Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_638/2021
Arrêt du 16 novembre 2022
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix, Haag, Müller et Merz.
Greffière : Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
1. Comité de l'initiative populaire cantonale "Pour un urbanisme plus démocratique à Genève" (IN 176),
2. Alain Burri,
tous les deux représentés par Me Tobias Zellweger, avocat,
recourants,
contre
1. Romain Lavizzari,
2. Association des promoteurs constructeurs genevois,
tous les deux représentés par Me François Bellanger, avocat,
intimés.
Conseil d'Etat du canton de Genève,
rue de l'Hôte l-de-Ville 2, 1204 Genève.
Objet
Initiative populaire cantonale "Pour un urbanisme plus démocratique à Genève" (IN 176),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice
du canton de Genève, Chambre constitutionnelle, du 20 septembre 2021 (ACST/33/2021 - A/946/2021-INIT).
Faits :
A.
Par arrêté du 14 octobre 2020, le Conseil d'Etat du canton de Genève (ci-après: le Conseil d'Etat) a constaté l'aboutissement de l'initiative populaire cantonale intitulée "Pour un urbanisme plus démocratique" (ci-après: l'initiative ou l'IN 176). Cette initiative législative porte sur la modification des art. 5A, 6 et 12 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD; RSG L 1 35) dont la teneur (après les rectifications formelles imposées par l'arrêté du Conseil d'Etat du 10 février 2021) est la suivante:
Art. 1Modifications
Art. 5A al. 1 (nouvelle teneur), al. 4 et 5 (nouveau)
1 Le projet de plan localisé de quartier est élaboré par le département de sa propre initiative ou sur demande du Conseil d'Etat ou d'une commune ou des propriétaires concernés; il est mis au point par le département, en collaboration avec la commune, et la commission d'urbanisme et les particuliers intéressés à développer le périmètre, sur la base d'un avant-projet étudié par le département, la commune ou des particuliers intéressés à développer le périmètre dans le cadre d'un processus de concertation avec ces derniers, les habitants, propriétaires et voisins du quartier ainsi que les associations et la commune concernées.
Élaboration du projet de plan localisé de quartier par les propriétaires
4 Les propriétaires concernés peuvent également solliciter en tout temps du Conseil d'Etat l'adoption, la modification ou l'abrogation d'un plan localisé de quartier concernant leurs parcelles. À cet effet, ils doivent élaborer un projet de plan localisé de quartier, dans le cadre d'un processus de concertation avec le département, les communes et les particuliers intéressés à développer le périmètre. Leur projet est transmis au Conseil d'Etat, lequel, après s'être assuré qu'il répond sur le plan formel aux exigences légales, est alors tenu d'engager la procédure prévue à l'article 6.
5 Si différents projets de plans localisés de quartiers sont soumis au Conseil d'Etat et respectent sur le plan formel les exigences légales, une votation communale sera organisée pour déterminer celui qui devra être retenu pour engager la procédure prévue à l'article 6.
Art. 6 al. 4 (nouvelle teneur), al. 5 et 6 (nouveaux, les al. 5 à 16 anciens devenant les al. 7 à 18), al. 7, 8, 9, 12 et 13 (nouvelle teneur)
4 Simultanément à l'ouverture de l'enquête publique, le département transmet à la commune le projet de plan pour qu'il soit porté à l'ordre du jour du Conseil municipal. À l'issue de l'enquête, le département transmet en principe dans un délai de 60 jours, à la commune les observations reçues. L'autorité municipale doit communiquer son préavis dans un délai de 45 jours à compter de la réception des observations. Son silence vaut approbation sans réserve.
5 Le préavis de l'autorité municipale peut être défavorable, favorable ou favorable sous réserve de conditions, modifications ou compléments. Son silence vaut approbation sans réserve. Le préavis, y compris en cas de silence de l'autorité municipale, fait l'objet d'une publication dans la Feuille d'avis officielle et d'affichage dans la commune.
6 En cas de préavis ou de référendum défavorable, la procédure d'adoption du plan localisé de quartier soumis à enquête publique est suspendue et la commune et/ou les propriétaires du périmètre concernés doivent proposer au Conseil d'Etat un projet de plan localisé de quartier alternatif dans un délai de 12 mois conformément à la procédure prévue par l'article 5A. À défaut, la procédure d'adoption du projet de plan localisé de quartier soumis à enquête publique sera reprise et ce plan sera retenu par le département.
