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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
9C_65/2020  
 
 
Arrêt du 29 avril 2020  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Glanzmann et Moser-Szeless. 
Greffière : Mme Perrenoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Thierry Sticher, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 9 décembre 2019 (A/4436/2018 ATAS/1131/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, née en 1960, mariée et mère de quatre enfants adultes, a exercé une activité dans le secteur du nettoyage à temps partiel parallèlement à la tenue de son propre ménage. En raison de douleurs cervicales, d'une hernie discale C6-C7 et d'une tendinite au coude, elle a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité en juin 2017. Au terme de la phase d'instruction, durant laquelle une enquête économique sur le ménage a notamment été réalisée (rapport du 5 septembre 2018), l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) a reconnu à l'assurée un statut mixte de personne active à 50 % et de ménagère à 50 % et fixé le taux d'invalidité à 37 % (18 % de taux d'empêchement dans l'accomplissement des travaux ménagers et 56 % d'invalidité dans la sphère professionnelle). Par décision du 22 novembre 2018, il a rejeté la demande de prestations, motif pris d'un taux d'invalidité insuffisant pour ouvrir le droit à une rente. 
 
B.   
Après avoir entendu les parties en comparution personnelle, ainsi que l'époux de l'assurée à titre de renseignements, le 13 mai 2019, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, a rejeté le recours formé par l'assurée (jugement du 9 décembre 2019). 
 
C.   
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation. Elle conclut, principalement, à ce qu'il soit dit et constaté qu'elle présente un taux d'invalidité de 51 %, et à l'octroi d'une demi-rente d'invalidité à compter du 1 er janvier 2018. A titre subsidiaire, elle requiert le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour instruction complémentaire au sens des considérants puis nouvelle décision.  
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue sur la base des faits retenus par la juridiction précédente (art. 105 al. 1 LTF), qu'il peut rectifier ou compléter d'office si des lacunes et erreurs manifestes apparaissent aussitôt (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant n'est habilité à critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62 et les références). 
 
2.   
Le litige a trait au droit de la recourante à une demi-rente de l'assurance-invalidité à partir du 1 er janvier 2018. Compte tenu des conclusions et motifs du recours, est seul litigieux le point de savoir si une aide de l'époux était exigible pour déterminer le taux d'invalidité de l'assurée dans la sphère ménagère.  
Le jugement attaqué expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à la notion d'invalidité (art. 7 et 8 al. 1 LPGA en relation avec l'art. 4 al. 1 LAI) et à son évaluation, en particulier s'agissant de l'évaluation de l'invalidité d'une personne qui exerce une activité lucrative à temps partiel et accomplit par ailleurs des travaux habituels (art. 28a al. 3 LAI et art. 27 bis RAI, ainsi que les art. 16 LPGA et 28a al. 2 LAI en corrélation avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA), en relation avec l'obligation de l'assuré qui s'occupe du ménage de réduire le dommage et l'aide exigible des proches (ATF 133 V 504 consid. 4.2 p. 509 s.; arrêt I 308/04 du 14 janvier 2005 consid. 6.2.2). Il cite aussi les règles applicables à la valeur probante des rapports d'enquête économique sur le ménage (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 p. 546 s. et les arrêts cités) et à la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA). Il suffit d'y renvoyer.  
 
3.   
En se fondant sur l'enquête économique sur le ménage du 5 septembre 2018, à laquelle elle a accordé une pleine valeur probante, la juridiction cantonale a constaté que la recourante présentait un taux d'empêchement pondéré dans l'accomplissement des travaux ménagers sans exigibilité d'une aide de tiers de 45,6 %. Compte tenu de l'aide exigible de l'époux de l'assurée à hauteur de 27,6 %, elle a ensuite confirmé le taux d'empêchement pondéré dans l'accomplissement des travaux habituels avec exigibilité d'une aide de tiers, arrêté à 18 % par l'enquêtrice. Après avoir également confirmé le taux d'invalidité dans la sphère professionnelle, fixé à 56 % par l'office AI, les premiers juges sont parvenus à la conclusion que le taux d'invalidité total de la recourante s'élevait à 37 %, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente. 
 
