a admis le recours interjeté par A.________, représentée par Me B.________, contre l'ordonnance de non-entrée en matière du 25 février 2019 et a annulé celle-ci. Elle a considéré que les éléments constitutifs de l'infraction de lésions corporelles simples par négligence étaient manifestement réunis, de sorte que le Ministère public ne pouvait pas rendre une ordonnance de non-entrée en matière. La Chambre des recours pénale a renvoyé la cause au Ministère public pour qu'il ouvre une enquête contre D.________ et, si celle-ci ne révèle pas d'autres éléments de fait, rende une ordonnance pénale à l'encontre de celui-ci. 
 
D.   
Le 4 mars 2019, Me B.________, pour A.________, a déposé une demande tendant à la récusation de la Procureure C.________ et au transfert de la cause à un autre Procureur de l'arrondissement de l'Est vaudois en raison de l'inimitié de cette magistrate à l'endroit des avocats de l'Etude " E.________ ". La requérante se prévalait entre autres du fait qu'un ancien membre de l'étude - Me I.________ - avait défendu dès 2017 une plaignante dans le cadre d'une procédure pénale visant personnellement la Procureure C.________, que trois avocats de cette même étude - soit Mes B.________, J.________ et I.________ - avaient déposé une plainte pénale contre la Procureure intimée pour violation du secret de fonction le 22 novembre 2017 et que le Procureur général avait, dans une tierce affaire, dessaisi ladite procureure, suite à des demandes de récusation des 7 septembre et 5 décembre 2017 déposées par les mêmes avocats (cf. let. E ci-dessous); la requérante invoquait également le fait que, dans un autre dossier, une collaboratrice de l'étude de Me B.________ avait tenté de prendre contact avec la Procureure C.________ afin d'inviter cette dernière à renoncer à la poursuite d'une instruction pénale et de la confier à un autre procureur, et qu'il lui aurait été répondu que la magistrate refusait tout contact avec les membres de l'Etude " E.________ ". 
 
Cette magistrate a transmis la demande de récusation à la Chambre des recours pénale, avec sa prise de position du 12 mars 2019. Par arrêt du 4 juin 2019, la Chambre des recours pénale - à nouveau composée des juges F.________, G.________ et H.________ - a interdit à Me B.________ de représenter la plaignante A.________ dans le cadre de la présente cause pénale et a rejeté la demande de récusation. 
 
Par arrêt du 18 septembre 2019 (1B_348/2019), le Tribunal fédéral a admis le recours formé par A.________ et Me B.________ contre cet arrêt et a renvoyé la cause à la Chambre des recours pénale; il a considéré que cette autorité - qui était saisie d'une demande de récusation - avait violé le droit d'être entendu des recourantes en prononçant l'interdiction de postuler de l'avocate mandatée, sans leur offrir l'occasion de s'exprimer sur cette question. 
 
Par lettre du 16 octobre 2019, le Président de la Chambre des recours pénale a répondu à un courrier de Me B.________, l'informant entre autres que la composition de la Chambre des recours pénale appelée à statuer à nouveau n'était pas modifiée. A.________ a aussitôt présenté une demande de récusation visant les juges cantonaux F.________, H.________ et G.________, laquelle a été rejetée par décision du 3 décembre 2019 de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal.  
 
Le 11 novembre 2019, Me B.________ et A.________ se sont déterminées sur la question d'une éventuelle interdiction de postuler de la première nommée. 
 
E.  
 
E.a. Parallèlement à la présente procédure pénale, une plainte pénale a été déposée le 15 mars 2017 par une partie tierce, représentée par un associé de l'avocate B.________ à l'encontre de la Procureure C.________ pour contrainte et diffamation, subsidiairement calomnie, notamment. Après avoir fait l'objet d'une condamnation par ordonnance pénale du 15 mars 2018, la magistrate précitée a été acquittée par jugement rendu le 10 janvier 2019 par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne. Au cours de la procédure d'appel qui s'en est suivie, la partie plaignante a retiré son appel à la suite d'une transaction intervenue dans le cadre des débats qui se sont déroulés le 25 septembre 2019.  
 
E.b. En outre, le 22 novembre 2017, l'avocate B.________ a, conjointement à deux de ses associés de l'Etude " E.________ ", déposé une plainte pénale contre la Procureure C.________ pour violation du secret de fonction. Par ordonnance du 15 décembre 2017 - confirmée par arrêt rendu le 28 mars 2018 par la Chambre des recours pénale -, le Ministère public central a refusé d'entrer en matière sur cette plainte. Par arrêt du 27 juillet 2018 (6B_537/2018), le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours interjeté par les plaignants contre l'arrêt du 28 mars 2018.  
 
