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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_398/2022  
 
 
Arrêt du 13 décembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux Jametti, Juge présidant, Chaix et Merz. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
A.________ Ltd, 
représentée par Me Saskia Ditisheim, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
1. B.________, 
2. C.________, 
toutes les deux représentées par Me Jean-François Ducrest, avocat, 
intimées, 
 
Ministère public de la Confédération, 
Guisanplatz 1, 3003 Berne. 
 
Objet 
Procédure pénale; séquestre, 
 
recours contre la décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral du 28 juin 2022 
(BB.2021.66 et BB.2021.67). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A la suite d'une plainte pénale déposée le 8 mai 2015 par A.________ Ltd (ci-après : A.________ ou la recourante), le Ministère public de la Confédération (ci-après : le MPC) instruit, depuis le 13 août 2015, une enquête contre D.________ et E.________ pour soupçons de blanchiment d'argent (art. 305bis CP; cause SV_1). Le 11 septembre 2015, cette instruction a été étendue contre F.________. Il est reproché aux prévenus d'avoir blanchi des fonds provenant d'escroquerie et de vol commis en avril 2015 au détriment de la société A.________, active dans un pays de l'est dans le domaine des fertilisants. Cette société a été admise en tant que partie plaignante. 
Dans deux ordonnances du 6 mars 2019, le MPC a ordonné le séquestre des valeurs patrimoniales déposées auprès de la banque G.________ SA (1) sur la relation bancaire n° yyy au nom de B.________, ainsi que sur celle n° xxx au nom de la société C.________, dont l'ayant droit économique est la précitée. 
Saisi de demandes de levée de séquestre, le MPC a prononcé, le 12 mars 2021, la levée partielle de cette mesure portant sur la relation bancaire n° yyy de B.________ jusqu'à concurrence de la somme EUR 900'840.50. Ce même jour, le MPC a intégralement levé le séquestre portant sur les avoirs de C.________ (compte n° xxx). Par actes du 15 mars 2021 - complétés le 25 mars suivant -, A.________ a déposé des recours auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (ci-après : la Cour des plaintes) contre ces deux ordonnances (cause BB.2021.66 s'agissant de B.________ et cause BB.2019.67 en ce qui concerne C.________). 
Vu les procédures pendantes devant la Cour des plaintes, le MPC n'est en substance pas entré en matière sur les demandes de reconsidération formées par A.________ entre décembre 2021 et février 2022. 
 
B.  
Le 28 juin 2022, la Cour des plaintes a joint les recours formés par A.________ contre les deux ordonnances du 12 mars 2021 (causes BB.2021.66 et BB.2021.67) et les a rejetés. 
 
C.  
 
C.a. Par acte du 5 juillet 2022, B.________ et C.________ (ci-après : les intimées) déposent au Tribunal fédéral un "Mémoire préventif tendant au rejet de l'octroi de l'effet suspensif de tout éventuel recours de A.________ contre la décision du [Tribunal pénal fédéral] du 28 juin 2022".  
 
C.b. Le 30 juillet 2022, A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Cour des plaintes du 28 juin 2022, concluant à son annulation, à celles des ordonnances du MPC du 12 mars 2021 et à la confirmation des séquestres ordonnés le 6 mars 2019 sur les comptes n° yyy au nom de B.________ et n° xxx au nom de C.________ détenus auprès de la banque G.________ SA. Subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.  
Les intimées ont conclu à l'irrecevabilité du recours, respectivement à son rejet. Quant au MPC, il a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. L'autorité précédente a renoncé à déposer des déterminations, mentionnant cependant sa décision BB.2021_1 rendue le 28 juin 2022 dans une cause parallèle connexe. Le 9 septembre 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions. Le MPC et les intimées ont, le 19 suivant, renoncé à déposer des observations complémentaires. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La recourante n'ayant pas demandé l'effet suspensif, il n'y a pas lieu de se prononcer sur l'admissibilité du mémoire préventif déposé par les intimées antérieurement à l'acte de recours. 
 
