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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_451/2018  
 
 
Arrêt du 13 septembre 2019  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Merkli, Fonjallaz, Kneubühler et Haag. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
Ville de Genève, Service de la sécurité et de l'espa ce publics. 
 
Objet 
usage accru du domaine public, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 18 juillet 2018 (ATA/749/2018 A/2605/2016-DOMPU). 
 
 
Faits :  
 
A.   
L'Association pour l'égalité animale est une association sans but lucratif qui a pour but principal notamment de promouvoir la protection de la dignité et du bien-être des animaux en créant un débat de société qui remet en question l'exploitation animale et le spécisme (idéologie qui postule une hiérarchie entre les espèces, en particulier la supériorité de l'être humain sur les animaux [Le Petit Robert, 2017]). 
Le 22 juin 2016, A.________, membre de l'association, a déposé une demande d'autorisation d'organiser une manifestation au nom de l'association. Il s'agissait de tenir le 13 août 2016, de 15 heures à 17 heures à la place du Molard, à Genève, une manifestation non payante du type "représentation" intitulée "Bienvenue à Table". Cette action réunirait: 
 
- cinq personnes au maximum assises à une table, tenant chacune un panneau illustrant un animal, les mains barbouillées de peinture rouge; 
- à leurs pieds, dix personnes au maximum, couchées en sous-vêtements (ou combinaison), représentant les animaux morts pour la consommation alimentaire, barbouillées de peinture rouge; 
- autour de la table, dix personnes tenant des banderoles, panneaux et affiches, ainsi que 
- cinq à six personnes informant les personnes qui le demanderaient. 
Un message explicatif de la scène d'une durée de cinq minutes maximum serait diffusé par micro ou mégaphone toutes les quinze à vingt minutes. La demande précisait que le but était d'interpeler les passants sur la consommation de viande et non pas de choquer. 
Déposée par internet sur la plateforme du service en ligne des manifestations, la requête a été transmise au Secrétariat des domaines d'activités, au Service du commerce et au Service de la sécurité et de l'espace publics de la ville de Genève (SSEP). 
Par e-mail du 29 juin 2016, A.________ a informé le SSEP que l'association acceptait de déplacer l'événement aux abords de la poste du Mont-Blanc, conformément à la demande dudit service. 
 
B.   
Par décision du 14 juillet 2016, la Ville de Genève, soit pour elle le SSEP - devenu depuis le Service de l'espace public (SEP) -, a autorisé l'association, "à titre précaire", à tenir un "stand de sensibilisation à la consommation de viande" le samedi 13 août 2016 de 14 heures à 17 heures (montage et démontage inclus) à la rue du Mont-Blanc selon un espace défini sur le plan annexé à la décision. Celle-ci précise en outre ce qui suit: 
 
"OBJET 
Utilisation du domaine public par l'installation d'une mise en scène où des personnes aux mains barbouillées de rouge sont devant une table surplombant des individus couchés en sous-vêtements maculés en rouge représentant des animaux abattus. 
-..] 
VALIDITE DE LA PERMISSION 
-..] 
Cette permission est accordée à titre d'essai. 
Si la mise en scène devait susciter des plaintes et heurter la sensibilité d'un certain public, elle pourra être retirée sur le champ, sans préjuger de notre décision dans l'hypothèse d'ultérieures demandes similaires. 
La présente décision peut être retirée pour de justes motifs, notamment si l'intérêt général l'exige; elle est révocable si le bénéficiaire ne se conforme pas aux dispositions légales ou aux conditions fixées. 
-..] 
CONDITIONS SPÉCIFIQUES 
Les piétons ne devront pas être importunés ou se sentir contraints de répondre ou de participer d'une manière quelconque à une discussion à laquelle ils ne souhaiteraient pas prendre part. 
Par ailleurs, en aucun cas, ils ne seront incités, directement ou indirectement, à se déporter sur la chaussée; leur libre circulation ne doit pas être entravée. 
Les membres de l'association présents à l'intérieur de la surface octroyée et ne en aucune manière déambuler aux alentours pour apostropher les passants. (  sic)  
Les participants ne déborderont pas du périmètre alloué. 
L'usage d'appareils amplifiant le son est interdite (  sic), sauf dérogation expresse du Département de la sécurité et de l'économie qu'il vous appartient de solliciter et d'obtenir.  
-..]" 
 