Le 21 mars 2018, l'avocate B.________ et deux de ses associés ont déposé une plainte pénale complémentaire contre la Procureure C.________ pour violation du secret de fonction. 
 
E.c. Dans une autre affaire, un associé de l'étude de l'avocate B.________ a demandé, les 7 septembre et 5 décembre 2017, la récusation de la Procureure C.________ en charge de l'instruction, au motif que l'impartialité de cette dernière ne pourrait pas être garantie au vu des plaintes pénales déposées contre elle. Par décision du 4 octobre 2017, la Chambre des recours pénale a déclaré irrecevable la demande de récusation, laquelle a été annulé par le Tribunal fédéral (arrêt 1B_502/2017 du 7 février 2018) au motif que cette instance avait violé le droit d'être entendu de la partie requérante en ne lui transmettant pas les déterminations de la Procureure et en statuant 4 jours seulement après réception dedites déterminations. Le 19 mars 2019, le Procureur général a dessaisi la magistrate intimée; il a considéré que les motifs invoqués étaient infondés, mais que les droits de la personnalité des magistrats du Ministère public devaient être préservés, tout comme les intérêts des parties qui, depuis près de huit mois, voyaient le traitement de leur cause bloqué par la situation.  
 
E.d. Enfin, le 30 juillet 2018, dans une autre cause, un associé de l'étude de B.________, agissant pour le compte d'une partie tierce, a demandé la récusation de la Procureure C.________, pour les mêmes motifs que ceux déjà formulés dans les précédentes procédures. Par décision du 14 septembre 2018, la Chambre des recours pénale a déclaré cette demande irrecevable.  
 
F.   
Dans le cadre de la présente procédure, après avoir recueilli les déterminations des intéressées, la Chambre des recours pénale a, par décision du 3 mars 2020, interdit à l'avocate B.________ d'assister et de représenter la plaignante A.________ dans le cadre de la présente cause pénale et a rejeté la demande de récusation présentée le 4 mars 2019 par la plaignante contre la Procureure intimée. En substance, la Chambre des recours pénale a considéré qu'en ne résiliant pas le mandat qui la liait à la plaignante, l'avocate B.________ avait contrevenu à ses obligations de diligence et d'indépendance ainsi qu'à celle d'éviter tout conflit d'intérêts (cf. art. 12 let. a à c de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats [LLCA; RS 935.61]). 
 
G.   
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ et B.________ demandent au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt entrepris en ce sens que la demande de récusation du 4 mars 2019 visant la Procureure C.________ est admise et que l'interdiction faite à l'avocate B.________ de représenter la plaignante A.________ est annulée. A titre subsidiaire, les recourantes demandent l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause à l'autorité précédente. Les recourantes sollicitent également l'octroi de l'effet suspensif au recours, qui a été accordé par ordonnance présidentielle du 15 mai 2020. 
 
La Chambre des recours pénale renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de sa décision. Aux termes de ses déterminations, le Procureur général conclut au rejet du recours en tant qu'il porte sur la question de la récusation et renonce à se déterminer sur la problématique de l'interdiction de postuler prononcée. Les recourants déposent une ultime écriture. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF), interdisant à la recourante B.________ de représenter la recourante A.________ dans la procédure pénale l'opposant à D.________ et rejetant la demande de récusation formée contre la Procureure intimée. Le recours est donc en principe recevable comme un recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF (arrêts 1B_20/2017 du 23 février 2017 consid. 1.1; 1B_420/2011 du 21 novembre 2011 consid. 1.1). 
 
Du point de vue de la recourante A.________ - partie plaignante -, le prononcé relatif à une interdiction de procéder constitue une décision incidente susceptible de lui causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF). En effet, ce prononcé la prive définitivement de pouvoir choisir l'avocate B.________ pour assurer la défense de ses intérêts (art. 127 al. 1 CPP; arrêt 1B_20/2017 du 23 février 2017 consid. 1.1). Le recours de l'avocate est également recevable, la décision attaquée présentant, pour elle, un caractère final (art. 90 LTF; arrêts 1B_354/2016 du 1er novembre 2016 consid. 1; 1B_226/2016 du 15 septembre 2016 consid. 1). Enfin, la recourante A.________ a également qualité pour recourir contre l'arrêt entrepris en tant qu'il rejette la demande de récusation qu'elle a formulée à l'encontre de la magistrate intimée (art. 92 al. 1 LTF). 
 