4.   
La recourante reproche à la juridiction de première instance d'avoir constaté les faits et apprécié les preuves de manière arbitraire (art. 9 Cst.), et violé la maxime inquisitoire (art. 61 let. c LPGA) ainsi que les art. 28a LAI et 69 RAI, en ce qu'elle a évalué son taux d'invalidité dans la sphère ménagère en tenant compte de l'exigibilité de l'aide apportée par son époux dans l'accomplissement des travaux habituels à hauteur de 27,6 %. Elle s'en prend essentiellement à la valeur probante du rapport d'enquête économique sur le ménage du 5 septembre 2018, en soutenant que l'enquêtrice n'aurait pas eu connaissance des problèmes de santé de son époux. Par ailleurs, les premiers juges auraient "écarté" l'avis du docteur B.________, spécialiste en médecine interne générale et médecin traitant de son époux, qui avait pourtant attesté de lombalgies et gonalgies sur troubles dégénératifs chroniques sévères. Selon l'assurée, aucune aide n'était exigible de son époux. Aussi, en se référant au taux d'empêchement pondéré dans l'accomplissement des travaux habituels sans exigibilité d'une aide de tiers, ainsi qu'au taux d'invalidité professionnelle, fixés à 45,6 % respectivement 56 % par les premiers juges, à la suite de l'office AI, qu'elle ne conteste pas, la recourante fait valoir qu'elle présente une invalidité de 51 %, ouvrant le droit à une demi-rente d'invalidité. 
 
5.  
 
5.1. Pour confirmer le taux d'exigibilité de l'aide de l'époux dans l'accomplissement des travaux habituels, fixé à 27,6 % par l'enquêtrice, la juridiction cantonale s'est avant tout fondée sur les déclarations de la recourante et de son époux lors de l'audience de comparution personnelle du 13 mai 2019. Sur la base de celles-ci, les premiers juges ont constaté que l'époux fournissait une contribution non négligeable à l'accomplissement des tâches ménagères que son épouse ne pouvait plus accomplir et qu'il l'aidait pour les aspects les plus lourds des tâches qu'elle parvenait encore à effectuer (travaux d'entretien du jardin, transport des bassines de linge pour les travaux de lessive, aide à faire le ménage, transport des packs d'eau lors des courses, aide à la préparation des repas, notamment). La juridiction cantonale a ensuite relevé que si les tâches ménagères n'étaient plus effectuées avec autant de minutie que précédemment, la manière dont elles l'étaient désormais restait à un niveau parfaitement acceptable. Elle a également considéré qu'aucun élément au dossier ne permettait de conclure que les efforts déployés dans ce cadre étaient au-dessus des forces ou des capacités de l'époux.  
 
5.2. Dans la mesure où la recourante se limite à invoquer l'état de santé de son époux, sans mettre en évidence d'éléments objectifs qui auraient été ignorés par les premiers juges, son argumentation ne permet pas de remettre en cause leur appréciation. En effet, contrairement à ce que soutient l'assurée, ils ont apprécié l'avis du docteur B.________, auquel elle se réfère pour tenter d'établir qu'aucune aide n'était exigible de son époux. Ils ont constaté que le médecin traitant avait seulement mentionné que les lombalgies et gonalgies sur troubles dégénératifs chroniques sévères documentés par IRM dont souffrait son patient pouvaient limiter significativement ses aptitudes physiques au quotidien, sans indiquer que tel était le cas en l'espèce. Aussi, faut-il admettre, à la suite de la juridiction cantonale, que l'attestation du docteur B.________ ne suffisait pas pour retenir qu'aucune aide n'était exigible de l'époux de la recourante. En conséquence, en ce qu'elles ont trait exclusivement au fait que l'enquêtrice n'aurait pas eu connaissance des problèmes de santé de son époux, les critiques de la recourante quant à la valeur probante du rapport d'enquête économique sur le ménage se révèlent mal fondées. Par ailleurs, en se contentant d'indiquer qu'aucune aide n'était exigible de son époux, la recourante ne fait que substituer sa propre appréciation à celle des premiers juges, fondée sur les conclusions de l'enquêtrice, ce qui ne suffit pas pour qualifier leur appréciation d'arbitraire.  
Contrairement à ce que soutient ensuite la recourante, la juridiction cantonale n'a pas dit que pour renoncer à l'exigibilité d'une aide de son époux, il eût été nécessaire que l'état de santé de celui-ci justifiât l'octroi de prestations de l'assurance-invalidité. Les premiers juges ont seulement relevé que le cas d'espèce se distinguait de celui jugé dans l'arrêt I 794/04 du 1er mai 2006 consid. 6.4 auquel se référait l'assurée, par le fait que son époux ne bénéficiait pas de prestations de l'assurance-invalidité, constatant qu'il n'avait au demeurant pas présenté de demande en ce sens. 
Quant à l'argument de la recourante selon lequel les premiers juges auraient tenu compte de "manière tronquée et orientée" des déclarations de son époux, il ne résiste pas non plus à l'examen. A la lecture du jugement entrepris, on constate en effet que la juridiction cantonale a fidèlement retranscrit les propos de l'époux lors de l'audience de comparution personnelle du 13 mai 2019. On ne voit en particulier pas en quoi la constatation des premiers juges selon laquelle l'époux de la recourante, qui exerce une activité de mécanicien à titre indépendant, "a manifestement plus de goût à s'occuper de mécanique qu'à accomplir les tâches ménagères", procéderait d'un "jugement de valeur [...] indigne et insultant à l'égard de son époux". Lors de l'audience de comparution personnelle du 13 mai 2019, l'intéressé a en effet notamment déclaré qu'il "préfère [...] que la chambre soit en désordre, plutôt que de la faire". 
 
