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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_873/2022  
 
 
Arrêt du 4 janvier 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Beusch. 
Greffière : Mme Kleber. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Ghita Dinsfriend-Djedidi, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève, route de Chancy 88, 1213 Onex. 
 
Objet 
Refus d'autorisation de séjour et renvoi de Suisse, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de 
la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, du 20 septembre 2022 (ATA/943/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Ressortissante kosovare née en 1990, A.________ est arrivée en Suisse, selon ses propres déclarations, le 23 mars 2015. 
Le 27 février 2018, elle a déposé auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal) une demande d'autorisation de séjour dans le cadre de l'opération de régularisation des sans-papiers dite "Papyrus" mise en place dans ce canton. 
 
B.  
Par décision du 18 octobre 2021, l'Office cantonal a refusé de soumettre le dossier de A.________ avec un préavis positif au Secrétariat d'Etat aux migrations et a prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 3 janvier 2022 pour quitter le territoire. 
Par jugement du 23 mai 2022, le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève a rejeté le recours formé par A.________ contre cette décision. A.________ a recouru contre le jugement du 23 mai 2022 auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice). Par arrêt du 20 septembre 2022, la Cour de justice a rejeté le recours. 
 
C.  
Contre l'arrêt du 20 septembre 2022, A.________ forme un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral. Pour le recours en matière de droit public, elle conclut, sous suite de frais et dépens, au constat de la violation de l'art. 30 al. 1 let. b LEI (RS 142.20) et de l'art. 31 de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA; RS 142.201), à l'annulation de l'arrêt attaqué et, principalement, au renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouveau jugement dans le sens des considérants. Subsidiairement, elle sollicite l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Plus subsidiairement, elle demande à être "acheminée à prouver, par toutes voies de droit, la réalité des faits qu'[elle] allègue". Pour le recours constitutionnel subsidiaire, la recourante conclut, sous suite de frais et dépens, au constat de la violation des art. 10 et 13 Cst., ainsi que des art. 3 et 8 CEDH, à l'annulation de l'arrêt attaqué, au renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouveau jugement et, subsidiairement, à être acheminée à prouver les faits qu'elle allègue. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1). Le recours constitutionnel subsidiaire n'étant recevable que si la voie du recours ordinaire est exclue (cf. art. 113 LTF), il convient d'examiner d'abord la recevabilité du recours en matière de droit public. 
 
1.1. Selon l'art. 83 let. c ch. 2, 4 et 5 LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit (ch. 2), le renvoi (ch. 4) ou les dérogations aux conditions d'admission (ch. 5).  
 
1.1.1. La recourante a sollicité une autorisation de séjour dans le cadre de l'opération Papyrus. Cette opération, ainsi que ses critères de mise en oeuvre, constituent une application systématisée de l'ancien art. 30 al. 1 let. b LEtr (aujourd'hui art. 30 al. 1 let. b LEI) prévoyant la possibilité d'octroyer des autorisations de séjour dans des cas individuels d'extrême gravité (cf. arrêt 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 7). Or, l'art. 30 al. 1 let. b LEI ne confère aucun droit à une autorisation de séjour et relève des dérogations aux conditions d'admission, de sorte que la voie du recours en matière de droit public n'est pas ouverte pour en critiquer l'application (arrêt 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 7).  
 
1.1.2. La recourante se prévaut de l'art. 8 CEDH. La durée du séjour de la recourante en Suisse est inférieure à dix ans et ce séjour a en outre été illégal, de sorte que l'art. 8 CEDH sous l'angle de la vie privée n'est pas applicable en l'espèce (ATF 144 I 266 consid. 3; arrêt 2C_708/2020 du 16 septembre 2020 consid. 3.3). Par ailleurs, la recourante n'expose pas en quoi elle pourrait se prévaloir de l'art. 8 CEDH sous l'angle de la protection de la vie familiale. Si elle allègue avoir un fiancé qui vit à Genève au bénéfice d'une autorisation d'établissement, elle n'établit toutefois pas la réalité de cette relation, qui n'a pas été retenue par l'autorité précédente et ne peut donc pas être prise en considération.  
La recourante ne peut ainsi pas se prévaloir de manière soutenable de l'art. 8 CEDH, ni du reste de l'art. 13 Cst. - qui n'a pas une portée plus grande que celle de l'art. 8 CEDH en la matière (arrêt 2C_1029/2020 du 10 mai 2021 consid. 5). 
 
1.2. La recourante fait valoir qu'en raison de son état de santé, sa vie serait en danger en cas de renvoi et que celui-ci serait partant contraire à l'art. 3 CEDH et à l'art. 10 Cst.  
Ces griefs, portant sur le renvoi, sont également irrecevables dans le cadre du recours en matière de droit public (art. 83 let. c ch. 4 LTF). 
 
1.3. En définitive, le recours en matière de droit public est irrecevable et seule reste ouverte la voie du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF), pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF).  
 
2.  
 
2.1. La qualité pour former un recours constitutionnel subsidiaire suppose un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 115 lettre b LTF).  
La recourante, qui ne peut se prévaloir ni de l'art. 30 al. 1 let b LEI, ni de l'art. 8 CEDH ou de l'art. 13 Cst., n'a pas une position juridique protégée lui conférant la qualité pour agir au fond sous l'angle de ces dispositions (ATF 133 I 185). 
En revanche, à l'encontre de la décision de renvoi, les griefs tirés de la violation de l'art. 3 CEDH et de l'art. 10 Cst. peuvent faire l'objet d'un recours constitutionnel subsidiaire (arrêt 2C_528/2021 du 23 juin 2022 consid. 5.3 et 5.4, destiné à la publication; ATF 137 II 305 consid. 3.3). 
 