7 L'enquête publique et l'avis aux propriétaires visés aux alinéas 1 et 2 sont toutefois facultatifs en cas d'accord de tous les propriétaires concernés et lorsque le périmètre du projet de plan localisé de quartier est compris dans celui d'un plan directeur de quartier en force depuis moins de 10 ans. En l'absence d'enquête publique, le département transmet à la commune le projet de plan pour qu'il soit porté à l'ordre du jour du Conseil municipal. L'autorité municipale doit alors communiquer son préavis dans un délai de 45 jours à compter de la réception du projet de plan. Son silence vaut approbation sans réserve.
8 Au terme de la procédure fixée aux alinéas 1 à 7, le département examine, en principe dans un délai de 90 jours, si des modifications doivent être apportées au projet de plan localisé de quartier pour tenir compte des observations recueillies et du préavis communal.
9 Sous réserve de l'article 6, alinéa 6, seules les modifications essentielles du projet de plan localisé de quartier, soit celles qui ont pour conséquence un changement fondamental de ses caractéristiques, nécessitent l'engagement d'une nouvelle procédure. Le département devra suivre les recommandations/conditions du préavis favorable du Conseil municipal qui respectent sur le plan formel les exigences légales et adapter le projet de plan localisé de quartier.
12 Le Conseil d'Etat statue sur les oppositions en principe dans un délai de 60 jours après la fin de la procédure d'opposition, le cas échéant modifie le projet et adopte ensuite le plan localisé de quartier. S'il a apporté des modifications à celui-ci, le Conseil d'Etat examine préalablement s'il y a lieu de rouvrir tout ou partie de la procédure prévue au présent article. L'aliéna 9 est applicable en cas de modifications essentielles. Le délai prévu par la présente disposition est suspendu dans les cas suivants:
a) application de l'alinéa 13;
b) ouverture d'une nouvelle procédure d'opposition, ou
c) procédure menée simultanément avec celle relative à un projet de modification du régime des zones, dans l'hypothèse visée à l'alinéa 15, dernière phrase.
13 Toutefois, dans l'hypothèse où une commune a formé une opposition au projet et que le Conseil d'Etat entend la rejeter, il en saisit préalablement le Grand Conseil qui statue sur celle-ci en principe dans un délai de 90 jours à compter de sa réception, sous forme de résolution. Si l'opposition est acceptée, le Conseil d'Etat doit modifier le plan en conséquence. Il est ensuite procédé conformément à l'alinéa 12.
Art. 12, al. 10 Disposition transitoire (nouveau)
10 Les modifications du... (à compléter) apportées aux articles 5A et 6, s'appliquent à tous les projets de plans localisés de quartier soumis à enquête publique après cette date.
Art. 2Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d'avis officielle ».
Selon l'exposé des motifs, lorsque l'Etat décide d'une densification, il établit des plans localisés de quartier (PLQ), qui imposent des règles de construction ayant un impact durable sur la vie des habitants du périmètre concerné, sans qu'ils aient pu donner leur accord. Cette pratique a conduit à la construction d'immeubles sans âme et à la destruction du patrimoine bâti et arboré. L'initiative vise à ce que l'Etat soit obligé de tenir compte de l'avis de la commune et des citoyens, aux fins d'un urbanisme plus démocratique, plus humain et de meilleure qualité.
B.
Par arrêté du 10 février 2021, après avoir procédé à des rectifications formelles de l'IN 176, le Conseil d'Etat a partiellement invalidé l'IN 176 et supprimé l'art. 5A al. 5 LGZD projeté pour non-conformité au droit supérieur.
Par acte du 15 mars 2021, le comité d'initiative a recouru auprès de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) contre l'arrêté du 10 février 2021, concluant principalement à son annulation en tant qu'il déclarait l'IN 176 partiellement invalide et à la déclaration de la validité de l'initiative dans son intégralité. Par arrêt du 20 septembre 2021 (ACST/33/2021), la Cour de justice a rejeté le recours.
