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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_2/2023  
 
 
Arrêt du 11 janvier 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Hänni et Hartmann. 
Greffière : Mme Colella. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Jean-Luc Bochatay, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, 
Eigerstrasse 65, 3003 Berne, 
intimée. 
 
Objet 
Entraide administrative (CDI-FR), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 12 décembre 2022 (A-3232/2022). 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le 30 avril 2021, le Service français d'échange d'informations en matière fiscale a adressé trois demandes d'assistance administrative à l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale), fondées sur l'art. 28 de la Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales (RS 0.672.934.91). Ces demandes étaient en lien avec la situation fiscale de feu B.________ et feue C.________, ainsi que de leurs héritiers.  
Le 8 juillet 2021, A.________, petite fille de feu B.________ et feue C.________, a demandé à l'Administration fédérale que toutes les informations et les pièces la concernant personnellement en relation avec le (s) compte (s) bancaire (s) dont elle est (était) titulaire et/ou ayant-droit économique pendant la période visée par les demandes ne soient pas transmises à d'autres personnes concernées par la procédure. Ainsi, un éventuel accès au dossier à octroyer à ces personnes devrait être restreint, afin de conserver la confidentialité des informations précitées. 
Le 5 avril 2022, l'Administration fédérale a répondu que les motifs présentés ne justifiaient pas de restriction à la consultation du dossier, et a imparti un délai de 10 jours à A.________ pour présenter d'autres raisons justifiant une telle restriction. Le 26 avril 2022, A.________ a présenté des motifs complémentaires et maintenu sa demande de restriction d'accès au dossier. 
 
1.2. Par décision incidente du 20 juin 2022, l'Administration fédérale a rejeté la demande de restriction d'accès au dossier. A.________ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral.  
Par arrêt du 12 décembre 2022, le Tribunal administratif fédéral a déclaré le recours de A.________ irrecevable en application de l'art. 19 al. 1 LAAF, qui exclut tout recours contre les décisions précédant la décision finale. En substance, il a estimé que la décision attaquée entrait dans la catégorie des décisions visées par cette disposition et que A.________ pourrait faire valoir ses griefs dans le cadre d'un recours contre la décision finale de l'Administration fédérale. 
 
 
1.3. Contre cet arrêt d'irrecevabilité, A.________ forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'Administration fédérale, subsidiairement au Tribunal administratif fédéral, pour nouvelle décision. A l'appui de son recours, elle se prévaut d'un établissement inexact des faits, notamment en ce que le Tribunal administratif fédéral aurait passé sous silence son écriture du 12 octobre 2022, et elle invoque une violation de son droit d'être entendu, du principe de la bonne foi, et de l'art. 112 al. 1 LTF, qui exige que le contenu de l'arrêt attaqué devant le Tribunal fédéral respecte certaines exigences de motivation.  
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
2.  
Le présent recours est dirigé contre un arrêt d'irrecevabilité rendu par le Tribunal administratif fédéral à la suite d'un recours contre une décision incidente de l'Administration fédérale dans le domaine de l'assistance administrative internationale en matière fiscale. L'arrêt d'irrecevabilité revêtant lui-même un caractère incident (cf. ATF 142 III 798 consid. 2.1; ATF 142 III 653 consid. 1.1), le recours doit donc remplir à la fois les conditions propres aux décisions incidentes, régies par l'art. 93 LTF, et celles spécifiques à la matière, régies par l'art. 84a LTF (cf. arrêts 2C_630/2019 du 12 juillet 2019 consid. 2; 2C_653/2017 du 13 mai 2019 consid. 1.2 et les arrêts cités). Il convient de commencer par l'examen des secondes. 
 
3.  
Selon l'art. 83 let. h LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière d'entraide administrative internationale, à l'exception de l'assistance administrative en matière fiscale. Il découle de l'art. 84a LTF que, dans ce dernier domaine, le recours n'est recevable que lorsqu'une question juridique de principe se pose ou lorsqu'il s'agit, pour d'autres motifs, d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF
 
3.1. Selon la jurisprudence, la présence d'une question juridique de principe suppose que la décision en cause soit importante pour la pratique; cette condition est en particulier réalisée lorsque les instances inférieures doivent traiter de nombreuses causes analogues ou lorsqu'il est nécessaire de trancher une question juridique qui se pose pour la première fois et qui donne lieu à une incertitude caractérisée, laquelle appelle de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral. Il faut en tous les cas qu'il s'agisse d'une question juridique d'une portée certaine pour la pratique (ATF 139 II 404 consid. 1.3; arrêt 2C_289/2015 du 5 avril 2016 consid. 1.2.1 non publié in ATF 142 II 218).  
 
