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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_246/2022  
 
 
Arrêt du 12 décembre 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, Muschietti et van de Graaf. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
recourant, 
 
contre  
 
1. A.________, 
2. B.________, 
3. C.________, 
4. D.________, 
5. E.________, 
tous représentés par Me Raphaël Roux, avocat, 
6. F.________, 
7. G.________, 
tous les deux représentés par Me Léonard Micheli-Jeannet, avocat, 
8. H.________, 
9. I.________, 
tous les deux représentés par Me Clara Schneuwly, avocate, 
10. J.________, 
représenté par Me Raphaël Jakob, avocat, 
11. K.________, 
représentée par Me Fabio Burgener, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Infraction à l'art. 10 LMDPu, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 23 décembre 2021 (P/21776/2019 AARP/411/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 30 juin 2021, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a acquitté A.________, B.________, F.________, C.________, K.________, G.________, D.________, E.________, J.________, H.________ et I.________ du chef de contravention à l'art. 10 de la loi cantonale sur les manifestations sur le domaine public (LMDPu; RS/GE F 3 10). 
 
B.  
Statuant par arrêt du 23 décembre 2021, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel formé par le ministère public contre le jugement du 30 juin 2021, qui a été confirmé. 
En substance, la cour cantonale a retenu les faits suivants. 
 
B.a. Le 15 mars 2019, à Genève, une manifestation pour le climat, réunissant entre 6'000 et 7'000 personnes, s'est déroulée conformément à l'autorisation préalablement délivrée, entre la place des Vingt-Deux-Cantons et la place de Neuve, où la manifestation s'est officiellement terminée vers 16 heures 30.  
Environ 15 minutes plus tard, un groupe de 150 à 200 personnes a emprunté la promenade de la Treille en direction de l'Hôtel de Ville. Il a été bloqué à mi-chemin par la police, qui a effectué les deux sommations suivantes entre 16 heures 50 et 17 heures: " C'est la police qui vous parle. La manifestation est terminée. Veuillez vous disperser. Première sommation! Nous allons faire usage de la contrainte "; puis, " C'est la police qui vous parle. Votre manifestation a été dissoute. Veuillez vous retirer sur le bas. Deuxième sommation! ". 
Une partie du groupe a été refoulée en direction de la place de Neuve, tandis qu'une autre s'est assise afin de débuter un sit-in, ce qui a notamment eu pour effet d'empêcher la circulation des voitures et d'entraver le passage des piétons.  
 
B.b. Certains manifestants, dont A.________, B.________, F.________, C.________, K.________, G.________, D.________, E.________, J.________, H.________ et I.________, qui avaient entrepris le sit-in, ont alors été interpellés, identifiés et requis de quitter les lieux.  
B.________, identifié comme un meneur parmi les manifestants, est toutefois retourné devant la chaîne de police, de sorte qu'il a été interpellé une seconde fois. 
Vers 18 heures 15, les manifestants ont été repoussés jusqu'à la place de Neuve. Ils se sont regroupés devant l'entrée du parc des Bastions, avant de quitter définitivement les lieux. 
 
C.  
Le ministère public forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 23 décembre 2021. Il conclut à sa réforme principalement en ce sens que, d'une part, B.________ est condamné pour infraction au sens de l'art. 10 LMDPu à une amende de 1'150 fr. et que, d'autre part, A.________, F.________, C.________, K.________, G.________, D.________, E.________, J.________, H.________ et I.________ sont condamnés pour la même infraction à une amende de 650 fr. chacun. Subsidiairement, le ministère public conclut à la réforme de l'arrêt en ce sens que A.________, B.________, F.________, C.________, K.________, G.________, D.________, E.________, J.________, H.________ et I.________ sont condamnés pour infraction au sens de l'art. 11F de la loi pénale genevoise (E 4 05) à une amende de 150 fr. chacun. Plus subsidiairement, le ministère public demande l'annulation de l'arrêt du 23 décembre 2021 et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le ministère public se plaint en premier lieu d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'établissement des faits. Il conteste en particulier les constatations cantonales selon lesquelles les intimés n'avaient pas entendu, ni compris les sommations et injonctions les exhortant à se disperser après la manifestation du 15 mars 2019. 
 
