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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_453/2022  
 
 
Arrêt du 13 décembre 2022  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
Schöbi et Bovey. 
Greffière : Mme Mairot. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Jämes Dällenbach, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________, 
représentée par Me Béatrice Haeny, avocate, 
intimée. 
 
Objet 
mesures protectrices de l'union conjugale (irrecevabilité de l'appel) 
 
recours contre l'arrêt de la Cour d'appel civile 
du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel 
du 12 mai 2022 (CACIV.2022.33). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, né en 1970, et B.________, née en 1978, se sont mariés en 2002. Trois enfants sont issus de cette union: C.________, née en 2003, aujourd'hui majeure, D.________, née en 2005, et E.________, né en 2007. 
Les conjoints vivent séparés depuis le 1er février 2019. 
 
B.  
 
B.a. Par ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale du 18 mars 2022, le Tribunal civil du Littoral et du Val-de-Travers (ci-après: Tribunal civil) a, notamment, autorisé les époux à vivre séparés dès le 1er février 2019, attribué provisoirement le domicile conjugal au mari, dit que les conjoints exerceraient une garde alternée sur leurs deux enfants encore mineurs, fixé l'entretien convenable de D.________ à 2'892 fr. 31, puis à 1'527 fr. 10, et celui de E.________, à 2'898 fr. 45, puis à 1'355 fr. 80, enfin, condamné le mari à verser, selon les périodes, des contributions d'entretien mensuelles de 223 fr. 50 à 710 fr. pour D.________, de 2'066 fr. à 710 fr. pour E.________ et de 689 fr. à 2'109 fr. pour l'épouse.  
 
 
B.b. Par arrêt du 12 mai 2022, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a déclaré l'appel du mari irrecevable, faute de motivation suffisante.  
 
 
C.  
Par acte posté le 10 juin 2022, le mari exerce un recours en matière civile contre cet arrêt, concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle entre en matière sur l'appel. 
Des déterminations n'ont pas été requises. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF) par une partie qui a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 let. a et b LTF), le recours est dirigé contre une décision d'irrecevabilité, à savoir une décision finale (art. 90 LTF), dès lors qu'elle conduit à la clôture définitive de l'instance pour un motif tiré des règles de procédure (ATF 136 V 131 consid. 1.1). Sur le fond, elle a pour objet une décision de mesures protectrices de l'union conjugale, soit une décision prise en matière civile (art. 72 al. 1 LTF), par un tribunal supérieur statuant sur recours en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF), dans une affaire de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et al. 4, 74 al. 1 let. b LTF). Le recours est donc en principe recevable. 
 
2.  
 
2.1. Comme la décision entreprise concerne des mesures provi-sionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 133 III 393 consid. 5.2), la partie recourante ne peut dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés par le recourant ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 147 I 73 consid. 2.1; 146 III 303 consid. 2; 142 III 364 consid. 2.4). Le recourant qui se plaint de la violation d'un droit fondamental ne peut donc se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer ses allégations par une argumentation précise (ATF 134 II 349 consid. 3; 133 II 396 consid. 3.2). En outre, lorsque la décision attaquée consiste en une décision d'irrecevabilité, les motifs développés dans le mémoire de recours doivent porter sur la question de la recevabilité traitée par l'instance précédente à l'exclusion du fond du litige (arrêt 5A_436/2020 du 5 février 2021 consid. 2.1 et l'arrêt cité). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4; 140 III 264 consid. 2.3).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, autrement dit arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 147 I 73 consid. 2.2; 144 III 93 consid. 5.2.2; 140 III 264 consid. 2.3), doit, sous peine d'irrecevabilité, satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2.1; ATF 147 I 73 consid. 2.2; 145 IV 154 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3).  
 
 
3.  
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir fait preuve de formalisme excessif, prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., en déclarant son appel irrecevable faute de motivation suffisante. 
 
