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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_66/2022  
 
 
Arrêt du 8 décembre 2022  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Hänni, Beusch et Hartmann. 
Greffier : M. Wiedler. 
 
Participants à la procédure 
1. A.A.________, 
2. B.A.________, 
recourants, 
 
contre  
 
1. Administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève, 
rue du Stand 26, 1204 Genève, 
2. Administration fédérale des contributions, Eigerstrasse 65, 3003 Berne. 
 
Objet 
Impôt fédéral direct et impôts cantonal et communal pour les années 2010 à 2015, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4ème section, du 30 novembre 2021 (ATA/1314/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.A.________ et son époux, B.A.________, sont domiciliés dans le canton de U.________. A.A.________ est l'une des trois filles, avec C.________ et D.________, de E.________, qui, auparavant domicilié à U.________, a quitté la Suisse en 1988. A cette occasion, il a transmis un patrimoine immobilier à ses filles. 
Depuis la reprise d'une partie de ce patrimoine immobilier, A.A.________ exerce une activité lucrative indépendante de promotrice immobilière sous la forme d'une raison individuelle. 
E.________ et sa soeur, F.________, domiciliée au V.________, sont les actionnaires et ayants droit de la société G.________ SA, société dont le siège est sis au W.________. 
Le 29 décembre 2006, H.________ Limited a mis à disposition de A.A.________ une avance ferme de 21'064'625 fr., destinée à refinancer un prêt accordé par I.________ SA. Le prêt de H.________ Limited était octroyé pour une durée d'un an, renouvelable à l'échéance par reconduction tacite sauf avis contraire un mois avant l'échéance. Les intérêts étaient fixés à 5% par année, payables semestriellement. Les conditions générales de la banque étaient pour le surplus applicables. Ce prêt était garanti par E.________. 
Le 30 novembre 2009, H.________ Limited a résilié le prêt avec effet au 30 décembre 2009, date à laquelle le remboursement devait être effectué. 
Le 29 décembre 2009, la société G.________ SA a mis à disposition de A.A.________ une avance ferme de 21'064'625 fr., destinée à refinancer le prêt accordé par H.________ Limited. Le prêt était accordé pour une durée d'une année, renouvelable à l'échéance par reconduction tacite sauf avis contraire un mois avant l'échéance. Les intérêts étaient de 5% par année, payables semestriellement. 
A cette même date, C.________ et D.________, les deux soeurs de A.A.________, ont bénéficié d'un prêt de 51'950'000 francs accordé par la société G.________ SA. 
 
B.  
Les 29 juin 2011, 18 septembre 2012, 10 août 2013, 4 août 2014, 29 juin 2015 et 13 juillet 2016, A.A.________ et B.A.________ ont déposé leurs déclarations fiscales respectivement pour les années 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015. Chaque année, les contribuables ont notamment déclaré des charges commerciales et des passifs commerciaux découlant de l'activité indépendante de A.A.________. Dans les bilans de l'activité indépendante de cette dernière, annexés pour chaque année à la déclaration, figurait en particulier, dans les passifs, une dette envers la société G.________ SA correspondant au prêt précédemment mentionné d'un montant de 21'064'625 fr. en 2010 et 2011, 22'146'017.19 fr. en 2012, 22'702'744.09 fr. en 2013 et 21'499'999.99 fr. en 2014 et 2015. Dans les comptes de résultat, apparaissait un poste concernant les intérêts d'emprunts pour un total de 1'460'001.90 fr. en 2010, 1'470'033.85 fr. en 2011, 1'463'813.59 fr. en 2012, 1'499'618.40 fr. en 2013, 1'499'618.40 fr. en 2014 et 1'363'284.15 fr. en 2015. 
Par bordereaux du 24 octobre 2018, l'Administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale cantonale) a fixé l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD) et les impôts cantonal et communal (ci-après: ICC) dus par les contribuables pour les années 2010 à 2015. A teneur des avis de taxation concernant l'IFD et les ICC, des reprises avaient été effectuées en lien avec le prêt concédé par la société G.________ SA et les intérêts y relatifs. 
Par décision sur réclamation du 17 janvier 2020, l'Administration fiscale cantonale a rectifié les taxations pour les années 2011 et 2012 sur un point qui n'est plus litigieux et a maintenu les taxations des périodes fiscales 2010 à 2015 pour le surplus. 
Par jugement du 12 avril 2021, le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif de première instance) a rejeté le recours formé par A.A.________ et B.A.________ contre la décision sur réclamation du 17 janvier 2020 de l'Administration fiscale cantonale. 
Par arrêt du 30 novembre 2021, la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours interjeté par A.A.________ et B.A.________ contre le jugement du 12 avril 2021 du Tribunal administratif de première instance. 
 