1.1. L'accusateur public, auquel l'art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF confère, sans réserve, la qualité pour former un recours en matière pénale, est en principe habilité à invoquer toute violation du droit commise dans l'application du droit pénal matériel ou du droit de procédure pénale, donc aussi une violation des droits constitutionnels, comme notamment l'interdiction de l'arbitraire (ATF 145 IV 65 consid. 1.2; 134 IV 36 consid. 1.4; arrêt 1B_472/2021 du 22 mars 2022 consid. 1.3, destiné à la publication).  
 
1.2. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1 p. 91 s.; 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s.; 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503; sur la notion d'arbitraire v. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244).  
Déterminer ce qu'une personne a su, voulu, envisagé ou accepté relève du contenu de la pensée, à savoir des faits "internes", qui, en tant que faits, lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils n'aient été retenus de manière arbitraire (ATF 142 IV 137 consid. 12; 141 IV 369 consid. 6.3). 
 
1.2.1. La cour cantonale a estimé qu'il subsistait un doute sur le fait qu'avant leur interpellation, les intimés avaient effectivement entendu les sommations préalablement formulées par la police pour les enjoindre à se disperser après la manifestation pour le climat qui s'était tenue à Genève le 15 mars 2019.  
Les intimés, dont les déclarations ne pouvaient pas être remises en cause à ces égards, avaient tous fait part de leur sentiment d'avoir poursuivi le cortège initial dans la légalité compte tenu de son ambiance festive et de sa destination apparemment logique, à savoir l'Hôtel de Ville. Tous avaient ainsi affirmé n'avoir entendu aucune sommation, mais seulement la musique et les chants de la manifestation (cf. arrêt attaqué, consid. 1.5 p. 10). 
 
1.2.2. Le recourant conteste cette appréciation, arguant que l'existence de sommations policières pouvait clairement être déduite tant du rapport de police établi ensuite des faits que des déclarations de l'auteur de ce rapport, le sergent-chef L.________, qui avait été entendu comme témoin aux débats de première instance.  
Certes, comme l'a relevé la cour cantonale, le rapport de police du 6 juin 2019 faisait état de l'existence de sommations réitérées effectuées par les services de police, avec ou sans mégaphone, en sus des deux premières faites entre 16 heures 50 et 17 heures, sommations qu'une centaine de manifestants avaient toutefois décidé d'ignorer. 
Pour autant, contrairement à ce que soutient le recourant, le sergent-chef L.________ n'avait pas expressément confirmé, lors de son audition, l'existence de telles sommations formulées après 17 heures à l'attention de l'ensemble des manifestants encore présents. Il en ressort bien plutôt que le policier avait expliqué s'être alors adressé à " certains jeunes " ayant entrepris un sit-in et les avoir convaincus de partir, ce qui avait également entraîné le départ d'autres manifestants. Si l'auteur du rapport avait certes aussi répété que seule avait été contrôlée l'identité de ceux qui étaient restés, il avait néanmoins reconnu qu'il ne s'était pas chargé lui-même d'identifier les intimés comme des manifestants récalcitrants.  
 
1.2.3. Cela étant, la cour cantonale pouvait valablement considérer que le témoignage ne permettait pas de déterminer comment les quinze prévenus (soit les onze intimés ainsi que les quatre manifestants pour lesquels la procédure avait été classée) avaient été identifiés parmi la centaine de manifestants encore présents après 17 heures sur la promenade de la Treille. Il n'était en particulier pas possible de comprendre comment ils avaient été reconnus comme les manifestants qui n'avaient pas obéi aux ordres de la police et donc considérés comme ceux qui avaient entendu et compris ces ordres. A tout le moins, à suivre le témoignage du policier, les intimés n'étaient en toute logique pas les manifestants auxquels il s'était adressé pour leur demander de partir, dès lors qu'il avait reconnu, comme on l'a vu, que ces personnes étaient parties et s'étaient ainsi conformées à son injonction.  
C'est dès lors sans arbitraire que la cour cantonale a estimé qu'en tant que tels, le rapport de police et le témoignage de son auteur n'étaient pas de nature à réfuter la version des faits présentée par les intimés, qui avaient, de manière suffisamment crédible, unanimement déclaré ne pas avoir entendu les sommations. 
 