Les autres conditions de recevabilité étant remplies, il y a lieu d'entrer en matière sur le fond. 
 
 
2.   
Invoquant une violation des art. 59 al. 1 let. b, 61 et 62 CPP, les recourantes affirment que la Chambre des recours pénale n'était pas compétente pour prononcer l'interdiction de postuler à l'encontre de l'avocate recourante. Elles soutiennent que cette compétence appartenait au seul Ministère public qui assumait la direction de la procédure, conformément à l'art. 61 let. a CPP, et qui à ce titre était habilité à ordonner les mesures nécessaires au bon déroulement et à la légalité de la procédure (art. 62 al. 1 CPP). 
 
En l'espèce, la Chambre des recours pénale était saisie d'une demande de récusation formée par la partie plaignante à l'encontre de la Procureure intimée. Il n'est pas contesté que la Chambre des recours pénale était compétente pour se prononcer sur cette demande de récusation (cf. art. 20 et 59 al. 1 let. b CPP). En revanche, il appartient en principe à l'autorité en charge de la procédure de statuer sur la capacité de postuler d'un mandataire professionnel au regard notamment de la LLCA dès lors que cette question relève de la légalité de la procédure et de son bon déroulement (cf. art. 61 et 62 CPP), soit in casu le Ministère public (cf. ATF 141 IV 257 consid. 2.2 p. 261; arrêts 1B_149/2013 du 5 septembre 2013 consid. 2.4.2; 1B_226/2016 du 15 septembre 2016 consid. 2; cf. également ATF 138 II 162 consid. 2.5.1 p. 167). Cela étant, force est de constater que la question de la récusation de la Procureure intimée et celle de l'interdiction de postuler de l'avocate d ans la procédure pénale litigieuse sont étroitement liées puisqu'elles reposent sur les mêmes motifs et l'une excluant l'autre (cf. consid. 4.4). Compte tenu de cette circonstance et du fait que la Chambre des recours pénale aurait aussi été compétente pour statuer sur recours sur la question de l'interdiction de postuler de l'avocate, cette autorité pouvait se saisir de cette question dans le cadre de la procédure relative à la demande de récusation. 
 
3.   
Les recourantes se plaignent ensuite d'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves. 
 
3.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3 p. 156). Le recourant ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375).  
 
3.2. En l'espèce, les recourantes font grief à l'instance précédente d'avoir arbitrairement omis de mentionner l'ordonnance du 2 août 2019 du Tribunal fédéral accordant l'effet suspensif au recours déposé le 11 juillet 2019 (cause 1B_348/2019); cette ordonnance démontrerait, selon elles, que l'instance précédente aurait à tort considéré que le fait que la capacité de postuler de l'avocate était en cause aurait empêché de fait tout avancement de l'enquête pénale jusqu'au 14 novembre 2019, date à laquelle la procureure a cité le prévenu à une audience fixée le 9 mars 2020. Les recourantes reprochent en outre à l'instance précédente de ne pas avoir non plus mentionné les déterminations de la Procureure datées du 29 juillet 2019, lesquelles traduiraient une apparence d'inimitié de cette dernière envers l'avocate recourante.  
 
Contrairement à ce que soutiennent les recourantes, ces faits ne sont pas susceptibles d'influer sur le sort de la cause. En effet, la question de savoir si l'on peut concrètement reprocher à l'avocate recourante d'avoir ralenti le cours de la procédure pénale n'apparaît pas déterminant pour statuer sur la question décisive de sa capacité de plaider dans le cas d'espèce. Par ailleurs, l'existence d'une relation conflictuelle grave entre l'avocate recourante et la Procureure intimée n'a pas été contestée par les recourantes (cf. consid. 4.2 ci-dessous). Au surplus, la Cour de céans ne tiendra pas compte, en tant qu'ils ne ressortent pas de l'arrêt attaqué, des faits allégués de manière appellatoire dans le mémoire de recours. 
 
Le grief des recourantes peut dès lors être écarté. 
 
4.   
Les recourantes se plaignent ensuite d'une violation des art. 56 ss CPP et 12 let. a à c LLCA. Elles affirment notamment que l'art. 56 let. f CPP constituerait une lex specialis par rapport à la LLCA, de sorte que l'instance précédente aurait dû examiner le cas d'espèce sous l'angle de cette disposition du CPP, et non pas de la LLCA. 
 