C.  
A.A.________ et B.A.________ déposent un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral. Ils concluent à l'annulation de l'arrêt du 30 novembre 2021 de la Cour de justice pour violation du principe de célérité et du droit d'être entendu, subsidiairement à l'annulation des intérêts moratoires et autres intérêts négatifs compensatoires en lien avec les charges fiscales relatives aux périodes fiscales 2010 à 2015 en raison de la violation du principe de célérité. Plus subsidiairement, ils requièrent le renvoi de la cause à l'Administration fiscale cantonale afin qu'elle détermine la valeur vénale du parc immobilier de la recourante en 2010 et en 2012 et, plus subsidiairement encore, la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que les déductions fiscales dont ils se prévalent sont admises. 
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Administration fiscale cantonale et l'Administration fédérale des contributions concluent au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
I. Recevabilité et cognition  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1). 
 
1.1. Le présent recours est dirigé contre un arrêt confirmant le refus de porter en déduction le prêt consenti par la société G.________ SA à la recourante, ainsi que les intérêts y relatifs, en lien avec l'IFD et les ICC, pour les périodes fiscales 2010 à 2015. Il s'agit d'une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Comme aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée, la voie du recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF est dès lors ouverte (cf. aussi l'art. 146 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct [LIFD; RS 642.11] et l'art. 73 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14]).  
 
1.2. L'instance précédente a traité dans un seul jugement de l'IFD et des ICC, ce qui est admissible (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1). Partant, le dépôt d'un seul acte de recours est aussi autorisé, dans la mesure où les recourants s'en prennent clairement aux deux catégories d'impôts (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.2).  
 
1.3. Pour le reste, l'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Les recourants, qui sont destinataires de l'arrêt attaqué, disposent d'un intérêt digne de protection à la modification de celui-ci. Partant, la qualité pour recourir doit leur être reconnue (art. 89 al. 1 LTF). En outre, le recours a été déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF). Il convient dès lors d'entrer en matière, sous réserve de ce qui suit.  
 
1.4. Dans leur mémoire, les recourants formulent des critiques à l'encontre des bordereaux de taxation du 24 octobre 2018 et de la décision sur réclamation du 17 janvier 2020 de l'Administration fiscale cantonale, ainsi que contre le jugement du 12 avril 2021 du Tribunal administratif de première instance. Il n'en sera pas tenu compte, en raison de l'effet dévolutif complet du recours devant la Cour de justice (ATF 136 II 539 consid. 1.2).  
 
2.  
 
2.1. D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. En matière fiscale, il examine en principe librement l'application du droit fédéral, ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de sa mise en pratique par les instances cantonales aux dispositions de la LHID (ATF 134 II 207 consid. 2; arrêt 2C_826/2015 du 5 janvier 2017 consid. 2 non publié in ATF 143 I 73). Cependant, lorsque la loi précitée laisse une marge de manoeuvre aux cantons, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral se limite à l'arbitraire, dont la violation doit être motivée conformément aux exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 134 II 207 consid. 2; arrêt 2C_434/2021 du 3 mars 2022 consid. 1.3 et les références citées). Ces exigences accrues de motivation s'appliquent également aux griefs de violation des droits fondamentaux (cf. art. 106 al. 2 LTF). La partie recourante doit indiquer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 146 I 62 consid. 3; 142 II 369 consid. 2.1; 141 I 36 consid. 1.3).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3). La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 145 V 188 consid. 2; 137 II 353 consid. 5.1).  
 
2.3. En l'occurrence, dans une partie "Faits" de leur mémoire de recours, ainsi qu'à l'appui de leur raisonnement juridique, les recourants présentent leur propre vision des événements qui diverge de l'état de fait retenu par la Cour de justice. En tant que les faits ainsi allégués ne sont pas constatés dans l'arrêt attaqué, sans que les recourants ne s'en plaignent de manière circonstanciée, il n'en sera pas tenu compte. Seuls les griefs suffisamment motivés en lien avec l'établissement des faits par la Cour de justice seront donc examinés (cf. infra consid. 5).  
 