2.  
Selon l'art. 79 LTF, le recours en matière pénale est recevable contre les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral qui portent sur des mesures de contrainte, dont font partie les prononcés relatifs à un séquestre (ATF 143 IV 85 consid. 1.2 p. 87). L'arrêt attaqué - qui ne met pas un terme à la procédure pénale - confirme la levée partielle, respectivement intégrale, des séquestres ordonnés sur les comptes des intimées. Dès lors, la recourante, en tant que partie plaignante, voit ses expectatives liées à l'allocation des valeurs qui pourraient être confisquées ou faire l'objet d'une créance compensatrice mises en danger; au stade de la recevabilité, la décision entreprise est donc susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 140 IV 57 consid. 2.3 p. 60). Pour ces mêmes motifs, la recourante dispose d'un intérêt juridique à obtenir l'annulation ou la modification de l'arrêt attaqué (cf. art. 81 al. 1 let. a et b LTF). Les autres conditions de recevabilité étant réunies - dont le dépôt du recours en temps utile (cf. art. 46 al. 2 et 100 al. 1 LTF; ATF 143 IV 357 consid. 1.2.1. p. 359) -, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
3.  
Dans l'arrêt attaqué, la Cour des plaintes a tout d'abord résumé les positions des différentes parties (le MPC [consid. 3.3.1 p. 9 s.], la recourante [consid. 3.3.2 p. 10 ss] et les intimées [consid. 3.3.3 p. 13 ss]). 
L'autorité précédente a ensuite rappelé que les intimées avaient la qualité de tiers au sens de l'art. 105 al. 1 let. f CPP. Selon la Cour des plaintes, l'étendue du séquestre - admissible dans la mesure où il existait une possibilité de confiscation ou d'un prononcé ordonnant une créance compensatrice - portant sur leurs avoirs se limitait à la somme des fonds ayant transité sur leurs relations bancaires et non à la valeur totale des infractions commises au détriment de la recourante; il s'agissait dès lors de déterminer le montant de l'avantage illicite versé aux intimées. L'autorité précédente a ensuite relevé que le maintien du séquestre sur la somme de EUR 900'840.50 versée par la société H.________ sur le compte de la société intimée, puis transférée à l'intimée B.________, n'était pas contesté, le litige portant uniquement sur les montants libérés à la suite des ordonnances du MPC; l'existence de soupçons suffisants laissant présumer les infractions de blanchiment, ainsi que celles préalables notamment d'escroquerie et/ou de vol envers la recourante n'était pas non plus remise en cause (cf. consid. 3.4.1 p. 15 s.). 
Se référant aux observations du MPC, la Cour des plaintes a retenu qu'en principe, l'instruction de la cause en lien avec l'acquisition, en France, d'un château par l'intimée B.________ était terminée; si la recourante soutenait que cet achat aurait été rendu possible en raison de la soustraction de ses avoirs, cela ne ressortait pas du "paper trail", mais de l'imbrication complexe entre plusieurs sociétés en lien avec le prévenu E.________ et les deux intimées. Selon l'autorité précédente, aucun élément concret qui découlerait des nombreuses mesures d'enquête effectuées n'avait permis de conclure ou de supposer une origine illicite des autres fonds des intimées en lien avec les infractions examinées; cette démonstration n'était pas apportée par les éléments avancés par la recourante, lesquels ne constituaient ainsi que de "simples conjectures" ne permettant pas de justifier le maintien du séquestre. La Cour des plaintes a en substance estimé qu'une autre appréciation ne s'imposait pas à la suite de l'arrestation du dénommé I.________, soit du supposé acheteur, par le biais de cinq entités différentes - dont H.________ -, d'une société appartenant à l'intimée B.________ et dont la vente aurait permis à celle-ci d'acquérir le château en France. L'instance précédente a donc retenu qu'au vu de l'avancement de l'instruction, il n'existait plus de charges suffisantes permettant de maintenir les séquestres litigieux au-delà de la somme encore saisie sur le compte de l'intimée B.________; cela valait d'autant plus que l'instruction pénale en Suisse contre cette dernière pour blanchiment d'argent avait été refusée (cf. l'arrêt BB.2021_1 du 28 juin 2022 de la Cour des plaintes), notamment dès lors qu'une telle procédure avait été ouverte en France pour des faits similaires, soit ceux en lien avec l'achat du château; les autorités françaises avaient également requis le séquestre de EUR 3'238'100.- sur le compte détenu par l'intimée B.________ auprès de la banque G.________ SA (cf. également consid. 3.2 p. 9). La Cour des plaintes a par conséquent confirmé la levée des séquestres dans la procédure pénale suisse dans la mesure ordonnée par le MPC (cf. consid. 3.4.2 p. 16 s.). 
 
4.  
La recourante se plaint de différentes violations de son droit d'être entendue; il en résulterait notamment que la décision attaquée serait arbitraire. 
 
