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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_651/2019  
 
 
Arrêt du 27 mai 2020  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Fonjallaz et Haag. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, B.A.________ et C.A.________, tous les trois représentés par Me Urs Saal, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
B.________, 
intimé, 
 
Municipalité de Crans-près-Céligny, rue du Grand-Pré 25, case postale 24, 1299 Crans-près-Céligny, représentée par Me Benoît Bovay, avocat. 
 
Objet 
Refus de permis d'utiliser; remise en état, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton 
de Vaud, Cour de droit administratif et public, 
du 7 novembre 2019 (AC.2017.0423 - AC.2018.0340). 
 
 
Faits :  
 
A.   
La parcelle n° 959 de la commune de Crans-près-Céligny est détenue en copropriété par A.A.________, B.A.________ et C.A.________. Sa partie nord est située dans l'aire forestière alors que sa partie sud était, jusqu'au 3 décembre 2018, affectée en zone d'habitation de faible densité (depuis modifiée en zone de faible densité B selon le nouveau plan général d'affectation et le nouveau règlement sur les constructions et l'aménagement du territoire approuvés par le Département cantonal vaudois du territoire et de l'environnement le 14 décembre 2017). 
 
A.a. Le 7 décembre 2015, la Municipalité de Crans-près-Céligny a délivré aux copropriétaires une autorisation de construire un parking souterrain de 25 places dans la partie de la parcelle n° 959 affectée à la zone d'habitation de faible densité. Ce garage est destiné à accueillir des voitures de collection et des voitures de course pour un usage privé. Le permis de construire précise que le garage est à l'usage exclusif de la famille des propriétaires de la parcelle pour entreposer leurs voitures de collection, qu'ils sont autorisés à mettre au maximum cinq places à disposition des voisins directs, mais qu'aucune autre activité commerciale n'est admise.  
Par décision du 7 juin 2016, la municipalité a délivré un permis de construire complémentaire portant sur l'agrandissement du parking souterrain, avec 94 m2 de surface bâtie supplémentaire afin de créer une zone d'exposition pour motos. Celle-ci comprend un local destiné aux motos de 53,80 m2 avec des portes-fenêtres coulissantes donnant sur l'extérieur dans la façade nord-est, une pièce de rangement de 20,50 m2et un petit sanitaire composé d'un WC et d'un lavabo. 
 
A.b. Lors d'un premier contrôle des travaux en vue de délivrer le permis d'utiliser, la commune a constaté certaines divergences dans la réalisation des aménagements extérieurs par rapport à ce qui avait été autorisé. A la demande de la municipalité, les constructeurs ont produit un plan des aménagements extérieurs révisé du 8 juin 2017.  
A l'occasion d'une seconde visite de chantier, le 9 octobre 2017, la municipalité s'est aperçue que la zone d'exposition pour motos avait été aménagée différemment de ce qu'autorisaient le permis de construire et le permis de construire complémentaire. Un bar avait été installé dans le local destiné aux motos, qui présentait une dimension plus importante du fait que la pièce de rangement avait été supprimée et remplacée par une cuisine ouverte et équipée (sans la cloison qui permettait à l'origine de faire la séparation entre les deux salles). La surface attribuée à la cuisine avait été réduite de 20,50 m2 à 18,50 m2 pour permettre la création d'une douche, intégrée au sanitaire. La réalisation de deux portes offrait en outre un accès à la zone d'exposition pour motos depuis le garage et depuis un local technique de 34,90 m2 aménagé plus au sud-ouest. 
Par décision du 24 octobre 2017, la municipalité a ordonné la remise en état de la zone d'exposition pour motos dans un délai au 1er décembre 2017, sous peine de dénonciation à la préfecture. Les constructeurs ont recouru contre cette décision devant la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (cause AC.2017.0423). 
 
A.c. En janvier 2018, les copropriétaires ont déposé une demande de permis de construire complémentaire portant sur l'agrandissement du garage avec 46 m2 de surface bâtie supplémentaire, la création d'un local technique, la création d'une cuisine, d'un bar et d'une douche en lieu et place de la pièce de rangement qui était prévue à l'origine, le maintien de la zone d'exposition pour motos et la modification de la rampe d'accès. Mis à l'enquête publique, le projet a suscité l'opposition de B.________, propriétaire de la parcelle voisine n° 416.  
Par décision du 13 août 2018, la municipalité a levé l'opposition et délivré le permis de construire s'agissant de la modification de la rampe d'accès, de l'agrandissement du garage pour la création d'un local technique ainsi que du module douche-WC-lavabo. En revanche, elle a exigé que la cuisine et le bar présents dans la zone d'exposition pour motos soient démontés et les raccordements d'eau bouchonnés. Les constructeurs ont déféré cette décision à la CDAP (cause AC.2018.0340). 
 
