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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_132/2018  
 
Ordonnance du 29 octobre 2018 
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
M. le Juge fédéral Chaix, en qualité de juge unique. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, représentée par Me Fabien V. Rutz, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Procédure pénale; perquisition et séquestre, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 1er février 2018 (ACPR/62/2018 P/297/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le Ministère public de la République et canton de Genève instruit une enquête contre B.________, unique associé-gérant de A.________.  
Dans ce cadre et sur mandat oral du Procureur, les locaux de cette société ont été perquisitionnés par la police le 30 mai 2017; ont notamment été saisis 10'800 fr. et EUR 1'020.- en diverses coupures contenues dans un sachet trouvé dans le coffre-fort du bureau de B.________ (n° 147988 de l'inventaire de police), 950 fr. trouvés dans un sachet placé dans le deuxième tiroir du bureau du précité (n° 147995), divers classeurs contenant des fiches de salaire, des contrats de travail, des contrats de location immobilière et des devis déjà effectués, ainsi que différentes quittances. 
Lors de son audition du 31 mai 2017, B.________ a été mis en prévention d'usure (art. 157 CP), voire de traites d'êtres humains (art. 182 CP), de diverses infractions à la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr; RS 142.20), ainsi que d'infractions à la législation en matière d'assurances sociales et fiscale. A l'issue de cette séance, le prévenu a sollicité la restitution des sommes figurant à l'inventaire du 30 mai 2017 afin de permettre le paiement des salaires et des leasings; le Ministère public lui a indiqué qu'il statuerait ultérieurement sur cette requête et qu'en l'état, les sommes restaient saisies. 
Par ordonnance du 11 août 2017, le Ministère public a ordonné une perquisition des locaux de A.________, ainsi que la mise sous séquestre de tous les objets, appareils électroniques, documents ou valeurs pouvant être (i) utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités, (ii) restitués aux lésés, (iii) confisqués en vue du prononcé d'une créance compensatrice et/ou (iv) utilisés comme moyens de preuve. Le Procureur a récapitulé les charges pesant sur B.________ et a retenu que son entreprise abritait des personnes recherchées, des "traces", des objets ou des valeurs patrimoniales, que des infractions avaient été commises depuis cet endroit et que ces lieux contenaient des informations susceptibles d'être séquestrées dès lors que les actes reprochés au prévenu étaient en lien avec l'exploitation de cette société, ce qui justifiait la perquisition et le séquestre opéré. Le Ministère public a en outre précisé qu'au vu de l'urgence, un mandat oral de perquisition et de séquestre avait été émis par ses soins et que son exécution avait été déléguée à la police. 
 
A.b. Le 5 juin 2017, A.________ a demandé la restitution des 10'800 fr., des 950 fr. et des EUR 1'020.-, en raison de leur affectation au paiement des salaires. Elle a également sollicité la restitution des documents originaux emmenés par la police - après copie - et un exemplaire du mandat de perquisition, ainsi que des ordonnances de séquestre. Cette requête a été réitérée les 9, 15 juin, 10, 17 et 24 août 2017.  
Le 21 septembre 2017, le Procureur a refusé de restituer à A.________ les sommes revendiquées. Il a considéré que les conditions du séquestre paraissaient encore pleinement réunies et que l'origine, la titularité et la destination desdites sommes n'étaient nullement établies. Le Ministère public a joint à son courrier une copie de l'ordonnance du 11 août 2017. 
 
B.   
Le 1er février 2018, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a joint les recours formés par B.________ et A.________ contre l'ordonnance du 11 août 2017 et les a rejetés dans la mesure de leur recevabilité. Les frais - fixés à 2'000 fr. - ont été mis pour moitié à la charge du prévenu et pour l'autre de la société. 
La cour cantonale a confirmé l'ordre oral, puis écrit de perquisition donné par le Ministère public (cf. consid. 4.3). Elle a ensuite considéré que la décision du 11 août 2017 n'était pas une ordonnance de séquestre et que, faute dès lors de décision sur cette mesure, les recours la critiquant étaient irrecevables (cf. consid. 5.2). La juridiction cantonale a également écarté le grief de déni de justice soulevé par B.________ au regard de la date de la perquisition (30 mai 2017) et de l'ordonnance y relative (11 août 2017) puisqu'une décision avait été rendue; vu que celle-ci ne valait pas ordonnance de séquestre, il n'y avait pas lieu d'examiner ce même grief sous cet angle (cf. consid. 6.2). Les juges cantonaux ont enfin estimé que le courrier du 21 septembre 2017 du Ministère public n'était pas l'objet des recours déposés devant elle et il n'y avait ainsi pas lieu d'entrer en matière sur les conclusions en restitution prises notamment par A.________ (cf. consid. 7). 
 