2.2. Pour le surplus, le recours constitutionnel subsidiaire est dirigé contre un arrêt final (art. 90 cum 117 LTF) rendu par un tribunal supérieur statuant en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 cum l'art. 114 LTF). Il a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 cum 117 LTF) et en la forme (cf. art. 42 LTF) prévue par la loi. Certes, la recourante n'a conclu qu'à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi, alors que le recours constitutionnel subsidiaire, à l'instar du recours en matière de droit public, se caractérise comme un recours en réforme (art. 107 al. 2 LTF, applicable par le renvoi de l'art. 117 LTF; arrêt 2D_34/2020 du 24 mars 2021 consid. 1.2.5). Il ressort toutefois clairement de la motivation que la recourante souhaite demeurer en Suisse au bénéfice d'un titre de séjour. Interprétée à la lumière de la motivation, la conclusion est recevable. Il convient donc d'entrer en matière, sous les réserves qui suivent.  
 
2.3. Les conclusions en constatation formées par la recourante sont irrecevables, car une conclusion en réforme pouvait être formulée (cf. ATF 141 II 113 consid. 1.7; 135 I 119 consid. 4). La conclusion tendant à ce que la recourante soit acheminée à prouver les faits qu'elle allègue est aussi irrecevable. Des mesures probatoires devant le Tribunal fédéral ne sont en effet qu'exceptionnellement ordonnées dans une procédure de recours (ATF 136 II 101 consid. 2 p. 104).  
 
3.  
 
3.1. Le Tribunal fédéral n'examine les griefs de violation des droits fondamentaux que s'ils sont formulés conformément aux exigences de motivation qualifiées prévues à l'art. 106 al. 2 LTF, par renvoi de l'art. 117 LTF, c'est-à-dire s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5).  
 
3.2. En tant que la recourante dénonce le refus de la Cour de justice de procéder à son audition sans invoquer, ni motiver, une violation de son droit d'être entendue, il n'y a pas lieu d'examiner cette critique.  
 
4.  
 
4.1. Dans le cadre d'un recours constitutionnel subsidiaire, le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF). Il peut néanmoins rectifier ou compléter les constatations de cette autorité si les faits ont été constatés en violation d'un droit constitutionnel (art. 116 et 118 al. 2 LTF), ce que la partie recourante doit démontrer d'une manière circonstanciée et précise, conformément aux exigences de motivation posées à l'art. 106 al. 2 LTF (par renvoi de l'art. 117 LTF).  
 
4.2. En l'espèce, la recourante dit se référer aux faits de l'arrêt entrepris, mais présente à plusieurs reprises sa propre version des faits, tout en alléguant des éléments qui ne ressortent pas de l'arrêt attaqué. Comme la recourante ne fait pas valoir, ni ne démontre, que la Cour de justice aurait établi les faits en violation d'un droit constitutionnel, la Cour de céans n'a pas de motif de s'écarter de l'arrêt entrepris. Dans ce qui suit, elle statuera uniquement sur la base des faits retenus dans celui-ci.  
 
5.  
La recourante reproche aux autorités de ne pas avoir pris en compte son état de santé. Suivie sur le plan psychiatrique pour des troubles dépressifs et anxieux récurrents, elle fait valoir qu'une décision de renvoi risquerait d'accélérer la péjoration de son état de santé, ce qui pourrait l'emmener à l'hôpital, voire conduire à un suicide. 
 
5.1. Selon la jurisprudence de la CourEDH, l'exécution du renvoi d'une personne malade peut, dans des cas exceptionnels, conduire à une violation de l'art. 3 CEDH lorsqu'il existe des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou du défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie (cf. arrêts CourEDH Savran c. Danemark du 7 décembre 2021, no 57467/15 § 124 ss, 129; Paposhvili c. Belgique du 13 décembre 2016, n° 41738/10 § 183; arrêt 2D_19/2022 du 16 novembre 2022 consid. 5.1).  
 
5.2. En l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué que la recourante a produit à l'appui de son recours devant la Cour de justice un certificat médical de son psychiatre daté du 21 juin 2022 attestant qu'elle est suivie depuis le 13 février 2020 pour des troubles dépressifs et anxieux récurrents, liés à l'absence d'un permis de séjour, puis, dans le cadre de sa réplique, une attestation que son état de santé ne s'était pas amélioré.  
Sans minimiser les troubles dont souffre la recourante, force est de relever que son état de santé tel que décrit dans l'arrêt attaqué n'atteint pas un degré de gravité tel qu'il faudrait envisager que son renvoi au Kosovo pourrait mettre en danger sa vie ou entraîner des souffrances intenses ou encore conduire à une réduction significative de son espérance de vie. Il n'est en outre pas démontré que son état dépressif ne pourra pas être pris en charge au Kosovo. Le grief tiré de la violation de l'art. 3 CEDH, respectivement de l'art. 10 Cst., doit être rejeté. 
 
 
6.  
Sur le vu des considérants qui précèdent, le recours en matière de droit public est irrecevable et le recours constitutionnel subsidiaire doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Succombant, la recourante supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), qui seront toutefois fixés en tenant compte de sa situation financière (art. 65 al. 2 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public est irrecevable. 
 
2.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, à l'Office cantonal de la population et des migrations et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, ainsi qu'au Secrétariat d'Etat aux migrations. 
 
 
Lausanne, le 4 janvier 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : E. Kleber