4.1. Dans un premier grief, la recourante se plaint en substance d'un défaut de motivation.  
Elle ne remet cependant pas en cause le résumé de ses déterminations tel qu'effectué par la Cour des plaintes (cf. consid. 3.3.2 p. 10 ss de l'arrêt attaqué); cette dernière y renvoie d'ailleurs expressément dans son raisonnement (cf. consid. 3.4.2 p. 16 de l'arrêt entrepris). Cela suffit pour comprendre quels sont les éléments invoqués par la recourante, respectivement écartés en tant que "simples conjectures" par la Cour des plaintes, à savoir notamment : 
 
- le montant des sommes reçues, entre septembre 2015 et avril 2016, par les intimées de cinq sociétés - dont H.________ -, qui serait a priori équivalent au prix d'achat du château; 
- le motif identique fourni par les intimées à la banque pour expliquer ces montants ("textile-based flat rubber mine conveyor belt", à savoir un même produit vendu pourtant à un prix différent); 
- le défaut allégué d'activité commerciale réelle de la société intimée, laquelle aurait en outre été en liquidation à la date des virements litigieux; 
- les divergences stylistiques dans les factures émises par la société intimée et adressées pourtant à une même société; 
- les liens entre les cinq sociétés en cause (pour certaines, adresse identique, actionnaire unique similaire et/ou même "resident agent"; les nombreux transferts entre les unes et les autres; l'utilisation d'une adresse de courrier électronique d'une de ces sociétés par le prévenu E.________); 
- les explications données par les intimées pour justifier la réception de ces montants, soit la vente par l'intimée B.________ d'une de ses sociétés; et 
- l'arrestation du prétendu acheteur de cette société et ses liens avec l'avocate de l'ex-épouse du prévenu E.________, laquelle aurait été mandatée pour obtenir un certificat de décès frauduleux de ce dernier. 
Le raisonnement de la Cour des plaintes est certes bref, mais permet de comprendre qu'en l'absence d'éléments concrets retraçant le cheminement des fonds versés par les quatre autres sociétés, ces indications ne suffisaient plus pour maintenir le séquestre. Cette appréciation peut certes déplaire à la recourante, elle n'en est pas pour autant constitutive d'une violation de son droit d'être entendue. 
 
4.2. Ce dernier motif suffit également pour écarter les reproches en lien avec la prétendue absence de prise en compte du "Réquisitoire définitif aux fins de disjonction, non-lieu partiel, requalification, et renvoi devant le Tribunal correctionnel" du Procureur français (ci-après : le réquisitoire français). La Cour des plaintes n'a d'ailleurs pas ignoré la procédure française (cf. consid. 3 ci-dessus, ainsi que les consid. 3.2 p. 9 et 3.4.2 p. 16 in fine de l'arrêt attaqué).  
 
4.3. Dans la mesure où l'autorité de recours dispose d'une pleine cognition en fait et en droit, peu importe de savoir si le MPC pouvait ou non statuer préalablement à la réception du rapport de police du 31 mars 2021. Un extrait de celui-ci a au demeurant été produit au cours de la procédure devant l'instance précédente; ce rapport venait documenter le cheminement de la somme de EUR 900'840.-, sur laquelle le séquestre a été confirmé (cf. consid. 3.3.1 p. 10 de l'arrêt attaqué).  
En tout état de cause, la recourante n'expose pas, dans son recours au Tribunal fédéral, quels seraient les éléments déterminants que ce rapport apporterait eu égard aux versements des quatre autres sociétés; elle se limite en effet à renvoyer à ses déterminations du 5 juillet 2021 déposées devant l'instance précédentes, procédé qui n'est pas admissible eu égard à ses obligations en matière de motivation (cf. art. 42 al. 2 LTF). 
 
4.4. Il découle des considérations précédentes que l'autorité précédente n'a pas violé le droit d'être entendu de la recourante.  
La violation du principe de l'arbitraire invoquée étant liée aux griefs précités (décision ne tenant pas compte des éléments développés par la recourante, confirmant l'ordonnance du MPC rendue préalablement à la réception du rapport de police du 31 mars 2021 et ne prenant pas en compte le réquisitoire français), elle peut également être écartée. 
 
5.  
Se référant aux art. 197 al. 1 let. b, 263 CPP, 70 al. 1 et 71 al. 3 CP, la recourante reproche à l'autorité précédente d'avoir limité le montant du séquestre aux avantages illicites éventuellement perçus par les intimées, à l'exclusion des valeurs patrimoniales sans lien avec les faits; la Cour des plaintes aurait en outre d'ores et déjà considéré que l'intimée B.________ ne serait pas un tiers de mauvaise foi. La recourante lui fait également grief d'avoir retenu qu'il n'existait plus de soupçons suffisants permettant de maintenir les séquestres en vue d'une éventuelle confiscation. 
 
