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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_34/2021  
 
Arrêt du 30 mai 2022  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Hänni, Hartmann et Ryter. 
Greffière : Mme Kleber. 
 
Participants à la procédure 
1. Uber Switzerland GmbH, 
2. Uber B.V., 
toutes les deux représentées par Maîtres Rayan Houdrouge, 
et Grégoire Wuest, 
recourantes, 
 
contre 
 
Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du canton de Genève, 
centre Bandol, rue de Bandol 1, 1213 Onex, 
représenté par Me Rémy Wyler, avocat. 
 
Objet 
Loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (LTVTC); exploitant d'entreprise de transport, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, du 17 novembre 2020 (ATA/1151/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 18 décembre 2017, la société Uber Switzerland GmbH (ci-après: Uber CH), dont le siège est à Zurich, a déposé auprès du Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du canton de Genève (ci-après: le Service cantonal) une annonce de l'activité de "diffuseur de courses" au sens de la législation cantonale genevoise sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (VTC). Le 9 janvier 2018, le Service cantonal a remis à Uber CH une attestation d'annonce.  
 
A.b. Le 7 mars 2019, une personne se présentant comme un "chauffeur du diffuseur de courses Uber" (ci-après: le chauffeur 1) a interpellé le Service cantonal. Titulaire d'une carte professionnelle de chauffeur, il avait travaillé avec l'application Uber Driver (ci-après: l'application Uber). Son compte avait toutefois été suspendu sans préavis, rendant impossible la poursuite du travail. Ce chauffeur se demandait si "un diffuseur de courses tel que Uber, [pouvait] se permettre de refuser et de suspendre un chauffeur VTC en règle, sans en donner une raison valable par écrit".  
Le Service cantonal a répondu à ce chauffeur que les faits qu'il décrivait ne contrevenaient pas aux législations que ce service appliquait, tout en transmettant le courriel à la Direction générale de l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail du canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal du travail). Les 24 et 25 juin 2019, cet Office a procédé à un entretien téléphonique avec le chauffeur 1 et l'a entendu dans ses locaux. 
 
A.c. Le 28 juin 2019, le Service cantonal a informé Uber CH de son intention de "requalifier" le statut de l'entreprise. Il résultait des investigations menées que, compte tenu des spécificités de la relation contractuelle nouée entre l'entreprise et les chauffeurs, celle-ci était liée avec eux par un contrat de travail. L'entreprise devait donc être qualifiée d'entreprise de transport, ce qui avait pour conséquence qu'elle devait respecter ses obligations à l'égard des chauffeurs en matière de protection sociale et de conditions de travail. Le Service cantonal a toutefois relevé que les contrats n'étaient pas conclus par Uber CH, mais par Uber International Holding B.V. Cela avait pour conséquence de limiter à nonante jours de travail effectif par année civile le droit de l'entreprise de fournir des prestations de transport à Genève. Par ailleurs, en leur qualité d'employés d'une entreprise étrangère, les chauffeurs, même s'ils résidaient à Genève, avaient le statut de travailleurs détachés. En cas d'infraction aux conditions minimales de travail et de salaire, l'autorité compétente pouvait interdire à l'entreprise l'accès au marché suisse pour une durée d'un à cinq ans. Si l'entreprise souhaitait poursuivre son activité à Genève, elle devait transférer les rapports de travail à la société Uber CH.  
Une copie de ce courrier a été adressée à Uber International Holding B.V. 
Par courriers séparés du même jour, le Service cantonal a invité les deux sociétés à prendre contact avec l'Office cantonal du travail en vue de signer un engagement à respecter les usages. 
Après un échange de courriers, Uber CH a, le 31 juillet 2019, conclu à ce que le Service cantonal annule son courrier du 28 juin, au motif que son droit d'être entendue avait été violé, car elle n'avait pu ni accéder au dossier, ni se déterminer sur les éléments pris en compte. Subsidiairement, elle a conclu à ce que le Service cantonal revienne sur son intention. Uber CH avait un statut de diffuseur de courses et n'avait pas de rapports de travail avec les chauffeurs. 
 
A.d. Entre fin août et mi-septembre 2019, l'Office cantonal du travail s'est entretenu avec trois autres chauffeurs ayant utilisé l'application Uber. Le 25 septembre 2019, cet Office a rendu un rapport sur la qualification des relations contractuelles entre les chauffeurs et Uber.  
 
A.e. Le 11 septembre 2019, le Service cantonal a informé les conseils d'Uber CH qu'il entendait élargir la procédure à toute société qui pourrait être considérée comme un exploitant d'entreprise de transport ou diffuseur de courses. Il leur a demandé de lui indiquer, d'une part, l'identité exacte de la ou des sociétés contractuellement liées aux chauffeurs utilisant l'application pour véhiculer des personnes et, d'autre part, s'ils étaient ou non mandatés par Uber International Holding B.V.  
En réponse, les conseils d'Uber CH ont expliqué qu'Uber CH faisait partie du groupe international Uber. Uber International Holding B.V. était une société holding qui n'avait pas d'activité opérationnelle et qui n'était pas liée contractuellement aux chauffeurs. Les chauffeurs avaient uniquement un contrat avec la société Uber B.V., de siège à Amsterdam et détentrice des droits relatifs à l'application Uber. A Genève, Uber B.V. avait permis à Uber CH d'utiliser l'application sur le territoire du canton. Les avocats ont précisé être mandatés par Uber CH et Uber B.V. Election de domicile était faite à l'étude. 
Le 1er octobre 2019, le Service cantonal a informé Uber CH et Uber B.V qu'il élargissait la procédure à cette dernière. 
 
B.  
Par décision du 29 oc tobre 2019 adressée à Uber B.V. et Uber CH, le Service cantonal a constaté qu'Uber B.V. était un exploitant d'entreprise de transport au sens de l'art. 4 let. c de la loi genevoise du 13 octobre 2016 sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (LTVTC; RS/GE H 1 31) et ne respectait pas les obligations afférentes à l'exploitant d'entreprise de transport, ni celles afférentes aux offreurs étrangers. Il a ordonné à Uber B.V. de respecter ses obligations afférentes à l'exploitant d'entreprise de transport, en particulier celles relatives à la protection sociale des chauffeurs et aux conditions de travail en usage dans leur secteur d'activité, et de signer l'engagement à respecter les usages visés à l'art. 25 al. 3, 3e phrase LTVTC. Enfin, il a fait interdiction à Uber B.V et, en tant que de besoin à Uber CH, en application de l'art. 36 al. 2 LTVTC, de poursuivre son activité jusqu'au rétablissement d'une situation conforme au droit. Le Service cantonal a communiqué cette décision aux autorités fédérales et cantonales compétentes en matière d'assurances sociales, respectivement de mise en oeuvre de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681) et de la législation d'application de droit suisse, ainsi qu'à l'autorité chargée d'exécuter l'ordonnance sur la durée du travail et du repos des conducteurs professionnels de véhicules légers affectés au transport de personnes et de voitures de tourisme lourdes (OTR 2; RS 822.222). 
Par arrêt du 17 novembre 2020, la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours formé par Uber CH et Uber B.V. contre cette décision. En substance, la Cour de justice a retenu que la décision du Service cantonal concernait uniquement la qualification d'Uber B.V. comme exploitante d'une entreprise de transport et les devoirs y afférents. Pour se prononcer sur ce statut, il fallait, en vertu de l'art. 4 let. c LTVTC, vérifier alternativement si l'entreprise était liée à un ou plusieurs chauffeurs par un contrat de travail au sens de l'art. 319 CO ou de l'article 10 de la loi fédérale du 6 octobre 2000sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA; RS 830.1). En l'occurrence, les chauffeurs étaient liés par un contrat de travail, de sorte qu'Uber B.V. devait être qualifiée d'entreprise de transport et respecter les obligations légales encadrant cette activité. En outre, l'ALCP s'appliquait. 
 
C.  
Contre l'arrêt du 17 novembre 2020 de la Cour de justice, Uber CH et Uber B.V. forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. S'agissant d'Uber B.V., elles demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt entrepris, de déclarer que la société n'est pas un exploitant d'entreprise de transport au sens de l'art. 4 let. c LTVTC et qu'elle n'est pas soumise à l'ALCP. S'agissant d'Uber CH, elles demandent au Tribunal fédéral de déclarer que la société n'est pas un exploitant d'entreprise de transport au sens de l'art. 4 let. c LTVTC, qu'elle remplit ses obligations en tant que diffuseur de courses au sens de l'art. 4 let. d LTVTC et qu'elle n'est pas visée par l'interdiction d'exercer ses activités ordonnée dans la décision du 29 octobre 2019 du Service cantonal, la Cour de justice devant être invitée à réformer le ch. 6 de cette décision en ce sens que toute mention à Uber CH doit être supprimée. A titre subsidiaire et plus subsidiaire, Uber CH et Uber B.V. concluent à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à la Cour de justice, respectivement au Service cantonal, pour instruction complémentaire et décision dans le sens des considérants. En tout état, elles concluent à la condamnation du Service cantonal aux frais et dépens. 
L'octroi de l'effet suspensif a en outre été sollicité. Le Service cantonal ne s'est pas opposé à cette demande. La Cour de justice s'en est rapportée à justice. Par ordonnance du 21 janvier 2021, le Président de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la demande. 
Sur le fond, la Cour de justice n'a pas d'observations à formuler, s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Service cantonal conclut, sous suite de frais, au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Invité à se déterminer, le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) n'a pas déposé d'observations. 
Uber CH (ci-après: la recourante 1) et Uber B.V. (ci-après: la recourante 2) ont répliqué, en réitérant leurs conclusions. Le Service cantonal a dupliqué. Les recourantes ont déposé des observations. Le Service cantonal a contesté l'intégralité de cette dernière écriture, en renvoyant aux motifs déjà exposés. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 89 consid. 1). 
 
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Il concerne principalement la législation cantonale relative aux taxis et voitures de transport, et, de manière secondaire, le régime de l'ALCP relatif aux prestations de services, soit des matières qui relèvent du droit public (art. 82 let. a LTF) et ne tombent sous le coup d'aucune des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc en principe ouverte.  
 