Statuant sur recours de l'association et de A.________, qui contestaient en substance l'interdiction d'utiliser des moyens d'amplification sonore et l'indication d'un possible retrait sur-le-champ en cas de plaintes, le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (TAPI) a confirmé cette décision par jugement du 22 décembre 2016. 
Dans l'intervalle, la manifestation s'est tenue comme prévu le 13 août 2016 et aucun débordement nécessitant une intervention des forces de l'ordre n'a eu lieu. 
Saisie à son tour, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève a admis partiellement le recours de l'Association pour l'égalité animale et A.________ contre le jugement du TAPI. Elle a annulé ce jugement en tant qu'il retenait que les requérantes devaient déposer une nouvelle demande auprès du Département de la sécurité et de l'économie pour l'usage d'un moyen d'amplification sonore. La cour cantonale a confirmé le jugement du TAPI pour le surplus. 
 
C.   
Formant en un seul acte un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire contre cet arrêt, A.________ demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt cantonal en ce sens qu'il est constaté que la décision du SEEP viole ses libertés d'expression et de réunion, subsidiairement sa liberté d'expression. Plus subsidiairement, elle conclut à la réforme de l'arrêt cantonal dans le sens des considérants ou, plus subsidiairement encore, au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La cour cantonale se réfère aux considérants et au dispositif de son arrêt. La Ville de Genève se détermine et conclut au rejet du recours. La recourante renonce à répliquer; son mandataire transmet une liste de ses opérations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis. 
Le recours est dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale dans une cause de droit public au sens de l'art. 82 let. a LTF, sans qu'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF ne soit réalisée, de sorte que la voie du recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF est ouverte. 
La recourante a pris part à la procédure de recours devant la Cour de justice (art. 89 al. 1 let. a LTF) et elle est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué, qui a statué sur les conditions d'utilisation accrue du domaine public pour une représentation qu'elle organisait (art. 89 al. 1 let. b LTF). 
A ces deux conditions s'ajoute celle de l'art. 89 al. 1 let. c LTF: pour avoir qualité pour recourir, la personne doit avoir un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'arrêt attaqué. En principe, l'intérêt digne de protection doit exister non seulement au moment du dépôt du recours, mais encore au moment où l'arrêt est rendu. Il est toutefois fait exceptionnellement abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel, lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 p. 143; 141 II 14 consid. 4.4 p. 30; 136 II 101 consid. 1.1 p. 103). 
En l'espèce, à l'instar des instances précédentes, il y a lieu de constater qu'en dépit du fait que la manifestation a eu lieu le 13 août 2016, il existe un intérêt public suffisamment important s'agissant de savoir si une autorisation d'utiliser le domaine public à des fins de "sensibilisation à la consommation de viande" peut être assortie d'une condition réservant la possibilité de la retirer sur-le-champ en cas de plaintes du public et d'une condition interdisant aux participants à la représentation de sortir du périmètre faisant l'objet de l'autorisation. 
Selon un principe général de procédure, les conclusions en constatation de droit ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues. Sauf situations particulières, les conclusions constatatoires ont donc un caractère subsidiaire (cf. ATF 141 II 113 consid. 1.7 p. 123; 135 I 119 consid. 4 p. 122; arrêt 1C_529/2015 du 5 avril 2016 consid. 1.3, in Pra 2017 n. 28 p. 241). En l'occurrence, la recourante prend à titre principal des conclusions constatatoires et à titre subsidiaire des conclusions en réforme et en annulation. La conclusion en réforme "dans le sens des considérants" permet de comprendre que la recourante souhaite obtenir, outre une constatation de la violation de ses libertés d'expression et de réunion, une modification de la décision litigieuse dans le sens de la suppression des clauses qu'elle critique. En tout état, l'intérêt de principe à statuer en dépit de la disparition de l'intérêt actuel de la recourante à voir les conditions de l'autorisation qu'elle critique annulées justifie la nature purement constatatoire des conclusions prises. Celles-ci sont donc également recevables. 
Les autres conditions de recevabilité du recours sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
Le recours en matière de droit public étant recevable, le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.   
Le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. A teneur de cette disposition, les griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrues: la partie recourante doit indiquer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (cf. ATF 136 II 489 consid. 2.8 p. 494; 133 IV 286 consid. 1.4). Le Tribunal fédéral s'impose toutefois une certaine retenue lorsqu'il s'agit de tenir compte de circonstances locales dont les autorités cantonales ont une meilleure connaissance que lui (cf. ATF 140 I 168 consid. 4.2.1 p. 173; 135 I 176 consid. 6.1 p. 181). 
Les droits fondamentaux peuvent être restreints aux conditions fixées à l'art. 36 Cst. La restriction doit ainsi être fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2) et être proportionnée au but visé (al. 3). Cette dernière condition, savoir le respect du principe de la proportionnalité, exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés - règle de l'aptitude -, que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive - règle de la nécessité -, et qu'il existe un rapport raisonnable entre le but visé et les intérêts publics ou privés compromis - règle de la proportionnalité au sens étroit - (cf. ATF 140 I 168 consid. 4.2.1 p. 173; 135 I 233 consid. 3.1 p. 246). 
 
