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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_229/2020  
 
 
Arrêt du 27 août 2020  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Chaix, Président, Kneubühler et Jametti. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________ AG, 
représentée par Me Philippe Reymond, avocat, 
et Me Alain Dubuis, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Municipalité de Lausanne, Secrétariat municipal, 
place de la Palud 2, 1003 Lausanne, 
représentée par Me Daniel Guignard, avocat, 
 
Etablissement d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels du canton de Vaud (ECA), 
avenue Général-Guisan 56, 1009 Pully, 
Direction générale de l'environnement 
DGE-DIRNA du canton de Vaud, Unité juridique, rue Caroline 11, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
Retrait du permis de construire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 13 mars 2020 (AC.2019.0271). 
 
 
Faits :  
 
A.   
La société A.________ AG (ci-après: la société constructrice) est propriétaire des parcelles n° 6910 et n° 6911 du registre foncier de la commune de Lausanne, situées à l'angle formé par la place B.________ et la rue C.________. Le 10 février 2010, la Municipalité de Lausanne a délivré à la société précitée un permis de construire pour démolir le bâtiment construit sur la partie centrale de la parcelle n° 6911, et pour transformer partiellement le bâtiment, construit sur la parcelle n° 6910 et sur la fraction de la parcelle n° 6911 longeant la rue C.________. La Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté, par arrêt du 20 octobre 2010, les recours formés contre l'octroi du permis de construire. 
 
Le 11 octobre 2013, la société constructrice a déposé une nouvelle demande de permis de construire en vue d'un changement d'affectation du sous-sol du bâtiment projeté sur les parcelles nos 6910 et 6911. La Municipalité a délivré le permis de construire et levé l'opposition y relative lors de sa séance du 3 juillet 2014. Par arrêt du 31 mars 2015, le Tribunal cantonal a très partiellement admis le recours formé par la propriétaire d'une parcelle voisine et a réformé la décision municipale en ce sens que la condition suivante était ajoutée au permis de construire: 
 
"La direction des travaux doit être assurée par un mandataire professionnellement qualifié à savoir un architecte répondant aux exigences de l'art. 107 de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions du 4 décembre 1985 (LATC; RS/VD 700.11) pour la direction générale des travaux et un ingénieur bénéficiant des qualifications fixées par l'art. 107a LATC pour la direction des travaux de fondations spéciales et l'ensemble des travaux de génie civil du bâtiment. La société constructrice, avant de commencer les travaux, doit communiquer à la Municipalité le nom des mandataires professionnellement qualifiés chargés de la direction générale des travaux en qualité d'architecte chargé de la direction spéciale des travaux de fondation et de génie civil en qualité d'ingénieur et signaler immédiatement tout changement intervenant dans les mandats confiés pour assurer la direction des travaux". 
 
 
B.   
A la suite d'une visite du chantier effectuée par les collaborateurs de la commune de Lausanne en mai 2018, la conseillère municipale en charge de la Direction du logement, de l'environnement et de l'architecture a informé A.________ AG, le 20 juin 2018, de ce que ses services avaient constaté que les travaux avançaient très lentement, que la localisation du chantier dans le centre-ville suscitait des interrogations, non seulement pour la population mais également au niveau politique. Relevant que les explications données à l'inspecteur de la construction étaient lacunaires, elle a invité les responsables de la société constructrice à la rencontrer le 6 juillet 2018. Il ressort des notes relatives à cette séance établies par le Service d'architecture de la commune de Lausanne (ci-après: le Service d'architecture) que les retards dans l'avancement du chantier, s'ils pouvaient en partie être expliqués par des contraintes techniques et diverses procédures, étaient "au-delà de l'usuel"; de plus, l'aspect visuel de la façade sur la place B.________ était déplorable et participait au sentiment d'une situation non maîtrisée et laissée à l'abandon. Les représentants de la société constructrice ont indiqué que la dalle du 2ème étage allait prochainement être coulée, que le gros oeuvre serait terminé fin octobre 2018 et que le chantier devrait être achevé dans huit à dix mois; subsisteraient alors les travaux relatifs aux aménagements des divers lots commercialisés. Les représentants de la commune ont requis, dans un délai fixé au 20 juillet 2018, la production par la société constructrice d'un organigramme présentant la version actualisée des divers acteurs, un planning actualisé du chantier sur l'ensemble du projet, des garanties sur les démarches de commercialisation entreprises, des intentions claires et un projet pour les façades de B.________ et C.________, y compris un planning ainsi qu'une mise en ordre générale du chantier "pour donner une image positive et maîtrisée". 
 
Le 20 juillet 2018, le conseil de A.________ AG a écrit au Service d'architecture pour l'informer du dépôt des pièces requises. Il a précisé que les travaux spécifiques étaient terminés, que la fin du chantier était planifiée pour la fin de l'année 2018, que la phase de commercialisation était en bonne voie, que décision avait été prise de conserver les façades existantes donnant sur la place B.________ et la rue C.________ en limitant l'intervention à un nettoyage et à une remise en état et que les mesures demandées pour redonner une "image positive du chantier" avaient été prises; l'organigramme produit mentionnait le nom de deux architectes. 
 