 
4.1.  
 
4.1.1. Un magistrat est récusable, selon l'art. 56 let. f CPP, " lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention ". Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 p. 74 et les réf. cit.).  
 
4.1.2. L'autorité en charge de la procédure statue d'office et en tout temps sur la capacité de postuler d'un mandataire professionnel (ATF 141 IV 257 consid. 2.2 p. 261). En effet, l'interdiction de postuler dans un cas concret - à distinguer d'une suspension provisoire ou définitive - ne relève en principe pas du droit disciplinaire, mais du contrôle du pouvoir de postuler de l'avocat (ATF 138 II 162 consid. 2.5.1 p. 168; arrêt 1B_226/2016 du 15 septembre 2016 consid. 2).  
 
Dans les règles relatives aux conseils juridiques, l'art. 127 al. 4 CPP réserve la législation sur les avocats. L'art. 12 LLCA énonce les règles professionnelles auxquelles l'avocat est soumis. Selon l'art. 12 let. a LLCA, il doit exercer sa profession avec soin et diligence. Cette disposition constitue une clause générale qui permet d'exiger de l'avocat qu'il se comporte correctement dans l'exercice de sa profession. Sa portée n'est pas limitée aux rapports professionnels de l'avocat avec ses clients, mais comprend aussi les relations avec les confrères et les autorités (ATF 144 II 473 consid. 4.1 p. 476 et les réf. cit.). L'art. 12 let. b LLCA prévoit notamment que l'avocat exerce son activité professionnelle en toute indépendance. L'indépendance est un principe essentiel de la profession d'avocat et doit être garantie tant à l'égard du juge et des parties, que du client (cf. ATF 145 II 229 consid. 6.1 p. 237; arrêts 2C_889/2008 du 21 juillet 2009 consid. 3.1.2; 2A.293/2003 du 9 mars 2004 consid. 2). Celui qui s'adresse à un avocat doit pouvoir admettre que celui-ci est libre de tout lien, de quelque nature que ce soit et à l'égard de qui que soit, qui pourrait restreindre sa capacité de défendre les intérêts de son client, dans l'accomplissement du mandat que ce dernier lui a confié (arrêts 2C_889/2008 du 21 juillet 2009 consid. 3.1.2; 2A.293/2003 du 9 mars 2004 consid. 2). Quant à l'art. 12 let. c LLCA, il prescrit à l'avocat d'éviter tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé. Même si cela ne ressort pas explicitement du texte légal, l'art. 12 let. c LLCA impose aussi d'éviter les conflits entre les propres intérêts de l'avocat et ceux de se s clients (arrêts 1B_149/2013 du 5 septembre 2013 consid. 2.4.2; 2C_889/2008 du 21 juillet 2009 consid. 3.1.3). Un avocat ne doit donc pas accepter un mandat, respectivement s'en dessaisir, quand les intérêts du client entrent en collision avec ses propres intérêts (cf. WALTER FELLMANN, Anwaltsrecht, 2éd., Berne 2017, n. 361 p. 158 s.; MICHEL VALTICOS, in Commentaire romand, Loi sur les avocats, Valticos/ Reiser/Chappuis [éd.], 2010, n. 179 ad art. 12 LLCA). Ainsi, selon la doctrine, en cas de conflit personnel d'une certaine importance avec un confrère qu'il sait assister la partie adverse, un avocat ne doit pas accepter le mandat, dès lors qu'il sait qu'il ne pourra pas le remplir en toute indépendance et sans conflit d'intérêts (cf. FELLMANN, op. cit., n. 363 p. 160; cf. arrêt 2A.168/2005 du 6 septembre 2005 consid. 2.2.3). L'interdiction de plaider en cas de conflit d'intérêts se trouve en lien avec la clause générale de l'art. 12 let. a LLCA précité, selon laquelle l'avocat exerce sa profession avec soin et diligence, de même qu'avec l'obligation d'indépendance rappelée à l'art. 12 let. b LLCA (ATF 145 IV 218 consid. 2.1 p. 222 et les réf. cit.). 
 
Les règles susmentionnées visent avant tout à protéger les intérêts des clients de l'avocat, en leur garantissant une défense exempte de conflit d'intérêts. Elles tendent également à garantir la bonne marche du procès, en particulier en s'assurant qu'aucun avocat ne soit restreint dans sa capacité de défendre l'un de ses clients (ATF 145 IV 218 consid. 2.1; 141 IV 257 consid. 2.1; arrêts 1B_209/2019 du 19 septembre 2019 consid. 4.4.1). 
 