3.   
La recourante fait valoir une violation de sa liberté de réunion du fait que l'autorisation a été accordée "à titre d'essai", étant précisé que "si la mise en scène devait susciter des plaintes et heurter la sensibilité d'un certain public, elle pourra être retirée sur le champ". Elle dénonce en outre une violation de son droit d'être entendue à cet égard, au motif que la cour cantonale n'aurait pas mentionné quel intérêt public justifiait cette mention ni n'aurait statué sur la proposition de mesure moins incisive qui s'imposerait selon elle en vertu du principe de la proportionnalité. 
 
3.1.  
 
3.1.1. L'art. 16 Cst. garantit expressément la liberté d'opinion et confère à chacun le droit de former, d'exprimer et de répandre librement son opinion. Cela comprend les formes les plus diverses d'expression de l'opinion (ATF 143 I 147 consid. 3.1 p. 150). L'art. 22 Cst. garantit la liberté de réunion (al. 1), toute personne ayant le droit d'organiser des réunions et d'y prendre part ou non (al. 2). Sont considérées comme des réunions au sens de ces dispositions les formes les plus diverses de regroupements de personnes dans le cadre d'une organisation déterminée, dans le but, compris dans un sens large, de former ou d'exprimer mutuellement une opinion (ATF 144 I 281 consid. 5.3.1 p. 293; 132 I 256 consid. 3 p. 258 s., 132 I 49 consid. 5.3 p. 56). L'art. 11 par. 1 CEDH (en relation avec l'art. 10 CEDH), qui consacre notamment le droit de toute personne à la liberté de réunion et à la liberté d'association, offre des garanties comparables (ATF 132 I 256 consid. 3 p. 260); son exercice est soumis aux restrictions qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (art. 11 par. 2, 1ère phrase CEDH).  
La jurisprudence déduit des libertés de réunion et d'opinion un droit conditionnel à un usage accru du domaine public pour les manifestations avec appel au public (ATF 144 I 50 consid. 6.3 p. 65; 138 I 274 consid. 2.2.2 p. 282; 132 I 256 consid. 3 p. 259). De telles manifestations impliquent la mise à disposition d'une partie du domaine public, en limitent l'usage simultané par des non-manifestants et ne permettent plus, localement et temporairement, un usage commun. Cette situation exige qu'un ordre de priorité soit fixé entre les divers usagers et cela implique de soumettre la tenue de telles réunions à autorisation (ATF 132 I 256 consid. 3 p. 259). Dans le cadre de l'octroi de ces autorisations, l'autorité doit tenir compte d'une part des intérêts des organisateurs à pouvoir se réunir et s'exprimer et, d'autre part, de l'intérêt de la collectivité et des tiers à limiter les nuisances, notamment à prévenir les actes de violence (ATF 127 I 164 consid. 3 p. 167 et les réf. citées). Plus simplement, il s'agit d'assurer l'utilisation adéquate des installations publiques disponibles dans l'intérêt de la collectivité et du voisinage ainsi que de limiter l'atteinte portée par la manifestation aux libertés des tiers non-manifestants (ATF 143 I 147 consid. 3. p. 152; 132 I 256 consid. 3 p. 259). L'autorité dispose ainsi d'une certaine liberté d'appréciation lorsqu'elle décide de l'octroi ou du refus d'une autorisation de manifester; elle peut assortir celle-ci de charges et de conditions et exiger une collaboration active des organisateurs (ATF 132 I 256 consid. 3 p. 260). 
La liberté de réunion peut être restreinte par l'application de la clause générale de police. Celle-ci confère à l'autorité exécutive le droit, même sans base constitutionnelle ou légale expresse, de prendre les mesures indispensables pour rétablir l'ordre public s'il a été troublé, ou pour le préserver d'un danger sérieux qui le menace d'une façon directe et imminente (ATF 103 Ia 312; arrêt 1P.304/1990 du 18 février 1991 consid. 5b). 
 