Le 19 février 2019, le Service d'architecture a, une nouvelle fois, rencontré les représentants de la société constructrice. Par courriel du 13 mars 2019, il leur a demandé de produire le procès-verbal de la séance du 19 février 2019, le programme des travaux à jour, les plans d'exécution et les procès-verbaux de chantier hebdomadaires. Dans un courrier du 2 mai 2019, le Service d'architecture a constaté que, malgré plusieurs demandes répétées par téléphone et par courriels, les documents requis n'avaient pas été produits; un nouveau délai au 5 mai 2019 était imparti à cet effet. 
Par courrier du 16 mai 2019, la Municipalité a informé A.________ AG de ce que l'art. 118 al. 3 LATC permettait de retirer un permis de construire si, sans motifs suffisants, l'exécution des travaux n'était pas poursuivie dans les délais usuels; elle a relevé que les travaux avaient connu de nombreux retards et que, depuis mai 2015, quasiment aucune avancée significative n'avait été constatée sur le chantier; malgré de très nombreux échanges avec le Service d'architecture et des relances dudit service, l'absence de réponses constantes de la part du maître d'ouvrage et de ses représentants était constatée et, en l'état, toujours aucun dossier pour la rénovation des façades et les transformations du bâtiment existant; le 20 juin 2018, une mise en demeure formelle avait été adressée; constatant que les travaux n'avançaient pas, il avait été demandé à la société constructrice de s'expliquer sur les raisons d'un tel retard, inacceptable compte tenu de la localisation du chantier et de son ampleur; depuis cette date, les travaux n'avaient pas progressé de manière sensible; en outre, des doutes sérieux étaient apparus quant à la volonté de la propriétaire de mener le projet à terme, ainsi que sur sa capacité à financer le projet; aujourd'hui, l'aboutissement des travaux conformément aux permis de construire délivrés apparaissait hautement improbable pour la Municipalité. Dès lors, et afin de pouvoir examiner la suite qu'il convenait de donner à la présente affaire, la Municipalité a imparti un délai ultime au 30 juin 2019 pour fournir un certain nombre de documents (notamment la liste détaillée des mandataires et des entreprises sous contrat qui ont la charge de réaliser ces travaux, le programme détaillé des travaux à jour signé par les mandataires en charge de le mettre en oeuvre et le propriétaire, tous les plans d'exécution du chantier sous forme papier et PDF, la confirmation écrite et signée par les mandataires en charge de ce dossier que tous les travaux réalisés ont été effectués conformément aux deux permis de construire délivrés, une estimation du nombre d'ouvriers qui devraient travailler sur ce chantier jusqu'à la fin de l'année 2019 et les variations y relatives ainsi que le projet de dossier complémentaire du traitement des façades et des travaux de transformation). 
Le 28 juin 2019, le conseil de A.________ AG a transmis à la Municipalité un programme des travaux faisant état d'une fin de chantier au 30 juillet 2020, des plans format papier, une clé USB contenant lesdits plans, un rapport d'inspection établi le 25 juin 2019 par D.________ SA, un contrat d'entreprise signé entre A.________ AG et E.________ SA le 8 janvier 2019 (contrat d'entreprise générale portant exclusivement sur les travaux de bétonnage et de maçonnerie). 
 
Le 1er juillet 2019, une visite du chantier a été effectuée à la demande de la commune de Lausanne à laquelle ont participé l'architecte adjointe du Service d'architecture, le mandataire de la commune (F.________) et G.________ pour A.________ AG. A cette occasion, il a été constaté que la construction du gros oeuvre était toujours au niveau de la dalle du 1er étage, le coffrage et le ferraillage étant toujours en place mais rouillés depuis les visites faites en février et mai 2019. Dans le compte-rendu de la visite, l'architecte adjointe du Service d'architecture a relevé que les travaux avançaient toujours de manière très chaotique, sans réelle planification, ni organisation. Elle a aussi souligné que plusieurs des travaux réalisés ne correspondaient pas au permis de construire (notamment le bassin au niveau -2, le positionnement de la trémie des escalators et la démolition des groupes sanitaires dans le bâtiment transformé) et devaient faire l'objet d'une mise à jour des plans, voire nécessiter des autorisations supplémentaires. Ce dernier constat n'était pas partagé par le représentant de la société constructrice. Des problèmes de sécurité, notamment pour les ouvriers présents sur le chantier, et de salubrité étaient aussi mis en évidence. 
 
Le 25 juillet 2019, F.________, l'expert mandaté par la Municipalité, a établi un rapport dans lequel il se prononçait notamment sur les constatations faites lors de la visite du chantier du 1er juillet 2019 et sur les pièces remises par A.________ AG le 28 juin 2019. Il a relevé en particulier des problèmes au niveau de la sécurité tant pour les ouvriers oeuvrant sur le site que pour les utilisateurs du domaine public adjacent au chantier. Selon lui, il était impératif de faire arrêter les travaux dans les plus brefs délais et de retirer les permis de construire. Il a observé que ces derniers n'étaient pas respectés en raison d'une réalisation non conforme; il convenait aussi de sécuriser le chantier jusqu'à une nouvelle mise à l'enquête. 
Le 29 juillet 2019, le Service d'architecture a établi une analyse technique selon laquelle les travaux avaient connu de nombreux retards, ceci depuis la délivrance du permis principal en 2010; dès la délivrance du permis complémentaire (permis devenu définitif et exécutoire le 31 mars 2015), en tous les cas depuis mai 2015, quasiment aucune avancée significative n'avait été constatée sur le chantier ouvert depuis février 2011. S'agissant des documents produits le 28 juin 2019 par A.________ AG, il était notamment relevé que le seul contrat d'entreprise produit (portant uniquement sur le gros oeuvre) était insuffisant pour attester de l'organisation et de la poursuite du chantier, qu'aucun programme détaillé (planning) n'avait été produit (ce qui ne permettait pas d'avoir une évaluation claire de la planification et des moyens qui seraient mis en oeuvre pour assurer les différents étapes de la réalisation), que les plans fournis n'étaient pas des plans d'exécution et qu'ils n'étaient pas mis à jour et qu'aucune réponse n'avait été donnée à la demande relative au nombre d'ouvriers devant travailler sur le chantier jusqu'à la fin de l'année 2019 et les variations y relatives. Sur ce dernier point, il était relevé que, si la présence de quatre ouvriers avait été constatée lors des visites annoncées en février 2019 et le 1er juillet 2019, aucun ouvrier n'était sur place lors de visites surprises effectuées en mai et juin 2019; l'analyse technique confirmait l'existence d'un certain nombre de différences entre les plans sur la base desquels les permis de construire avaient été délivrés en 2010 et 2014 et ce qui avait été réalisé (notamment la fosse technique, la trémie des escalators du nouveau bâtiment et la démolition des groupes sanitaires du bâtiment transformé). 
 