Par arrêt du 20 septembre 2021 (ACST/32/2021), la Cour de justice a aussi rejeté le recours déposé par Romain Lavizzari et l'Association des promoteurs constructeurs genevois (ci-après: Romain Lavizzari et consorts) contre l'arrêté du 10 février 2021, concluant principalement à son annulation et à l'invalidation de l'IN 176, subsidiairement à l'invalidation des art. 5A al. 4 et 6 al. 6, 7 et 9 LGZD projetés. Cet arrêt a été attaqué devant le Tribunal fédéral et a fait l'objet de la cause 1C_644/2021.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, le comité d'initiative et Alain Burri demandent principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 20 septembre 2021 (ACST/33/2021) et de déclarer l'IN 176 valable dans son intégralité, sous réserve des rectifications formelles conformément aux considérants 21, 22 et 23 de l'arrêté du Conseil d'Etat du 10 février 2021. Ils concluent subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité cantonale compétente pour nouvelle décision au sens des considérants.
Romain Lavizzari et consorts ont été invités à se déterminer dans la présente procédure. Ils ont conclu à l'annulation de l'arrêt du 20 septembre 2021 (ACST/33/2021). La Cour de justice s'en est rapportée à justice quant à la recevabilité du recours et a persisté dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Conseil d'Etat a persisté dans les motifs et les conclusions de son arrêté du 10 février 2021. Un second échange d'écritures a été ordonné, au terme duquel les parties ont maintenu leurs conclusions respectives.
D.
Le Tribunal fédéral a délibéré en séance publique le 16 novembre 2022.
Considérant en droit :
1.
Selon l'art. 82 let. c LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours qui concernent le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires. Le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et 88 al. 2 LTF).
La qualité pour recourir dans le domaine des droits politiques appartient à toute personne disposant du droit de vote dans l'affaire en cause (art. 89 al. 3 LTF), même si elle n'a aucun intérêt juridique personnel à l'annulation de l'acte attaqué (ATF 138 I 171 consid. 1.3). La qualité pour agir d'Alain Burri, citoyen genevois et membre du comité d'initiative, est ainsi indiscutable. Elle doit aussi être reconnue au comité d'initiative (ATF 139 I 195 consid. 1.4; 134 I 172 consid. 1.3).
Les autres conditions de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Les trois conditions de validité d'une initiative que prévoit l'art. 60 de la Constitution genevoise du 14 octobre 2012 (Cst-GE; RS 131.234) sont l'unité du genre, l'unité de la matière et la conformité au droit supérieur; s'y ajoutent, déduites de la liberté de vote garantie par les art. 34 al. 2 Cst. et 44 Cst-GE, l'exigence de clarté du texte de l'initiative et celle d'exécutabilité de l'initiative (ATF 133 I 110 consid. 8; arrêt 1C_297/2021 du 4 janvier 2022 consid. 2).
D'une manière générale, une initiative populaire cantonale, quelle que soit sa formulation, doit respecter les conditions matérielles qui lui sont imposées. Elle ne doit, en particulier, rien contenir de contraire au droit supérieur, qu'il soit cantonal, intercantonal, fédéral ou international. En vertu du principe de la force dérogatoire du droit fédéral ancré à l'art. 49 al. 1 Cst., les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les matières exhaustivement réglementées par le droit fédéral. Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit, pour autant qu'elles ne violent ni le sens ni l'esprit du droit fédéral et qu'elles n'en compromettent pas la réalisation (ATF 143 I 129 consid. 2.1 et les arrêts cités).
Pour examiner la validité matérielle d'une initiative, la première règle d'interprétation est de prendre pour point de départ le texte de l'initiative, qu'il faut interpréter selon sa lettre et non pas selon la volonté des initiants. Bien que l'interprétation repose en principe sur le libellé, une référence à la motivation de l'initiative et aux prises de position de ses auteurs n'est pas exclue si elle est indispensable à sa compréhension. La volonté des auteurs doit être prise en compte, à tout le moins, dans la mesure où elle délimite le cadre de l'interprétation de leur texte et du sens que les signataires ont pu raisonnablement lui attribuer (ATF 143 I 129 consid. 2.2 et les arrêts cités).