3.1.2. Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit qu'elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2 p. 70; ATF 142 II 154 consid. 4.2 p. 157; 141 V 557 consid. 3.2.1 p. 565). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 p. 565; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270; 136 I 229 consid. 5.2 p. 236; 134 I 83 consid. 4. 1 p. 88). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 p. 565; arrêts 1C_167/2015 du 18 août 2015 consid. 3; 2C_23/2009 du 25 mai 2009 consid. 3.1, publié in RDAF 2009 II p. 434).  
 
3.2. La cour cantonale a considéré que les mentions, dans l'autorisation, de délivrance à titre d'essai et de possibilité de retrait en cas de plainte découlaient de l'art. 19 de la loi genevoise du 24 juin 1961 sur le domaine public (LDPu; RS GE L 1 05). Cette disposition prévoyant que les permissions sont délivrées à titre précaire, qu'elles peuvent être retirées sans indemnité pour de justes motifs, notamment si l'intérêt général l'exige, et qu'elles sont révocables sans indemnité si le bénéficiaire ne se conforme pas aux dispositions légales ou aux conditions fixées, ne serait qu'un simple rappel du principe général du caractère révocable des décisions administratives. Il n'y aurait toutefois pas lieu de penser que le bénéficiaire d'une autorisation d'usage accru du domaine publique risque davantage un retrait de celle-ci à Genève que dans les cantons dont la loi ne mentionne pas la précarité de ladite autorisation.  
Certes, la clause générale de police peut déjà avoir de telles conséquences. Ainsi les termes "à titre d'essai" et "elle pourra être retirée sur le champ" n'ont pas réellement de portée propre. Toutefois, comme le fait valoir la recourante, de telles indications dans l'autorisation sont de nature à faire pression sur les participants à la représentation, qui n'oseraient par voie de conséquence pas exprimer totalement et librement leur message. 
La mention "à titre d'essai" n'a pas une portée très compréhensible pour un événement de quelques heures. Elle donne peu de poids au cas de figure dans lequel la manifestation se déroule dans son ensemble par rapport à celui dans lequel celle-ci serait interrompue. Or, conformément à la jurisprudence citée ci-dessus et au concept même de la clause de police, l'interruption de la représentation doit rester l'exception et son déroulement la règle, et non l'inverse. La mise en place d'une manifestation nécessite une certaine préparation et peut impliquer des coûts. Dès lors que la représentation a été formellement autorisée, les organisateurs doivent pouvoir compter sur le fait qu'en l'absence d'événements imprévus (comme une contre-manifestation par exemple), celle-ci peut avoir lieu conformément à la description qu'ils en ont faite dans leur demande d'autorisation. 
Quant à la formule utilisée s'agissant de la possibilité de retirer l'autorisation sur-le-champ "si la mise en scène devait susciter des plaintes et heurter la sensibilité d'un certain public", elle est particulièrement vague. En dépit d'une autorisation délivrée en bonne et due forme, les organisateurs sont non seulement sous la menace d'une interruption prématurée de leur représentation par l'intervention des autorités, mais le sont selon un critère subjectif et indéfini. La tenue de la représentation, comme pour toute manifestation, ne doit pas dépendre de simples protestations ou doléances des passants, qui ne sauraient entraîner un retrait de l'autorisation pour des motifs de police. En effet, les idées qui heurtent, choquent ou inquiètent sont précisément protégées par la liberté d'expression (cf. consid. 4.1 ci-dessous), de sorte qu'il ne saurait s'agir d'un juste motif, sauf circonstances exceptionnelles couvertes par la clause de police, pour interrompre une manifestation régulièrement autorisée. Dans un tel contexte, les organisateurs et participants à l'action risquent, consciemment ou non, d'être constamment sur la retenue s'agissant du message qu'ils ont l'intention de faire passer. Lorsque l'autorité accorde l'autorisation, elle détient les renseignements nécessaires pour statuer s'agissant notamment de déterminer si l'action prévue - dans la mesure où elle se déroule conformément à ce qui est annoncé - est admissible au regard du respect de la sécurité et d'autres intérêts publics. Il n'y a donc pas lieu d'assortir l'autorisation d'une réserve de retrait sur le moment en fonction des réactions que la représentation aura suscitées. 
En définitive, les mentions, dans l'autorisation de la délivrance à titre d'essai et de la possibilité d'un retrait sur-le-champ si la mise en scène devait susciter des plaintes et heurter la sensibilité d'un certain public violent la liberté de réunion de la recourante. 
Vu le sort de ce grief, il n'y a pas lieu d'examiner la question de la violation du droit d'être entendue de la recourante à ce sujet. 
 