5.1. A teneur de l'art. 70 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits (al. 1); la confiscation n'est pas prononcée lorsqu'un tiers a acquis les valeurs dans l'ignorance des faits qui l'auraient justifiée, et cela dans la mesure où il a fourni une contre-prestation adéquate ou si la confiscation se révèle d'une rigueur excessive (al. 2).  
La confiscation au sens de l'art. 70 CP suppose une infraction, des valeurs patrimoniales, ainsi qu'un lien de causalité tel que l'obtention des secondes apparaisse comme la conséquence directe et immédiate de la première. L'infraction doit être la cause essentielle, respectivement adéquate, de l'obtention des valeurs patrimoniales et celles-ci doivent typiquement provenir de l'infraction en cause. Le but poursuivi au travers de l'art. 70 CP est d'empêcher qu'un comportement punissable procure un gain à l'auteur ou à des tiers, conformément à l'adage selon lequel "le crime ne doit pas payer" (ATF 145 IV 237 consid. 3.2.1 p. 242 et les arrêts cités). Les valeurs patrimoniales confiscables se rapportent à tous les avantages économiques illicites obtenus directement ou indirectement au moyen d'une infraction, qui peuvent être déterminés de façon comptable en prenant la forme d'une augmentation de l'actif, d'une diminution du passif, d'une non-diminution de l'actif ou d'une non-augmentation du passif (ATF 144 IV 1 consid. 4.2.2 p. 7 s.). 
Selon la jurisprudence, la confiscation peut porter tant sur le produit direct de l'infraction que sur les objets acquis au moyen de ce produit dans la mesure où les différentes transactions peuvent être identifiées et documentées ("Papierspur"; "paper trail"). Ce principe est valable non seulement en cas de remploi improprement dit ("unechtes Surrogat") - à savoir lorsque le produit de l'infraction est une valeur destinée à circuler et qu'elle est réinvestie dans un support du même genre (billets de banque, devises, chèques, avoirs en compte ou autres créances) -, mais également en cas de remploi proprement dit ("echtes Surrogat"), soit lorsque le produit du délit sert à acquérir un objet de remplacement (par exemple de l'argent sale finançant l'achat d'une villa). Ce qui compte, dans un cas comme dans l'autre, c'est que le mouvement des valeurs puisse être reconstitué de manière à établir leur lien avec l'infraction (ATF 144 IV 172 consid. 7.2.2 p. 175; 126 I 97 consid. 3c/bb p. 105 s.; arrêt 6B_64/2021 du 7 septembre 2022 consid. 5.1). Souvent les valeurs délictueuses seront versées sur un compte bancaire, de sorte qu'elles seront mélangées avec des valeurs de provenance licite appartenant à l'auteur ou à un tiers. Dans ce cas, la confiscation directe d'un montant correspondant au montant des valeurs délictueuses reste possible tant qu'un lien de connexité peut être établi entre le compte et l'infraction (arrêt 6B_67/2019 du 16 décembre 2020 consid. 5.12.1 et l'arrêt cité). 
 
5.2. Lorsque l'avantage illicite doit être confisqué, mais que les valeurs patrimoniales en résultant ne sont plus disponibles - parce qu'elles ont été consommées, dissimulées ou aliénées -, le juge ordonne le remplacement par une créance compensatrice de l'Etat d'un montant équivalent; elle ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l'art. 70 al. 2 CP ne sont pas réalisées (art. 71 al. 1 CP).  
Le but de cette mesure est d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés; elle ne joue qu'un rôle de substitution de la confiscation en nature et ne doit donc, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient. En raison de son caractère subsidiaire, la créance compensatrice ne peut être ordonnée que si, dans l'hypothèse où les valeurs patrimoniales auraient été disponibles, la confiscation eût été prononcée: elle est alors soumise aux mêmes conditions que cette mesure. Néanmoins, un lien de connexité entre les valeurs saisies et l'infraction commise n'est pas requis (ATF 144 IV 1 consid. 4.2.4 p. 8 s.; 140 IV 57 consid. 4.1.2 p. 62 s.). 
 