II. Griefs formels  
 
3.  
Dans un grief formel qu'il convient d'examiner en premier lieu (ATF 141 V 557 consid. 3), les recourants reprochent à l'autorité précédente d'avoir violé le droit d'être entendu. 
 
3.1. Les recourants considèrent que l'Administration fiscale cantonale aurait dû les informer qu'elle comptait modifier de manière substantielle leur situation fiscale en invoquant la théorie de l'évasion fiscale en lien avec le prêt concédé par la société G.________ SA pour les années litigieuses, avant de procéder à leur taxation. La Cour de justice aurait enfreint leur droit d'être entendus en considérant que, même si l'on devait reconnaître une violation de leur droit d'être entendus par l'Administration fiscale cantonale lors de la procédure de taxation, celle-ci aurait été réparée durant les procédures de réclamation et de recours.  
 
3.2. Le droit d'être entendu de l'art. 29 al. 2 Cst. comprend le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur tous les éléments pertinents avant qu'une décision touchant sa situation juridique ne soit rendue (ATF 142 II 218 consid. 2.3).  
Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 144 I 11 consid. 5.3; 137 I 195 consid. 2.2). Selon la jurisprudence, sa violation peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 145 I 167 consid. 4.4; 142 II 218 consid. 2.8.1 et les arrêts cités). Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée; cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les arrêts cités). 
 
3.3. En l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué que, dans un courrier du 27 novembre 2015 adressé aux recourants concernant la période fiscale 2010, l'Administration fiscale cantonale a soulevé la question du prêt concédé par la société G.________ SA, au sujet duquel la fourniture de documents complémentaires était requise. Par courrier du 17 novembre 2017, l'autorité précitée a encore demandé aux recourants des précisions à propos dudit prêt, cette fois concernant les périodes fiscales 2010 à 2016. Les recourants ont donc pu se déterminer s'agissant de cette problématique durant la procédure de taxation. Leur droit d'être entendus a donc été respecté, comme le retient à juste titre la Cour de justice. Au demeurant, même si l'on considérait que le droit d'être entendus des recourants a été violé, cette violation a été réparée. En effet, tant l'Administration fiscale cantonale dans la procédure de réclamation, que le Tribunal administratif de première instance et la Cour de justice dans les procédures de recours disposaient d'un pouvoir d'examen s'étendant aux faits et au droit. En outre, le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, puisque la procédure de réclamation s'est déroulée devant l'Administration fiscale cantonale, soit la même autorité qui a rendu les bordereaux contestés, de sorte que les recourants ont pu s'exprimer en toute connaissance de cause devant l'autorité de première instance.  
Partant, le grief de violation du droit d'être entendu est infondé. 
 
4.  
Dans un second grief de nature formelle, les recourants se plaignent d'une violation du principe de célérité, laquelle justifierait l'annulation des intérêts moratoires et autres intérêts négatifs compensatoires en lien avec les charges fiscales relatives aux périodes fiscales 2010 à 2015. 
 
4.1. En vertu de l'art. 29 al. 1 Cst., toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Cette disposition consacre notamment le principe de la célérité ou, en d'autres termes, prohibe le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie constitutionnelle lorsqu'elle ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 144 I 318 consid. 7.1; 135 I 265 consid. 4.4; 131 V 407 consid. 1.1; 130 I 312 consid. 5.1).  
 
4.2. Le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie en fonction des circonstances particulières de la cause, lesquelles commandent généralement une évaluation globale. Entre autres critères sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes (ATF 144 II 486 consid. 3.2; 135 I 265 consid. 4.4; 130 I 312 consid. 5.2). Il appartient en effet au justiciable d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié. Le principe vaut dans tous les types de causes, étant précisé que le comportement du justiciable s'apprécie avec moins de rigueur en procédure pénale et administrative que dans un procès civil (ATF 130 I 312 consid. 5.2; arrêts 2C_44/2020 du 3 mars 2022 consid. 12.6.1; 2C_1014/2013 du 22 août 2014 consid. 7.1, non publié in ATF 140 I 271). Cette règle découle du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.), qui doit présider aux relations entre organes de l'Etat et particuliers. Il serait en effet contraire à ce principe qu'un justiciable puisse valablement soulever ce grief devant l'autorité de recours, alors qu'il n'a entrepris aucune démarche auprès de l'autorité précédente, afin de remédier à cette situation (ATF 125 V 373 consid. 2b/aa; arrêts 1B_309/2021 du 3 septembre 2021 consid. 4; 2C_227/2016 du 13 février 2017 consid. 3.1; 2C_1014/2013 du 22 août 2014 consid. 7.1, non publié in ATF 140 I 271 et la référence).  
 
