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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_626/2022  
 
 
Arrêt du 21 février 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Müller, Juge présidant, 
Chaix et Kölz. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
Office central du Ministère public 
du canton du Valais, 
case postale 2305, 1950 Sion 2. 
 
Objet 
Irrecevabilité d'un recours, 
 
recours contre l'ordonnance du Juge unique de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du Valais du 11 novembre 2022 (P3 22 282). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par décision du 6 octobre 2022, expédiée le même jour, le Ministère public du canton du Valais (Ministère public) a dénié à Me B.________ la capacité de postuler au nom de A.________, dans la cause l'opposant à sa voisine. Cette décision impartit un délai de 30 jours à A.________ pour désigner un nouveau mandataire et précise qu'elle est "susceptible de recours à la Chambre pénale du Tribunal cantonal". 
 
B.  
Par ordonnance du 11 novembre 2022, le Juge unique de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du Valais (Tribunal cantonal) a déclaré le recours formé par A.________ contre la décision précitée irrecevable, car posté tardivement le 25 octobre 2022, soit au-delà du délai de recours de dix jours prescrit par l'art. 396 al. 1 CPP
 
C.  
A.________ interjette un recours contre cette ordonnance devant le Tribunal fédéral. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour qu'il procède dans le sens des considérants et à ce que les frais de procédure soient laissés à la charge de l'Etat. Elle sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire au sens de l'art. 64 LTF
Invité à se déterminer, le Tribunal cantonal indique ne pas avoir d'observations à formuler, se référant aux considérants de son ordonnance, à l'instar du Ministère public. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 145 I 239 consid. 2). 
 
1.1. La recourante n'a pas indiqué par quelle voie de recours elle procède auprès du Tribunal fédéral. Cette omission ne saurait toutefois lui nuire si son écriture remplit les exigences légales de la voie de droit qui lui est ouverte (ATF 138 I 367 consid. 1.1).  
 
 
1.2.  
 
1.2.1. Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 LTF, la partie recourante est habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 et les références citées). Sous cet angle, la partie recourante est notamment fondée à se plaindre d'une décision qui déclare irrecevable un recours cantonal (cf. arrêts 6B_62/2022 du 21 février 2022 consid. 1.1; 6B_1238/2016 du 25 septembre 2017 consid. 1.1 et 1.2).  
 
1.2.2. En l'espèce, le Tribunal cantonal a déclaré irrecevable le recours interjeté par la recourante pour cause de tardiveté. Elle est dès lors habilitée, dans cette mesure, à s'en plaindre devant le Tribunal fédéral.  
 
1.3. Les autres conditions de recevabilité étant réunies, le recours est par conséquent recevable.  
 
2.  
Même si la recourante ne cite pas expressément l'art. 81 al. 1 let. d CPP, son argumentation permet de comprendre qu'elle se plaint de l'absence d'indication du délai de recours dans la décision du 6 octobre 2022 du Ministère public. Elle reproche en outre à l'autorité précédente d'avoir dénié la protection de sa bonne foi et fait valoir un mauvais établissement des faits, en violation des art. 5 al. 3 et 9 Cst. et de l'art. 3 al. 2 let. a CPP
 
2.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. d CPP, les jugements et autres prononcés clôturant la procédure contiennent l'indication des voies de droit, s'ils sont sujets à recours. La notion de voies de droit, équivalente ici à celle de recours, doit être comprise dans son sens général et s'applique quelle que soit la voie de recours possible. L'obligation de mentionner les voies de recours s'applique à tous les prononcés susceptibles de recours et non pas seulement aux prononcés de clôture dont dispose l'art. 81 CPP (arrêt 6B_964/2013 du 6 février 2015 consid. 3.3.2; MACALUSO/TOFFEL, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2 e éd. 2019, n° 27 s. ad art. 81 CPP). L'indication obligatoire des moyens de recours comporte celle de la voie de droit (recours, opposition, relief, appel, recours en matière pénale), de l'autorité compétente pour connaître du recours ainsi que de l'autorité auprès de qui le recours doit être déposé ou annoncé, s'il ne s'agit pas de la même, et du délai légal pour recourir (arrêts 6B_667/2017 du 15 décembre 2017 consid. 5.1; 6B_964/2013 du 6 février 2015 consid. 3.3.2; MACALUSO/TOFFEL, op. cit., n° 30 ad art. 81 CPP; cf. également NILS STOHNER, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2 e éd. 2014, n° 3 ad art. 81 CPP).  
Cette disposition concrétise le principe reconnu selon lequel toute décision doit indiquer les voies de droit. L'indication claire et exacte des voies de droit est indispensable pour assurer la mise en oeuvre concrète des droits du justiciable et lui garantir un procès équitable. Si le législateur exige l'indication de la voie de recours dans tous les cas, c'est en effet qu'il part de l'idée qu'en règle générale le justiciable l'ignore, renversant de la sorte la présomption selon laquelle "nul n'est censé ignorer la loi" (ATF 119 IV 330 consid. 1c; arrêt 6B_964/2013 du 6 février 2015 consid. 3.3.2). 
 