3.2. Conformément à l'art. 84 al. 2 LTF, applicable par renvoi de l'art. 84a LTF, un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou que d'autres vices graves pourraient découler des procédures suisse ou étrangère. La reconnaissance d'un cas particulièrement important doit être admise avec retenue. Le Tribunal fédéral jouit à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 145 IV 99 consid. 1.2 et les références; 139 II 340 consid. 4). Le seul fait que le justiciable fasse valoir que les autorités auraient violé son droit d'être entendu ou d'autres principes fondamentaux de procédure ne fait toutefois pas encore apparaître un cas comme particulièrement important (ATF 145 IV 99 consid. 1.4). Seule une violation significative du droit de procédure, présentée de manière suffisamment détaillée et vraisemblable, peut conduire à ce que cette condition de recevabilité soit considérée comme réalisée (ATF 145 IV 99 consid. 1.5).  
 
3.3. Il appartient au recourant de démontrer de manière suffisante en quoi les conditions de recevabilité de l'art. 84a LTF sont remplies (art. 42 al. 2 LTF; ATF 145 IV 99 consid. 1.5; 139 II 340 consid. 4), à moins que tel ne soit manifestement le cas (cf. ATF 146 II 150 consid. 1.2.1; 139 II 340 consid. 4 et 5). Comme le Tribunal fédéral n'a pas pour fonction de trancher des questions abstraites (cf. en matière d'assistance administrative, ATF 142 II 161 consid. 3), il faut, pour que le recours soit recevable sous l'angle de l'art. 84a LTF, que la question soulevée par la partie recourante soit déterminante pour l'issue du litige (cf. arrêt 2C_751/2022 du 23 septembre 2022 consid. 2.3).  
 
4.  
La recourante fait d'abord valoir que la présente cause est un cas particulièrement important parce que le Tribunal administratif fédéral aurait violé son droit d'être entendu, respectivement qu'il aurait commis un déni de justice, en ne mentionnant pas, dans l'arrêt attaqué, son écriture envoyée du 12 octobre 2022, selon laquelle la décision de l'Administration fédérale du 20 juin 2022 était entachée de nullité. Selon la recourante, en ne versant pas cette pièce au dossier, respectivement en n'en tenant pas compte, le Tribunal administratif fédéral n'aurait pas traité son grief relatif à la nullité de ladite décision, alors qu'un tel grief doit être traité en tout temps par les autorités compétentes. 
 
4.1. Il n'est pas inutile de rappeler que, pour respecter l'art. 29 al. 2 Cst., le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; 134 I 83 consid. 4.1). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 146 II 335 consid. 5.1; 143 III 65 consid. 5.2; 142 II 154 consid. 4.2). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).  
Quant à la nullité, elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou particulièrement reconnaissables, et pour autant que la constatation de la nullité reste compatible avec la sécurité du droit (cf. ATF 138 II 501 consid. 3.1; 137 I 273 consid. 3.1). 
 