1.3. Le recourant ne conteste pas que, faute d'avoir pu établir que les intimés ne s'étaient pas conformés aux sommations policières, l'acquittement des intimés A.________, F.________, C.________, K.________, G.________, D.________, E.________, J.________, H.________ et I.________ avait été valablement prononcé, les éléments constitutifs des infractions décrites aux art. 10 LMDPu et 11F LPG n'étant pas réunis en ce qui les concerne.  
A ce stade, seules doivent donc encore être examinées les critiques du recourant en lien avec l'acquittement de l'intimé B.________, lequel, contrairement aux autres intimés, était retourné sur les lieux de la manifestation après sa première interpellation. 
 
2.  
Le recourant soutient que, par son comportement, l'intimé B.________ s'est bien rendu coupable de la contravention décrite à l'art. 10 LMDPu. Il invoque une violation du principe de la légalité, consacré par l'art. 1 CP, ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.). 
 
2.1. En tant que tel, l'art. 1 CP, dont est déduit le principe de la légalité ( nulla poena sine lege), ne s'applique pas en matière de contraventions de droit cantonal (arrêts 6B_702/2016 du 19 janvier 2017 consid. 2.2; 6B_795/2010 du 10 mai 2011 consid. 1.3; 6B_1006/2008 du 5 mars 2009 consid. 3.1).  
Il n'en demeure pas moins que le principe nulla poena sine lege constitue, tout au moins au titre de la prohibition de l'arbitraire (art. 9 Cst.), un droit constitutionnel au sens de l'art. 95 al. 1 LTF (ATF 138 IV 13 consid. 4.1; 129 IV 276 consid. 1.1.1 et les références citées). Ce principe est par ailleurs consacré dans son expression générale par l'art. 5 al. 1 Cst., dans la mesure où cette disposition exige qu'un acte de l'État repose sur une base légale suffisamment précise, émanant d'un organe compétent (ATF 147 I 1 consid. 4.3.1; 130 I 1 consid. 3.1). Cela étant, le Tribunal fédéral ne dispose pas d'un plein pouvoir d'examen en matière de contraventions du droit cantonal. En effet, dans l'application du droit cantonal, à part les restrictions des droits fondamentaux (art. 36 al. 1 Cst.), le Tribunal fédéral n'intervient en cas de violation du principe de la légalité que si la mesure de droit cantonal viole simultanément l'interdiction de l'arbitraire (ATF 134 I 153 consid. 4; arrêts 6B_702/2016 précité consid. 2.2; 6B_844/2013 du 20 février 2014 consid. 3.2).  
 
2.2. Selon l'art. 335 CP, les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale (al. 1). Ils peuvent édicter des sanctions pour les infractions au droit administratif et au droit de procédure cantonaux (al. 2). Lorsque le droit pénal fédéral a réglementé de façon exhaustive les atteintes à un bien juridiquement protégé, il n'y a plus de place pour une contravention de droit cantonal (ATF 138 IV 13 consid. 3.3.1 et les arrêts cités).  
Dans un domaine où ils sont eux-mêmes compétents, les cantons sont en principe libres d'assortir leurs réglementations de droit public de normes de droit pénal (administratif) destinées à en assurer le respect (ATF 129 IV 276 consid. 2.1). En particulier, il est reconnu que le droit cantonal peut prévoir des contraventions dans le contexte de l'organisation et de la tenue de manifestations sur le domaine public, la protection de l'ordre et de la sécurité publics étant en effet du ressort des cantons, de même que la réglementation relative à l'usage du domaine public (ATF 144 I 281 consid. 4.3; arrêt 1C_225/2012 du 10 juillet 2013 consid. 5.2). 
 
2.3.  
 
2.3.1. Dans le canton de Genève, la LMDPu a pour but de régir, dans le respect des droits fondamentaux garantis par la Cst. et la CEDH, l'organisation et la tenue de manifestations, soit de tout rassemblement, cortège, défilé ou autre réunion sur le domaine public (art. 1 et 2 LMDPu).  
L'organisation d'une manifestation sur le domaine public est soumise à une autorisation délivrée par le département compétent (art. 3 LMDPu), qui en fixe les modalités, charges et conditions en tenant compte de la demande d'autorisation et des intérêts privés et publics en présence; il détermine en particulier le lieu ou l'itinéraire de la manifestation ainsi que la date et l'heure du début et de fin de celle-ci (art. 5 al. 2 LMDPu). 
Le bénéficiaire de l'autorisation ou une personne responsable désignée par lui est tenu de se tenir à disposition de la police pendant toute la manifestation et de se conformer à ses injonctions (art. 4 al. 5 LMDPu). Le service d'ordre de la manifestation, dont la mise en place peut être imposée par le département au bénéficiaire de l'autorisation, est également tenu de collaborer avec la police et de se conformer à ses injonctions (art. 5 al. 4 LMDPu). 
 