4.3. En l'occurrence, l'Administration fiscale cantonale a émis le 24 octobre 2018 les bordereaux litigieux concernant les périodes fiscales 2010 à 2015. Il s'est donc écoulé plus de sept ans entre le dépôt par les recourants de leur déclaration fiscale pour l'année 2010 en juin 2011 et la décision de taxation. Les années suivantes ont été taxées dans des délais moins longs. L'arrêt attaqué explique cette durée par le fait que l'Administration fiscale cantonale devait traiter de manière coordonnée, pour chaque année fiscale, le dossier des recourants avec les dossiers fiscaux des soeurs de la recourante, C.________ et D.________ (dont les taxations font l'objet des procédures 2C_68/2022 et 2C_48/2022), qui ont également profité de prêts de la société G.________ SA. Quoi qu'il en soit, il n'est pas déterminant en l'espèce de savoir si la complexité du dossier des recourants, liée notamment à sa connexité avec d'autres affaires, justifiait un tel délai pour procéder aux taxations. En effet, il ressort de l'arrêt attaqué que les recourants n'ont jamais relancé ni mis en demeure l'Administration fiscale cantonale durant les temps morts de la procédure. Les recourants ne peuvent dès lors pas se prévaloir d'une violation du principe de célérité, sous l'angle du principe de la bonne foi.  
 
4.4. Partant, ce grief doit être rejeté, sans qu'il y ait lieu d'examiner si, dans le cas contraire, les recourants auraient pu prétendre à une annulation des intérêts moratoires et autres intérêts négatifs compensatoires en lien avec les charges fiscales relatives aux périodes fiscales 2010 à 2015.  
 
III. Grief relatif à l'établissement des faits  
 
5.  
Les recourants invoquent un établissement manifestement inexact des faits et une appréciation arbitraire des preuves. 
 
5.1. Il y a arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (cf. ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 144 II 281 consid. 3.6.2). Le recourant ne peut pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3).  
 
5.2. En l'occurrence, les recourants considèrent que la Cour de justice a arbitrairement retenu qu'ils n'avaient pas réussi à démontrer que, lorsque la société G.________ SA a octroyé le prêt de 21'064'625 fr. à la recourante en décembre 2009, les parties au contrat de prêt avaient connaissance de la valeur vénale des biens immobiliers de la recourante. Ce serait donc à tort que l'autorité précédente a examiné sur la base de la valeur comptable des biens immobiliers de la recourante les circonstances et les conditions dans et auxquelles le prêt a été octroyé. D'après les recourants, les constatations de la Cour cantonale seraient contredites par un projet de promesse de vente et d'achat de 2010 et un dossier de vente datant de 2020 portant sur un immeuble de la contribuable et l'estimant à une valeur vénale supérieure à sa valeur comptable. Or, comme l'a relevé à juste titre l'autorité précédente, les documents produits par les recourants sont postérieurs à la conclusion du prêt entre la recourante et la société G.________ SA et ne concernent pas la relation entre ces deux entités. On ne perçoit donc pas en quoi l'état de fait de l'arrêt attaqué serait arbitraire sur ce point.  
 
5.3. Le grief tiré de l'établissement inexact des faits et de l'appréciation arbitraire des preuves doit partant être écarté. Le Tribunal fédéral statuera donc exclusivement sur la base des faits retenus par la Cour de justice.  
 
IV. Objet du litige  
 
6.  
Le litige a pour objet le refus de porter en déduction le prêt octroyé par la société G.________ SA à titre de passif commercial, ainsi que les intérêts sur ce prêt à titre de charges commerciales en lien avec le calcul de l'IFD et des ICC pour les périodes fiscales 2010 à 2015. Les recourants ne contestent pas que l'Administration fiscale cantonale a valablement suspendu la prescription du droit de procéder aux taxations pour les années litigieuses, de sorte que les décisions de taxations sont intervenues en temps utile (cf. art. 120 al. 1 LIFD et 47 al. 1 LHID). 
 