2.2. D'après un principe général du droit déduit de l'art. 9 Cst. protégeant la bonne foi, le défaut d'indication ou l'indication incomplète ou inexacte des voies de droit ne doit en principe entraîner aucun préjudice pour les parties (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2; 117 Ia 297 consid. 2; arrêt 1C_310/2020 du 17 février 2021 consid. 2.1.2). Une partie ne peut toutefois se prévaloir de cette protection que si elle se fie de bonne foi à cette indication. Tel n'est pas le cas de celle qui s'est aperçue de l'erreur, ou aurait dû s'en apercevoir en prêtant l'attention commandée par les circonstances. Seule une négligence procédurale grossière peut faire échec à la protection de la bonne foi. Celle-ci cesse uniquement si une partie ou son avocat aurait pu se rendre compte de l'inexactitude de l'indication des voies de droit en lisant simplement la législation applicable. En revanche, il n'est pas attendu d'eux qu'outre les textes de loi, ils consultent encore la jurisprudence ou la doctrine y relatives (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2; 135 III 489 consid. 4.4; 134 I 199 consid. 1.3.1). Déterminer si la négligence commise est grossière s'apprécie selon les circonstances concrètes et les connaissances juridiques de la personne en cause (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2; 135 III 374 consid. 1.2.2.2; 134 I 199 consid. 1.3.1).  
 
2.3. S'il est, en l'occurrence, constant que la communication - par courrier "A Plus" - de la décision du 6 octobre 2022 du Ministère public l'a été en violation de l'art. 85 al. 2 CPP, il est également établi que la recourante en a pris connaissance le 14 octobre 2022. En outre, il n'est pas discuté que la décision en cause ne précise pas le délai légal de recours et que la recourante l'a contestée par expédition du 25 octobre 2022, soit après l'échéance du délai de dix jours prescrit par l'art. 396 al. 1 CPP.  
Malgré cette indication incomplète, le Tribunal cantonal a toutefois considéré que la recourante ne pouvait bénéficier de la protection de sa bonne foi pour divers motifs: la lecture de l'art. 396 al. 1 CPP lui aurait permis de connaître le délai de recours; celui de 30 jours imparti à cette dernière pour désigner un nouveau mandataire ne pouvait être interprété comme l'indication d'un tel délai; en cas de doute, la recourante pouvait s'adresser à son avocat ou demander que le Ministère public lui précise le délai de recours; en tout état de cause, les motifs du recours déposé contre la décision du 6 octobre 2022 du Ministère public démontraient que la recourante possédait des connaissances juridiques et qu'elle n'ignorait pas les dispositions en matière de délai ou qu'elle s'était faite assister par un homme de loi. 
Ces considérations ne sauraient être partagées. En effet, le Tribunal cantonal est malvenu de faire grief à la recourante de ne pas s'être adressée à son avocat, Me B.________, dans la mesure où la décision du 6 octobre 2022 du Ministère public dénie la faculté de ce dernier de la représenter; elle n'était donc pas assistée lorsqu'elle a recouru contre cette décision. En outre, dite décision ne contient aucune référence à l'art. 396 al. 1 CPP ni n'indique le délai de recours de dix jours prescrit par cette disposition légale. Le Tribunal cantonal ne saurait, dès lors, reprocher à la recourante de ne pas avoir lu la loi. Il n'existe de plus aucun indice, au contraire de ce qu'indique l'autorité précédente, selon lequel la recourante aurait été rendue attentive d'une autre manière à ce délai ou disposerait de connaissances juridiques suffisantes, notamment sur la base de procédures pénales antérieures. A cela s'ajoute que la décision du Ministère public impartit à la recourante un délai judiciaire de 30 jours pour désigner un nouveau mandataire, ce qui est de nature, quoi qu'en dise l'autorité précédente, à entretenir une confusion sur la durée du délai pour recourir. Dans ces conditions, on ne peut lui tenir rigueur de ne pas s'être adressée au Ministère public; c'est à lui qu'il incombait d'indiquer de manière complète et sans ambiguïté la voie de droit à disposition de la prénommée. L'absence de précision du délai de recours ne doit en définitive pas porter préjudice à la recourante, dont la bonne foi mérite protection. Dans ces circonstances, on ne saurait lui reprocher d'avoir tardé à déposer le recours. 
Le recours doit par conséquent être admis, l'ordonnance attaquée annulée et la cause renvoyée à l'autorité précédente, afin que celle-ci déclare recevable le recours de la recourante contre la décision du 6 octobre 2022 du Ministère public. 
 
3.  
La recourante, qui obtient gain de cause, sans l'aide d'un mandataire professionnel, n'a pas droit à une indemnité de dépens (art. 68 al. 1 LTF). Il n'y a en outre pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 4 LTF). La demande d'assistance judiciaire est ainsi sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, l'ordonnance attaquée annulée et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à l'Office central du Ministère public du canton du Valais et au Juge unique de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais. 
 
 
Lausanne, le 21 février 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Müller 
 
La Greffière : Nasel