1.2. Les recourantes 1 et 2 ont pris part à la procédure devant l'autorité précédente (art. 89 al. 1 let. a LTF). La recourante 2, Uber B.V., est particulièrement atteinte par l'arrêt querellé, qui lui fait interdiction de poursuivre son activité d'entreprise de transport jusqu'au rétablissement d'une situation conforme au droit, et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 89 al. 1 let. b et c LTF).  
La recourante 1, Uber CH, a également un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'arrêt querellé, dès lors que cet arrêt a rejeté le recours dirigé contre la décision du Service cantonal du 29 octobre 2019, d'après laquelle l'interdiction faite à Uber B.V. la visait également "en tant que de besoin". En outre, les activités de la recourante 1 en tant que diffuseur de courses à Genève peuvent être touchées ou influencées par les décisions prises à l'encontre de la recourante 2. Les deux sociétés disposent donc de la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). 
 
1.3. L'objet du litige porte sur la conformité au droit de l'interdiction faite à la recourante 2 et, "en tant que de besoin", à la recourante 1, de poursuivre une activité d'entreprise de transport jusqu'au rétablissement d'une situation conforme au droit, en particulier, s'agissant de la recourante 2, en répondant à ses obligations résultant de sa qualité d'employeur et d'offreur étranger. L'ALCP n'est concerné que dans la mesure où le Service cantonal a communiqué sa décision du 29 octobre 2019 aux autorités chargées de l'application de cet accord.  
Eu égard à cet objet, les conclusions tendant à ce qu'il soit déclaré que la recourante 2 n'est pas exploitante d'une entreprise de transport et qu'elle n'est pas soumise à l'ALCP relèvent de la motivation juridique pouvant conduire à l'annulation des obligations découlant de l'arrêt entrepris. Ces conclusions n'ont pas de portée propre et sont partant irrecevables (cf. arrêt 2C_996/2019 du 30 juin 2020 consid. 1.4), étant souligné que les conclusions constatatoires ne peuvent de toute façon intervenir qu'à titre subsidiaire, lorsque des conclusions au fond ne sont pas admissibles (ATF 141 II 113 consid. 1.7). 
En ce qui concerne la recourante 1, les conclusions tendant à ce qu'il soit constaté que celle-ci remplit ses obligations de diffuseur de courses et n'est par conséquent pas visée par l'interdiction d'exercer ses activités ordonnée dans la décision du 29 octobre 2019 excèdent l'objet du litige. La Cour de justice a en effet expressément relevé que le statut de diffuseur de courses d'Uber CH n'était pas remis en cause et que la décision litigieuse ne concernait que la qualification d'Uber B.V. et, en tant que de besoin, d'Uber CH, en tant qu'entreprise de transport, ainsi que les obligations y relatives. Ces conclusions sont donc irrecevables. 
 
1.4. Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile compte tenu des féries (art. 46 al. 1 let. c et 100 LTF) et, globalement, dans les formes prescrites (art. 42 al. 1 et 2 LTF). Les multiples renvois au recours formé devant la Cour de justice ne sont toutefois pas conformes à l'art. 42 al. 2 LTF, la motivation devant être développée dans le mémoire (ATF 147 II 125 consid. 10.3; 140 III 115 consid. 2). Il n'en sera partant pas tenu compte.  
 
1.5. Il convient d'entrer en matière, sous les réserves qui précèdent.  
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF). Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours devant le Tribunal fédéral ne peut en revanche pas être formé pour violation du droit cantonal (ou communal) en tant que tel. Il est néanmoins possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal (ou communal) constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral n'examine toutefois le moyen tiré de la violation d'une norme de rang constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise (art. 106 al. 2 LTF).  
 
2.2. Le litige porte sur la notion d'entreprise de transport et sur ses conséquences, notamment en lien avec le siège à l'étranger de la recourante 2. La notion d'entreprise de transport est définie par le droit cantonal, plus particulièrement par l'art. 4 let. c LTVTC, qui contient un renvoi à l'art. 319 CO et à l'art. 10 LPGA. Le droit cantonal ne change pas de nature s'il incorpore des notions de droit fédéral ou s'il renvoie au droit fédéral (ATF 138 I 232 consid. 2.4; 126 III 370 consid. 5). Le droit fédéral est appliqué dans ce cas à titre de droit cantonal supplétif. Le Tribunal fédéral ne peut donc en contrôler l'application que sous l'angle restreint de l'arbitraire ou d'autres droits constitutionnels en fonction des griefs invoqués (art. 106 al. 2 LTF; ATF 138 I 232 consid. 2.4; cf. ATF 144 I 318 consid. 5.3.1).  
Dans la mesure où le litige porte sur la LTVTC, la cognition du Tribunal fédéral est donc limitée à l'arbitraire, seul grief constitutionnel invoqué en lien avec le droit cantonal. La cognition est libre en ce qui concerne l'aspect du litige qui relève de l'ALCP. 
 
2.3. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), hormis dans les cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF.  
La Cour de céans souligne qu'elle ne tiendra pas compte de la "brève synthèse des faits" figurant sur deux pages et demi en début de mémoire, dès lors que les recourantes se contentent de présenter librement leur propre version des faits sans alléguer, ni démontrer, lorsqu'elles s'écartent des faits retenus dans l'arrêt attaqué, que la Cour de justice serait tombée dans l'arbitraire sur ces points. 
 
3.  
 
3.1. En substance, la Cour de justice a retenu que la recourante 2 devait être qualifiée d'entreprise de transport au sens de l'art. 4 let. c LTVTC, car elle était liée avec un ou plusieurs chauffeurs par un contrat de travail au sens de l'art. 319 CO. La recourante 2 devait en conséquence, si elle entendait déployer une telle activité à Genève, se soumettre aux obligations légales qui l'encadraient, en particulier celles relatives à la protection sociale des travailleurs ou au respect des conventions collectives de travail, voire au contrat-type (art. 25 LTVTC). Comme le siège de la recourante 2 était aux Pays-Bas, elle était soumise, conformément à l'art. 14 LTVTC, aux dispositions des traités internationaux et législations d'application de droit suisse. La Cour de justice a également retenu qu'en tant qu'il était démontré que la recourante 2 avait son siège aux Pays-Bas, soit un pays signataire de l'ALCP, et qu'elle offrait des prestations de transport en Suisse, en l'occurrence à Genève, réalisées par des chauffeurs qui étaient ses employés, l'ALCP trouvait application en l'espèce. La Cour de justice n'a pas tiré les conséquences de ce constat, mais a confirmé que le Service cantonal avait à bon droit communiqué sa décision à différentes autorités fédérales et cantonales, notamment celles compétentes s'agissant de la mise en oeuvre de l'ALCP.  
 
3.2. Dans un recours à la limite de la prolixité, les recourantes se plaignent de multiples violations du droit d'être entendu, d'arbitraire dans l'établissement des faits, d'une violation de la maxime inquisitoire consacrée par le droit cantonal, d'une application arbitraire des art. 4 let. c et 36 al. 2 LTVTC, ainsi que de la violation de l'art. 5 al. 1 ALCP.  
 
3.3. Il convient de commencer par traiter les griefs formels (consid. 4 et 5). Les critiques relatives aux faits seront ensuite examinées (consid. 6). Une fois l'objet du litige énoncé (consid. 7), il s'agira d'examiner les griefs tirés de la violation du droit cantonal (consid. 8 à 11), puis celui tiré de la violation de l'art. 5 al. 1 ALCP (consid. 12).  
 
I. Griefs formels  
 
4.  
Les recourantes dénoncent une violation de leur droit d'être entendues sous différents aspects (art. 29 al. 2 Cst.). Elles reprennent à plusieurs égards des griefs qu'elles avaient déjà formulés devant la Cour de justice à l'encontre du Service cantonal, en reprochant à celle-ci d'avoir elle-même violé l'art. 29 al. 2 Cst. en les rejetant. Elles reprochent par ailleurs à la Cour de justice de ne pas avoir traité certains griefs et de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision. 
 
4.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1; 142 III 48 consid. 4.1.1; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités). Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 144 I 11 consid. 5.3; 137 I 195 consid. 2.2). Selon la jurisprudence, sa violation peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 145 I 167 consid. 4.4; 142 II 218 consid. 2.8.1 et les arrêts cités). Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1).  
La jurisprudence a également déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) l'obligation pour le juge de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3). Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision (ATF 142 II 154 consid. 4.2). En revanche, l'autorité viole l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 142 II 154 consid. 4.2; 141 V 557 consid. 3.2.1). Le juge n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 146 II 335 consid. 5.1 et les arrêts cités). 
 
4.2. Les recourantes font valoir que la Cour de justice a violé leur droit d'être entendues en confirmant la manière de procéder du Service cantonal, lequel aurait violé leurs droits procéduraux en restreignant leur droit d'accès au dossier, en leur fixant "sans cesse des délais particulièrement brefs" pour chaque acte à entreprendre, ainsi qu'en ne les faisant pas participer à l'audition des chauffeurs entendus par l'Office cantonal du travail et à l'élaboration du rapport de cet Office à la suite de ces auditions. Elles se prévalent, s'agissant de l'audition des chauffeurs, de dispositions cantonales de procédure (art. 28 et 42 de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative [LPA; RSGE E 5 10]).  
 
4.2.1. La Cour de justice a relevé qu'après de multiples échanges d'écritures, le Service cantonal avait transmis une copie du dossier complet de la cause aux recourantes le 1er octobre 2019. Un délai prolongé au 21 octobre 2019 leur avait été octroyé pour se déterminer. Dès lors que le dossier n'était à ce stade pas inconnu des recourantes, la Cour de justice a considéré que ce délai de 20 jours n'était pas déraisonnable pour permettre à deux avocats de prendre connaissance du dossier. La Cour de justice a ensuite relevé que les recourantes avaient eu une nouvelle fois accès à l'intégralité du dossier dans la procédure de recours et qu'elles n'indiquaient pas quels arguments et griefs elles auraient été empêchées de faire valoir du fait de délais trop brefs.  
On ne voit pas en quoi la Cour de justice a méconnu le droit d'être entendu en retenant ce qui précède et les recourantes ne l'expliquent pas. Elles se contentent en effet d'alléguer qu'un délai de 10 jours n'était pas suffisant pour se déterminer sur le dossier, sans toutefois contester que ce délai a par la suite été prolongé à 20 jours. Elles n'expliquent pas quel autre "délai" aurait été trop court. Elles ne nient par ailleurs pas qu'elles ont pu faire valoir tous leurs arguments dans la procédure de recours. 
 