Lorsque, à l'aide des méthodes reconnues, le texte d'une initiative se prête à une interprétation la faisant apparaître comme conforme au droit supérieur, elle doit être déclarée valable et être soumise au peuple. L'interprétation conforme doit ainsi permettre d'éviter autant que possible les déclarations d'invalidité. Tel est le sens de l'adage "in dubio pro populo", selon lequel un texte n'ayant pas un sens univoque doit être interprété de manière à favoriser l'expression du vote populaire. Cela découle également du principe de la proportionnalité ( art. 34 et 36 al. 2 et 3 Cst. ), selon lequel une intervention étatique doit porter l'atteinte la plus restreinte possible aux droits des citoyens. Les décisions d'invalidation doivent autant que possible être limitées, en retenant la solution la plus favorable aux initiants.
Cela étant, la marge d'appréciation de l'autorité de contrôle est évidemment plus grande lorsqu'elle examine une initiative non formulée que lorsqu'elle se trouve en présence d'une initiative rédigée de toutes pièces, sous la forme d'un acte normatif. Cependant lorsque, de par son but même ou les moyens mis en oeuvre, le projet contenu dans une telle initiative ne pourrait être reconnu conforme au droit supérieur que moyennant l'adjonction de réserves ou de conditions qui en modifient profondément la nature, une telle interprétation entre en conflit avec le respect, fondamental, de la volonté des signataires de l'initiative et du peuple appelé à s'exprimer; la volonté de ce dernier ne doit pas être faussée par la présentation d'un projet qui, comme tel, ne serait pas constitutionnellement réalisable (ATF 143 I 129 consid. 2.2 et les arrêts cités).
3.
Saisi d'un recours pour violation des droits politiques, le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal, ainsi que des dispositions de rang inférieur qui sont étroitement liées au droit de vote ou en précisent le contenu et l'étendue (ATF 105 Ia 237 consid. 2; 103 Ia 280 consid. 1c et l'arrêt cité). Il n'examine en revanche que sous l'angle restreint de l'arbitraire l'application de normes de procédure et d'organisation qui ne touchent pas au contenu même des droits politiques (ATF 141 I 221 consid. 3.1 et les réf. cit.).
4.
Il convient dans un premier temps d'exposer le contenu de l'IN 176 (consid. 4.1) et de définir la nature juridique du nouveau droit politique instauré par l'art. 5A al. 5 LGZD projeté (consid. 4.2).
4.1. L'IN 176 prévoit non seulement que les propriétaires concernés peuvent demander au département d'élaborer un projet de PLQ (art. 5A al. 1 LGZD projeté), mais aussi solliciter en tout temps du Conseil d'Etat l'adoption, la modification ou l'abrogation d'un PLQ concernant leurs parcelles en élaborant un projet de PLQ, en concertation avec le département, les communes et les particuliers intéressés; ledit projet est transmis au Conseil d'Etat, qui doit alors engager la procédure prévue à l'art. 6 LGZD (art. 5A al. 4 LGZD projeté). Dans ce cadre, si différents projets de PLQ sont soumis au Conseil d'Etat, une votation communale est organisée pour déterminer celui qui devra être retenu pour engager la procédure visée à l'art. 6 LGZD (art. 5A al. 5 LGZD projeté). L'art. 6 al. 5 LGZD projeté prévoit que le préavis de l'autorité municipale peut être défavorable, favorable ou favorable sous réserve de conditions, modifications ou compléments, son silence valant acceptation sans réserve. En cas de préavis ou de référendum défavorable, la procédure d'adoption du PLQ est suspendue et la commune et/ou les propriétaires concernés doivent déposer au Conseil d'Etat un projet de PLQ alternatif dans un délai de douze mois; à défaut, la procédure d'adoption du PLQ soumis à enquête publique est reprise (art. 6 al. 6 LGZD projeté), la suite de la procédure demeurant inchangée par rapport aux dispositions actuellement en vigueur.
L'IN 176 a ainsi pour conséquence de modifier la procédure d'élaboration et d'adoption des PLQ, en renforçant la place des communes et des citoyens.