4.   
La recourante dénonce ensuite une violation de la sa liberté d'expression. 
 
4.1. Ainsi qu'on l'a exposé ci-dessus, l'art. 16 Cst. consacre les libertés d'opinion et d'information (al. 1), toute personne ayant le droit de former, d'exprimer et de répandre librement son opinion en recourant à tous les moyens propres à établir la communication, à savoir la parole, l'écrit ou le geste, sous quelque forme que ce soit (al. 2; cf. arrêts 2C_719/2016 du 24 août 2017, consid. 3.1; 1C_312/2010 du 8 décembre 2010 consid. 4.1, in RDAF 2011 I p. 48, PJA 2011 p. 698 et p. 705, SJ 2011 I p. 233, sic! 7-8/2011 p. 455 et les réf. citées). A l'instar de cette disposition, l'art. 10 par. 1 CEDH garantit à toute personne le droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. L'exercice de ces libertés comporte toutefois des devoirs et des responsabilités et peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, notamment à la défense de l'ordre et à la protection de la morale, de la réputation ou des droits d'autrui (cf. art. 10 par. 2 CEDH). La liberté d'expression, comme les autres droits fondamentaux, n'a donc pas une valeur absolue. Une ingérence dans son exercice est conforme à l'art. 10 CEDH si elle est prévue par la loi, si elle poursuit un but légitime de protection de l'intérêt public, notamment de la réputation et des droits d'autrui, et si elle est proportionnée au but légitime poursuivi (arrêts CourEDH  RTBF c. Belgique du 29 mars 2011, § 95;  Bergens Tidende et autres c. Norvège du 2 mai 2000, § 33 et 48 ss). Ces critères correspondent à ceux posés en matière de restriction des droits fondamentaux par l'art. 36 Cst. (ATF 136 IV 97 consid. 5.2.2 p. 104 et les arrêts cités).  
Le domaine d'application de ce droit fondamental n'est pas restreint aux informations ou aux idées accueillies favorablement ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais vaut aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent (arrêt  Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976, série A n° 21, confirmé notamment dans l'arrêt  Stoll c. Suisse du 10 décembre 2007, Recueil CourEDH 2007-V, § 101; arrêts 1C_9/2012 du 7 mai 2012 consid. 2.1 in ZBl 114/2013 p. 508; 2C_719/2016 du 24 août 2017, consid. 3.1). En outre, l'art. 10 CEDH ne protège pas uniquement la substance des idées et informations, mais également la forme par laquelle celles-ci sont émises (cf. arrêt  Taranenko c. Russie du 15 mai 2014, n° 19554/05, § 64). Cette très grande extension du domaine d'application de la liberté d'expression s'explique par l'extrême diversité des situations visées, des informations et opinions susceptibles d'être émises et des façons de les exprimer, ainsi que les circonstances dans lesquelles elles le sont. Outre les prérogatives de celui qui s'exprime, le droit d'autrui d'accéder à l'information ou à l'opinion doit aussi être pris en compte (arrêt 1C_443/2017 du 29 août 2018 consid. 6.1 et les réf. citées).  
La simple distribution de tracts n'est en principe pas soumise à autorisation; si la distribution prend une certaine ampleur de sorte qu'il pourrait en résulter des attroupements défavorables à la circulation des piétons, voire des véhicules, un tel cas se rapproche alors de la manifestation et peut être soumis à autorisation (ATF 96 I 586 consid. 4c p. 590 s.; arrêt 1P.104/2000 du 30 mai 2000 consid. 4a). 
 