V. Impôt fédéral direct  
 
7.  
Les recourants contestent le refus de porter en déduction les intérêts relatifs au prêt de 21'064'625 fr. accordé par la société G.________ SA dans le cadre de l'activité de promotrice immobilière de la recourante pour le calcul de l'impôt sur le revenu s'agissant de l'IFD. 
 
7.1. Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a LIFD (art. 25 LIFD). Les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l'usage commercial ou professionnel (art. 27 al. 1 LIFD). Font notamment partie de ces frais les intérêts des dettes commerciales (art. 27 al. 2 let. d LIFD).  
 
7.2. Il ressort de l'arrêt attaqué que le prêt octroyé par la société G.________ SA constitue une dette commerciale de la recourante. Les intérêts en découlant doivent donc, en principe, être déduits pour la détermination du revenu imposable pour l'IFD. Cependant, cette déduction a été refusée par la Cour de justice, cette dernière ayant retenu l'existence d'une évasion fiscale.  
 
7.3. Selon la jurisprudence, il y a évasion fiscale: a) lorsque la forme juridique choisie par le contribuable apparaît comme insolite, inappropriée ou étrange, en tout cas inadaptée au but économique poursuivi, b) lorsqu'il y a lieu d'admettre que ce choix a été abusivement exercé uniquement dans le but d'économiser des impôts qui seraient dus si les rapports de droit étaient aménagés de façon appropriée, c) lorsque le procédé choisi conduirait effectivement à une notable économie d'impôt dans la mesure où il serait accepté par l'autorité fiscale (ATF 147 II 338 consid. 3.1; 142 II 399 consid. 4.2; 138 II 239 consid. 4.1 et les références).  
Si ces trois conditions sont remplies, l'imposition doit être fondée non pas sur la forme choisie par le contribuable, mais sur la situation qui aurait dû être l'expression appropriée au but économique poursuivi par les intéressés (ATF 147 II 338 consid. 3.1; 142 II 399 consid. 4.2; 138 II 239 consid. 4.1 et les références). 
L'autorité fiscale doit en principe s'arrêter à la forme juridique choisie par le contribuable. Ce dernier est libre d'organiser ses relations de manière à générer le moins d'impôt possible. Il n'y a rien à redire à une telle planification fiscale, tant que des moyens autorisés sont mis en oeuvre. L'état de fait de l'évasion fiscale est réservé à des constellations extraordinaires, dans lesquelles il existe un aménagement juridique (élément objectif) qui - abstraction faite des aspects fiscaux - va au-delà de ce qui est raisonnable d'un point de vue économique. Une intention abusive (élément subjectif) ne peut de surcroît pas être admise si d'autres raisons que la seule volonté d'épargner des impôts jouent un rôle décisif dans la mise en place de la forme juridique. Une certaine structure peut en effet se justifier pour d'autres raisons commerciales ou personnelles (ATF 147 II 338 consid. 3.1; 142 II 399 consid. 4.2; 138 II 239 consid. 4.1 et les références). 
 