B.   
Statuant par arrêt du 7 novembre 2019 après avoir joint les deux causes, la CDAP a confirmé les décisions communales du 24 octobre 2017 et du 13 août 2018. Elle a en substance confirmé la position de la commune quant au fait que les aménagements querellés rendaient les locaux habitables, contrairement à ce que permettait la réglementation communale, de sorte que ces travaux ne pouvaient être régularisés. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A.________, B.A.________ et C.A.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal ainsi que la condition posée par la décision du 23 août 2018 refusant l'espace détente et leur ordonnant de démonter la cuisine ainsi que le bar installés et de reboucher les raccordements d'eau. 
La cour cantonale renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de son arrêt. 
Par ordonnance du 22 janvier 2020, le Président de la Ire Cour de droit public a accordé l'effet suspensif au recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est formé contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale, dans une cause de droit public. Il est recevable au regard des art. 82 let. a, 86 al. 1 let. d et 90 LTF. Les recourants, copropriétaires de la parcelle et constructeurs du projet litigieux, sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué; ils ont un intérêt digne de protection à l'annulation ou la modification de l'arrêt cantonal. 
Les recourants concluent principalement à l'annulation de l'arrêt cantonal tout en demandant simultanément la réforme de l'une des décisions communales. Quand bien même ils répètent dans le corps de leur argumentation que l'arrêt attaqué doit être annulé, on comprend de leur recours qu'ils souhaitent voir l'arrêt cantonal réformé en ce sens que le permis de construire leur est délivré dans les termes requis. Cette conclusion est recevable au sens de l'art. 107 LTF
Sous réserve des exigences de motivation examinées ci-dessous (cf. consid. 3 et 4), les autres conditions formelles de recevabilité sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.   
Les recourants exposent leur propre état de fait, soulignant que certaines surfaces en cause n'ont pas été mentionnées dans l'état de fait établi par la cour cantonale. 
Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, la partie recourante ne peut critiquer la constatation de faits que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte - en particulier en violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire - et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. Le Tribunal fédéral n'entre ainsi pas en matière sur des critiques de type appellatoire (ATF 145 I 26 consid. 1.3 p. 30; 142 III 364 consid. 2.4 p. 368; 139 II 404 consid. 10.1 p. 445). 
Alors qu'ils se réfèrentexpressément à certaines surfaces du projet qu'ils auraient souhaité voir retenues dans l'état de fait, les recourants n'exposent pas en quoi la prise en considération de ces surfaces serait nécessaire à la résolution du litige. Il n'y a par conséquent pas lieu de modifier l'état de fait établi par la cour cantonale, auquel le Tribunal fédéral se réfère intégralement. 
 
3.   
Les recourants se plaignent d'arbitraire dans l'application du droit cantonal, "en particulier l'art. 84 aLATC", et des art. 5.9 et 5.10 de l'ancien règlement communal en matière de constructions et aménagement du territoire. Ils font valoir dans le même grief une violation de l'art. 8 al. 1 Cst., l'arrêt cantonal consacrant selon eux une inégalité de traitement. 
 
3.1. Sous réserve des cas visés à l'art. 95 let. c à e LTF, la violation du droit cantonal ou communal ne constitue pas un motif de recours. Il est néanmoins possible de faire valoir que l'application des dispositions cantonales ou communales consacre une violation d'une norme de droit fédéral au sens de l'art. 95 let. a LTF, telle que l'art. 9 Cst. garantissant la protection contre l'arbitraire (ATF 138 V 67 consid. 2.2 p. 69; 134 II 349 consid. 3 p. 351). Appelé à revoir l'application d'une norme cantonale ou communale sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 140 III 167 consid. 2.1 p. 168; 138 I 305 consid. 4.3 p. 319; 138 III 378 consid. 6.1 p. 379).  
Selon la jurisprudence, une décision viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 141 I 153 consid. 5.1 p. 157; 140 I 77 consid. 5.1 p. 80; 137 V 334 consid. 6.2.1 p. 348; 134 I 23 consid. 9.1 p. 42). 
Devant le Tribunal fédéral, les griefs de violation des droits fondamentaux et du droit cantonal ou communal sont soumis à des exigences de motivation accrues (art. 106 al. 2 LTF). La partie recourante doit alors mentionner les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés; de même, elle doit citer les dispositions du droit cantonal ou communal dont elle se prévaut et démontrer en quoi ces dispositions auraient été appliquées arbitrairement ou d'une autre manière contraire au droit (ATF 136 II 489 consid. 2.8 p. 494). 
 