4.2. En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué que le Tribunal administratif fédéral a invité l'Administration fédérale à se déterminer sur le recours contre la décision incidente du 20 juin 2022 et que cette autorité a conclu à l'irrecevabilité dudit recours le 12 août 2022. Par la suite, la recourante a demandé, le 1er septembre 2022, l'octroi d'un délai pour se déterminer sur le fond. Le 8 septembre 2022, le Tribunal administratif fédéral a accusé réception de cette demande. L'arrêt attaqué ne mentionne cependant aucune autre mesure d'instruction et ne fait pas non plus expressément état d'écritures envoyées ultérieurement par la recourante, en particulier d'un courrier daté du 12 octobre 2022. Toutefois, il ressort expressément de la motivation de l'arrêt attaqué que, dès lors que le recours devait être déclaré irrecevable, le Tribunal administratif fédéral a estimé qu'il n'y avait "pas lieu de procéder à un échange d'écriture supplémentaire en tant qu'il porte sur le fond, tel que demandé par la recourante le 1er septembre 2022" (arrêt attaqué, consid. 3.5). Le Tribunal administratif fédéral a ainsi précisément expliqué les motifs pour lesquels il considérait que l'écriture de la recourante du 12 octobre 2022, qui faisait suite à sa demande du 1er septembre 2022, n'était pas pertinente. Ce contexte ne révèle ainsi manifestement aucune violation de principes fondamentaux de procédure susceptibles de justifier d'entrer en matière sous l'angle du cas particulièrement important.  
Quant à l'argument selon lequel le Tribunal administratif fédéral n'aurait pas envisagé la nullité de la décision de l'Administration fédérale, alors qu'il pouvait l'examiner d'office et en tout temps, la recourante renvoie aux motifs de nullité figurant dans son courrier du 12 octobre 2022, dont il vient d'être établi que l'absence de prise en compte par le Tribunal administratif fédéral ne constitue pas un cas particulièrement important. Pour le surplus, elle n'invoque ni ne démontre aucun autre vice manifeste dont serait entachée ladite décision et dont on pourrait reprocher à l'instance précédente d'avoir violé un principe fondamental de procédure en n'en tenant pas compte sous l'angle de la nullité. 
 
5.  
La recourante fait ensuite valoir que la présente cause soulève la question juridique de principe de savoir quelle est l'interprétation à donner à la notion de "décision précédant la décision finale", au sens de l'art. 19 al. 1 LAAF. Elle relève que les procédures d'assistance administrative en matière fiscale donnent lieu à de nombreuses décisions incidentes dont il appartient au Tribunal fédéral de circonscrire la portée pour des motifs de sécurité juridique et ce tant du point de vue de l'Administration fédérale que des parties concernées par la demande d'assistance. 
 
5.1. Selon l'art. 19 al. 1 LAAF, toute décision précédant la décision finale, y compris une décision relative à des mesures de contrainte, est immédiatement exécutoire et ne peut faire l'objet d'un recours qu'avec la décision finale. La jurisprudence du Tribunal fédéral a précisé qu'une "décision précédant la décision finale" au sens de cette disposition devait être liée matériellement avec la décision finale et devait pouvoir être contestée avec celle-ci (cf. arrêt 2C_941/2014 du 20 août 2015 consid. 4.2 non publié in ATF 141 II 383). Ainsi, une décision de l'Administration fédérale prononçant une amende n'entre pas dans cette catégorie, faute de lien matériel suffisant avec la décision finale, et peut donc être attaquée directement (cf. arrêt précité, consid. 4.2 et 4.7).  
 
5.2. Le Tribunal fédéral a ainsi déjà circonscrit de manière générale la portée de l'art. 19 al. 1 LAAF. Savoir si, concrètement, la décision incidente en cause entre dans la catégorie des décisions visées par l'art. 19 al. 1 LAAF relève donc de l'application de cette disposition au cas d'espèce et ne constitue pas une question juridique de principe, sous réserve du fait qu'elle fasse apparaître une problématique très particulière qui justifierait d'entrer en matière. La recourante n'explique pas en quoi la décision entreprise irait au-delà du cas d'espèce. Son argumentation liée à la nécessité d'assurer la sécurité juridique de manière générale, tant pour l'Administration fédérale que pour les personnes concernées, ne révèle pas une telle situation spécifique. Il convient de rappeler que le Tribunal fédéral n'a pas pour fonction de trancher des questions abstraites (cf. supra consid. 3.3).  
 
6.  
Il découle de ce qui précède que le recours doit être déclaré irrecevable selon la procédure applicable en vertu des art. 107 al. 3 et 109 al. 1 LTF, étant précisé que, comme l'arrêt attaqué émane du Tribunal administratif fédéral, la voie du recours constitutionnel subsidiaire ne saurait entrer en considération (art. 113 a contrario LTF). 
Succombant, la recourante doit supporter les frais de justice devant le Tribunal fédéral (art. 66 al. 1 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à l'Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lausanne, le 11 janvier 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : S. Colella