3.1. Pour satisfaire à son obligation de motivation de l'appel prévue à l'art. 311 al. 1 CPC, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée par une argumentation suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3; 138 III 374 consid. 4.3.1). Même si l'instance d'appel applique le droit d'office (art. 57 CPC), le procès se présente différemment en seconde instance. L'appelant doit tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner à reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. A défaut, l'appel est irrecevable. Tel est notamment le cas lorsque motivation de l'appel est identique aux moyens qui avaient déjà été présentés en première instance, lorsqu'elle ne contient que des critiques toutes générales de la décision attaquée ou encore lorsqu'elle ne fait que renvoyer aux moyens soulevés en première instance (arrêts 4A_621/2021 du 30 août 2022 consid. 3.1; 4A_168/2022 du 10 juin 2022 consid. 5.2; 5A_268/2022 du 18 mai 2022 consid. 4; 4A_624/2021 du 8 avril 2022 consid. 5.1 et les références).  
Selon la jurisprudence, l'acte d'appel doit aussi comporter des conclusions, lesquelles doivent indiquer sur quels points la partie appelante demande la modification ou l'annulation de la décision attaquée. Ces conclusions doivent en principe être libellées de telle manière que l'autorité d'appel puisse, s'il y a lieu, les incorporer sans modification au dispositif de sa propre décision. Les conclusions ayant pour objet une somme d'argent doivent être chiffrées (ATF 137 III 617 consid. 4.2 et 4.3; arrêts 4A_117/2022 du 8 avril 2022 consid. 2.1.2; 5A_645/2021 du 2 février 2022 consid. 3.2), même si, s'agissant de l'entretien des enfants, la maxime d'office s'applique (ATF 137 III 617 consid. 4.5.1). L'irrecevabilité de conclusions d'appel ne satisfaisant pas à ces principes peut toutefois contrevenir au principe de l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.). A titre exceptionnel, l'autorité d'appel doit entrer en matière sur un appel comprenant des conclusions formellement déficientes si la motivation, mise en relation avec la décision attaquée, permet de comprendre clairement ce que demande l'appelant ou - dans le cas de conclusions à chiffrer - quelle somme d'argent doit être allouée (ATF 137 III 617 consid. 6.1 et 6.2; arrêts 4A_281/2022 du 11 octobre 2022 consid. 3.1; 4A_117/2022 du 8 avril 2022 consid. 2.1.1). 
 
3.2. En l'espèce, l'autorité cantonale a considéré que la conclusion 2 de l'appelant ( "Fixer l'entretien convenable de D.________ et E.________") n'était pas chiffrée, et qu'aucun élément de la motivation contenue dans le mémoire d'appel ne permettait de comprendre à quels montants concrets cet entretien devait être arrêté. Dans la mesure où l'appelant s'en prenait à la fixation de l'entretien convenable des enfants par le Tribunal civil, l'appel était ainsi irrecevable.  
On cherchait en outre en vain dans l'acte d'appel une motivation suffisante pour appuyer les autres conclusions de l'appelant. Celui-ci n'expliquait pas, concrètement et en proposant un calcul, comment, en fonction des revenus et des charges de chaque partie et des autres critères à prendre en considération, il pourrait être conclu que les contributions d'entretien fixées par le premier juge seraient contraires au droit, et que l'appelant satisferait à ses obligations en prenant "en charge l'entretien de D.________ et E.________, dont leur entretien convenable, cela à l'exception des frais liés à leur présence auprès de [l'intimée]" (conclusion 3 de l'appel), ainsi qu'en acceptant "que l'intimée conserve les allocations familiales et complémentaires relatives à D.________ et E.________ dans la mesure où elle assume les frais liés à leur présence auprès d'elle" (conclusion 4 de l'appel). L'appelant n'expliquait pas non plus ce qui justifierait, sur le principe, que ses revenus locatifs fussent, si on le comprenait bien, exclus des calculs à ce stade et fassent l'objet d'un décompte ultérieur, comme il semblait résulter de la conclusion 5 de l'appel. Plus généralement, force était constater que la motivation de l'appel ne satisfaisait pas aux exigences de motivation posées par la jurisprudence, en tant qu'elle se limitait à une simple contestation d'un certain nombre de postes retenus dans la décision entreprise, sans démontrer, dans un calcul récapitulatif (comprenant par exemple la détermination de charges fiscales différentes de celles constatées en première instance, en fonction des autres chiffres à prendre en considération pour les postes critiqués), l'effet que ces postes corrigés auraient sur la détermination des contributions d'entretien, ou établir que celles-ci ne se justifieraient pas. 
 