5.3. Selon l'art. 263 al. 1 CPP, des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves (let. a); qu'ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités (let. b); qu'ils devront être restitués au lésé (let. c); et/ou qu'ils devront être confisqués (let. d).  
L'autorité d'instruction peut placer sous séquestre, en vue de l'exécution d'une créance compensatrice, des valeurs patrimoniales appartenant à la personne concernée; le séquestre ne crée pas de droit de préférence en faveur de l'Etat lors de l'exécution forcée de la créance compensatrice (art. 71 al. 3 CP). 
Un séquestre - au sens de l'art. 263 al. 1 CPP ou 71 al. 3 CP - est une mesure fondée sur la vraisemblance (ATF 143 IV 357 consid. 1.2.3 p. 359 s. et les arrêts cités); elle porte sur des objets dont on peut admettre, prima facie, qu'ils pourront être confisqués en application du droit pénal fédéral. Tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une probabilité de confiscation, de créance compensatrice ou d'une allocation au lésé, la mesure conservatoire doit être maintenue (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364; 140 IV 57 consid. 4.1.1 p. 61 s.); l'intégralité des fonds doit demeurer à disposition de la justice aussi longtemps qu'il existe un doute sur la part de ceux-ci qui pourrait provenir d'une activité criminelle (arrêt 1B_144/2022 du 30 août 2022 consid. 3.1) et un séquestre ne peut donc être levé que dans l'hypothèse où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation ne sont pas réalisées et ne pourront pas l'être (ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1 p. 138; 139 IV 250 consid. 2.1 p. 252 s.). Cependant, les probabilités d'une confiscation, respectivement du prononcé d'une créance compensatrice, doivent se renforcer au cours de l'instruction (ATF 122 IV 91 consid. 4 p. 96; arrêt 1B_144/2022 du 30 août 2022 consid. 3.1). Par ailleurs, l'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364; 140 IV 57 consid. 4.1.2 p. 64). 
De manière similaire à ce qui prévaut pour ordonner une créance compensatrice, un lien de connexité entre les biens et/ou valeurs à placer sous séquestre et les infractions examinées n'est pas exigé lorsque le séquestre est ordonné afin de garantir un tel prononcé (cf. art. 71 al. 3 CPP; ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2 p. 63). Par "personne concernée" au sens de l'art. 71 al. 3 CP, on entend non seulement l'auteur, mais aussi, à certaines conditions, un tiers favorisé, d'une manière ou d'une autre, par l'infraction (cf. art. 71 al. 1 CP renvoyant à l'art. 70 al. 2 CP; ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2 p. 64). 
 
5.4. Selon l'art. 305bis CP, se rend coupable de blanchiment d'argent celui qui aura commis un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales, dont il savait ou devait présumer qu'elles provenaient d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié. Le comportement punissable consiste à mettre en sécurité des valeurs patrimoniales acquises illicitement par le crime préalable (ATF 144 IV 172 consid. 7.2.2 p. 174 s.; arrêt 1B_144/2022 du 30 août 2022 consid. 3.2). L'acte d'entrave peut être constitué par n'importe quel comportement propre à faire obstacle à l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de la valeur patrimoniale provenant d'un crime (ATF 145 IV 335 consid. 3.1 p. 341). Constituent notamment des actes d'entrave le transfert de fonds de provenance criminelle d'un compte bancaire à un autre, dont les bénéficiaires économiques ne sont pas identiques (arrêt 6B_807/2021 du 7 juin 2022 consid. 7.1).  
Lorsque l'infraction préalable a porté atteinte à des droits patrimoniaux individuels, l'acte propre à entraver l'activité de la justice peut avoir pour effet de mettre en danger les intérêts du lésé, consistant à récupérer son bien dans le cadre de la restitution au lésé (art. 70 al. 1 in fine CP) ou de l'allocation à celui-ci du produit de la confiscation (art. 73 al. 1 let. b CP). Dès lors, le lésé de l'infraction préalable peut réclamer des dommages et intérêts au blanchisseur pour acte illicite en vertu de l'art. 41 CO (arrêt 6B_931/2020 du 22 mars 2021 consid. 3.2; URSULA CASSANI, in Commentaire romand, Code pénal II, 2017, n° 11 ad art. 305bis CP). Le dommage correspond aux valeurs patrimoniales dont la confiscation a été empêchée par le blanchiment d'argent (ATF 146 IV 211 consid. 4.2.1 p. 216). 
 