5.3. Au vu de ce qui précède, la prise en compte d'une aide de l'époux à hauteur de 27,6 % n'apparaît pas excéder ce qui peut être raisonnablement exigé des membres de la famille dans le cadre de l'obligation de diminuer le dommage (à ce sujet, voir ATF 133 V 504 consid. 4.2 p. 509 et les références).  
 
5.4. S'agissant ensuite des griefs de la recourante quant au refus des premiers juges d'auditionner le docteur B.________, ainsi que d'autres témoins, ils ne sont pas davantage fondés.  
La violation de la maxime inquisitoire, telle qu'invoquée par la recourante, est une question qui se confond et qui n'a pas de portée propre par rapport au grief tiré d'une mauvaise appréciation (anticipée) des preuves (voir arrêt 8C_15/2009 du 11 janvier 2010 consid. 3.2, in SVR 2010 IV n° 42 p. 132). L'assureur ou le juge peut effectivement renoncer à accomplir certains actes d'instruction sans que cela n'entraîne une violation du devoir d'administrer les preuves nécessaires (art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA) s'il est convaincu, en se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352), que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation (sur l'appréciation anticipée des preuves en général, cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 298 s. et les références). L'appréciation (anticipée) des preuves doit être arbitraire non seulement en ce qui concerne les motifs évoqués par la juridiction cantonale, mais également dans son résultat (cf. ATF 140 I 201 consid. 6.1 p. 205; cf. aussi arrêt 9C_839/2017 du 24 avril 2018 consid. 5.2). 
En l'espèce, pour admettre qu'une aide était exigible de l'époux de la recourante à hauteur de 27,6 %, la juridiction cantonale s'est fondée sur un rapport d'enquête économique sur le ménage qu'elle a jugé plausible, motivé et rédigé de façon suffisamment détaillée, de sorte qu'il constituait une base fiable de décision au regard des exigences jurisprudentielles (cf. ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 p. 547; arrêt 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 et les références). Elle s'est également référée à l'avis du docteur B.________, qui n'a pas attesté que l'époux de l'assurée était concrètement empêché de l'aider dans l'accomplissement des travaux ménagers. Il ressort par ailleurs des constatations cantonales, fondées sur les déclarations de la recourante et de son époux, et non contestées par les parties, que l'intéressé parvient à aider son épouse à accomplir les tâches ménagères "à un niveau parfaitement acceptable". En refusant d'accéder à la demande d'audition formulée par la recourante dans la mesure où ce moyen de preuve n'était pas de nature à apporter un éclairage différent par rapport aux autres moyens de preuve pris en compte, l'autorité judiciaire n'a pas fait preuve d'arbitraire dans l'appréciation (anticipée) des preuves à laquelle elle a procédé. 
 
6.   
Il résulte de ce qui précède que la juridiction cantonale était fondée à suivre les conclusions du rapport d'enquête économique sur le ménage du 5 septembre 2018 et que l'appréciation qu'elle en a faite est dénuée d'arbitraire. Il n'y a pas lieu de s'écarter du degré d'invalidité qu'elle a retenu. Le recours est mal fondé. 
 
7.   
Vu l'issue du litige, la recourante supporte les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 29 avril 2020 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
La Greffière : Perrenoud