C.   
Par décision du 15 août 2019, la Municipalité a, en application de l'art. 118 al. 3 LATC, retiré les permis de construire délivrés à A.________ AG les 10 février 2010 et 3 juillet 2014. Elle a aussi ordonné de procéder à différentes mesures conservatoires et de remise en état d'ici au 15 novembre 2019. 
 
La société constructrice a recouru contre la décision municipale du 15 août 2019 auprès du Tribunal cantonal. A la requête de la Municipalité, un rapport du Contrôle des chantiers de la construction dans le canton de Vaud relatif à un contrôle du chantier litigieux effectué le 27 novembre 2019 a été produit. 
Le 3 décembre 2019, le Tribunal cantonal a tenu audience et a procédé à une inspection locale. Il a constaté qu'une fosse de dimensions nettement supérieures à celle prévue par les plans d'enquête avait été réalisée au deuxième sous-sol, que les trémies n'étaient pas superposées et leur emplacement ne correspondait pas aux plans d'enquête, que les murs périphériques en parpaing étaient montés à 80 % au 1er et 2ème sous-sol, que le raccordement entre les murs en parpaing et la dalle restait à réaliser à ces mêmes étages et qu'à l'exception des murs porteurs, les étages du bâtiment existant avaient été vidés, sans que cela ne soit prévu dans les permis de construire. S'agissant de la fosse précitée, les représentants de la société constructrice n'ont pas donné d'explications relatives à la différence observée. En outre, les représentants de la Municipalité ont insisté sur de nombreuses malfaçons techniques et ont soutenu que A.________ AG n'avait pas remis de rapport amiante en lien avec le bâtiment transformé, ce que les représentants de la société constructrice ont contesté. Le Tribunal cantonal a encore constaté que certains panneaux installés sous l'avant-toit du bâtiment sis sur la parcelle n° 6910 (côté rue C.________), au-dessus de la voie publique, étaient déformés, qu'un panneau manquait sur la façade sud du même bâtiment (côté place B.________), qu'une plateforme était installée sur cette même façade et reposait sur la marquise. Les représentants de la société constructrice ont expliqué que la plateforme précitée n'était plus utilisée. Les représentants de la Municipalité ont demandé néanmoins une justification de la résistance de la plateforme et, en particulier, de la marquise. 
Le conseil de A.________ AG a produit, le 29 janvier 2020, un rapport de conformité établi par D.________ SA. Il en ressort notamment que les murs porteurs en maçonnerie au niveau -2 et -1 ont désormais été réalisés, que les palissades de chantier à la rue C.________ ont été démontées avec la restitution du cheminement pour piétons sur le domaine public et que des panneaux en bois ont été montés le long de la rue C.________ pour la fermeture et la protection du chantier. 
 
Par arrêt du 13 mars 2020, le Tribunal cantonal a rejeté le recours et confirmé la décision municipale du 15 août 2019. 
 
D.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ AG demande principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt attaqué en ce qu'il annule la décision du 15 août 2019, maintient les permis de construire délivrés les 10 février 2010 et 3 juillet 2014 et supprime les mesures conservatoires et les travaux de remise en état figurant au chiffre III de la décision du 15 août 2019, sous suite de frais et dépens. Elle conclut subsidiairement à l'annulation de l'arrêt du 13 mars 2020 et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. 
 
Le Tribunal cantonal, la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud et l'Etablissement cantonal d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels (ECA) renoncent à se déterminer. La Municipalité de Lausanne conclut au rejet du recours. Après s'être déterminée spontanément par courrier du 8 juin 2020, la recourante a répliqué, par courrier du 16 juillet 2020. 
 
E.   
Par ordonnances des 3 juin et 9 juillet 2020, le Juge présidant de la Ire Cour de droit public a rejeté les requêtes de mesures provisionnelles présentées par la recourante tendant à ce qu'elle soit autorisée à reprendre et poursuivre les travaux de gros oeuvre conformément aux permis de construire et selon le planning des travaux transmis au Tribunal cantonal le 16 janvier 2020 et le descriptif de ceux-ci transmis à la Municipalité le 28 juin 2019. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions, le recours est recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a pris part à la procédure de recours devant l'autorité cantonale (art. 89 al. 1 let. a LTF). Elle est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué qui confirme le retrait des permis de construire qui lui ont été délivrés les 10 février 2010 et 3 juillet 2014. Elle dispose donc de la qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
 
Les autres conditions de recevabilité du recours en matière de droit public étant remplies, il convient d'entrer en matière. 
 