2.3.2. Sous le titre marginal "Sauvegarde de l'ordre public", l'art. 6 LMDPu prévoit l'interdiction, pour quiconque participe à une manifestation, de revêtir, sauf dérogation par le Conseil d'Etat, une tenue destinée à empêcher son identification, un équipement de protection ou un masque à gaz (al. 1 let. a), de porter sur soi ou à portée d'utilisation toute arme, objet dangereux ou contondant permettant la commission d'une infraction (al. 1 let. b) et de porter sur soi ou à portée d'utilisation toute matière ou objet propre à causer un dommage à la propriété ou à la dégrader (al. 1 let. c). La police peut s'assurer par des contrôles préventifs du respect par les participants à une manifestation de l'interdiction stipulée à l'al. 1 (al. 2).  
Conformément aux principes de proportionnalité et d'opportunité, la police procède à la dispersion des manifestations non autorisées ou qui ne respectent pas les conditions de l'autorisation (art. 6 al. 3 LMDPu). En cas de violences et de débordements, la police emploie sans délai les moyens adéquats et proportionnés pour rétablir l'ordre et identifier les fauteurs de troubles; les participants à la manifestation sont tenus d'obtempérer immédiatement à ses sommations (art. 6 al. 4 LMDPu). 
La police peut photographier ou filmer les participants à une manifestation s'il ressort des circonstances concrètes que certaines de ces personnes envisagent de commettre un crime ou un délit dont la gravité ou la particularité justifie cette mesure (art. 6 al. 5 LMDPu). Dans le respect du principe de proportionnalité et en particulier compte tenu de la gravité des infractions commises, le matériel photographique ou les films ainsi recueillis peuvent être rendus publics pour permettre l'identification des personnes soupçonnées d'avoir commis un crime ou un délit ou d'y avoir participé; ils ne seront conservés à l'expiration d'un délai de 30 jours après la manifestation qu'en tant qu'ils sont directement utiles à la poursuite d'un crime ou d'un délit survenu pendant la manifestation (art. 6 al. 6 LMDPu). La police peut procéder aux contrôles d'identité que les circonstances commandent (art. 6 al. 7 LMDPu). 
A teneur de l'art. 7 LMDPu ("Flagrant délit"), la police appréhende les individus surpris en flagrant délit y compris en cas d'actes préparatoires et de tentative sanctionnés par le droit pénal fédéral (al. 1). La police saisit les objets destinés à commettre ces infractions (al. 2). 
 
2.3.3. A titre de "Dispositions pénales", l'art. 10 LMDPu permet de sanctionner de l'amende jusqu'à 100'000 fr. celui qui a omis de requérir une autorisation de manifester, ne s'est pas conformé à sa teneur, a violé l'interdiction édictée à l'art. 6 al. 1 LMDPu ou ne s'est pas conformé aux injonctions de la police.  
 
2.4.  
 
2.4.1. En l'espèce, dans une argumentation partiellement subsidiaire à celle évoquée sous consid. 1.2 supra, la cour cantonale a jugé que, dans la mesure où la police n'était pas intervenue pour mettre fin à des violences ou à des débordements commis par les intimés, ceux-ci n'étaient pas susceptibles d'être condamnés au titre de l'art. 10 LMDPu (cf. arrêt attaqué, consid. 2.4.3 p. 14).  
Les juges cantonaux ont ainsi relevé que le comportement reproché aux intimés (soit en l'état à l'intimé B.________ uniquement [cf. consid. 1.3 supra]) avait trait au seul fait de ne pas avoir obtempéré aux sommations de la police de quitter les lieux après la manifestation qui s'était tenue le 15 mars 2019, sans qu'au surplus il devait leur être reproché d'avoir causé un quelconque dommage ou désagrément ayant excédé le trouble de la circulation sur les lieux en cause, la manifestation n'ayant par ailleurs pas été émaillée de violences (cf. arrêt attaqué, consid. 2.4.2 p. 13 s.).  
 