7.4. En l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que, le 29 décembre 2009, la société G.________ SA, société "offshore" ayant son siège au W.________ détenue par le père et la tante de la recourante, a accordé à cette dernière un prêt de 21'064'625 fr. destiné à rembourser le prêt dénoncé par H.________ Limited contracté dans le cadre de son activité de promotrice immobilière. Ce nouveau prêt était soumis à des intérêts annuels de 5%, payables semestriellement, et était conclu pour une année, avec reconduction tacite d'année en année sauf avis contraire dans le délai prévu. Selon l'arrêt litigieux, sous ces aspects, le prêt de la société G.________ SA est identique à celui qui l'a précédé, accordé par H.________ Limited. Cependant, le contrat du prêt conclu par la société G.________ SA ne prévoit aucune garantie et ne contient aucune autre disposition, alors que le prêt de H.________ Limited était garanti par le père de la recourante et était soumis aux conditions générales de la banque auxquelles le contrat renvoyait.  
Les conditions de financement de la société G.________ SA diffèrent donc sur des points essentiels des conditions qui prévalaient au moment du financement par H.________ Limited. Comme l'a relevé à juste titre la Cour de justice, il est pour le moins inadapté de ne prévoir aucune garantie et de conclure un contrat aussi concis pour un prêt d'un montant aussi élevé - plus de 21'000'000 fr. -, cela d'autant plus dans le contexte de la crise économique qui s'était déclarée en 2008 et qui avait conduit H.________ Limited à résilier le contrat de prêt et au vu des comptes de la recourante. 
En effet, selon les constatations cantonales, le bilan de l'activité de la recourante au 31 décembre 2009 enregistrait une perte de 123'699.55 fr. et présentait des fonds propres négatifs de 3'142'756.27 fr. Ses dettes hypothécaires et autres dettes à long terme s'élevaient au total à 33'292'425 fr., pour des actifs immobilisés de 29'975'860.10 fr. La Cour de justice a constaté, d'une manière dénuée d'arbitraire (cf. supra consid. 5), que les recourants n'avaient pas réussi à démontrer que les représentants de la société G.________ SA avaient connaissance de la valeur vénale des biens immobiliers de la recourante. Ainsi, au moment de conclure le prêt, la société G.________ SA ne connaissait que la valeur comptable des biens de la recourante. Or, les comptes de la recourante étaient largement négatifs. Les recourants soutiennent qu'un organisme de prêt se fonde sur la valeur vénale des biens immobiliers pour établir la capacité d'emprunter d'un débiteur, de sorte que la Cour de justice n'aurait pas dû fonder son raisonnement sur la valeur comptable des immeubles. Ce faisant, les recourants admettent qu'un organisme de prêt n'aurait pas octroyé de financement à la recourante sans avoir fait évaluer les biens immobiliers au préalable. Ce prêt inusuel - qui a permis à la recourante de s'endetter de manière significative et sans immobiliser d'actifs en garantie - n'a donc été possible qu'en raison du fait que la société prêteuse est détenue par son père et sa tante.  
Par ailleurs, il ressort de l'arrêt attaqué que la société G.________ SA a continué, après la conclusion du contrat, de se comporter de manière économiquement inadaptée par rapport au comportement qu'aurait adopté un organisme de prêt tiers, en acceptant de capitaliser les intérêts du prêt durant une année et demie, en 2012 et durant le premier semestre de l'année 2013, puis de retarder le paiement des intérêts dus en juin et en décembre 2015. La capitalisation des intérêts a conduit à une augmentation importante de la somme prêtée de 21'064'625 fr. en 2009 à 21'499'999.99 fr. en 2015. 
Partant, c'est à juste titre que la Cour de justice a considéré que la société G.________ SA avait accordé à la recourante un prêt de faveur dans des circonstances et à des conditions auxquelles un tiers n'aurait jamais accepté d'en accorder un. Ainsi, la forme juridique choisie par les parties apparaît comme inadaptée au but économique poursuivi, au vu des circonstances particulières du cas d'espèce. 
La première condition de l'évasion fiscale est donc réalisée. 
 
7.5. Il convient encore d'examiner si la forme juridique choisie par les parties au contrat de prêt avait pour unique but d'économiser des impôts.  
Il ressort de l'arrêt attaqué que, pour tenter de justifier ce choix, les recourants ont indiqué que la solution du financement par des proches avait permis d'assurer la pérennité de l'entreprise et le maintien du patrimoine familial, permettant d'éviter la vente de biens immobiliers qui présentaient des caractéristiques intéressantes, dans un contexte de détérioration économique. Ils ont ainsi admis que, dans les circonstances qui prévalaient en 2009 lors du refinancement, la société G.________ SA, dépourvue de garantie, ne pouvait pas compter avec certitude sur le remboursement du prêt. Cela est confirmé par la capitalisation des intérêts acceptée par la société prêteuse pour un montant supérieur à 400'000 fr. 
Dans ce contexte, on peut se demander pourquoi le père et la tante de la recourante n'ont pas procédé à des donations en faveur de leur trois filles, respectivement nièces, qui ont toutes bénéficié de prêts de montants supérieurs à 21'000'000 fr. Or, le choix de procéder à un prêt, bien qu'étant inadapté au but économique poursuivi en l'espèce, ne peut avoir comme objectif que d'économiser des impôts. En effet, contrairement à une donation, le prêt est déductible de la fortune imposable et les intérêts du revenu imposable. En outre, les créances résultant du prêt et du revenu découlant du paiement des intérêts ne sont pas taxées en Suisse, la société G.________ SA ayant son siège à l'étranger. 
La deuxième condition de l'évasion fiscale est ainsi également réalisée. 
 