 
2.   
Dans un premier grief d'ordre formel, la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue. Elle reproche à la Municipalité de ne pas l'avoir prévenue que les documents produits le 28 juin 2019 étaient incomplets, de ne pas lui avoir donné la possibilité de se déterminer sur le rapport de l'expert F.________ du 25 juillet 2019 (ci-après: le rapport F.________) et sur l'analyse du rapport technique du Service d'architecture du 29 juillet 2019. Elle lui fait aussi grief de ne pas l'avoir avertie qu'elle entendait rendre une décision de retrait des permis de construire en indiquant les motifs de sa décision. La recourante reproche au Tribunal cantonal d'avoir considéré que ces violations du droit d'être entendu avaient été réparées dans le cadre de la procédure de recours devant lui. 
 
2.1. Tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, le droit de consulter le dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 p. 103 et les références).  
 
Une violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 145 I 167 consid. 4.4 p. 174). Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée. Cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 p. 226). Par ailleurs, le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi. Il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1 p. 386). 
 
2.2. Le Tribunal cantonal a considéré qu'on aurait pu attendre de la Municipalité que, après la remise des documents intervenue le 28 juin 2019 et la visite du chantier du 1 er juillet 2019, elle informe la recourante du fait qu'elle entendait rendre une décision de retrait du permis de construire en application de l'art. 118 al. 3 LATC en indiquant les motifs de sa décision et qu'elle lui donne l'occasion de se déterminer à ce propos. Il a jugé que dans ces conditions c'était  a priori à juste titre que la recourante invoquait une violation de son droit d'être entendu; cela étant, cette violation avait été réparée dans le cadre de la procédure devant le Tribunal cantonal, dès lors que la recourante avait pu se déterminer par écrit et par oral lors de l'audience devant une autorité de recours disposant d'un pouvoir d'examen complet en fait et en droit.  
La recourante ne développe aucun élément afin de contester cette motivation. En particulier, elle ne conteste pas avoir eu accès au dossier complet de la Municipalité durant la procédure cantonale de recours et avoir eu l'opportunité d'exposer ses moyens. L'intéressée a en effet pu produire notamment trois rapports d'architecte, devant une autorité jouissant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit. Elle a aussi participé à une audience et à une inspection locale. La cour cantonale pouvait ainsi retenir, sans violer le droit fédéral, que s'il y avait eu violation du droit d'être entendu, celle-ci avait été réparée au cours de la procédure cantonale. 
 
Enfin, dans la mesure où la recourante a eu l'occasion de s'exprimer sur l'expertise de F.________, son droit d'être entendue a été respecté. Contrairement à ce que la recourante soutient, la garantie du droit d'être entendu ne lui conférait pas en plus le droit d'exprimer son avis sur le choix de l'expert (cf. ATF 125 V 401 consid. 3 p. 404 s.), pas plus que d'être entendue directement par les auteurs de l'expertise (arrêt 1C_36/2010 du 18 février 2011 consid. 3.2). 
 
Partant, le grief de violation de l'art. 29 al. 2 Cst. peut être écarté. 
 
C'est en vain également que la recourante - qui n'a répondu que de manière incomplète à la demande de la Municipalité en ne lui remettant que quelques pièces ne correspondant pas à la liste détaillée des documents et des information exigés - se prévaut d'une violation du principe de la bonne foi (art. 9 Cst.), au motif que la Municipalité aurait dû l'informer de ce que les documents fournis le 28 juin 2019 étaient incomplets. 
 
2.3. Enfin, la recourante se prévaut en vain d'une violation de l'obligation de motiver, au motif que les juges cantonaux n'exposent pas pourquoi ils ont qualifié la violation du droit d'être entendu de "pas particulièrement grave". Il ne s'agit en effet que d'une argumentation subsidiaire de l'instance précédente.  
 
3.   
Dans un second grief d'ordre formel, la recourante se plaint d'un établissement incomplet des faits (art. 97 al. 1 LTF) et d'une appréciation arbitraire des preuves. 
 
3.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3 p. 156). La recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358).  
 
En outre, il y a arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'appréciation des preuves si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables. Il appartient au recourant de démontrer l'arbitraire par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF, respectivement de l'art. 106 al. 2 LTF. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire (ATF 145 I 26 consid. 1.3 p. 30; ATF 144 II 281 consid. 3.6.2 p. 287; ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368). 
 
Les résultats issus d'une expertise privée sont soumis au principe de la libre appréciation des preuves et sont considérés comme des simples allégués de parties. Il en découle que, comme tout moyen de preuve, lorsque l'autorité cantonale expose les motifs pour lesquels elle considère qu'une expertise privée n'est pas concluante, la tâche du Tribunal fédéral se limite à examiner si elle pouvait le faire sans arbitraire (ATF 142 II 355 consid. 6 p. 359). 
 
3.2. La recourante reproche d'abord à l'instance précédente de ne pas avoir décrit les travaux réalisés entre 2015 et 2019, mais d'avoir sélectionné certaines périodes au cours desquelles le chantier n'aurait pas été suivi. La recourante n'inventorie cependant pas précisément les travaux effectués entre 2015 et 2019, mais se contente de renvoyer au rapport de H.________ qui énumère de manière globale les travaux effectués entre 2015 et 2018, sans préciser durant quel mois ou quelle année ils ont été réalisés. Peu importe au demeurant puisque ce grief doit être écarté, l'énumération détaillée des travaux effectués entre 2015 et 2019 n'étant pas susceptible d'avoir une influence sur l'issue du litige (voir infra consid. 4.3.2).  
La société constructrice fait ensuite grief au Tribunal cantonal de ne pas avoir mentionné que la Municipalité avait interdit l'usage d'une grue et n'avait pas autorisé le travail de nuit, ce qui avait ralenti le chantier. Ce grief peut être d'emblée rejeté dans la mesure où l'interdiction de travailler la nuit et l'impossibilité d'utiliser une grue figurent dans l'arrêt attaqué. En réalité, la recourante ne conteste pas l'établissement de ces faits en tant que tel mais plutôt leur appréciation juridique. Il s'agit ainsi d'une question de droit qui sera examinée avec le fond (voir infra consid. 4.3.2). 
 