2.4.2. Certes, selon la cour cantonale, à suivre une interprétation strictement littérale de l'art. 10 in fine LMDPu (soit de la quatrième et dernière hypothèse énoncée par cette disposition) et à admettre que les intimés avaient entendu, mais n'avaient pas respecté les sommations de la police, leur comportement paraissait en effet devoir être réprimé d'une contravention au sens de la LMDPu.  
Tel n'était toutefois pas le cas si l'on référait à une interprétation systématique, historique et téléologique du droit cantonal pertinent. Il fallait ainsi prendre en considération que la LMDPu ne mentionnait les termes "injonction" ou "sommation" que dans trois cas précis, à savoir l'obligation du bénéficiaire de l'autorisation ou de la personne responsable de se conformer aux injonctions de la police (art. 4 al. 5 LMDPu), celle du service d'ordre dans la même mesure (art. 5 al. 4 in fine LMDPu) et, en cas de violences et de débordements, celle des participants à la manifestation d'obtempérer immédiatement aux sommations de la police (art. 6 al. 4 in fine LMDPu). Il en résultait, sous l'angle d'une interprétation systématique de la loi, que la contravention décrite à l'art. 10 in fine LMDPu ne visait que l'une de ces trois hypothèses et non en tant que telle, en l'absence de violences et de débordements, la désobéissance à une injonction ou à une sommation de la police, étant du reste observé, toujours sous l'angle d'une approche systématique, que la loi n'imposait pas une distinction entre les termes d'injonction et de sommation.  
En outre, il était à relever que les dispositions précitées (soit les art. 4 al. 5, 5 al. 4, 6 al. 4 in fine et 10 in fine LMDPu) étaient historiquement liées dès lors qu'elles étaient entrées en vigueur simultanément, le 21 avril 2012, en vertu de la même modification législative, qui visait alors à garantir une application rigoureuse de la LMDPu, en réaction à la manifestation altermondialiste qui s'était tenue à Genève le 28 novembre 2009 et qui avait engendré des scènes d'émeutes et de lourds dégâts matériels. Aussi, il pouvait être déduit de l'exposé des motifs relatif au projet de loi que l'intention du législateur avait été d'allier, en cas de violences et de débordements, l'obligation des manifestants de respecter les injonctions de police à une sanction plus sévère que celle que le droit cantonal prévoyait jusqu'alors, l'exposé des motifs faisant ainsi état d'une volonté du législateur d'éviter d'une manière plus efficiente les troubles susceptibles d'être générés par des manifestations sur le domaine public.  
Enfin, la cour cantonale a observé que, dans la mesure où l'art. 10 LMDPu prévoyait à titre de sanction une amende pouvant s'élever à 100'000 fr., il s'agissait là d'une contravention "qualifiée", qui n'avait pas vocation à s'appliquer face à n'importe quel acte de désobéissance à la police (cf. arrêt attaqué, consid. 2.4.2 p. 13 s.). 
 
2.5. Le raisonnement de la cour cantonale ne se révèle pas critiquable sous l'angle du principe de la légalité déduit de l'art. 5 al. 1 Cst., pas plus qu'il ne consacre une application arbitraire du droit cantonal.  
Aussi, en tant que le recourant soutient que l'art. 6 al. 3 LMDPu habilite la police à procéder à la dispersion des manifestants et donc forcément également à leur formuler des injonctions, que l'art. 10 LMPDu ne renvoie qu'à l'art. 6 al. 1 LMDPu, et non aux 4 al. 5, 5 al. 4 et 6 al. 4 LMDPu, ou encore que l'exposé des motifs ne serait pas si clair que la cour cantonale le laisse entendre, il s'attache en définitive à proposer sa propre interprétation de la loi cantonale, sans toutefois parvenir à démontrer l'arbitraire de celle, suffisamment convaincante, proposée par la cour cantonale. 
Au reste, le recourant ne saurait être suivi lorsqu'il soutient que la police ne dispose d'aucun moyen de contrainte propre à assurer la dispersion d'une manifestation qui ne serait pas autorisée et dès lors dépourvue de tout responsable ou service d'ordre. Outre que la LMDPu autorise la police à utiliser des moyens proportionnés pour procéder à la dispersion de manifestations non autorisées (cf. art. 6 al. 3 LMDPu), qu'elle l'habilite par ailleurs à prendre des mesures préventives pour la sauvegarde de l'ordre public (cf. en particulier art. 6 al. 5 et 7 LMDPu) et à intervenir en cas d'actes préparatoires ou de tentatives portant sur des infractions de droit fédéral qui seraient commises lors de manifestations (cf. art. 7 LMDPu), il est à relever également que, comme on va le voir ci-après, un refus d'obtempérer à la police dans le cadre d'une manifestation reste en soi susceptible dans le canton de Genève, sous réserve des garanties offertes par l'art. 11 CEDH, d'être réprimé en vertu de l'art. 11F LPG. 
Le grief s'avère dès lors infondé. 
 