En particulier, l'art. 5A al. 5 LGZD projeté constitue une disposition permettant de déterminer, en cas de pluralité de projets de PLQ, celui à retenir pour engager la procédure prévue à l'art. 6 LGZD, et ce au moyen d'une votation communale. Le scrutin aurait lieu selon les formes spécifiques de la procédure de vote et s'adresserait à l'ensemble des citoyens disposant du droit de vote au niveau communal, lesquels s'exprimeraient, pour chacun des PLQ proposés, par oui ou non, puis indiqueraient leur préférence entre lesdits plans en répondant à une question subsidiaire, au sens des art. 63 al. 3 et 75 al. 3 Cst./GE. Le scrutin aboutirait à un résultat obligatoire, puisque seul le projet de PLQ retenu pourrait faire l'objet de la procédure visée à l'art. 6 LGZD, sans pour autant qu'il ne s'agisse d'une décision définitive à ce stade, le Conseil d'Etat restant compétent pour l'adoption du PLQ, comme précédemment indiqué.
4.2. La votation communale envisagée à l'art. 5A al. 5 LGZD projeté s'apparente ainsi davantage à un vote de principe qu'à un vote consultatif. En effet, le scrutin aboutira à un résultat obligatoire, puisque seul le projet de PLQ retenu pourra faire l'objet de la procédure visée à l'art. 6 LGZD. La portée obligatoire du vote vise avant tout l'autorité communale. Le projet accepté par le corps électoral communal lie en effet les autorités communales en vue d'engager la procédure d'adoption du PLQ. Le projet accepté par le corps électoral communal n'est cependant pas définitif car la décision finale d'adoption du PLQ appartient au seul Conseil d'Etat en vertu de l'art. 26 LAT.
L'art. 5A al. 5 LGZD projeté institue ainsi un référendum obligatoirement déclenché, du fait de l'existence de plus d'un projet de PLQ.
5.
Les recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir confirmé la non-conformité au droit supérieur de l'art. 5A al. 5 LGZD projeté. La question litigieuse est celle de savoir si l'instauration d'un vote de principe communal doit figurer dans la constitution cantonale, en application de l'art. 51 al. 1 Cst., comme le soutiennent le Conseil d'Etat et la Cour de justice, ou s'il suffit qu'elle se trouve dans une loi formelle, la LGZD, comme le prétend le comité d'initiative.
5.1. Il y d'abord lieu d'examiner si la création d'un vote de principe communal par le biais d'une loi cantonale au sens formel est conforme à l'art. 51 al. 1 Cst.
5.1.1. A teneur de l'art. 51 al. 1 Cst., chaque canton se dote d'une constitution démocratique. Celle-ci doit avoir été acceptée par le peuple et doit pouvoir être révisée si la majorité du corps électoral le demande.
Cela implique que les constitutions cantonales prévoient un parlement élu directement par le peuple et respectent le principe de la séparation des pouvoirs (Message du 20 novembre 1997 relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 1, 218 concernant l'art. 42). Les cantons sont en outre contraints d'instituer l'initiative populaire et le référendum en matière constitutionnelle.
L'art. 51 Cst. contribue à fixer les contours de la notion de constitution cantonale, qui peut être appréhendée des points de vues formel et matériel. En effet, en imposant à chaque canton de se doter d'une constitution démocratique, l'art. 51 al. 1 Cst. confère aux constitutions cantonales la primauté dans le système normatif cantonal. Cette primauté ressort en outre de ce que les constitutions cantonales doivent recevoir la garantie de la Confédération (art. 51 al. 2 Cst.; ATF 143 I 272 consid. 2.2.1). Selon l'approche matérielle, sont considérées comme constitutionnelles les règles de droit fondamentales déterminant la forme de l'Etat, sa structure, son régime politique, le mode de désignation, la composition, les compétences et le fonctionnement de ses principaux organes, y compris le peuple, ainsi que les droits fondamentaux à l'égard de l'Etat (VINCENT MARTENET, Commentaire romand Cst., 2021, ad art. 51 Cst., N 15 ss, p. 1318; BELSER/MASSÜGER, Basler Kommentar, Constitution fédérale, 2015, N 17 ad art. 51). S'il est souhaitable que la constitution formelle coïncide avec la notion de constitution matérielle, et regroupe l'ensemble des règles les plus importantes relatives à l'Etat, il n'en demeure pas moins que le droit constitutionnel fédéral ne pose pas d'autre limite à son contenu que celles de l'art. 51 al. 1 Cst. (ATF 130 I 185 consid. 2.4).