La recourante critique enfin le Tribunal cantonal en ce qu'il s'est fondé principalement sur le rapport F.________ et sur celui du Service d'architecture et n'a pas exposé les prises de position des trois architectes qu'elle a mandatés et des rapports de D.________ SA du 25 juin 2019 et du 13 janvier 2020. La cour cantonale a cependant pris en compte les rapports privés et a retenu qu'il n'y avait pas lieu de remettre en question les différents éléments invoqués par la recourante pour démontrer qu'on était en présence d'un chantier plus complexe qu'un chantier ordinaire, ces éléments n'étant au demeurant pas contestés par la Municipalité. Le Tribunal cantonal s'est toutefois écarté des conclusions des mandataires privés de la recourante en retenant que les problèmes techniques rencontrés par la recourante sur son chantier étaient résolus en juin 2016 puisque le radier était bétonné et que deux dalles intermédiaires étaient partiellement bétonnées. Pour ce faire, il s'est fondé sur le rapport du Service d'architecture et sur le rapport F.________. A cet égard, la recourante n'expose pas quels travaux ont été réalisés après juin 2016 prouvant que le chantier avançait de manière significative. Partant, elle ne démontre pas que les juges cantonaux ont fait des déductions insoutenables, sur la base des éléments recueillis. Elle ne démontre pas non plus que les juges cantonaux n'ont manifestement pas compris le sens et la portée des expertises produites, qu'ils ont omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée. 
La cour cantonale n'était par ailleurs pas tenue de mentionner les noms des auteurs des trois rapports d'expertise privée, alors qu'il s'agit d'un simple allégué de partie soumis au principe de la libre appréciation des preuves (cf. ATF 142 II 355 consid. 6 p. 359; 141 IV 369 consid. 6 p. 372 s.). 
 
Enfin, le rapport F.________ et le rapport du Service d'architecture se réfèrent au rapport de D.________ SA du 25 juin 2019, de sorte que c'est à tort que la recourante soutient que les constatations relevées par ces ingénieurs n'ont pas été prises en compte. Quant au rapport de D.________ SA du 13 janvier 2020, l'arrêt attaqué en résume le contenu. 
 
Le grief d'établissement incomplet des faits et d'appréciation arbitraire des preuves doit donc être rejeté. 
 
4.   
Sur le fond, la recourante soutient que les conditions pour lui retirer le permis de construire ne sont pas remplies. Elle estime en particulier que l'exécution des travaux s'est poursuivie dans les délais usuels et que des motifs justifient la prolongation de la durée de ce chantier de grande ampleur. Elle fait valoir une application arbitraire de l'art. 118 al 3 LATC et une violation du principe de la proportionnalité. 
 
4.1. Le Tribunal fédéral ne peut revoir l'interprétation et l'application du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Il ne s'écarte ainsi de la solution retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que la motivation de la décision critiquée soit insoutenable; encore faut-il que celle-ci se révèle arbitraire dans son résultat. En outre, il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution que celle adoptée par l'autorité intimée serait concevable, voire préférable (ATF 144 I 113 consid. 7.1 p. 124; 142 II 369 consid. 4.3 p. 380 et les arrêts cités).  
 
Le grief de violation du droit cantonal est soumis à des exigences de motivation accrue (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 142 II 369 consid. 2.1 p. 372). 
 
Le Tribunal fédéral s'impose une certaine retenue lorsqu'il s'agit de trancher de pures questions d'appréciation ou de tenir compte de circonstances locales dont les autorités cantonales ont une meilleure connaissance que lui (ATF 135 I 176 consid. 6.1 p. 182; 132 II 408 consid. 4.3 p. 416 et les arrêts cités). 
 
4.2. A teneur de l'art. 118 al. 3 LATC, le permis de construire peut être retiré si, sans motifs suffisants, l'exécution des travaux n'est pas poursuivie dans les délais usuels; la municipalité ou, à défaut, le département peut, en ce cas, exiger la démolition de l'ouvrage et la remise en état du sol ou, en cas d'inexécution, y faire procéder aux frais du propriétaire. Le retrait du permis de construire entraîne d'office l'annulation des autorisations et des approbations cantonales (art. 118 al. 4 LATC).  
 
Selon la jurisprudence cantonale, l'art. 118 al. 3 LATC, de nature potestative, ne confère pas à la municipalité un pouvoir discrétionnaire, dont elle pourrait faire usage pour des motifs d'admonestation. La révocation du permis doit se fonder sur l'un des buts d'intérêt public poursuivi par la LATC, soit l'ordre, la tranquillité et la sécurité publics, voire l'esthétique. Trois conditions doivent être réunies à cet égard: il faut que l'exécution des travaux ait commencé, qu'elle ne se soit pas poursuivie dans des délais usuels et que cette situation soit injustifiée. 
 
Le principe de la proportionnalité exige que l'autorité procède à une pesée des intérêts respectifs en présence, à savoir l'intérêt public menacé par le chantier, d'une part, et l'intérêt privé du constructeur, d'autre part, avant d'ordonner la démolition de l'ouvrage ou la remise en état. S'agissant du respect des délais usuels, il ressort de la jurisprudence cantonale que le retrait du permis de construire peut être prononcé lorsque, compte tenu du temps écoulé depuis leur commencement, les travaux effectués ne correspondent pas à un stade d'avancement normal et que ce qui a été exécuté reste bien en deçà de ce qui aurait été usuel dans un chantier ordinaire en occupant la main-d'oeuvre minimum, eu égard au genre et à l'importance de l'ouvrage. 
 