4.2.  
 
4.2.1. Dans un premier temps, la recourante fait valoir que le refus d'autoriser l'utilisation d'un moyen d'amplification sonore viole sa liberté d'expression: ce refus n'était selon elle justifié par aucun but légitime et d'autres mesures, moins lourdes, étaient possibles. La recourante ne discute pas les considérants de l'arrêt attaqué, qui a pourtant retenu que sa demande, au contraire de ce qu'on fait les autorités communales, aurait dû être transmise d'office au département compétent pour que celui-ci statue sur la possibilité de recourir à un moyen d'amplification sonore. En d'autres termes, la cour cantonale a constaté le caractère illicite - faute de compétence  ratione materiae - de la décision litigieuse en tant qu'elle interdisait l'usage d'appareils amplifiant le son. La critique de la recourante est par conséquent sans objet et doit être rejetée.  
 
4.2.2. La recourante fait en outre valoir une violation de sa liberté d'expression à raison de l'interdiction de distribuer des tracts. La cour cantonale a constaté à cet égard à juste titre que la distribution de tracts n'était pas interdite par la décision litigieuse, mais que l'interdiction de déborder du périmètre pour interagir avec les piétons constituait en revanche une restriction à la liberté d'expression. Elle a considéré que l'art. 15 LDPu constituait une base légale suffisante pour restreindre cette liberté, que le but d'éviter un attroupement susceptible d'entraver la libre circulation des passants justifiait cette restriction et que la possibilité de distribuer des tracts dans le périmètre subsistait.  
 
4.2.2.1. La recourante conteste l'existence d'une base légale à l'atteinte à sa liberté d'expression. Elle ne discute pas l'art. 15 LDPu retenu par la cour cantonale et se réfère à l'art. 5 du règlement cantonal d'exécution de la loi sur les manifestations sur le domaine public (RMDPu; RS GE F3 10.01), qui dispense d'autorisation la distribution d'écrits effectuée par une ou des personnes isolées en dehors d'installations fixes, sans exposer en quoi le cas d'espèce remplirait ces conditions. La motivation présentée par la recourante est par conséquent insuffisante eu égard aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF et la doléance de l'absence de base légale doit être écartée.  
 