7.6. Enfin, s'agissant de la dernière condition, on ne saurait nier que l'admission de la déduction du prêt de plus de 21'000'000 fr., concédé à la recourante par la société G.________ SA, et des intérêts annuels à 5% sur ce montant conduirait à une économie substantielle d'impôt. Ainsi, quoi qu'en disent les recourants, le procédé choisi permettrait effectivement une notable économie d'impôt s'il était accepté par l'autorité fiscale, la situation dans laquelle se trouveraient les recourants si le prêt avait été concédé par une banque n'étant pas déterminante, puisque précisément la recourante n'a pas opté pour cette voie et n'a d'ailleurs pas établi, à teneur de l'arrêt, qu'une banque aurait été d'accord de reprendre le prêt de H.________ Limited.  
 
7.7. Dans ces circonstances, la Cour de justice pouvait retenir que les conditions de l'évasion fiscale étaient réunies et confirmer les reprises d'impôt litigieuses effectuées par l'Administration fiscale cantonale pour les périodes fiscales 2010 à 2015, dont les montants ne sont au demeurant pas contestés par les recourants.  
 
7.8. Par ailleurs, le fait que l'Administration fiscale cantonale n'ait pas reconnu un cas d'évasion fiscale s'agissant de l'année 2009 n'est d'aucun secours pour les recourants. En effet, en matière fiscale, en application du principe de l'étanchéité (ou de l'indépendance) des exercices comptables et des périodes fiscales, l'autorité n'est pas liée pour l'avenir par une taxation notifiée pour une période fiscale déterminée (ATF 147 II 155 consid. 10.5.1).  
 
7.9. Au vu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire de trancher si le prêt conclu entre la société G.________ SA et la recourante doit être appréhendé comme un prêt simulé, comme l'a retenu le Tribunal administratif de première instance, ou sous l'angle de l'évasion fiscale, comme l'a retenu la Cour de justice. En effet, même s'il n'y avait pas de simulation, le montage juridique mis en place par la recourante relèverait de l'évasion fiscale.  
 
VI. Impôts cantonal et communal  
 
8.  
S'agissant de l'impôt sur le revenu, la teneur des art. 25 et 27 al. 1 et 2 let. d LIFD correspond à celle des art. 10 al. 1 let. e LHID et 30 let. j de la loi genevoise du 27 septembre 2009 sur l'imposition des personnes physiques (LIPP; RSGE D 3 08). 
Partant, les considérations développées pour l'IFD s'appliquent aussi aux ICC. 
 
9.  
Reste à examiner les conséquences de l'évasion fiscale sur les ICC sous l'angle de l'impôt sur la fortune. 
 
9.1. L'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette (art. 13 al. 1 LHID; art. 46 LIPP). La fortune inclut les éléments composant la fortune commerciale (art. 47 let. f LIPP). Sont déduites de la fortune brute les dettes chirographaires ou hypothécaires justifiées par titres, extraits de comptes, quittances d'intérêts ou déclaration du créancier (art. 56 al. 1 LIPP). Il ne peut être déduit que les dettes effectivement dues par le contribuable (art. 56 al. 2, 1ère phrase LIPP).  
 
9.2. Le prêt de plus de 21'000'000 fr. concédé par la société G.________ SA constitue, en principe, une dette de la recourante devant être déduite de la fortune pour déterminer la fortune imposable. La Cour de justice pouvait cependant refuser cette déduction, ce prêt étant constitutif d'une évasion fiscale (cf. supra consid. 7).  
 
VII. Conclusions, frais et dépens  
 
10.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable, tant s'agissant de l'IFD que des ICC pour les périodes fiscales 2010 à 2015. 
Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais judiciaires, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable, en tant qu'il concerne l'impôt fédéral direct pour les périodes fiscales 2010 à 2015. 
 
2.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable, en tant qu'il concerne les impôts cantonal et communal pour les périodes fiscales 2010 à 2015. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 20'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à l'Administration fiscale cantonale et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève, ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions. 
 
 
Lausanne, le 8 décembre 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : A. Wiedler