4.3. La recourante critique d'abord l'appréciation de la Municipalité et du Tribunal cantonal selon laquelle, en tous les cas depuis mai 2015, l'exécution des travaux ne s'est pas poursuivie dans les délais usuels, ceci sans motifs suffisants.  
 
 
4.3.1. En l'occurrence, le Tribunal cantonal s'est d'abord fondé sur le calendrier des travaux exécutés entre juin 2016 et juillet 2019 pour juger que l'exécution des travaux ne s'était pas poursuivie dans les délais usuels au sens de l'art. 118 al. 3 LATC. Il s'est notamment référé au planning rétroactif des travaux produit par la recourante en janvier 2020, duquel il ressort qu'au mois de juin 2016 le radier était bétonné et que deux dalles intermédiaires étaient partiellement bétonnées. La cour cantonale a considéré qu'à partir de juin 2016, les travaux auraient dû être achevés rapidement; or à fin juin 2019, le gros oeuvre n'était toujours pas terminé, la construction des murs en maçonnerie aux niveaux -1 et -2 n'était toujours pas réalisée, de même que les murs porteurs en maçonnerie du rez et du 1er étage. Les juges cantonaux ont aussi relevé que lors d'une séance tenue le 6 juillet 2018, les représentants de la recourante avaient indiqué que la dalle du 2ème étage allait être prochainement coulée et que le gros oeuvre serait terminé fin octobre 2018; or, lors de la visite de chantier du 1er juillet 2019, soit près d'une année plus tard, il a été constaté que la construction en était toujours au niveau de la dalle du 1er étage. La cour cantonale en a déduit que, pendant près d'une année, le chantier était pratiquement à l'arrêt, ceci alors que les représentants de la recourante avaient déclaré lors de la séance du 6 juillet 2018 que le chantier complet (soit le gros oeuvre et le second oeuvre) serait terminé dans les huit à dix mois. Elle a aussi relevé que des entreprises sous-traitantes n'avaient pas été payées et avaient dû déposer des hypothèques légales en garantie du paiement de leurs créances.  
 
Le Tribunal cantonal a ensuite mis en évidence l'absence d'un plan de projet structurel, technique et architectural, ce qui confirmait les problèmes existant au niveau de la direction des travaux et l'incapacité de la recourante à mener les travaux correctement et dans les délais usuels. Il s'est fondé sur le fait que la recourante n'a pas été en mesure de produire les contrats d'entreprise (notamment les contrats pour le second-oeuvre) et de donner des indications au sujet du nombre d'ouvriers prévu sur le site jusqu'à la fin des travaux, alors que cela lui avait a été demandé à plusieurs reprises par la Municipalité; ces informations devaient permettre de s'assurer d'une poursuite des travaux dans des délais normaux. La cour cantonale a ajouté qu'au moment où la décision de retrait des permis de construire avait été rendue, la recourante n'avait pas été en mesure de fournir des plans d'exécution d'architecte à jour ainsi qu'un planning détaillé et complet des travaux à exécuter; le 28 juin 2019, seul un programme des travaux correspondant à ce qui est demandé pour planifier les suivis du chantier (visites de contrôles) avait été produit. De plus, les juges cantonaux ont constaté que la première date indiquée (coffrage de la dalle sur 1er étage le 22 juillet 2019) n'avait pas été respectée; malgré plusieurs demandes formulées dès l'été 2018, la recourante n'avait ainsi pas été en mesure de fournir à l'autorité communale une évaluation claire de la planification des travaux et des moyens, notamment en personnel, qui pouvaient (et devaient) être mis en oeuvre pour assurer les différentes étapes de la réalisation et la fin des travaux dans des délais raisonnables, ceci plus de quatre ans après que le permis de construire complémentaire soit devenu définitif et exécutoire. Pour ce qui est des plans, le Tribunal cantonal a encore relevé que, à l'issue de l'audience du 3 décembre 2019, il avait une nouvelle fois invité la recourante à produire des plans d'architecte à jour; or les plans remis au mois de janvier 2020 n'étaient pas cotés et ne correspondaient même pas aux plans qui étaient exigés au stade de la mise à l'enquête. L'instance précédente a encore souligné que ces plans ne correspondaient ni au dossier de mise à l'enquête ni aux travaux qui avaient été exécutés. 
 
Enfin, le Tribunal cantonal a constaté, lors de l'inspection locale du 3 décembre 2019 et par les explications données à cette occasion par les représentants de la recourante, que les travaux avançaient de manière chaotique, sans réelle planification ni organisation. 
 
4.3.2. Comme elle l'avait fait devant le Tribunal cantonal, la recourante énumère à nouveau les éléments qui justifieraient les retards pris dans la réalisation du chantier (travaux de gros oeuvre particulièrement complexes; situation du chantier au centre d'un ensemble bâti de différentes époques avec des constructions plus ou moins récentes et solides et avec des hauteurs toutes différentes; impossibilité d'utiliser une grue pour l'évacuation de la creuse et pour la construction du radier et des dalles; obligation d'utiliser des petits engins de chantier pour le terrassement au lieu des moyens mécaniques habituels; obligation d'évacuer 10'000 m³ de terre dans des bennes avec des camions, ce qui a impliqué le double de rotations par rapport à celles nécessaires pour un chantier "ordinaire"; interdiction de travailler la nuit, ce qui l'a obligée à composer avec les transports publics qui traversent la rue C.________ toutes les minutes; obligation de créer de facto un second sous-sol pour consolider les fondations et assurer la stabilité de ses bâtiments et des bâtiments voisins). Ce faisant, elle perd de vue que le Tribunal cantonal a tenu compte de ces éléments - qu'il a d'ailleurs énumérés dans son arrêt - et a relevé que ces difficultés - qu'il ne remettait pas en cause - étaient survenues entre la délivrance du permis de construire principal en 2010 et le dépôt du permis de construire complémentaire en 2014. Il a cependant considéré que les retards étaient à déplorer à partir du mois de juin 2016. Les difficultés avancées par la recourante antérieures à cette date sont donc sans pertinence pour déterminer si l'exécution des travaux s'est déroulée dans les délais usuels au sens de l'art. 118 al. 3 LATC. Le grief, de surcroît appellatoire, doit ainsi être écarté.  
 