4.2.2. En ce qui concerne l'audition des chauffeurs, la Cour de justice a considéré que les chauffeurs n'avaient pas été entendus en qualité de témoins au sens de l'art. 28 LPA, de sorte que le droit de participer à leur audition, consacré à l'art. 42 LPA, ne s'appliquait pas.  
Il est vrai que, comme le relèvent les recourantes, l'argument tiré de l'absence de la qualité de témoin n'est pas forcément décisif, dès lors que peut exister un droit de participer à l'audition de personnes appelées à fournir des renseignements par exemple (cf., en procédure fédérale: ATF 130 II 169 consid. 2.3.5). Cela étant, la jurisprudence retient notamment, en procédure fédérale, qu'il n'y a pas de violation du droit d'être entendu lorsque la partie a eu la possibilité de prendre connaissance du procès-verbal des auditions et de se déterminer à ce sujet (arrêt 1C_534/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.2). Le recours ne démontre pas que le droit de procédure cantonal genevois offrirait des garanties plus étendues. Les recourantes ont reçu les procès-verbaux des auditions; elles ont pu se prononcer, avant que la décision ne soit rendue, puis dans le cadre du recours devant la Cour de justice. Elles auraient pu du reste demander l'audition des chauffeurs devant la Cour de justice, ce qu'elles n'ont pas fait. Dans ces conditions, le droit d'être entendu a été respecté. En tant que les recourantes soulignent, particulièrement dans leur réplique, que les témoignages des chauffeurs n'étaient pas probants, leur critique relève de l'appréciation des preuves et non du droit d'être entendu. 
 
4.2.3. S'agissant du rapport de l'Office cantonal du travail, il ressort de l'arrêt entrepris que les recourantes l'ont reçu avant que la décision ne soit prise et qu'elle ont pu amplement en discuter le contenu devant la Cour de justice. Dès lors qu'elle ont pu s'exprimer sur ce rapport, l'art. 29 al. 2 Cst. a été respecté. Il n'est pas démontré que le droit cantonal irait plus loin et garantirait un droit de "co-écriture" des rapports d'autorités administratives.  
 
4.3. Sous un titre "défaut de prise en compte d'éléments liés au fonctionnement du modèle Uber", les recourantes font valoir que si la Cour de justice avait correctement pris en considération lesdits éléments, elle n'aurait pas pu retenir comme indices de subordination à l'encontre d'Uber B.V. des obligations imposées à Uber CH en sa qualité de diffuseur de courses. Selon les recourantes, la Cour de justice aurait ainsi violé le droit d'être entendu en retenant qu'Uber CH n'était pas concernée par la décision du Service cantonal.  
La Cour de céans note que l'arrêt entrepris n'a pas retenu qu'Uber CH n'était pas concernée par la décision du Service cantonal, mais que le litige ne portait pas sur le statut de diffuseur de courses de cette société. On ne voit partant pas en quoi la Cour de justice aurait violé le droit d'être entendu en ne prenant pas en compte tous les éléments relatifs à Uber CH en tant que diffuseur de courses dans son raisonnement. 
Pour le reste, la critique des recourantes s'agissant de la prise en compte des obligations d'Uber CH en tant que diffuseur de courses pour se prononcer sur la relation de subordination des chauffeurs à l'égard d'Uber B.V. relève du fond. Le fait que la Cour de justice n'ait pas repris à son compte l'argumentation des recourantes ne révèle en revanche aucune violation du droit d'être entendu. La Cour de céans note que les précédents juges ont examiné en détail la qualification d'Uber B.V. en tant qu'entreprise de transport (p. 27 à 38 de l'arrêt attaqué). On comprend pourquoi ils ont estimé que le statut de diffuseur de courses d'Uber CH ne modifiait pas la qualification retenue. La motivation est suffisante et répond aux principaux griefs. 
 
4.4. Les recourantes reprochent à la Cour de justice de ne pas avoir pris en compte les éléments d'interprétation historique de la loi cantonale, qui établiraient que le Service cantonal n'était pas compétent pour rendre la décision entreprise et que le législateur genevois avait crée dans la loi le statut de diffuseur de courses en ayant le modèle Uber en tête.  
La Cour de justice a expliqué pour quelles raisons elle considérait que le Service cantonal était compétent pour rendre la décision litigieuse (considérant 7 de l'arrêt attaqué, p. 23 à 26 de l'arrêt attaqué) et pourquoi elle retenait qu'Uber B.V. remplissait les conditions fixées à l'art. 4 al. 1 let. c LTVTC pour être qualifiée d'entreprise de transport (considérant 9 à 14, p. 27 à 37 de l'arrêt attaqué). Elle n'a effectivement pas examiné les travaux préparatoires de la loi, mais on ne voit pas en quoi cet examen était nécessaire. En effet, la recourante ne prétend pas et il n'apparaît pas que des notions de la loi devaient faire l'objet d'une interprétation, notamment historique, avant de pouvoir en vérifier l'application dans le cas concret. La Cour de justice n'a partant pas méconnu son devoir de motivation en ne citant pas les travaux parlementaires. 
 
4.5. Les recourantes reprochent à la Cour de justice d'avoir écarté le grief tiré de la violation du principe de la bonne foi qu'elles avaient fait valoir, sans prendre en compte leur argumentation. Elles notent que "le raisonnement de la Cour de justice ne convainc pas" (p. 24 du recours). Sous couvert d'une prétendue violation du droit d'être entendu, les recourantes discutent un raisonnement au fond, soit celui suivi par la Cour de justice s'agissant du grief tiré de la bonne foi. L'autorité ne viole pas l'art. 29 al. 2 Cst. du fait qu'elle adopte une position différente de celle défendue par une partie. En notant que le raisonnement ne les convainc pas, les recourantes admettent au reste que la Cour de justice a suffisamment motivé sa décision. Le grief ne peut ainsi qu'être rejeté. Les recourantes devaient faire valoir leur critique sous l'angle d'une violation du principe de la bonne foi, ce qu'elles n'ont pas fait. Il n'y a partant pas lieu de revenir sur ce point (art. 106 al. 2 LTF).  
 
4.6. Les recourantes reprochent à la Cour de justice de ne pas avoir traité de la question du rapport de dépendance des chauffeurs vis-à-vis des assurances sociales. Il s'agit d'un critère alternatif dans la loi cantonale pour retenir la qualification d'entreprise de transport (cf. infra consid. 8.1). La Cour de justice ayant retenu que le critère du contrat de travail était rempli, elle pouvait, sans violer son devoir de motivation, ne pas examiner le second critère.  
 
4.7. Les recourantes se plaignent du caractère succinct de la motivation de la Cour de justice en lien avec l'ALCP. La Cour de justice a expliqué pour quel motif elle retenait que l'ALCP s'appliquait, à savoir parce que la recourante 2 avait son siège aux Pays-Bas et proposait des prestations de transport en Suisse. Cette motivation est succincte, mais suffisante. Le grief des recourantes démontre du reste qu'elles ont suffisamment compris l'arrêt attaqué pour le critiquer en connaissance de cause.  
 
4.8. Les recourantes dénoncent une absence de prise en compte de moyens de preuve, mais se contentent sur ce point de renvoyer à leurs griefs en lien avec l'arbitraire dans les faits et la violation du devoir d'instruction. Une telle manière de faire ne satisfait pas aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF. Le grief n'a donc pas à être examiné sous l'angle de l'art. 29 al. 2 Cst.  
 
4.9. Sur le vu de ce qui précède, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu est rejeté.  
 
5.  
Invoquant l'art. 19 LPA, les recourantes dénoncent une violation de la maxime inquisitoire. La Cour de justice aurait dû reconnaître une violation du devoir d'instruction du Service cantonal et y remédier. Par ailleurs, la Cour de justice aurait dû réauditionner les quatre chauffeurs entendus par l'Office cantonal du travail, cette fois-ci en présence d'un représentant d'Uber. Les recourantes reprochent également à la Cour de justice de ne pas avoir ordonné une seule audience d'instruction et de s'être fondée sur des preuves biaisées, à savoir les déclarations de quatre chauffeurs. 
 
5.1. Selon l'art. 19 LPA, l'autorité établit les faits d'office. Elle n'est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties.  
 
5.2. Il n'apparaît pas insoutenable au regard de l'art. 19 LPA de ne pas ordonner une audience d'instruction pour réentendre des personnes dont les déclarations écrites figuraient au dossier. Dès lors que la Cour de justice établit elle-même les faits pertinents, on ne comprend en outre pas en quoi les précédents juges auraient appliqué de manière arbitraire l'art. 19 LPA en lien avec l'instruction effectuée par le Service cantonal. Il ressort de l'arrêt attaqué qu'un abondant échange d'écritures a eu lieu devant la Cour de justice et qu'aucun acte d'instruction n'a été demandé. Les recourantes sont partant malvenues de se plaindre d'un défaut d'instruction. En tant que les recourantes critiquent la portée accordée aux déclarations des chauffeurs, leur grief relève de l'appréciation des preuves.  
 
5.3. Le grief tiré d'une violation de l'art. 19 LPA est rejeté.  
 
II. Grief tiré d'un établissement des faits arbitraire  
 
6.  
Les recourantes se plaignent d'arbitraire dans l'établissement des faits. 
 
6.1. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6; 139 II 373 consid. 1.6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 145 V 188 consid. 2; 137 II 353 consid. 5.1).  
 
6.2. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 144 I 113 consid. 7.1; 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3).  
 
6.3. Les recourantes reprochent à la Cour de justice de s'être fondée sur les déclarations des chauffeurs entendus par l'Office cantonal du travail et d'avoir de la sorte procédé à une "administration unilatérale des preuves".  
 
6.3.1. Les recourantes font tout d'abord valoir que l'arrêt attaqué repose pratiquement exclusivement sur les déclarations des chauffeurs.  
Il ressort de l'arrêt entrepris que la Cour de justice s'est expressément référée, en citant des points précis, aux documents contractuels devant être acceptés par les chauffeurs, soit le "contrat de prestations de service" du 3 février 2016, la "charte de la communauté Uber" et les "conditions de partenariat". Elle s'est aussi fondée sur des copies de relevés des revenus hebdomadaires des chauffeurs, sur des récapitulatifs fiscaux, ainsi que sur des copies de courriels et SMS adressés par l'application aux chauffeurs, venant confirmer leurs déclarations. 
Le reproche des recourantes est donc infondé. 
 
6.3.2. Les recourantes allèguent que les déclarations de quatre chauffeurs ne sauraient être représentatives des conditions prévalant pour tous les chauffeurs ayant recours à l'application Uber.  
Il suffit pour retenir la qualification d'entreprise de transport au sens du droit cantonal qu'il existe un contrat de travail (cf. infra consid. 8.1) entre l'entreprise et un chauffeur. Il n'était donc pas nécessaire d'établir la situation exacte de tous les chauffeurs de Genève pour se prononcer.  
 