3.  
A titre subsidiaire, le recourant soutient que l'intimé B.________ aurait dû être condamné au titre de la contravention prévue par le droit cantonal à l'art. 11F LPG. Invoquant à nouveau une violation du principe de la légalité (art. 1 CP), il conteste en particulier l'appréciation de la cour cantonale selon laquelle les garanties déduites de l'art. 11 CEDH faisaient obstacle en l'espèce à une condamnation du chef de cette contravention. 
 
3.1. En droit cantonal genevois, aux termes de l'art. 11F LPG, celui qui n'aura pas obtempéré à une injonction d'un membre de la police ou d'un agent de la police municipale agissant dans le cadre de ses attributions sera puni de l'amende.  
 
3.2.  
 
3.2.1. L'art. 22 Cst. garantit la liberté de réunion (al. 1), toute personne ayant le droit d'organiser des réunions et d'y prendre part ou non (al. 2). Sont considérées comme des réunions les formes les plus diverses de regroupements de personnes dans le cadre d'une organisation déterminée, dans le but, compris dans un sens large, de former ou d'exprimer mutuellement une opinion (ATF 144 I 281 consid. 5.3.1; 132 I 256 consid. 3; 132 I 49 consid. 5.3; arrêt 6B_655/2022 du 31 août 2022 consid. 4.2).  
L'art. 11 par. 1 CEDH (en relation avec l'art. 10 CEDH), qui consacre notamment le droit de toute personne à la liberté de réunion et à la liberté d'association, offre des garanties comparables (ATF 132 I 256 consid. 3; arrêt 6B_655/2022 précité consid. 4.2); son exercice est soumis aux restrictions qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (art. 11 par. 2, 1ère phrase, CEDH). 
 
3.2.2. Il existe en principe, sur la base de la liberté d'opinion, d'information et de réunion, un droit conditionnel à l'usage accru du domaine public pour des manifestations avec appel au public (ATF 144 I 50 consid. 6.3; 138 I 274 consid. 2.2.2; 132 I 256 consid. 3). De telles manifestations impliquent la mise à disposition d'une partie du domaine public, en limitent l'usage simultané par des non-manifestants et ne permettent plus, localement et temporairement, un usage commun. Cette situation exige qu'un ordre de priorité soit fixé entre les divers usagers. Cela implique de soumettre la tenue de telles réunions à autorisation (ATF 132 I 256 consid. 3). Dans le cadre de l'octroi de ces autorisations, l'autorité doit tenir compte, d'une part, des intérêts des organisateurs à pouvoir se réunir et s'exprimer et, d'autre part, de l'intérêt de la collectivité et des tiers à limiter les nuisances, notamment à prévenir les actes de violence (ATF 127 I 164 consid. 3 et les références). Plus simplement, il s'agit d'assurer l'utilisation adéquate des installations publiques disponibles dans l'intérêt de la collectivité et du voisinage ainsi que de limiter l'atteinte portée par la manifestation aux libertés des tiers non manifestants (ATF 143 I 147 consid. 3.2; ATF 132 I 256 consid. 3; arrêt 6B_655/2022 précité consid. 4.3).  
Selon la CourEDH, l'exigence d'une autorisation n'est pas contraire à l'art. 11 CEDH pour autant que le but de la procédure est de permettre aux autorités de prendre des mesures raisonnables et adaptées permettant de garantir le bon déroulement des événements de ce type (arrêt de la CourEDH Sergueï Kouznetsov c. Russie du 23 octobre 2008, § 42). Les organisateurs de rassemblements publics doivent obéir aux normes régissant ce processus en se conformant aux réglementations en vigueur (arrêts de la CourEDH Primov et autres c. Russie du 12 juin 2014, § 117; Oya Ataman c. Turquie du 5 décembre 2006, § 38; Berladir et autres c. Russie du 12 juillet 2012, § 39). La Cour européenne a précisé que, si les règles régissant les réunions publiques, telles qu'un système d'autorisation, sont essentielles pour le bon déroulement des manifestations publiques, leur mise en oeuvre ne doit pas devenir une fin en soi (arrêts de la CourEDH Cisse c. France du 9 avril 2002, § 50; Oya Ataman c. Turquie du 5 décembre 2006, §§ 37-39; Gafgaz Mammadov c. Azerbaïdjan du 15 octobre 2015, § 59; Bumbes c. Roumanie du 3 mai 2022, § 100).  
 