La recoura nte reproche ensuite à l'instance précédente de ne pas avoir procédé à une appréciation globale de la période allant de 2015 à 2019, mais d'avoir sélectionné certaines périodes au cours desquelles le chantier n'aurait pas été suivi. Ce grief manque de pertinence dans la mesure où la recourante ne conteste pas qu'au mois de juin 2016 le radier était bétonné et que deux dalles intermédiaires étaient partiellement bétonnées. Or la cour cantonale s'est fondée sur cet élément pour constater que, pour l'essentiel, les problèmes étaient réglés au mois de juin 2016. Elle a considéré qu'à partir de ce moment-là, les travaux auraient dû être achevés rapidement, alors que, le 1er juillet 2019, la réalisation du gros oeuvre était toujours au niveau de la dalle du 1er étage, ce qui indiquait que le chantier n'avait pratiquement pas avancé pendant trois ans. Il ressort en effet du planning rétroactif produit par la recourante qu'entre juin 2016 et 2019 seuls ont été réalisés la fin du bétonnage des dalles du 1er sous-sol et du 2ème sous-sol, le bétonnage de la dalle du rez et des murs du rez ainsi que le "montage/démontage précontraint". Aucune dalle supplémentaire n'a été réalisée. La recourante ne démontre pas que trois ans étaient nécessaires pour réaliser ces seuls travaux et qu'ils représentaient une avancée du chantier. Elle se contente de rappeler qu'un changement d'équipe en cours de chantier en particulier dans la direction des travaux pose toujours des difficultés importantes d'organisation et de financement et prend du temps. Cet élément ne suffit cependant pas à démontrer que le Tribunal cantonal a retenu de façon insoutenable que le chantier n'avait pratiquement pas avancé pendant trois ans. 
 
Ensuite, pour expliquer le retard pris dans la réalisation du chantier, la recourante fait à nouveau valoir, de façon appellatoire, qu'en 2018 d'importants défauts de construction concernant la descente des charges - qui auraient pu causer l'écroulement du bâtiment - ont été découverts. Le Tribunal cantonal a répondu à ce sujet que des problèmes de ce type ne sauraient justifier l'état d'avancement des travaux de gros oeuvre à la fin du mois de juin 2019 dès lors qu'ils auraient dû être résolus dans les quelques semaines à compter de leur découverte. Il a relevé au demeurant que, au début de l'année 2019, les problèmes rencontrés avec les entreprises étaient réglés puisque la recourante avait mis en oeuvre une nouvelle entreprise de maçonnerie et un nouveau bureau d'ingénieur civil. Il ne s'expliquait dès lors pas pour quelles raisons le chantier avait encore été pratiquement à l'arrêt durant les six premiers mois de l'année 2019. La recourante n'explique toujours rien s'agissant de cette période. Elle se borne à alléguer, sans le démontrer, que cette appréciation heurte le sens pratique et l'expérience des chantiers comprenant des difficultés techniques. Nonobstant le fait que cette simple assertion ne satisfait pas aux exigences de motivation d'un mémoire de recours au Tribunal fédéral (art. 42 al. 2 LTF), elle ne suffit évidemment pas à démontrer le caractère manifestement insoutenable de l'argumentation du Tribunal cantonal et à prouver l'avancée des travaux de juin 2016 à juillet 2019. Il en va de même du fait que la recourante a dû faire face à des manquements commis par un mandataire relatifs aux plans de coffrage et d'armature des dalles et qu'elle a dû se battre contre toutes les poursuites intentées par ce dernier. 
 
La recourante fait encore valoir qu'un délai usuel de moins de cinq ans après la délivrance du permis complémentaire ne saurait être retenu, alors que le chantier litigieux n'est ni usuel ni ordinaire et que sa situation est exceptionnelle par sa position au centre-ville en raison des difficultés géotechniques et des entraves à son déroulement. Elle se réfère à la jurisprudence cantonale qui a retenu qu'un délai de 5 ans pour surélever une villa et construire un garage n'était pas usuel et a retiré le permis de construire. Elle estime que la construction litigieuse est d'une autre ampleur avec notamment des travaux d'excavation, des difficultés d'accès et de voisinage. La recourante perd cependant de vue tout un pan de l'argumentation du Tribunal cantonal. Celui-ci a en effet pris en compte l'absence d'un plan de projet structurel, technique et architectural, ce qui confirmait les problèmes existant au niveau de la direction des travaux et l'incapacité de la recourante à mener les travaux correctement et dans les délais usuels. La recourante ne dit mot à ce sujet. Elle ne critique aucunement l'appréciation du Tribunal cantonal, lequel a retenu de façon à lier le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) que les plans remis au Tribunal cantonal au mois de janvier 2020 n'étaient pas cotés (ce qui est exigé des plans au stade de la mise à l'enquête) et qu'ils ne correspondaient ni au dossier de mise à l'enquête ni aux travaux qui avaient été exécutés. 
Pour le même motif, la recourante se prévaut en vain de ce que la cour cantonale n'aurait pas pris en compte sa détermination pendant la procédure de recours cantonale à terminer les travaux puisque d'entente entre les parties plusieurs travaux ont été réalisés au 31 décembre 2019 (deux murs porteurs au 1er sous-sol et au 2ème sous-sol, deux gaines techniques et une toiture provisoire avec écoulement). 
En bref, la recourante ne parvient pas à démontrer que le Tribunal cantonal a fait preuve d'arbitraire en considérant que le chantier litigieux n'avait pas été conduit dans les délais usuels et qu'il n'y avait pas de motifs suffisants justifiant le retard dans l'exécution des travaux. 
 