6.3.3. Les recourantes estiment qu'il aurait fallu interroger les chauffeurs "de manière contradictoire", en présence d'un représentant d'Uber. Il serait "illicite" d'utiliser leurs déclarations.  
Cette critique a déjà été examinée, et écartée, sous l'angle de la violation alléguée du droit de participer à l'administration des preuves (cf. supra consid. 4.2.2).  
 
6.3.4. Les recourantes font valoir que d'autres chauffeurs se sont déclarés indépendants vis-à-vis d'Uber dans le cadre de la procédure d'adoption de la législation cantonale.  
Les recourantes se contentent d'affirmations générales. D'une part, elles n'exposent pas que les chauffeurs entendus au cours de l'élaboration de la loi, en 2016, étaient soumis aux mêmes conditions que les chauffeurs entendus en 2019 par l'Office cantonal du travail. D'autre part, elles n'exposent pas de contradictions précises entre les différentes déclarations susceptibles d'avoir une incidence sur l'issue du litige. 
 
6.3.5. Les recourantes allèguent que les déclarations des chauffeurs ne sont pas probantes, car contradictoires entre elles, notamment s'agissant de la durée de déconnexion temporaire en cas de refus d'une course ou de la liberté de choix de l'itinéraire lors d'une course, ainsi qu'avec des statistiques produites. Les chauffeurs ne seraient pas "punis" en cas de refus d'une course.  
Les recourantes ne contestent pas que les chauffeurs sont déconnectés de l'application pendant un certain laps de temps en cas de refus de courses; qu'il y ait des divergences dans les déclarations quant à la durée de cette déconnexion n'apparaît pas décisif. En outre, on ne voit pas en quoi les statistiques citées (au reste établies pour Lausanne et non Genève), indiquant des taux de refus (13%) et d'annulation (9%) de courses, démentiraient les déclarations des chauffeurs selon lesquelles en cas de refus répétés ils étaient déconnectés de l'application pendant un certain temps ou ne recevaient plus de courses (p. 32 in fine et 33 de l'arrêt attaqué). Cela démontre tout au plus que, malgré les conséquences, les chauffeurs refusent et annulent des courses. 
Même si certains chauffeurs ont déclaré être libres de leur itinéraire et d'autres pas, cela ne modifie pas le constat de la Cour de justice qu'il existe des moyens de contrôle de cet itinéraire. Par ailleurs, tous les chauffeurs ont exposé qu'ils supportaient les frais s'il existait une différence de prix entre l'itinéraire suggéré et celui suivi (p. 35 de l'arrêt attaqué), ce qui limite de facto la liberté de choix d'itinéraire.  
 
6.3.6. En définitive, les recourantes échouent à démontrer qu'il était insoutenable de se fonder sur les déclarations des chauffeurs. Au surplus, la Cour de céans note que la Cour de justice a retenu un rapport de subordination sur la base d'un ensemble de facteurs résultant tant des documents contractuels que des déclarations des chauffeurs. On ne voit pas qu'en retranchant les déclarations des chauffeurs critiquées dans le recours, l'on aboutirait à un autre résultat et les recourantes ne le démontrent pas.  
 
6.4. Les recourantes reprochent à la Cour de justice de ne pas avoir tenu compte d'éléments clairs liés au fonctionnement du modèle Uber, à savoir le caractère automatisé de l'attribution des courses, l'absence totale d'obligation pour les chauffeurs d'effectuer des courses et la possibilité d'un paiement en liquide directement d'un passager à un chauffeur.  
L'attribution automatique n'exclut pas en soi une attribution des courses plus ou moins rentables en fonction du taux de refus ou d'annulation des chauffeurs. On ne voit partant pas la pertinence de ce fait en l'espèce. Les recourantes prétendent au surplus de manière appellatoire avoir établi devant la Cour de justice que les seuls critères d'attribution étaient la proximité géographique et la disponibilité des chauffeurs. Il n'appartient pas à la Cour de céans de vérifier les éléments de preuve dont se prévalent les recourantes en se contentant de renvoyer à leurs précédentes écritures (cf. supra consid. 1.4).  
Les recourantes se prévalent de manière appellatoire de la liberté totale des chauffeurs d'effectuer des courses. La Cour de justice a au contraire retenu que les chauffeurs étaient incités de différentes manières à se connecter à l'application et subissaient des sanctions en cas de refus de courses, un taux d'annulation trop élevé pouvant conduire à une désactivation du compte notamment (p. 30 de l'arrêt attaqué). Le fait n'a donc pas été ignoré par la Cour de justice: il a été écarté. Une appréciation divergente n'est pas forcément arbitraire. Il aurait appartenu aux recourantes de démontrer le caractère insoutenable de la constatation de la Cour de justice sur les incitations et sanctions applicables aux chauffeurs, ce qu'elles ne font pas. 
La possibilité d'un paiement en liquide n'est effectivement pas mentionnée. On ne voit toutefois pas que ce facteur puisse influer sur le sort de la cause et les recourantes ne le démontrent pas. La critique est rejetée. 
 
6.5. Le recours dénonce également la "non-prise en compte d'éléments visant Uber CH dans la décision litigieuse", qui aurait conduit la Cour de justice à écarter les "griefs procéduraux" de la société Uber CH sans même les traiter.  
Le grief est confus. On ne voit pas quel grief procédural la Cour de justice n'aurait pas traité. Il est relevé à cet égard que la Cour de justice n'a pas méconnu le droit d'être entendu, ni de la recourante 1, ni de la recourante 2 (cf. supra consid. 4).  
 
6.6. Sur le vu de ce qui précède, le grief d'arbitraire dans l'établissement des faits doit être rejeté. Dans ce qui suit, le Tribunal fédéral se fondera partant exclusivement sur les faits retenus dans l'arrêt entrepris.  
 
III. Objet du litige  
 
7.  
Le litige porte principalement sur le point de savoir si les autorités cantonales pouvaient interdire à la recourante 2, Uber B.V., et, en tant que de besoin à la recourante 1, Uber CH, de poursuivre une activité d'entreprise de transport jusqu'au rétablissement d'une situation conforme au droit. Cela suppose que la recourante 2 puisse être qualifiée d'entreprise de transport. Il concerne aussi incidemment la communication de la décision du 29 octobre 2019 aux autorités compétentes, en particulier en matière d'ALCP. 
 
IV. Arbitraire dans l'application du droit cantonal  
 
8.  
Les recourantes se plaignent d'arbitraire dans l'application du droit cantonal sous plusieurs aspects. Il se justifie, pour traiter leurs critiques, de commencer par présenter le cadre légal cantonal (consid. 8.1). Il s'agit de distinguer notamment les notions de diffuseur de courses et d'entreprise de transport, dans la mesure où le recours se prévaut, entre autres, du statut de diffuseur de courses de la recourante 1 pour nier la qualité d'entreprise de transport de la recourante 2 (consid. 8.2). Il convient également de décrire le régime applicable aux entreprises de transport (consid. 8.3). Les compétences du Service cantonal doivent être exposées (consid. 8.4), afin d'examiner la critique des recourantes selon laquelle celui-ci n'était pas compétent pour se prononcer sur le point de savoir si la recourante 2 était liée par un contrat de travail avec les chauffeurs (consid. 8.5 et 8.6). 
 
8.1. La LTVTC régit l'activité de transport professionnel de personnes déployée par les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (VTC) dans le canton de Genève et l'activité des intermédiaires entre les clients et les chauffeurs, exercée dans le canton de Genève ou y déployant ses effets (cf. art. 2 LTVTC).  
Selon l'art. 4 let. c LTVTC, est un "exploitant d'entreprise de transport": "toute personne qui, en sa qualité de titulaire ou d'organe d'une entreprise, quelle que soit sa forme juridique, est liée avec un ou plusieurs chauffeurs par un contrat de travail au sens de l'article 319 du code des obligations ou de l'article 10 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000, ou met une ou plusieurs voitures à la disposition d'un ou plusieurs chauffeurs employés ou indépendants". 
D'après l'art. 4 let. d LTVTC, est un "diffuseur de courses": toute personne physique ou toute entreprise, quelle que soit sa forme juridique, qui sert d'intermédiaire entre le client et le transporteur par le biais de moyens de transmission téléphoniques, informatiques ou autres pour offrir au client l'accès au transporteur et pour transmettre au transporteur un ordre de course". 
 
8.2. Il résulte de ces définitions qu'une entreprise de transport emploie un ou des chauffeurs ou met à disposition des véhicules. Un diffuseur de courses, pour sa part, met en relation des clients avec un transporteur. Il n'est pas précisé dans la définition du diffuseur de courses si le transporteur est indépendant ou employé d'une entreprise de transport. Le fait que la recourante 1 se soit annoncée comme diffuseur de courses dans le canton de Genève ne préjuge ainsi pas encore du point de savoir si les chauffeurs sont employés ou indépendants vis-à-vis de la recourante 2.  
 
8.3. Les entreprises de transport, quelle que soit leur forme juridique, ont l'obligation de s'annoncer auprès de l'autorité cantonale compétente (art. 8 al. 1 LTVTC). Elles doivent avoir leur domicile, respectivement leur siège, en Suisse (art. 8 al. 2 LTVTC). Les offreurs de services de taxis et de voitures de transport avec chauffeur établis à l'étranger sont soumis aux dispositions des traités internationaux et législations d'application de droit suisse (art. 14 LTVTC). Les modalités de l'annonce sont décrites à l'art. 18 du règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC; RS/GE H 1 31.01). Si les exigences sont respectées, le Service cantonal délivre une attestation d'annonce (art. 18 al. 4 RTVTC). Tout exploitant d'une entreprise de taxis ou de voitures de transport avec chauffeur, quelle que soit sa forme juridique, veille, en sa qualité de dirigeant effectif, à ce que les chauffeurs qui utilisent les voitures de l'entreprise respectent toutes les dispositions légales qui leur sont applicables (art. 25 al. 1 LTVTC). Les exploitants d'entreprises respectent, pour autant qu'elle existe, la convention collective de travail ou, subsidiairement et pour autant qu'il existe, le contrat-type de travail, ainsi que les dispositions relatives à la protection sociale des travailleurs et aux conditions de travail en usage dans leur secteur d'activité. Le département leur demande en tout temps de signer l'engagement correspondant auprès de l'autorité cantonale compétente (art. 25 al. 2 et 3 LTVTC). Tout exploitant d'une entreprise de taxis ou de voitures de transport avec chauffeur, quelle que soit sa forme juridique, tient à jour un registre contenant les informations utiles relatives: a) aux voitures dont l'entreprise fait usage; b) aux chauffeurs qui utilisent les voitures de l'entreprise. Le registre peut être consulté par le département en tout temps. Sur demande, l'exploitant remet également au département toutes pièces justificatives permettant de vérifier l'exacte tenue du registre (art. 26 al. 1 à 3 LTVTC).  
 