3.3. Le recourant soutient que sa conclusion relative à la fixation de l'entretien convenable des enfants n'avait pas besoin d'être chiffrée, dès lors que l'on ne se trouvait pas dans le contexte des art. 58 et 84 CPC. Cette mention, prévue à l'art. 301a CPC, incombait en effet au juge et la conclusion prise à ce sujet n'était pas condamnatoire. On peut se demander si cette argumentation présente une quelconque pertinence ici. Le Tribunal civil a arrêté l'entretien convenable des enfants à des montants précis. Dans la mesure où cette question faisait l'objet de l'appel, le recourant ne pouvait à première vue se dispenser d'indiquer, dans ses conclusions, quelles sommes devaient selon lui être retenues à ce titre. Comme il ne fait valoir aucun grief d'arbitraire dans l'application de l'art. 311 CPC, sa critique apparaît de toute façon irrecevable dans le cadre d'un recours fondé sur l'art. 98 LTF. Il reproche certes à la cour cantonale d'avoir fait preuve de formalisme excessif sur ce point, arguant que les montants auxquels il souhaitait voir arrêter l'entretien convenable des enfants pouvaient être déduits de l'appel. Il n'indique cependant pas de quels passages de son mémoire les montants en question pourraient résulter (art. 106 al. 2 LTF). Quoi qu'il en soit, si les conclusions doivent être interprétées à la lumière des motifs (cf. supra consid. 3.1), le recourant, qui était assisté d'un avocat, ne pouvait délibérément renoncer à chiffrer sa conclusion relative à l'entretien convenable des enfants, laissant à l'autorité cantonale le soin de rechercher dans ses écritures les données permettant de le faire (cf. arrêts 5A_466/2016 du 12 avril 2017 consid. 4.2; 5A_304/2015 du 23 novembre 2015 consid. 10.4).  
Dans la mesure où le recourant se contente d'affirmer pour le surplus, à nouveau sans invoquer de violation arbitraire de l'art. 311 CPC, qu'il était excessivement formaliste de considérer que la motivation de son mémoire d'appel et, en particulier, de ses autres conclusions, était insuffisante, dès lors qu'il résultait de son raisonnement et des chiffres exposés dans son écriture qu'il contestait devoir verser toute contribution d'entretien à l'épouse et aux enfants, son grief tombe par ailleurs à faux, étant rappelé que si la validité d'un moyen de droit présuppose, en vertu d'une règle légale expresse, une motivation - même minimale -, en exiger une ne saurait constituer une violation du droit d'être entendu ou de l'interdiction du formalisme excessif (ATF 134 II 244 consid. 2.4.2 et la jurisprudence citée; arrêts 5A_268/2022 du 18 mai 2022 consid. 6; 4A_624/2021 du 8 avril 2022 consid. 5.4; 5A_902/2020 du 25 janvier 2021 consid. 3.3; 5A_577/2020 du 16 décembre 2020 consid. 6; 4A_610/2018 du 29 août 2019 consid. 5.2.2.2). 
 
4.  
En conclusion, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté, dans la faible mesure de sa recevabilité (art. 106 al. 2 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera par conséquent les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à se déterminer. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
 
Lausanne, le 13 décembre 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Mairot