Il faut éviter toute situation potentiellement susceptible d'entraîner des conflits d'intérêts. Un risque purement abstrait ou théorique ne suffit pas; le risque doit être concret. Il n'est toutefois pas nécessaire que le danger concret se soit réalisé et que l'avocat ait déjà exécuté son mandat de façon critiquable ou en défaveur de son client (ATF 145 IV 218 consid. 2.1 p. 223; arrêts 1B_59/2018 du 31 mai 2018 consid. 2.4; 1B_20/2017 du 23 février 2017 consid. 3.1). Dès que le conflit d'intérêts survient, l'avocat doit mettre fin à la représentation (ATF 145 IV 218 consid. 2.1 p. 223 et les réf. cit.). Celui qui, en violation des obligations énoncées à l'art. 12 LLCA, accepte ou poursuit la défense alors qu'il existe un tel risque de conflit doit se voir dénier par l'autorité la capacité de postuler. L'interdiction de plaider est, en effet, la conséquence logique du constat de l'existence d'un tel conflit (ATF 138 II 162 consid. 2.5.1 p. 166 s.). 
 
4.2. Dans le cas d'espèce, la cour cantonale a constaté que la Procureure C.________ était l'autorité investie de la direction de la procédure et qu'en cette qualité elle avait conduit la procédure préliminaire dès le 27 septembre 2018 et rendu l'ordonnance de non-entrée en matière du 25 février 2019. La plaignante A.________ n'était alors pas assistée par Me B.________. Cette dernière a, selon la cour cantonale, admis avoir pris connaissance de l'ordonnance de non-entrée en matière le 26 ou le 27 février 2019 par l'intermédiaire de sa cliente; elle pouvait ainsi objectivement savoir que la Procureure C.________ était en charge de l'enquête puisque cet élément découlait de l'ordonnance précitée. L'instance précédente a considéré que, dans ces circonstances, la magistrate intimée ne pouvait être tenue de se récuser, d'une part, parce que le prétendu motif de récusation était survenu après la reddition de l'ordonnance de non-entrée en matière et n'avait donc pas pu affecter son impartialité ou son indépendance et, d'autre part, parce que ce motif de récusation était en réalité personnel à l'avocate en question puisqu'il avait trait à un grave conflit qui préexistait entre cette dernière - et les avocats de son étude - et ladite procureure.  
Pour la cour cantonale, les circonstances invoquées à l'appui de la demande de récusation devaient non seulement conduire Me B.________ à informer sa cliente du grave conflit opposant les membres de son étude à cette procureure, mais également à résilier le mandat qu'elle venait d'accepter. Il était manifeste qu'au vu de ce grave conflit, qui l'a amenée notamment à déposer personnellement une plainte pénale et un complément de plainte pénale contre cette magistrate, l'avocate B.________ ne pouvait ni ne devait poursuivre un tel mandat. La cour cantonale a en outre relevé qu'en raison du fait que la capacité de postuler de l'avocate était en jeu, l'enquête n'avait pas pu concrètement avancer, au détriment en particulier de sa cliente. Dans ces conditions, il convenait, selon l'instance précédente, de tirer d'office les conséquences de la violation par Me B.________ de ses obligations de diligence et d'indépendance ainsi que de l'obligation d'éviter à sa cliente des conflits d'intérêts par son intermédiaire avec la procureure en charge de l'enquête, en lui déniant la capacité de postuler et en l'obligeant à renoncer à assister et représenter A.________ dans le cadre de la cause PE18.018974-CMS. 
Quant à la demande de récusation, la cour cantonale a considéré qu'elle était manifestement mal fondée puisqu'elle reposait sur des motifs qui n'existeraient pas si l'avocate B.________ n'avait pas poursuivi un mandat en violation de l'art. 12 let. a à c LLCA, et qui n'existaient plus dès lors que la capacité de postuler lui était déniée. 
 