8.4. Le Service cantonal est, sur délégation du Département de l'économie et de l'emploi (auparavant: Département de la sécurité, de l'emploi et de la santé), chargé de l'exécution de la loi et du règlement d'application (art. 3 LTVTC; art. 2 RTVTC). Le Département est notamment compétent pour décider des mesures et sanctions relatives à l'application de la LTVTC (art. 33 al. 1 LTVTC). Par ailleurs, le Service cantonal peut prendre les mesures prévues à l'art. 36 LTVTC (interdiction de la poursuite de l'activité) jusqu'au rétablissement d'une situation conforme au droit s'il constate que les obligations incombant aux exploitants d'une entreprise de transport, respectivement au diffuseur de courses, ne sont pas respectées (art. 19 RTVTC).  
 
8.5. Pour ce qui a trait à la compétence du Service cantonal, la Cour de justice a considéré qu'il découlait de la LTVTC et de son règlement d'application que ce service était chargé d'appliquer la loi. Il lui revenait en conséquence de déterminer si, comme le prévoyait l'art. 4 let. c LTVTC, un exploitant devait être qualifié d'entreprise de transport. Pour ce faire, il incombait au Service cantonal de vérifier les conditions posées par la loi pour déterminer si une entreprise entrait dans cette catégorie. Entre autres conditions alternatives, l'exploitant devait être lié à un ou plusieurs chauffeurs par un contrat de travail. Il revenait par conséquent au Service cantonal de vérifier si cette condition était remplie.  
 
8.6. On ne voit pas que ce raisonnement puisse être qualifié d'arbitraire. Les recourantes ne le démontrent pas non plus. Les extraits de débats parlementaires qu'elles citent (Grand Conseil de Genève, séance du vendredi 23 septembre 2016 à 18h, discussion du PL 11709, amendement de l'art. 4 let. c, p. 19; rapport de la Commission des transports du 5 septembre 2016, figurant dans le volume du Mémorial du Grand Conseil de Genève "annexes: objets nouveaux" de la session VII des 22 et 23 septembre 2016, p. 120-121) ne leur sont d'aucune utilité. En effet, il en résulte seulement que la question du statut des chauffeurs Uber a été abordée, sans être tranchée, les parlementaires et le Conseiller d'Etat s'étant exprimés ayant relevé que la qualification revenait ultimement aux tribunaux. Le fait qu'il n'y ait pas eu de discussion expresse ne signifie pas que le Service cantonal, autorité chargée expressément de l'exécution de la loi, ne pouvait pas, à titre préalable, vérifier les conditions d'application de la loi. C'est donc de manière soutenable que la Cour de justice a retenu que le Service cantonal était compétent pour vérifier si la recourante 2 devait être qualifiée d'entreprise de transport au sens de l'art. 4 let. c LTVTC.  
 
9.  
Les recourantes font valoir que la qualification d'entreprise de transport au sens de l'art. 4 let. c LTVTC est arbitraire, car les chauffeurs ne se trouveraient pas dans une relation de travail au sens de l'art. 319 CO avec la recourante 2. 
 
9.1. Comme on l'a vu, l'existence d'un contrat de travail au sens de l'art. 319 CO est un des cas de figure envisagé à l'art. 4 let. c LTVTC pour qu'il y ait entreprise de transport au sens du droit cantonal (cf. supra consid. 8.1). L'existence d'un tel contrat s'inscrit dans le cadre de l'application de la LTVTC, le renvoi à l'art. 319 CO étant de droit cantonal supplétif (cf. supra consid. 2.2).  
 
9.2. A teneur de l'art. 319 al. 1 CO, par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l'employeur et celui-ci à payer un salaire fixé d'après le temps ou le travail fourni. Les éléments caractéristiques de ce contrat sont donc une prestation de travail, un rapport de subordination, un élément de durée et une rémunération (notamment arrêts 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3; 4A_64/2020 du 6 août 2020 consid. 6.1; 4A_10/2017 du 19 juillet 2017 consid. 3.1; 4A_200/2015 du 3 septembre 2015 consid. 4.2.1).  
Le contrat de travail se distingue avant tout des autres contrats de prestation de services, en particulier du mandat, par l'existence d'un lien de subordination (ATF 125 III 78 consid. 4; 112 II 41 consid. 1a/aa et consid. 1a/bb in fine), qui place le travailleur dans la dépendance de l'employeur sous l'angle personnel, organisationnel et temporel ainsi que, dans une certaine mesure, économique (ATF 121 I 259 consid. 3a; arrêts 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3.1; 4A_64/2020 du 6 août 2020 consid. 6.2). La dépendance économique du travailleur est un aspect typique du contrat de travail. Est déterminant le fait que, dans le contexte de la prestation que le travailleur doit exécuter, d'autres sources de revenus sont exclues et qu'il ne puisse pas, par ses décisions entrepreneuriales, influer sur son revenu (arrêt 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3.2). 
Le travailleur est assujetti à la surveillance, aux ordres et instructions de l'employeur; il est intégré dans l'organisation de travail d'autrui et y reçoit une place déterminée (arrêts 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3.1; 4A_64/2020 du 6 août 2020 consid. 6.3.1; 4A_10/2017 du 19 juillet 2017 consid. 3.1). Le contrat de travail est en principe conclu intuitu personae. Il est en effet étroitement lié aux qualités et prestations du travailleur, ce qui implique aussi, sauf accord contraire ou si les circonstances l'y autorisent (art. 321 CO), que celui-ci exécute personnellement la prestation de travail (c F. GEISER/MÜLLER/PÄRLI, Arbeitsrecht in der Schweiz, 4e éd. 2019, p. 136 n. 303; AURÉLIEN WITZIG, Droit du travail, 2018, p. 392 s., n. 1189; JEAN-PHILIPPE DUNAND, Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 5 s. ad art. 321 CO).  
En principe, des instructions qui ne se limitent pas à de simples directives générales sur la manière d'exécuter la tâche, mais qui influent sur l'objet et l'organisation du travail et instaurent un droit de contrôle de l'ayant droit, révèlent l'existence d'un contrat de travail plutôt que d'un mandat (arrêts 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3.1; 4A_64/2020 du 6 août 2020 consid. 6.3.1 et les arrêts cités). Les critères formels, tels l'intitulé du contrat, les déclarations des parties ou les déductions aux assurances sociales, ne sont pas déterminants. Il faut bien plutôt tenir compte de critères matériels relatifs à la manière dont la prestation de travail est effectivement exécutée, tels le degré de liberté dans l'organisation du travail et du temps, l'existence ou non d'une obligation de rendre compte de l'activité et/ou de suivre les instructions, ou encore l'identification de la partie qui supporte le risque économique (arrêts 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3.2; 2C_714/2010 du 14 décembre 2010 consid. 3.4.2). Constituent des éléments typiques du contrat de travail le remboursement des frais encourus par le travailleur et le fait que l'employeur supporte le risque économique et que le travailleur abandonne à un tiers l'exploitation de sa prestation, en contrepartie d'un revenu assuré (arrêts 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3.2; 4A_64/2020 du 6 août 2020 consid. 6.3.5 et les arrêts cités). 
Seul l'examen de l'ensemble des circonstances du cas concret permet de déterminer si l'activité en cause est exercée de manière dépendante ou indépendante (ATF 130 III 213 consid. 2.1; 129 III 664 consid. 3.2; 128 III 129 consid. 1a/aa; arrêt 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3.2). 
 
9.3. Plusieurs décisions judiciaires ont été rendues en Suisse en lien avec le service de transport de passagers proposé par Uber, mais le Tribunal fédéral ne s'est pas encore prononcé sur la qualification des relations contractuelles entre les chauffeurs et leur co-contractant, à savoir en l'occurrence Uber B.V.  
 
9.3.1. Dans un arrêt 2C_500/2016 du 31 octobre 2016, dans lequel la société Uber CH se plaignait de ce que le Tribunal cantonal vaudois lui avait dénié la qualité pour recourir contre certaines dispositions du règlement intercommunal vaudois sur le service de taxis, le Tribunal fédéral a relevé que "les prestations de la recourante ne se limitaient pas à mettre en place une plateforme de mise en relation des chauffeurs de taxis AVEC leurs clients, qui serait assimilable à un central téléphonique. "Uber" se charg[eait] en sus de la facturation des services de transport aux clients du transporteur et impose ses propres conditions, y compris tarifaires, aux chauffeurs professionnels et privés recourant à ses services" (consid. 3.4). Le Tribunal fédéral en a conclu que la recourante avait un intérêt à former un recours normatif abstrait à l'encontre des nouvelles dispositions du règlement intercommunal.  
 
9.3.2. Dans un arrêt du 29 mars 2021 (ATF 147 V 174), le Tribunal fédéral a retenu qu'Uber CH ne pouvait pas être assujettie aux cotisations AVS, car l'obligation de cotiser incombait exclusivement à l'employeur et il n'était pas allégué qu'Uber CH avait cette qualité. L'affaire portait sur les chauffeurs UberPop (chauffeurs non professionnels), liés contractuellement à la société Rasier Operations B.V., une des autres sociétés du groupe Uber. La Caisse de compensation de Zurich avait conclu que les chauffeurs UberPop exerçaient une activité dépendante et retenu qu'Uber CH devait payer les cotisations AVS en tant qu'établissement stable de Rasier Operations B.V. Saisi d'un recours d'Uber CH et de Rasier Operations B.V., le Tribunal des assurances sociales du canton de Zurich avait disjoint les causes et conclu qu'Uber CH n'était pas assujettie aux cotisations (décision du 16 septembre 2020 AB.2020.00061), ce que le Tribunal fédéral a confirmé, sans se prononcer sur le statut des chauffeurs en tant que tel, mais sans exclure que Rasier Operations B.V. puisse être qualifiée d'employeur.  
 
9.3.3. Dans le prolongement de cette affaire, statuant sur la cause relative à Rasier Operations B.V. par arrêt du 20 décembre 2021 (AB.2020.00045), le Tribunal des assurances sociales de Zurich a en substance retenu que les chauffeurs UberPop devaient être qualifiés de salariés de l'entreprise. Un recours est pendant au Tribunal fédéral.  
Par ailleurs, par arrêts du 21 décembre 2021 (notamment UV.2020.00006), le Tribunal des assurances sociales de Zurich a confirmé des décisions de la SUVA dirigées contre Uber B.V et retenant que les chauffeurs Uber exerçaient une activité dépendante. Des recours sont pendants au Tribunal fédéral. 
 