5.5. En l'espèce, il n'est pas contesté que les intimées ont, dans la procédure pénale suisse, la qualité de tiers au sens de l'art. 105 al. 1 let. f CPP. Il n'est pas non plus remis en cause qu'en principe, les valeurs patrimoniales leur appartenant peuvent, le cas échéant, faire l'objet d'un séquestre, que celui-ci tende à la restitution des valeurs au lésé, à leur confiscation (cf. art. 263 al. 1 let. c et d CPP; art. 73 al. 1 let. b CP) ou en vue du prononcé d'une créance compensatrice (cf. art. 71 al. 3 et 73 al. 1 let. c CP). Ce constat vaut d'autant plus en l'occurrence qu'une partie des avoirs de l'intimée B.________ se trouve toujours séquestrée (EUR 900'840.50 en lien avec des virements de la société H.________). Seule est litigieuse la levée du séquestre portant sur (1) le montant excédant EUR 900'840.50 détenu sur le compte de l'intimée B.________ et (2) sur intégralité des avoirs du compte de l'intimée C.________  
Contrairement tout d'abord à ce que semble prétendre la recourante, les séquestres n'ont pas été levés en raison de l'absence de mauvaise foi des intimées; il n'y a dès lors pas lieu d'examiner plus en avant les griefs soulevés - au demeurant sans réelle motivation - par la recourante à cet égard. Vu la jurisprudence rappelée ci-dessus, elle ne saurait pas non plus prétendre à l'obtention d'un séquestre portant sur des montants supérieurs au dommage constitué par les éventuels actes de blanchiment effectués en faveur des intimées, soit l'avantage illicite éventuellement perçu par ces dernières; la recourante ne développe d'ailleurs aucune argumentation, en particulier étayée par des références à la jurisprudence ou à la doctrine, visant à soutenir que l'ensemble de son dommage à la suite des infractions préalables perpétrées notamment par le prévenu E.________ devrait être garanti par les valeurs appartenant aux intimées. 
Quant aux avoirs pouvant être considérés comme illicites eu égard aux intimées en tant que tiers, il semble que l'instruction en Suisse arrive à son terme et qu'elle n'ait permis d'établir que le cheminement des fonds reçus de H.________ (cf. le rapport de police du 31 mars 2021). S'agissant des autres valeurs détenues par les intimées - dont les montants reçus par les quatre autres sociétés évoquées par la recourante -, aucune trace documentaire ne paraît permettre en l'état de les rattacher aux infractions reprochées notamment au prévenu E.________. La recourante ne le soutient d'ailleurs pas. Elle se limite en effet à rappeler les similitudes existant entre ces versements et ceux opérés par H.________. Si ces éléments constituent certainement des indices permettant au début d'une enquête d'ordonner un séquestre, ils ne suffisent plus au stade avancé où en est l'instruction dans la présente cause. On ne se trouve pas non plus dans la situation où des avoirs - dont l'origine illicite aurait été documentée - ne seraient plus disponibles sur les comptes des intimées, soit la configuration permettant, le cas échéant, d'ordonner une créance compensatrice sur des valeurs sans lien de connexité avec les infractions. La recourante ne prétend enfin pas ne pas être à même de faire valoir ses prétentions dans le cadre de la procédure pénale française ouverte contre l'intimée B.________ pour des faits similaires; dans ce cadre, sont en particulier examinées les circonstances entourant l'acquisition par la précitée du château, notamment peut-être par le biais des fonds perçus des cinq sociétés mises en évidence dans la présente cause (cf. consid. 3.2 p. 9 de l'arrêt attaqué, ainsi que le réquisitoire français, ch. 3.4 p. 43 ss, et ch. 8.4.2 p. 158; voir également l'arrêt BB.2021_1 de la Cour des plaintes du 28 juin 2022 notamment les consid. 2.6.1 et 2.6.2 p. 12 ss). Dans ce cadre, un séquestre des avoirs de l'intimée B.________ à hauteur de EUR 3'238'100.- a au demeurant été requis par les autorités françaises auprès des autorités suisses. 
Partant, dans ces circonstances particulières, la Cour des plaintes pouvait, sans violer, le droit fédéral confirmer les ordonnances du MPC levant - intégralement, respectivement partiellement - les séquestres portant sur les avoirs des intimées. 
 
6.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté. 
La recourante, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Les intimées, qui procèdent conjointement et avec l'assistance d'un mandataire professionnel, ont droit à des dépens à la charge de la recourante (art. 68 al. 1 et 3 LTF); le montant alloué aux intimées ne tiendra pas compte du mémoire préventif déposé. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Une indemnité de dépens, fixée à 2'000 fr., est allouée aux intimées, à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Ministère public de la Confédération et à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. 
 
 
Lausanne, le 13 décembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Jametti 
 
La Greffière : Kropf