Par conséquent, l'art. 51 Cst. ne doit pas être interprété comme imposant aux cantons de prévoir toutes les normes importantes, ou seulement des normes importantes, dans leurs constitutions au sens formel (ANDREAS AUER, Staatsrecht der schweizerischen Kantone, 2016, N 569 p. 225). Des règles fondamentales peuvent en effet se trouver dans des lois cantonales, notamment celles sur les droits politiques (MARTENET, op. cit., ad art. 51 Cst. N 19). L'art. 51 Cst. laisse aux cantons une très large autonomie pour déterminer leur structure et organisation, de même que pour déterminer l'étendue et les modalités d'exercice des droits politiques sur les plans cantonal et communal (ATF 140 I 394 consid. 8.1; 131 I 126 consid. 5).
5.1.2. Il résulte du considérant précédent que l'introduction du vote de principe communal en cas de plusieurs projets de PLQ, par le biais d'une loi, la LGZD, ne viole pas l'art. 51 al. 1 Cst. En effet, cette disposition n'exige pas que tous les droits politiques au niveau cantonal et communal soient exhaustivement ancrés dans la constitution cantonale au sens formel.
5.2. Se pose ensuite la question de savoir si l'introduction de ce nouveau droit politique dans la LGZD est conforme au droit constitutionnel du canton de Genève.
5.2.1. Même si l'art. 51 Cst. n'impose aux constitutions cantonales que de contenir les principes relatifs à l'élection du parlement, au droit de vote, au référendum et à l'initiative en matière constitutionnelle, elles ont en principe un contenu plus large et garantissent en réalité l'ensemble des droits populaires cantonaux, alors que la loi cantonale en régit les modalités de mise en oeuvre (arrêt 1P.470/2005 du 23 décembre 2005 consid. 4; ETIENNE GRISEL, Initiative et référendum populaires, Traité de démocratie semi-directe en droit suisse, 3ème éd., 2004, N 42 p. 39; HANGARTNER/KLEY, Die demokratischen Rechte in Bund und Kantonen der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 2000, N 414 p. 172).
Certaines constitutions cantonales prévoient cependant qu'un droit populaire puisse être introduit par le biais d'une loi (voir par exemple art. 62 al. 1 let. f de la constitution du 6 juin 1993 du canton de Berne [RS 131.212], art. 35 al. 1 let. l de la constitution du 8 juin 1986 du canton de Soleure [RS 131.221], art. 25 al. 2 de la constitution du 17 mai 1984 du canton de Bâle-Campagne [RS 131.222.2] et art. 20 al. 2 de la constitution du 16 mars 1987 du canton de Thurgovie [RS 131.228]). La Constitution genevoise ne prévoit rien de tel.
De manière exceptionnelle, une extension des droits populaires peut intervenir par voie législative sans base constitutionnelle spécifique (HANGARTNER/KLEY, op. cit., N 417 p. 173 s.). Une telle manière de procéder est valable pourvu qu'elle concerne un domaine bien délimité et qu'elle ne contredise pas la volonté du constituant cantonal (GRISEL, op. cit., N 44 p. 40). Savoir si le législateur est habilité à introduire un nouveau droit politique sans base constitutionnelle spécifique doit cependant s'analyser en fonction de la systématique de la constitution cantonale (ATF 104 Ia 343 consid. 3b). La réponse peut être différente selon les cantons (HANGARTNER/KLEY, op. cit., N 418 p. 174).
Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que dans le canton de Neuchâtel une extension des droits politiques (référendum obligatoire dans le domaine de l'énergie atomique) ne pouvait avoir lieu que par le biais d'une modification de la constitution cantonale, tout en n'excluant pas que cela puisse se faire par la voie législative (ATF 104 Ia 343 consid. 3b). Dans le canton du Jura, il a considéré que l'instauration d'un vote consultatif ne pourrait en principe - sauf circonstances exceptionnelles - avoir lieu que par une modification constitutionnelle, tout en relevant qu'il n'est pas absolument exclu qu'une extension des droits populaires puisse aussi intervenir par voie législative (arrêt 1P.470/2005 du 23 décembre 2005 consid. 4.1). Il ressort de certains arrêts que l'extension des droits politiques nécessite l'adoption d'une base légale (
Rechtsgrundlage), sans qu'il soit précisé si cette base légale doit être la constitution au sens formel ou la loi au sens formel (pour un référendum consultatif dans le canton de Zurich, ATF 104 Ia 226 consid. 2c; pour un référendum consultatif dans le canton de Schaffhouse, arrêt 1C_51/2014 du 25 mars 2014 consid. 2.6 et 2.7 in ZBl 2015 p. 87; pour un vote consultatif dans le canton du Tessin, ATF 142 I 216 consid. 8.3.3).
5.2.2. Dans le canton de Genève, les droits populaires cantonaux et communaux sont certes reconnus par des normes de rang constitutionnel (voir art. 52 à 72 Cst./GE). Il n'en demeure pas moins que la constitution genevoise ne contient aucune norme générale selon laquelle le droit constitutionnel au sens matériel doit impérativement figurer dans la constitution au sens formel. La Cst./GE ne comprend pas non plus de disposition instaurant un
numerus clausus des droits populaires. Elle n'interdit ainsi pas l'introduction d'un nouveau droit populaire par le biais d'une loi.
S'ajoute à cela que la création du nouveau droit populaire proposée par l'IN 176 n'est pas de niveau cantonal, mais intervient sur le plan communal. Sa portée est ainsi moins étendue. Les droits politiques communaux sont d'ailleurs généralement prévus dans des lois (HANGARTNER/KLEY,
op. cit., N 417).
Enfin, la nouvelle possibilité donnée au corps électoral communal de se prononcer, en cas de pluralité de plans localisés de quartier, sur celui qui devra être retenu pour engager la procédure prévue à l'art. 6 LGZD représente un domaine très précis et délimité de l'aménagement du territoire local (sur l'extension exceptionnelle des droits populaires par voie législative sans base constitutionnelle spécifique dans un domaine bien délimité, voir GRISEL,
op. cit., N 44 p. 40). De plus, elle n'aboutit pas à un acte définitif car les compétences du Conseil d'Etat en application des art. 6 LGZD et 26 LAT demeurent réservées. Il s'agit dès lors d'une extension mesurée et ponctuelle des droits politiques dans un domaine spécifique. L'art. 5A al. 5 LGZD projeté s'inscrit de surcroît dans le principe en matière d'aménagement du territoire qui prône la participation de la population à l'établissement des plans tant au niveau fédéral (art. 4 LAT) qu'au niveau cantonal (art. 134 Cst./GE qui prévoit que "les communes encouragent la population à participer à l'élaboration de la planification et des décisions communales").
Il résulte de ce qui précède que l'art. 5A al. 5 LGZD projeté ne viole pas le droit constitutionnel cantonal genevois.
5.3. Par conséquent, l'art. 5A al. 5 LGZD projeté institue un droit politique communal qui peut figurer dans une norme de rang non constitutionnel. La Cour de justice a donc indûment soustrait une partie de l'IN 176 au scrutin populaire et a ainsi violé les art. 34 al. 2 Cst., 44 al. 1 et 60 al. 4 Cst./GE, en confirmant l'invalidation de l'art. 5A al. 5 LGZD projeté pour non-conformité au droit supérieur.
6.
Il s'ensuit que le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé. L'arrêté du Conseil d'Etat du 10 février 2021 est réformé en ce sens que l'IN 176 est entièrement valide.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 francs, sont mis à la charge des intimés qui succombent (art. 66 al. 1 LTF). Ceux-ci verseront aussi une indemnité de dépens de 2'000 francs aux recourants qui obtiennent gain de cause avec l'aide d'un avocat ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé. L'arrêté du Conseil d'Etat du 10 février 2021 est réformé en ce sens que l'IN 176 est entièrement valide.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 francs, sont mis à la charge des intimés.
3.
Une indemnité de dépens de 2'000 francs est allouée aux recourants, à la charge des intimés.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants et des intimés, au Conseil d'Etat du canton de Genève et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre constitutionnelle.
Lausanne, le 16 novembre 2022
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
La Greffière : Tornay Schaller