9.3.4. La Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a retenu, dans un arrêt du 23 avril 2020 (HC/2020/535), que la convention conclue entre la société Rasier Operations B.V. et les chauffeurs UberPop réunissait les éléments caractéristiques du contrat de travail. Cet arrêt est définitif.  
 
9.4. Que cela soit en droit du travail ou en droit des assurances sociales, la doctrine suisse s'étant intéressée spécifiquement à la plateforme Uber pour le transport de passagers parvient à des conclusions diverses au sujet du statut des chauffeurs (en faveur d'un contrat de travail notamment: WYLER/HEINZER, Droit du travail, 4e éd. 2019, p. 32 ss, p. 38; LUCA CIRIGLIANO, Numérisation et droit du travail, PJA 2018 p. 438 ss, p. 440 s.; KURT PÄRLI, Neue Formen der Arbeitsorganisation, Internet-Plafformen als Arbeitgeber, DTA 2016, p. 243 ss, p. 252; niant l'existence d'un contrat de travail, mais retenant un statut de "personne assimilée à un travailleur" [ arbeitnehmerähnliche Person; sur cette notion: ATF 118 II 157]: MICHAEL MEIER, Uber-Fahrer im schweizerischen Arbeitsrecht, in Vania Debrova et al. [édit.], Neue Arbeitsformen und ihre Herausforderungen im Arbeits-und Sozialversicherungsrecht, 2018, p. 65 ss, p. 77 s., p. 82; concluant plutôt à une activité dépendante: RIEMER-KAFKA/STUDER, Digitalisierung und Sozialversicherung - einige Gedanken zum Umgang mit neuen Technologien in der Arbeitswelt, SZS 2017 p. 354 ss, p. 364 ss, p. 373 ss; niant catégoriquement l'existence d'un contrat de travail ou d'un statut de dépendant: THOMAS RIHM, Vermittlungsplattformen sind keine Arbeitgeber, Jusletter du 1er avril 2019; DE LA FUENTE/FISCHER, Les plateformes numériques à l'épreuve du droit du travail, Jusletter du 10 décembre 2018, para. 57 et 69; concluant plutôt à l'absence d'un contrat de travail: ABEGG/BERNAUER, Das Recht der Sharing Economy, 2018, p. 29 ss, n. 34 ss). Des avis de droit ont en outre été rendus à la demande d'Uber (avis de droit d'Ueli Kieser et avis de droit de Bettina Kahil-Wolff) et du syndicat UNIA (avis de droit de Thomas Gächter/Michael Meier, publié dans la Jusletter du 3 septembre 2018, et avis de droit de Kurt Pärli), les premiers parvenant à la conclusion que les chauffeurs sont indépendants et les seconds à la conclusion inverse (résumant les quatre avis rendus: GABRIELA RIEMER-KAFKA, Plattformarbeit oder andere Formen der Zusammenarbeit: Sind die Abgrenzungskriterien für selbständige oder für unselbständige Erwerbstätigkeit noch tauglich?, SZS 2018, p. 581 ss, p. 598, note de bas de page 29).  
 
9.5. Le statut des chauffeurs Uber est très discuté à l'étranger également. Rien qu'en Europe, on peut relever que la Cour suprême du Royaume-Uni a, dans une décision du 19 février 2021, confirmé, notamment eu égard au lien de subordination caractérisant la relation, que les chauffeurs Uber devaient être qualifiés de travailleurs (un statut intermédiaire entre employé et indépendant) (Supreme Court, Uber BV and others (Appellants) v Aslam and others (Respondents) [2021] UKSC 5 on appeal from: [2018] EWCA Civ 2748). En France, la Chambre sociale de la Cour de cassation a retenu entre Uber et les chauffeurs une relation de travail (Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt no 374 du 4 mars 2020 [pourvoi no 19-13.316], Uber France, société par actions simplifiée unipersonnelle et autre (s) v. M. A. X.). Il convient toutefois de relever que certaines juridictions inférieures ont maintenu, après cet arrêt, une approche différente (cf. CHRISTINA HIESSL, Case law on the classification of platform workers: Cross-European comparative analysis and tentative conclusions, report prepared for the European Commission, octobre 2021, p. 12 à 14) et que le législateur français s'est saisi de la question du travail pour les plateformes (cf. par exemple ordonnance no 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d'exercice de cette représentation). Aux Pays-Bas, une Cour civile a également retenu qu'Uber était un employeur (CHRISTINA HIESSL, op. cit., p. 25 s.). En Belgique, une Cour commerciale a en revanche estimé qu'Uber transport n'avait qu'un rôle d'intermédiaire et que les chauffeurs étaient indépendants (cf. CHRISTINA HIESSL, op. cit., p. 8).  
Au niveau de l'Union européenne, on peut relever que la Cour de justice a retenu qu'Uber était une entreprise de service dans le domaine des transports, pouvant notamment être soumise à un régime d'autorisation administrative nationale préalable, et non un service de la société de l'information. Elle a considéré à cet égard que le service proposé ne se résumait pas à la mise en relation, au moyen d'une application pour téléphone intelligent, d'un chauffeur non professionnel utilisant son propre véhicule et une personne qui souhaitait effectuer un déplacement urbain et qu'Uber exerçait "une influence décisive sur les conditions de la prestation des chauffeurs" (CJUE, arrêt C-434/15 du 20 décembre 2017, Asociaci ó n Profesional Elite Taxi contre Uber Systems Spain SL, par. 33 ss, par. 37 à 39; confirmé par CJUE, arrêt C- 320/16 du 10 avril 2018, Uber France SAS, par. 18 ss, par. 24).  
 
10.  
Dans le présent cas, il convient de se demander si la Cour de justice est tombée dans l'arbitraire en retenant, en lien avec la qualification d'entreprise de transport au sens de l'art. 4 let. c LTVTC, l'existence d'une relation de travail au sens de l'art. 319 CO entre la recourante 2 et à tout le moins les quatre chauffeurs entendus par l'Office cantonal du travail. 
 
10.1. Selon les faits de l'arrêt entrepris, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), les chauffeurs avaient eu connaissance de la possibilité de travailler pour le groupe Uber par l'intermédiaire d'une plateforme d'offres d'emploi sur Internet. Après une séance d'information dans les locaux d'Uber à Genève, les chauffeurs avaient dû accepter des conditions générales d'utilisation, un contrat de prestation de services et la Charte de la communauté Uber. D'après l'arrêt attaqué, le chauffeur 1 avait effectué un peu plus de 10'000 courses entre octobre 2015 et la suspension de son compte en mars 2019. En 2018 et 2019, le nombre d'heures hebdomadaires de courses était compris entre 10h33 et 57h15. Le deuxième chauffeur avait consacré, à partir de mars 2017, entre 10 et 45 heures hebdomadaires à l'activité de chauffeur Uber. Le troisième chauffeur était inscrit depuis juillet 2015, mais ne travaillait plus pour la plateforme et les relevés fournis ne couvraient pas l'intégralité de la période. En deux ans et demi, le quatrième chauffeur avait effectué 7'475 courses.  
D'après les documents contractuels, les chauffeurs n'étaient ni tenus à des horaires, ni à un nombre d'heures minimum de connexion à l'application. En cas d'inactivité prolongée, Uber leur adressait cependant des SMS et courriels via l'application, les invitant à reprendre leur activité. Les chauffeurs étaient en outre encouragés par SMS à travailler à certaines périodes. 
Les chauffeurs devaient suivre différentes règles relatives à l'état du véhicule, ainsi que différentes consignes de comportement vis-à-vis des clients et d'habillement (interdiction d'afficher des logos, noms ou couleurs d'affiliés ou de porter une tenue vestimentaire à l'effigie ou aux couleurs d'Uber). Selon la Charte, les actes menaçant la sécurité des chauffeurs et des passagers étaient examinés et, s'ils étaient confirmés, le compte du chauffeur pouvait être désactivé. 
Le chauffeur qui ne souhaitait pas accepter de courses était invité à se déconnecter de l'application. S'il refusait des demandes de courses, il était supposé ne plus vouloir en accepter du tout et pouvait être déconnecté de l'application. Les chauffeurs avaient expliqué qu'ils étaient déconnectés après avoir refusé entre deux et trois courses. Ils pouvaient ensuite se reconnecter, moyennant un certain délai d'attente. Il ressortait des documents contractuels que chaque ville possédait un taux d'annulation de courses maximal. Le chauffeur était prévenu si son taux d'annulation était bien plus élevé que le taux maximum ou s'il annulait des courses plus souvent que les autres chauffeurs de sa ville. Il risquait de perdre l'accès à son compte si son taux d'annulation restait au-dessus de la limite maximale. Les meilleurs chauffeurs avaient un taux d'annulation inférieur à 5%. 
Uber B.V., après avoir retenu une commission, versait au chauffeur le prix de la course, encaissé auprès du client. Le prix était fixé par Uber B.V. et les chauffeurs n'avaient pas d'influence sur celui-ci. Il était interdit de négocier le prix directement avec le client. Selon le contrat de prestation, Uber se réservait le droit de modifier à tout moment le calcul du tarif à sa discrétion. Le prix de la course pouvait notamment être ajusté en cas d'itinéraire jugé inefficace. 
L'itinéraire était indiqué par l'application. Si cet itinéraire n'était pas suivi, le prix fixé à l'avance n'était pas adapté et le chauffeur supportait les frais s'il existait une différence entre l'itinéraire suggéré et celui suivi, même si cela correspondait à une demande du client. La recourante 2 ne modifiait le forfait que si elle considérait l'itinéraire comme justifié. 
Après chaque course, le passager et le chauffeur pouvaient se noter mutuellement sur une échelle allant d'une à cinq étoiles. La note du chauffeur était basée sur le nombre moyen d'étoiles accordées par les passagers après leur course sur les 500 dernières courses. Il existait une note moyenne minimale dans chaque ville. Si la note moyenne du chauffeur s'approchait de cette limite, il était prévenu; s'il restait en dessous malgré les avertissements, le chauffeur pouvait perdre l'accès à son compte. Les chauffeurs n'avaient accès qu'à leur note moyenne; ils ignoraient quelle note le client avait attribuée après une course et les critères de notation. 
Les plaintes des clients étaient adressées à la recourante 2. En attendant des clarifications, la recourante 2 suspendait le compte du chauffeur. Celui-ci n'avait accès ni au contenu de la plainte, ni à l'identité du plaignant, ni à la course concernée. La déconnexion ensuite d'une plainte pouvait être temporaire ou définitive. 
Les chauffeurs étaient soumis à une géolocalisation permanente dès qu'ils ouvraient l'application. L'emplacement approximatif du véhicule était affiché à l'utilisateur. En outre, Uber pouvait analyser, suivre et partager les informations de géolocalisation pour des raisons de sécurité ou des motifs techniques, marketing ou commerciaux. 
 