C.   
Par acte du 7 mars 2018, A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à son annulation (ch. 2), à la constatation de la nullité de l'ordonnance du 11 août 2017 ou à son annulation (ch. 3) et à la restitution des montants de 11'750 fr. et de EUR 1'020.- (ch. 4). A titre subsidiaire, elle demande qu'ordre soit donné "au Ministère public d'entrer en matière sur le recours en tant qu'il porte sur la saisie par la police de biens et valeurs lui appartenant à l'occasion de la perquisition du 30 mai 2017 et conclut à l'annulation du refus de levée du séquestre du 21 septembre 2017" (ch. 5). En tout état, la recourante sollicite, pour la procédure cantonale de recours, la mise à la charge de l'État de Genève des frais judiciaire (ch. 6) et une indemnité de 2'000 fr. en sa faveur (ch. 7). Elle demande également l'allocation d'une indemnité équitable à B.________ pour "la présente procédure" (ch. 8). 
Invitée à se déterminer, la cour cantonale s'est référée aux considérants de sa décision. Quant au Ministère public, il a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité; il a cependant précisé qu'une ordonnance de séquestre avait été rendue le 16 mars 2018. La recourante n'a pas déposé d'autres observations. Interpellée le 8 octobre 2018 à la suite de son recours au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal déclarant irrecevable son recours contre l'ordonnance de séquestre susmentionnée (cause 1B_327/2018), la recourante a confirmé qu'une partie de ses conclusions était désormais sans objet (ch. 3, 4 et 5). 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 143 IV 357 consid. 1 p. 358). 
 
1.1. Le recours est dirigé contre un arrêt confirmant la perquisition effectuée le 30 mai 2017 par la police et déclarant irrecevables les griefs soulevés contre la saisie par les autorités pénales notamment de 11'750 fr. et de EUR 1'020.- - montants revendiqués par la recourante -, faute de décision de séquestre. Au regard des conclusions prises par la recourante - qui tendent notamment en substance à la restitution des sommes susmentionnées, que ce soit sur ordre du Tribunal fédéral ou à la suite d'un renvoi de la cause à la cour cantonale -, seule cette seconde problématique est donc encore contestée devant le Tribunal fédéral.  
Vu la nature pénale du séquestre en cause, le recours est en principe recevable comme un recours en matière pénale selon les art. 78 ss LTF. Il a en outre été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF). Si le prononcé attaqué est de nature incidente, le recours porte sur l'existence même d'un droit de recourir, situation dans laquelle le Tribunal fédéral renonce à l'exigence d'un préjudice irréparable (ATF 143 I 344 consid. 1.2 p. 346; 138 IV 258 consid. 1.1 p. 261; arrêt 1B_56/2018 du 21 juin 2018 consid. 1). 
 
1.2. La qualité pour former un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral au sens de l'art. 81 al. 1 let. a et b LTF suppose l'existence d'un intérêt actuel et pratique à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 140 IV 74 consid. 1.3.1 p. 77; 137 I 296 consid. 4.2 p. 299; 137 IV 87 consid. 1 p. 88). Il est dérogé exceptionnellement à cette exigence lorsque la contestation à la base de la décision attaquée peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 p. 143; 140 IV 74 consid. 1.3.3 p. 78). Si l'intérêt actuel disparaît en cours de procédure, le recours devient sans objet, alors qu'il est irrecevable si cet intérêt faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 p. 43; 139 I 206 consid. 1.1 p. 208).  
En l'occurrence, indépendamment de la question de savoir, au stade de la recevabilité, si la décision du 11 août 2017 ordonnait tant la perquisition que le séquestre des biens/avoirs saisis dans les locaux de la recourante, il y a lieu de constater que cette mesure de contrainte repose actuellement sur l'ordonnance du 16 mars 2018. Cette seconde décision - sujette à recours (art. 393 al. 1 let. a CPP) et notifiée à la recourante par le biais de son conseil (cf. la mention apposée) - confirme par écrit le séquestre des objets/fonds saisis le 30 mai 2017, ainsi que le refus de lever cette mesure pour les valeurs revendiquées par la recourante, en se référant sur ce dernier point au courrier du 21 septembre 2017. L'ordonnance du 16 mars 2018 traite donc des mêmes problématiques que celles soulevées dans le cadre du recours cantonal ayant abouti à la présente procédure, à savoir les conditions du séquestre et la levée de celui-ci, le cas échéant, en faveur de la recourante. Celle-ci peut donc, à nouveau, soulever l'ensemble de ses griefs contre cette mesure dans le cadre d'un recours contre cette décision; cela paraît d'autant plus être le cas que la cour cantonale considère que, préalablement, il n'y avait pas eu d'ordonnance de séquestre. Vu la décision du 16 mars 2018, la recourante ne dispose dès lors plus d'un intérêt actuel et pratique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (voir probablement également sous l'angle de l'art. 382 al. 1 CPP s'agissant de l'examen de son recours cantonal; ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 p. 84 s.) : ses griefs peuvent être invoqués dans le cadre d'un recours contre l'ordonnance du 16 mars 2018, attitude procédurale qu'elle a d'ailleurs adoptée (cf. l'arrêt rendu également ce jour dans la cause 1B_327/2018). Partant, le présent recours est sans objet. 
 