3.2.3. Les autorités doivent pouvoir sanctionner ceux qui participent à une manifestation non autorisée, sans quoi une procédure d'autorisation serait illusoire (arrêt de la CourEDH Ziliberberg c. République de Moldova du 1er février 2005, n° 61821/00). Si les conditions prévues dans l'autorisation de manifester ne sont pas respectées, les organisateurs et les participants pourront, le cas échéant, être punis par une amende, en application de l'art. 292 CP ou d'une norme cantonale, pour autant qu'il n'y ait pas de disproportion entre le non-respect des conditions et la sanction (ATF 105 Ia 15; PETER UEBERSAX, La liberté de manifester, in RDAF 2006, p. 37).  
De même, le Tribunal fédéral a jugé à plusieurs reprises que des actions de blocage commises lors de manifestations pouvaient donner lieu à des condamnations pénales, notamment sous l'angle de l'infraction de contrainte (art. 181 CP; arrêt 6B_655/2022 précité consid. 4.5 et les arrêts cités). La CourEDH a aussi admis que lorsque des manifestants perturbaient intentionnellement la vie quotidienne et les activités licites d'autrui, ces perturbations pouvaient justifier l'imposition de sanctions, y compris de nature pénale, lorsque leur ampleur dépassait celle qu'impliquait l'exercice normal de la liberté de réunion pacifique (arrêt de la CourEDH Kudrevicius et autres c. Lituanie du 15 octobre 2015 [GC], §§ 173-174; voir aussi arrêt de la CourEDH Barraco c. France du 5 mars 2009, §§ 46-47). Elle a ainsi considéré que le blocage quasi total de trois autoroutes importantes, au mépris flagrant des ordres de la police et des intérêts et droits des usagers de la route, s'analysait en un comportement qui, tout en étant moins grave que le recours à la violence physique, pouvait être qualifié de "répréhensible" (arrêt de la CourEDH Kudrevicius et autres c. Lituanie [GC], §§ 173-174; voir aussi Barraco c. France, §§ 46-47).  
 