10.2. Eu égard aux faits retenus, il n'est pas arbitraire de considérer que les chauffeurs entendus par l'Office cantonal du travail ont effectué une prestation de travail rémunérée pour la recourante 2 qui s'est inscrite dans la durée, puisqu'ils ont réalisé des centaines de courses contre un prix fixé unilatéralement par elle.  
Outre que la recourante 2 contrôle entièrement les prix des courses, il résulte de l'arrêt attaqué qu'elle régit de manière précise la façon dont la prestation de transport doit être effectuée, en donnant notamment des consignes quant au véhicule et au comportement à suivre par les chauffeurs, ainsi qu'en fixant l'itinéraire à suivre. Les chauffeurs ne sont pas libres d'organiser leur travail une fois connectés à la plateforme, les refus de courses répétés étant sanctionnés par des désactivations du compte pour une durée déterminée. La géolocalisation permet également de contrôler l'activité des chauffeurs. En particulier, un itinéraire jugé inefficace peut être sanctionné par une diminution du prix de la course. Les chauffeurs sont en outre contrôlés et surveillés via le système de notation et de plaintes, étant relevé qu'ils n'ont pas la possibilité de connaître l'auteur d'une note ou d'une plainte et qu'un compte peut être désactivé pendant le traitement de la plainte, à l'entière discrétion de la recourante 2. 
Eu égard à l'ensemble de ces éléments, qui dénotent un contrôle sur l'activité et une surveillance caractéristiques d'une relation de subordination, la conclusion de la Cour de justice selon laquelle il existe un contrat de travail entre la recourante 2 et à tout le moins les quatre chauffeurs entendus par l'Office cantonal du travail échappe à l'arbitraire. La conclusion de la Cour de justice apparaît d'autant moins insoutenable qu'elle concorde avec celle d'autres juridictions, suisses ou étrangères, ayant eu à se prononcer sur des clauses contractuelles et conditions concrètes similaires, ainsi qu'avec celle d'une partie de la doctrine suisse. 
 
10.3. Les recourantes s'opposent à la conclusion qui précède en alléguant qu'il n'y aurait pas de salaire rémunérant une prestation en faveur d'Uber, puisque la plateforme agirait seulement comme un intermédiaire entre les passagers et les chauffeurs.  
La recourante 2 ne peut pas prétendre qu'elle n'est qu'un intermédiaire vis-à-vis des chauffeurs, alors qu'elle dicte entièrement les conditions tarifaires, contrôle leur activité et facture les prestations aux clients. A cet égard, elle est malvenue de se comparer à une centrale de taxis genevoise qui se contentait d'encaisser auprès des chauffeurs un montant mensuel fixe pour ses prestations et n'exerçait aucun contrôle sur leur activité et leur rémunération (cf. arrêt 8C_38/2019 du 12 août 2020). De même, la structure mise en place diffère de celle envisagée dans l'arrêt 8C_554/2018 du 5 mai 2020 dont les recourantes se prévalent dans leur réplique (centrale d'appel téléphonique des taxis disposant d'un monopole d'exploitation). En revanche, la Cour de céans note qu'elle ne voit pas en quoi le présent cas se distingue de l'affaire vaudoise dans laquelle le Tribunal fédéral a déjà relevé qu'Uber ne se limitait pas à mettre en relation des chauffeurs avec des clients (cf. arrêt 2C_500/2016 du 31 octobre 2016 consid. 3.4 cité supra consid. 9.3.1). Enfin, comme il a été relevé (cf. supra consid. 8.2), un statut de diffuseur de courses au sens du droit cantonal genevois, soit d'intermédiaire entre le client et le transporteur, ne préjuge pas encore de la qualification des relations contractuelles entre une entreprise et des chauffeurs, de sorte que le fait que la recourante 1 soit annoncée comme diffuseur de courses à Genève ne signifie pas encore que les chauffeurs sont indépendants vis-à-vis de la recourante 2.  
 
10.4. D'après le recours, il n'y aurait aucune prestation personnelle de travail en faveur de la recourante 2 de la part des chauffeurs, car ils ne seraient pas sélectionnés personnellement et n'auraient aucun engagement vis-à-vis d'elle. En outre, l'élément de durée propre au contrat de travail ferait défaut, compte tenu de l'absence d'obligation d'utiliser l'application et de la liberté des chauffeurs de se connecter et déconnecter quand ils le souhaitaient.  
Il n'est pas expliqué pourquoi l'absence d'un processus de sélection en fonction des compétences personnelles exclurait un contrat de travail. Au demeurant, il existe un système de notation de la part des clients qui permet d'exclure les chauffeurs, ce qui revient à une sélection, même si elle ne se fait pas à l'embauche. Il n'est par ailleurs pas contesté que les chauffeurs entendus ont effectué personnellement les courses. Quant à la liberté d'utilisation de l'application Uber, elle a été nuancée par la Cour de justice, qui a constaté que les chauffeurs recevaient des SMS d'incitation à se connecter à l'application et étaient sanctionnés d'un délai d'attente pour se reconnecter à l'application en cas de désactivation à la suite de refus de courses. Un taux d'annulation trop élevé peut en outre conduire à la désactivation du compte. 
Pour ce qui a trait à l'élément de durée, il résulte de l'arrêt attaqué que les chauffeurs acceptent l'ensemble des documents contractuels fixant les conditions de la relation pour une durée indéterminée. Une fois ces documents cadres signés, les chauffeurs effectuent des courses qu'ils peuvent, dans une certaine mesure, refuser. Comme le souligne le Service cantonal, un tel modèle évoque le travail sur appel improprement dit (cf. arrêts 4A_334/2017 du 4 octobre 2017 consid. 2.2; 8C_318/2014 du 21 mai 2015 consid. 5.1; 4A_509/2009 du 7 janvier 2010 consid. 2.3). Un contrat de travail n'est donc pas exclu du fait de ces caractéristiques. 
 
10.5. Les recourantes allèguent que les chauffeurs supportent le risque économique en cas de non-paiement par les passagers et ne perçoivent pas de salaire, ce qui exclurait selon elles l'existence d'un contrat de travail.  
La position des recourantes est déplacée. En présence d'un lien de subordination tel que décrit ci-avant, le fait que l'employeur potentiel se soit réservé dans le contrat le droit de faire supporter le risque économique en cas de non-paiement par les clients sur les personnes qu'il occupe ne saurait être décisif. On ne saurait en effet exclure un contrat de travail au motif que l'employeur ne respecte pas ses propres obligations. 
 
10.6. Les recourantes nient tout lien de subordination propre au contrat de travail. Elles font valoir de diverses manières et à de multiples reprises que les différentes consignes aux chauffeurs, ne font que répéter des obligations légales contenues dans la LTVTC et notamment celles imposées au diffuseur de courses. Il ne s'agirait partant pas de directives dénotant une subordination hiérarchique. De même, la loi imposerait de fixer des tarifs et de géolocaliser les chauffeurs, de sorte que ces éléments ne constitueraient pas des signes de subordination. Les déconnexions temporaires ne seraient aussi que la manifestation des obligations imposées par la loi, puisqu'il faudrait garantir la disponibilité du service de taxis. Elles se prévalent en particulier des art. 18 al. 1 et 2, 27 et 29 LTVTC.  
 
10.6.1. D'après l'art. 18 al. 1 et 2 LTVTC, les prix des courses sont déterminés selon l'enregistrement du compteur horokilométrique, d'une application informatique ou de tout autre moyen électronique. Ces dispositifs doivent pouvoir être contrôlés en tout temps par le département et être visibles des passagers pendant toute la course (al. 1). Les courses sont effectuées en suivant l'itinéraire le plus avantageux, sauf demande expresse du client (al. 2).  
Selon l'art. 27 LTVTC, les diffuseurs de courses ne sont pas autorisés à attribuer des courses à des chauffeurs qui ne sont pas au bénéfice des autorisations et permis nécessaires pour exercer leur activité, ou qui utilisent des véhicules ne répondant pas aux exigences posées par la présente loi et ses dispositions d'application. D'après l'art. 29 al. 1 let. a LTVTC, tout diffuseur de courses doit garantir la fiabilité et la qualité du service. Selon l'art. 29 al. 2 LTVTC, les diffuseurs de courses de taxis contribuent, ensemble, à la disponibilité des taxis sur tout le territoire du canton de Genève de sorte à répondre rapidement à la demande des clients tous les jours de l'année et à toute heure. 
 
10.6.2. A suivre les recourantes, le fait que le législateur genevois ait édicté des règles encadrant la profession des chauffeurs de voiture de transport et l'activité des diffuseurs de courses exclurait pratiquement que la recourante 2 puisse être un employeur, car tout ce qu'elle imposerait aux chauffeurs ne serait que la répétition et la concrétisation de la loi. On peine toutefois à comprendre pour quelle raison la recourante 2 devrait rappeler dans ses relations contractuelles avec les chauffeurs les obligations de diffuseur de courses de la recourante 1, qui a pour sa part expliqué qu'elle n'était pas impliquée dans les relations avec les chauffeurs.  
Quoi qu'il en soit, les règles de la législation cantonale citées sont très générales; ainsi de la garantie de qualité et de fiabilité ou du fait que les chauffeurs doivent être en possession des autorisations et permis nécessaires. Si la recourante 2 se contentait effectivement de rappeler ces règles légales ou d'autres prescriptions de droit public dans les documents contractuels la liant aux chauffeurs, l'on pourrait éventuellement admettre avec elle qu'il ne s'agit pas d'instructions dénotant un rapport de subordination (cf. arrêt 4C.276/2006 du 25 janvier 2007 consid. 4.3.2; cf., en assurances sociales, à propos de centrales de taxis: arrêts 8C_38/2019 du 12 août 2020 consid. 6.2.2; 8C_554/2018 du 5 mai 2020 consid. 7.2.3). Les consignes et directives s'agissant des véhicules et du comportement des chauffeurs vont toutefois au-delà de ces règles générales à teneur de l'arrêt attaqué (véhicule pas plus vieux de 10 ans, correspondant aux normes de qualité d'Uber et devant être autorisé par elle; règles de comportement précises à l'égard des clients et consignes sur les tenues vestimentaires par exemple). La loi cantonale n'impose par ailleurs pas un prix de course déterminé sans possibilité d'en négocier le montant avec le client, ni une géolocalisation permanente des chauffeurs notamment à des fins marketing, ni une diminution du prix de la course en cas d'itinéraire jugé inefficace. Pour ce qui a trait à l'obligation de disponibilité du service, prévue à l'art. 29 al. 2 LTVTC et qui justifierait selon les recourantes les déconnexions de compte en cas de refus de course, le Service cantonal relève de manière pertinente que la règle s'adresse au service de taxis et non aux voitures de transport avec chauffeur. La recourante 2 ne se limite clairement pas à rappeler aux chauffeurs les seules exigences de la loi. 
 