4.2.2.2. En ce qui concerne l'intérêt public, la cour cantonale a retenu que la restriction avait pour but d'éviter un attroupement susceptible d'entraver la libre circulation des passants. La recourante conteste que tel ait jamais été son intention. Elle souhaitait uniquement pouvoir informer les personnes qui le demandent, conformément aux termes utilisés dans la demande d'autorisation.  
Vu l'espace accordé pour la représentation de deux fois 6 m2, on peine à suivre l'appréciation de la cour cantonale s'agissant de la possibilité d'y distribuer des tracts. Conformément à la requête et sans que cela n'ait jamais été remis en cause par les autorités, la représentation en elle-même implique la présence de 25 personnes dans ce périmètre, certaines assises à une table, d'autres couchées. Il n'est pas raisonnablement soutenable de considérer qu'en sus de ces 25 personnes occupant le périmètre de la représentation, cinq à six autres personnes seraient encore en mesure d'y distribuer des tracts et des passants de s'y arrêter. Ceci implique en effet que les récipiendaires de ces tracts s'approchent des personnes qui les distribuent, ce qui est manifestement compliqué si celles-ci ne peuvent sortir du périmètre - déjà particulièrement saturé - de la représentation. 
Le Tribunal fédéral s'impose une certaine retenue s'agissant de l'appréciation de la configuration des lieux que les autorités communales et cantonales connaissent mieux. Cela étant, si, comme le retient la cour cantonale, la distribution de tracts hors du périmètre de l'action devait entraver la libre circulation des passants, on peut considérer que tel est déjà  de facto le cas de la manifestation elle-même qui, par essence, est amenée à interpeller certains passants qui s'arrêteraient pour l'observer. On peut en déduire que soit l'emplacement alloué était inadéquat car la représentation en elle-même rendait le passage difficile; soit l'emplacement était adéquat et il devait dès lors être loisible aux participants à la représentation de sortir du périmètre pour distribuer des tracts et discuter avec les passants. A suivre la cour cantonale, on comprend que la présente situation relevait plutôt de la première hypothèse. Cela étant, la recourante n'a pas à subir les inconvénients liés à l'emplacement alloué, celui-ci ayant été modifié de l'initiative de l'autorité. Si les autorités considéraient qu'il subsisterait alors insuffisamment de place pour un passage adéquat, elles ne devaient pas proposer cet emplacement en remplacement de celui requis par l'organisatrice.  
En d'autres termes, telle que la représentation a été prévue, interdire aux participants de sortir du périmètre de l'autorisation rendait toute distribution de tracts ou discussion avec les passants intéressés impossible. Il en découle une restriction de leur liberté d'expression. Or celle-ci, motivée par le seul manque de place pour assurer la libre circulation des passants, est inacceptable. En effet, cet intérêt public pouvait, au besoin, être respecté par le choix d'un emplacement plus judicieux. 
 
4.3. Il s'ensuit que l'arrêt attaqué confirmant l'interdiction de sortir du périmètre défini pour la tenue de la représentation viole la liberté d'expression de la recourante.  
 
5.   
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que la décision communale est modifiée par la suppression des conditions suivantes: "Cette permission est accordée à titre d'essai"; "Si la mise en scène devait susciter des plaintes et heurter la sensibilité d'un certain public, elle pourra être retirée sur-le-champ sans préjuger de notre décision dans l'hypothèse d'ultérieures demandes similaires"; "Les membres de l'association présents à l'intérieur de la surface octroyée et ne en aucune manière déambuler aux alentours pour apostropher les passants" (  sic); "Les participants ne déborderont pas du périmètre alloué".  
 
 
6.   
Le présent arrêt sera rendu sans frais (art. 66 al. 4 LTF). La recourante, représentée par un juriste non-avocat dont le travail le justifie, a droit à des dépens (art. 9 du règlement du 31 mars 2006 sur les dépens alloués à la partie adverse et sur l'indemnité pour la représentation d'office dans les causes portées devant le Tribunal fédéral [RS 173.110.210.3], art. 68 al. 1 LTF). Sur ce point, le Tribunal fédéral n'est pas tenu par la liste de frais produite par le mandataire, les dépens étant déterminés en premier lieu selon le barème fixé à l'art. 6 du règlement précité (selon l'importance et la difficulté de la cause ainsi que selon le travail effectué) et en tenant compte des montants alloués dans des causes similaires. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.   
Le recours en matière de droit public est admis. L'arrêt attaqué est modifié en ce sens que sont retirées de la décision du 14 juillet 2016 les mentions suivantes: 
 
- "Cette permission est accordée à titre d'essai"; 
- "Si la mise en scène devait susciter des plaintes et heurter la sensibilité d'un certain public, elle pourra être retirée sur-le-champ sans préjuger de notre décision dans l'hypothèse d'ultérieures demandes similaires"; 
- "Les membres de l'association présents à l'intérieur de la surface octroyée et ne en aucune manière déambuler aux alentours pour apostropher les passants" (  sic);  
- "Les participants ne déborderont pas du périmètre alloué". 
 
3.   
Une indemnité de dépens de 4'000 fr. est accordée à la recourante, à la charge de la République et canton de Genève, pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à la Ville de Genève, Service de la sécurité et de l'espace publics, ainsi qu'à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lausanne, le 13 septembre 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
La Greffière : Sidi-Ali