3.2.4. Néanmoins, la jurisprudence de la CourEDH s'attache à insister sur le fait qu'en l'absence d'actes de violence de la part des manifestants non autorisés, les pouvoirs publics doivent faire preuve d'une certaine tolérance pour les rassemblements pacifiques, afin que la liberté de réunion garantie par l'art. 11 CEDH ne soit pas vidée de sa substance (arrêts de la CourEDH Kudrevicius et autres c. Lituanie [GC], § 150; Navalnyy et Yashin c. Russie du 4 décembre 2014, § 63; Bukta et autres c. Hongrie du 17 juillet 2007, § 37; Oya Ataman c. Turquie, §§ 41-42). Selon la CourEDH, la liberté de participer à une réunion pacifique revêt une telle importance qu'une personne ne peut faire l'objet d'une quelconque sanction - même une sanction se situant vers le bas de l'échelle des peines disciplinaires - pour avoir participé à une manifestation non prohibée, dans la mesure où l'intéressé ne commet par lui-même, à cette occasion, aucun acte répréhensible (arrêts de la CourEDH Navalnyy c. Russie du 15 novembre 2018 [GC], § 128; Solari c. République de Moldova du 28 mars 2017, § 37; Kudrevicius et autres c. Lituanie [GC], § 149).  
La tolérance qui est demandée aux pouvoirs publics à l'égard des rassemblements pacifiques "illégaux" doit s'étendre aux cas dans lesquels la manifestation en cause se tient dans un lieu public en l'absence de tout risque pour la sécurité, et si les nuisances causées par les manifestants ne dépassent pas le niveau de perturbation mineure qu'entraîne l'exercice normal du droit à la liberté de réunion pacifique dans un lieu public (arrêt de la CourEDH Navalnyy c. Russie [GC], § 131). Elle doit également s'étendre aux réunions qui entraînent des perturbations de la vie quotidienne, notamment de la circulation routière (arrêts de la CourEDH Egitim ve Bilim Emekcileri Sendikasi et autres c. Turquie du 5 juillet 2016, § 95; Kudrevicius et autres c. Lituanie [GC], § 155). Les limites de la tolérance que les autorités sont censées démontrer à l'égard d'un rassemblement illicite dépendent des circonstances particulières de l'espèce, notamment de la durée et de l'ampleur du trouble à l'ordre public causé par le rassemblement ainsi que de la question de savoir si ses participants se sont vu offrir une possibilité suffisante d'exprimer leurs opinions et de quitter les lieux une fois que l'ordre leur en a été donné (arrêts de la CourEDH Frumkin c. Russie du 5 janvier 2016, § 97; Kudrevicius et autres c. Lituanie [GC], §§ 155-157 et 176-177).  
 
3.3. En l'espèce, dans une motivation subsidiaire à celles présentées sous consid. 1.2 et 2.4 supra, et à admettre que les intimés avaient agi en contravention d'ordres de police entendus et compris, la cour cantonale a relevé que ces derniers pourraient s'être rendus coupables de la contravention, non qualifiée, décrite à l'art. 11F LPG, celle-ci englobant toute désobéissance à des injonctions données par les forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions, indépendamment des circonstances de leur intervention.  
Il fallait néanmoins prendre en considération qu'en l'occurrence, les intimés avaient manifesté pacifiquement, à proximité du lieu de réunion autorisé par les autorités, sans commettre d'actes répréhensibles, ni prendre les forces de l'ordre au dépourvu, ni encore occasionner de perturbation de la vie quotidienne qui serait hors de proportion. Dans ce contexte, une condamnation pénale, même limitée à une amende d'un montant situé dans le bas de l'échelle des sanctions, enfreindrait la liberté de réunion garantie par l'art. 11 par. 1 CEDH, sans que par ailleurs, au regard de l'art. 11 par. 2 CEDH, elle constituerait une mesure nécessaire dans une société démocratique (cf. arrêt attaqué, consid. 2.5 p. 14 s.). 
 
3.4. L'approche adoptée par la cour cantonale doit être suivie au regard des développements présentés ci-avant en lien avec la portée de l'art. 11 CEDH dans le contexte de manifestations non autorisées sur le domaine public, l'acquittement prononcé ne reflétant par ailleurs pas une violation du principe de la légalité, ni une application arbitraire du droit cantonal.  
Il ressort en effet de l'arrêt attaqué que la manifestation en cause, ayant en l'occurrence pris la forme d'un sit-in, s'était non seulement déroulée de manière pacifique, mais s'inscrivait en outre dans le prolongement immédiat, tant sur le plan géographique que chronologique, d'une manifestation dûment autorisée et encadrée par la police, qui était donc déjà présente sur les lieux et ainsi suffisamment préparée. Selon les constatations cantonales, le sit-in, qui avait réuni une centaine de personnes durant environ une heure et demie, n'avait occupé qu'un axe routier secondaire, reliant, à Genève, la place de Neuve à la Vieille-Ville, de sorte que le trouble engendré à la circulation routière, et plus accessoirement piétonne, s'était avéré mineur. Il ne ressort par ailleurs pas de l'arrêt attaqué qu'au cours de leur action, les manifestants s'en étaient pris d'une quelconque manière à l'intégrité ou à la propriété d'autrui.  
Le grief du recourant doit dès lors être rejeté. 
 
4.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Il est statué sans frais (art. 66 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 12 décembre 2022 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
Le Greffier : Tinguely