10.7. Les recourantes nient que le système de notation et la géolocalisation soient des moyens de contrôle de l'activité des chauffeurs.  
La recourante 2 va au-delà d'un simple système de notation réciproque, puisque le chauffeur ignore quelle note il a reçue de quel passager et que le système mis en place est suivi de sanctions en cas de note moyenne jugée insuffisante, pouvant aller jusqu'à la désactivation du compte. La géolocalisation permet de déterminer si un trajet est inefficace, conduisant à une possible diminution du prix de la course. La recourante 2 peut en outre disposer librement des données à des fins notamment de marketing. Il ne s'agit donc pas uniquement d'un système d'attributions des courses comme elle le prétend. 
 
10.8. Il est aussi souligné dans le recours que les chauffeurs n'auraient pas d'horaire de travail, ni de lieu de travail assigné et seraient libres d'exercer une activité parallèle.  
L'absence d'horaires fixes ou d'un lieu de travail déterminé peuvent constituer des indices d'une activité indépendante, mais ils n'excluent pas l'existence d'un contrat de travail (cf. arrêts 4C.276/2006 du 25 janvier 2007 consid. 4.4.1 et 4.4.2; 4C.163/2005 du 31 octobre 2005 consid. 2.1) ou une activité dépendante au sens des assurances sociales (cf. arrêt 8C_554/2018 du 5 mai 2020 consid. 3.2; ATF 122 V 169 consid. 6a). On peut au reste relever que la Cour de justice a retenu que les chauffeurs n'étaient pas entièrement libres, puisqu'ils étaient incités à se connecter à la plateforme et soumis à des sanctions en cas de refus de courses. 
La liberté d'exercer une activité parallèle alléguée par la recourante ne ressort pas de l'arrêt attaqué. Quoi qu'il en soit, une telle liberté n'exclut pas non plus un contrat de travail (cf. arrêts 4C.276/2006 du 25 janvier 2007 consid. 4.6.1; 4C.163/2005 du 31 octobre 2005 consid. 4.2). 
 
10.9. En définitive, les critiques du recours ne démontrent pas que la Cour de justice serait tombée dans l'arbitraire en qualifiant, dans le cadre de l'application de l'art. 4 let. c LTVTC, de relation de travail au sens de l'art. 319 CO la relation contractuelle nouée entre la recourante 2 et à tout le moins les quatre chauffeurs entendus par l'Office cantonal du travail.  
Dès lors que la Cour de justice a retenu sans arbitraire que la recourante 2 était liée aux chauffeurs par un contrat de travail, c'est également sans arbitraire qu'elle a confirmé que la recourante 2 était une entreprise de transport au sens de l'art. 4 let. c LTVTC. Cette disposition mentionnant à titre alternatif l'art. 10 LPGA, l'analyse sous l'angle de cette disposition n'est pas nécessaire. 
 
11.  
Au titre de l'application arbitraire du droit cantonal, le recours dénonce encore une violation de l'art. 36 al. 2 LTVTC. 
 
11.1. D'après l'art. 36 al. 2 LTVTC, le département peut faire interdiction à un diffuseur de courses ou à une entreprise de transport de poursuivre son activité s'il ne respecte pas les obligations qui lui sont imposées par cette loi et ses dispositions d'application, jusqu'au rétablissement d'une situation conforme au droit.  
 
11.2. La Cour de céans relève que la recourante 2, Uber B.V., ne s'en prend pas à l'arrêt entrepris en tant qu'il confirme à son égard une interdiction d'activité jusqu'au rétablissement d'une situation conforme au droit, laquelle suppose le respect des obligations afférentes à l'exploitant d'entreprise de transport, en particulier celles relatives à la protection sociale des chauffeurs et aux conditions de travail en usage dans leur secteur d'activité.  
 
11.3. S'agissant d'Uber CH, les recourantes reprochent à la Cour de justice d'avoir arbitrairement considéré que la décision du Service cantonal ne visait pas cette société. Elles font valoir qu'en l'absence de suppression de toute mention à Uber CH dans le dispositif de la décision du Service cantonal, il n'est pas clair si cette société peut poursuivre ses activités.  
Quoi qu'en disent les recourantes, il résulte clairement de l'arrêt entrepris que la décision du Service cantonal ne concerne pas directement l'activité de diffuseur de courses annoncée par Uber CH, mais porte uniquement sur les obligations de l'entreprise de transport. 
Uber CH n'est mentionnée dans le dispositif de la décision du Service cantonal qu'à titre subsidiaire d'Uber B.V. ("en tant que de besoin"). Cette mention se comprend dans la mesure où Uber CH pourrait elle-même être qualifiée d'entreprise de transport si elle reprenait les contrats des chauffeurs à son nom, ainsi que le lui a suggéré le Service cantonal (cf. art. 105 al. 2 LTF). Dans cette mesure, on ne voit pas en quoi la Cour de justice aurait fait une application arbitraire de l'art. 36 al. 2 LTVTC en confirmant le dispositif de la décision entreprise y compris en tant qu'il mentionne, en tant que de besoin, la recourante 1. La conclusion tendant à la suppression de toute mention à la recourante 1 est partant rejetée. 
 
V. ALCP  
 
12.  
Les recourantes reprochent à la Cour de justice d'avoir violé l'art. 5 al. 1 ALCP, en retenant que la recourante 2 était assujettie à ce traité dès lors qu'elle avait son siège aux Pays-Bas et offrait des prestations de transport en Suisse. 
L'arrêt attaqué confirme en effet la décision du Service cantonal en tant qu'elle porte sur la communication aux autorités fédérales et cantonales compétentes, notamment celles chargées de mettre en oeuvre l'ALCP. 
 
12.1. Aux termes de l'art. 5 al. 1 ALCP, sans préjudice d'autres accords spécifiques relatifs à la prestation de services entre les parties contractantes (y inclus l'accord sur le secteur des marchés publics pour autant qu'il couvre la prestation de services), un prestataire de services, y compris les sociétés constituées en conformité de la législation d'un Etat partie et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur établissement principal sur le territoire d'une partie contractante (cf. art. 18 annexe I ALCP), bénéficie du droit de fournir un service pour une prestation sur le territoire de l'autre partie contractante qui ne dépasse pas 90 jours de travail effectif par année civile.  
 
12.2. En l'espèce, la Cour de justice a retenu sans arbitraire que la recourante 2, qui a son siège aux Pays-Bas, emploie des chauffeurs à Genève et exerce une activité d'entreprise de transport au sens de la législation cantonale genevoise. La recourante 2, une entreprise qui a son siège dans un Etat partie à l'ALCP, propose donc sur le territoire suisse une prestation de services sous la forme d'une prestation de transport. Encore faut-il se demander si celle-ci tombe sous le coup de l'ALCP et plus particulièrement de son art. 5.  
 
12.3. En droit européen, la libre circulation des services en matière de transports ne relève pas de la libre circulation des services (art. 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne [TFUE]), mais de dispositions spécifiques (cf. art. 58 TFUE; cf. aussi supra consid. 9.5 s'agissant de la jurisprudence de la CJUE à propos d'Uber). Pour sa part, l'ALCP n'exclut pas expressément du champ d'application de la libre prestation de services le domaine du transport. L'art. 22 annexe I ALCP, consacré aux exceptions et restrictions à la libre prestation de services, ne mentionne en effet que les activités des agences de travail temporaire et intérimaire, ainsi que les services financiers (cf., sur ce point, EPINEY/MOSTERS, Die Rechtsprechung des EuGH zur Personenfreizügigkeit im Jahre 2017 und ihre Implikationen für das Freizügigkeitsabkommen Schweiz-EU, Annuaire suisse de droit européen 2017/2018, p. 55 ss, p. 75 s.; SIAN AFFOLTER, Strafrecht und Verwaltungsrecht; über Uber, Jahrbuch zum Strassenverkehrsrecht 2018, p. 235 ss, 251 s.; voir aussi arrêt du Tribunal administratif de Zurich du 4 septembre 2014 VB.2013.00231 consid. 6.3). L'art. 5 ALCP est donc sur le principe applicable aux prestations de transport, à moins qu'un accord plus spécifique ne régisse la question. Tel n'est pas le cas en l'espèce. En effet, l'Accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur le transport de marchandises et de voyageurs par rail et par route du 21 juin 1999 (RS 0.740.72) ne s'applique notamment pas au transport de passagers par des véhicules destinés à moins de 9 personnes, conducteur compris (cf. art. 1, 2 et 3 de l'Accord; cf. AFFOLTER, OP. CIT., P. 249 S.).  
Dès lors que l'activité de la recourante 2 n'apparaît pas régie par un autre accord plus spécifique et que le domaine des transports n'est pas exclu du champ d'application de l'art. 5 ALCP, cette disposition peut potentiellement s'appliquer en l'espèce. En tant que la recourante 2 le conteste au motif qu'elle ne fournit pas une prestation de transport, sa critique tombe à faux. 
 
12.4. La recourante allègue aussi que l'ALCP ne s'applique qu'en cas de détachement de travailleurs, ce qui ne serait pas son cas, les chauffeurs n'étant pas "détachés" depuis les Pays-Bas.  
Cette critique dépasse l'objet du litige. En effet, l'arrêt attaqué confirme l'application de l'ALCP dans son principe et partant la communication aux autorités compétentes chargées de mettre en oeuvre l'accord. Savoir si, dans le cas d'espèce, le système mis en place par la recourante 2 est conforme à l'art. 5 ALCP ne relève ainsi pas de la présente procédure. Il appartiendra aux autorités compétentes en la matière de statuer en premier lieu à cet égard, mais il ne revient pas au Tribunal fédéral de trancher ces questions en première instance. 
 
13.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
Succombant, les recourantes doivent supporter les frais de justice devant le Tribunal fédéral, solidairement entre elles (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourantes et du Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du canton de Genève, ainsi qu'à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, et au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO). 
 
 
Lausanne, le 30 mai 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : E. Kleber