1.3. Lorsqu'une procédure devient sans objet, le juge instructeur statue comme juge unique sur les frais afférents à la procédure par une décision sommairement motivée, en tenant compte de l'état de fait existant avant l'événement mettant fin au litige et de l'issue probable de celui-ci (art. 32 al. 2 LTF et 72 PCF applicable par renvoi de l'art. 71 LTF; ATF 125 V 373 consid. 2a p. 374 s.). Si l'issue probable de la procédure n'apparaît pas évidente, il y a lieu de recourir aux critères généraux de procédure. Ceux-ci commandent de mettre les frais et dépens à la charge de la partie qui a provoqué la procédure devenue sans objet ou chez qui résident les motifs pour lesquels elle a pris fin de la sorte (ATF 118 Ia 488 consid. 4a p. 494 s.).  
En l'espèce, le recours déposé le 7 mars 2018 est devenu sans objet en raison de l'ordonnance de séquestre rendue le 18 suivant. Ce prononcé découle a priori des motifs retenus dans l'arrêt attaqué. Or, les considérants de celui-ci relatifs à l'absence de décision de séquestre sont contredits par l'intitulé de l'ordonnance du 11 août 2017 ("Ordonnance de perquisition et de séquestre [art. 263 ss, 241 ss CPP]"), par le troisième tiret de son dispositif (séquestre ordonné), par les motifs invoqués pour justifier cette mesure qui correspondent sans équivoque à ceux figurant dans la loi (couverture des frais [art. 268 CPP], conservation de moyens de preuve [art. 263 al. 1 let. a CPP], restitution aux lésés [art. 263 al. 1 let. c CPP] et confiscation en vue du prononcé d'une créance compensatrice [art. 71 al. 3 CPP]), ainsi que par l'appréciation que semble faire le Ministère public de sa propre ordonnance (cf. en particulier ses déterminations devant le Tribunal fédéral, p. 4 et son courrier du 21 décembre 2017). En tout état de cause, le seul fait qu'une décision comporte peut-être de (s) vice (s) formel (s) ou matériel (s) (cf. à suivre la cour cantonale, l'absence de mention des dispositions légales en cause ou de désignation exacte des objets/valeurs placées sous séquestre) ne suffit pas pour considérer qu'elle ne constituerait pas un prononcé sujet à recours. Soutenir que tel serait le cas dénierait tout sens à la procédure de recours, qui tend justement à permettre à la personne concernée de faire valoir ce type de grief (s) et d'en obtenir, le cas échéant, la réparation. 
 
1.4. Il s'ensuit que la recourante, assistée par un mandataire professionnel, aurait vraisemblablement obtenu gain de cause devant le Tribunal fédéral. Elle a dès lors droit à des dépens de la part de la République et canton de Genève pour la procédure fédérale (art. 68 al. 1 LTF). Une telle indemnité ne saurait en revanche être allouée au prévenu B.________, faute pour celui-ci d'avoir fait recours en son nom et de pouvoir être représenté par la recourante (art. 40 al. 1 LTF) ou l'avocat de cette dernière (art. 40 al. 2 LTF).  
Il n'y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). 
 
1.5. En ce qui concerne ensuite les frais et dépens de la procédure cantonale, le Tribunal fédéral ne peut modifier leur répartition en application des art. 67 et 68 al. 5 LTF que s'il entre en matière sur le fond (arrêts 2C_622/2016 du 31 mars 2017 consid. 3.4; 1B_438/2015 du 27 janvier 2016 consid. 1.3; 2G_3/2014 du 20 octobre 2014 consid. 2.4).  
En l'occurrence, comme la présente procédure est devenue sans objet et que tel est vraisemblablement également le cas du recours cantonal vu la décision du 16 mars 2018, la cause sera transmise à l'autorité précédente pour vérification de la répartition des frais et dépens de la procédure cantonale de recours (arrêts 5A_670/2016 du 13 février 2017 consid. 4; 2G_3/2014 du 20 octobre 2014 consid. 2.5; 1C_130/2008 du 30 mai 2008 consid. 3.2). 
 
 
Par ces motifs, le Juge unique prononce :  
 
1.   
La cause 1B_132/2018, devenue sans objet, est rayée du rôle. 
 
2.   
Une indemnité de dépens, fixée à 2'500 fr., est allouée à la recourante pour la procédure fédérale à la charge de la République et canton de Genève. 
 
3.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure fédérale. 
 
4.   
La cause est transmise à l'autorité précédente pour vérification de la répartition des frais et dépens de la procédure cantonale de recours. 
 
5.   
La présente ordonnance est communiquée au mandataire de la recourante, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 29 octobre 2018 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge unique : Chaix 
 
La Greffière : Kropf