3.2. La cour cantonale a considéré que, tant au vu de sa configuration que de ses équipements, le local pour motos n'avait pas pour seule vocation de servir de zone d'exposition. Il pouvait également avoir un usage quotidien et durable en tant que salle récréative, salle de détente ou encore salle de réunion.  
Les recourants n'exposent pas la teneur des dispositions dont ils dénoncent une application arbitraire, au point que l'on peut douter de la recevabilité de leur grief. Ils se contentent au demeurant de faire valoir, sans le démontrer, que le raisonnement de l'arrêt attaqué est insoutenable. Se référant à la jurisprudence cantonale sur le caractère habitable d'une construction, rappelée dans l'arrêt attaqué, les recourants s'obstinent à affirmer que l'installation d'une cuisine de 18,5 m² ne peut suffire à rendre un parking souterrain de 1000 m² habitable. Ce faisant, ils ne font qu'opposer leur propre appréciation à celle de la cour cantonale, sans démontrer en quoi la leur devrait être retenue. En particulier, ils s'obstinent à s'en prendre au caractère prétendument absurde de l'habitabilité d'un si grand parking souterrain. Or il n'apparaît pas que ce soit l'ensemble du parking qui serait jugé habitable, mais bien l'espace aménagé en lien avec la surface destinée à l'exposition de motos. 
Les recourants énumèrent en outre les locaux considérés comme non habitables selon la pratique cantonale: carnotzets aménagés en sous-sol, fitness, ainsi que, dans un cas particulier, l'aménagement sur près de 400 m², sous une maison d'habitation, d'un home cinéma, d'un cellier, d'une cave et d'une piscine avec jacuzzi, sauna, hammam, fitness, vestiaires et salle de massage. Ils font valoir qu'alors même qu'elles ne rendent pas les surfaces habitables, de telles installations sont destinées à une utilisation quotidienne, prolongée et récréative. 
S'agissant du cas particulier de ce sous-sol de 400 m² jugé non habitable (arrêt CDAP AC.2010.0106 du 30 août 2011), la cour cantonale a expressément exposé en quoi cette affaire se distinguait de la présente cause: d'une part les ouvertures en façades étaient de très faible importance par rapport à la surface totale du sous-sol; d'autre part, la réglementation communale comportait des règles précises au sujet du niveau du plancher et du niveau de dégagement des locaux pour que ceux-ci soient considérés comme habitables. Les recourants ne disent rien sur cette appréciation; ils se contentent de se prévaloir de cet arrêt sans exposer en quoi les différences relevées par la cour cantonale seraient dénuées de pertinence. 
Les recourants exposent encore laconiquement que "l'argument selon lequel ce traitement différencié serait justifié par le rapport entre les surfaces en cause [est] faux", "la CDAP ret[enan]t dans le cas d'espèce la surface du  localexposition moto alors qu'il ne s'agit pas d'un local en rapport avec l'ouverture sur l'extérieur". Ils ne donnent pas plus d'explications sur la surface qu'ils considèrent devoir être prise en considération. Sur ce point, on ne voit pas en quoi les seules mesures de surfaces de la parcelle, de la partie affectée à la zone à bâtir et du local affecté au parking - que les recourants entendent faire ajouter à l'état de fait - permettraient une meilleure compréhension de leur argument.  
Le Tribunal fédéral ne constate ainsi aucun arbitraire ni aucune violation de l'égalité de traitement dans l'arrêt attaqué. 
 
4.   
Les recourants se plaignent encore subsidiairement d'une "violation du droit et notamment du droit à une motivation compréhensible" s'agissant du calcul du coefficient d'utilisation du sol. Ils ne font valoir aucune règle de droit communal ou cantonal dont ils critiqueraient l'application, ni n'exposent de quelle façon ils estiment que le respect du coefficient d'utilisation du sol aurait dû être calculé. Que ce soit du point de vue d'une éventuelle violation de leur droit d'être entendus ou d'une éventuelle application arbitraire du droit cantonal ou communal, le grief ne satisfait pas aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF
 
5.   
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, aux frais de ses auteurs, qui succombent (art. 66 al. 1 LT F). L'intimé n'étant pas assisté d'un avocat et la commune ne pouvant y prétendre (art. 68 al. 3 LTF), il n'y a pas lieu d'accorder de dépens. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 francs, sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Municipalité de Crans-près-Céligny et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public. 
 
 
Lausanne, le 27 mai 2020 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
La Greffière : Sidi-Ali