4.3.3. Avec la retenue que s'impose le Tribunal fédéral dans cet examen, il y a lieu de constater que la cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire, en considérant que les conditions de l'art. 118 al. 3 LATC étaient remplies.  
 
4.4. La recourante critique ensuite la pesée des intérêts opérée par le Tribunal cantonal qui fait primer l'intérêt public menacé par le chantier sur l'intérêt privé du constructeur. Elle se plaint d'une violation du principe de la proportionnalité.  
 
4.4.1. Pour ce qui est des buts d'intérêt public justifiant le retrait des permis de construire en application de l'art. 118 al. 3 LATC, le Tribunal cantonal a relevé que les bâtiments de la recourante se situaient au centre de la ville de Lausanne dans un quartier très fréquenté du centre-ville comprenant de nombreux commerces. Il a ajouté que la présence d'importantes palissades de chantier pendant de nombreuses années pouvait donner une image négative de ce secteur, susceptible de porter atteinte aux commerces environnants; elle portait en tous les cas atteinte, de manière générale, à l'aspect des lieux; cette atteinte s'était en outre concrétisée, les médias locaux en ayant fait état.  
 
La cour cantonale a ajouté que les palissades de chantier étaient situées sur l'assiette d'une servitude de passage à pied, ce qui posait problème aux personnes à mobilité réduite. 
 
L'instance cantonale est arrivée à la conclusion que, compte tenu du caractère particulier des lieux, cette situation pouvait être admise pour des travaux réalisés dans des délais usuels; elle n'était en revanche plus admissible dès lors que les travaux avaient commencé depuis près de dix ans et étaient à l'arrêt depuis de nombreux mois. 
 
L'instance précédente a enfin ajouté que la recourante avait certes déjà engagé des montants relativement importants (8'765'000 francs selon ses dires); toutefois, cet élément n'était pas décisif, dès lors que son investissement était censé se retrouver dans la valeur des ouvrages déjà construits. A cet égard, le Tribunal cantonal a noté que la décision attaquée n'exigeait pas la démolition des ouvrages réalisés et la remise en état des lieux; les montants engagés par la recourante constituaient par conséquent un élément qui devait être relativisé et qui ne remettait pas en cause la pesée d'intérêts effectuée par l'autorité intimée. 
 
4.4.2. Pour contrer cette argumentation, la recourante se contente d'affirmer que les voisins n'ont pas été empêchés de mener leurs activités et d'exploiter leurs commerces, que les travaux ne perturbent pas la circulation, qu'aucune nuisance sonore n'a été constatée dans l'arrêt cantonal et que les échafaudages ont été retirés. Elle reproche aussi au Tribunal cantonal de s'être fondé sur un article de presse pour appuyer l'intérêt public lié à l'atteinte portée à l'aspect des lieux. Elle estime que son investissement financier n'est pas insignifiant, ce d'autant plus que la décision de retrait des permis de construire a eu pour effet de rendre improductif cet investissement pendant des années. Elle met par ailleurs en avant l'intérêt général du quartier à ce que ce chantier se termine et son intérêt privé à pouvoir achever les travaux après avoir traversé une période de difficultés qu'elle estime avoir résolues.  
 
Ses griefs consistent en réalité en l'expression d'une appréciation subjective de la situation, qui ne rend pas déraisonnable l'argumentation de l'instance précédente. Ainsi, la recourante ne parvient pas à démontrer le caractère insoutenable de l'argumentation du Tribunal cantonal, telle qu'exposée ci-dessus. De surcroît, il faut rappeler que, confronté à une décision cantonale fondée sur le droit cantonal et raisonnablement motivée, le Tribunal de céans s'impose une certaine retenue dans l'appréciation de circonstances locales dont les autorités cantonales ont une meilleure connaissance que lui (cf. ATF 138 II 77 consid. 6.4 p. 89; 121 III 75 consid. 3c p. 79). 
 
4.4.3. Par conséquent, avec la retenue que s'impose le Tribunal fédéral pour examiner cette question, le Tribunal cantonal pouvait considérer sans arbitraire que l'intérêt public menacé par le chantier pouvait l'emporter sur l'intérêt privé de la constructrice. Le grief doit donc être rejeté.  
 
5.   
La recourante se prévaut enfin sommairement d'une violation du principe de la proportionnalité en lien avec la garantie de la propriété (art. 26 Cst.) et la liberté économique (art. 27 Cst.). Elle critique aussi à ce titre la pesée des intérêts opérée par la cour cantonale et reprend les arguments formulés dans le cadre du grief exposé au considérant 4.4. Cette critique se confond ainsi avec celle de l'application arbitraire de l'art. 118 al. 3 LATC et doit être rejetée pour les mêmes motifs. 
 
6.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté, aux frais de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 francs sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante et de la Municipalité de Lausanne, à l'Etablissement d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels du canton de Vaud (ECA), à la Direction générale de l'environnement et à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 27 août 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
La Greffière : Tornay Schaller