4.3. Les recourantes critiquent en vain l'interdiction de postuler ordonnée à l'encontre de l'avocate B.________. En effet, selon les constatations de fait des juges cantonaux - dont le caractère arbitraire n'est pas allégué par les recourantes et qui lient le Tribunal fédéral (cf. consid. 2.1 ci-dessus) -, un " grave conflit " oppose l'avocate B.________ et les membres de la même étude à la procureure C.________, conflit remontant à 2017 et ayant conduit l'avocate B.________ et les membres de cette étude à déposer plusieurs plaintes pénales (dont une plainte à titre personnel en 2017 et son complément en mars 2018) et demandes de récusation à l'encontre de la magistrate précitée. Or, en l'espèce, après avoir pris connaissance de l'ordonnance de non-entrée en matière, l'avocate B.________ s'est manifestée, par courrier du 27 février 2019, auprès de la direction de la procédure, à savoir la Procureure C.________, pour l'informer qu'elle était chargée d'assurer la défense de la plaignante, produisant à cet effet une procuration datée du 25 février 2019. Ainsi, en date du 27 février 2019 au plus tard, cette avocate savait que la Procureure C.________ était en charge du dossier. Compte tenu du fait que la Procureure intimée dirigeait l'instruction de la cause depuis le mois de septembre 2018, il appartenait à l'avocate recourante de renoncer à ce mandat lorsqu'elle a constaté l'identité de ladite procureure. Au vu des circonstances exceptionnelles et conflictuelles entourant les relations entre Me B.________ et la Procureure intimée, la première nommée ne pouvait pas ignorer qu'elle n'était pas en mesure d'assurer la défense des intérêts de sa cliente avec toute l'indépendance et l'objectivité nécessaires vis-à-vis de la magistrate intimée. En ne renonçant pas à ce mandat, l'avocate a contrevenu à ses obligations professionnelles énoncées à l'art. 12 let. a à c LLCA. Le fait que Me B.________ a défendu avec succès les droits de la plaignante en obtenant l'annulation de l'ordonnance de non-entrée en matière rendue par la Procureure intimée n'est pas déterminant dans ce contexte.  
 
Dans ces conditions, l'interdiction faite à l'avocate recourante d'assister et de représenter la plaignante dans la procédure pénale en cause est justifi ée. Contrairement à ce que soutiennent les recourantes, l'art. 56 let. f CPP relatif à la récusation ne constitue pas une loi spéciale par rapport à l'art. 12 LLCA. Elles méconnaissent d'ailleurs que l'art. 127 al. 4 CPP réserve expressément la législation sur les avocats, et donc les devoirs professionnels de l'art. 12 LLCA auxquels sont soumis les avocats. Admettre la solution préconisée par les recourantes permettrait le cas échéant à des parties mécontentes des choix procéduraux d'un procureur de mandater un avocat qui se trouve dans une relation conflictuelle personnelle importante avec ce magistrat pour obtenir ensuite sa récusation, laquelle doit en principe, selon une jurisprudence constante, rester exceptionnelle. Un tel procédé abusif serait contraire au bon fonctionnement de la justice. 
 
4.4. Au vu de ce qui précède, le Tribunal cantonal n'a pas violé le droit fédéral en prononçant l'interdiction de postuler à l'encontre de l'avocate Me B.________ et ce grief peut être écarté.  
 
La demande de récusation devient dès lors sans objet puisqu'elle est fondée exclusivement sur des motifs ayant trait à la relation entre l'avocate recourante - et les membres de la même étude - et la magistrate intimée. 
 
5.   
Les recourants se prévalent en outre de restrictions disproportionnées (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst.), s'agissant de la plaignante recourante, de son droit d'être défendue par l'avocat de son choix (art. 6 ch. 3 let. c CEDH) et, s'agissant de Me B.________, de sa liberté économique (art. 27 Cst.) et de son droit de représentation en justice (art. 4 LLCA). Tels qu'ils sont soulevés, ces griefs n'ont toutefois pas de portée propre par rapport à celui en lien avec la capacité de postuler de l'avocate recourante, lequel a été examiné ci-dessus sous l'angle des art. 127 al. 4 CPP et 12 let. a à c LLCA (cf. consid. 4 supra; cf. arrêts 1B_209/2019 du 19 septembre 2019 consid. 5; 1A.223/2002 du 18 mars 2003 consid 2.5.1). 
 
Enfin, il sied de relever que l'avocate recourante n'a pas qualité pour invoquer les intérêts des autres membres de l'étude, qui seraient susceptibles d'être touchés par l'interdiction de postuler prononcée à son encontre. 
 
 
6.   
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
Les recourantes, qui succombent, supportent solidairement les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'attribuer de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public central du canton de Vaud et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 26 août 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
La Greffière : Arn