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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_1066/2021  
 
Arrêt du 5 juillet 2022  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
Escher et Bovey. 
Greffier : M. Braconi. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représentée par Me Pierre Siegrist, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Caisse B.________, 
représentée par Me Vincent Carron, avocat, 
intimée, 
 
Office cantonal des poursuites de Genève, rue du Stand 46, 1204 Genève. 
 
Objet 
plainte LP, 
 
recours contre la décision de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites de la Cour de justice du canton de Genève du 16 décembre 2021 
(A/2465/2021-CS, DCSO/495/21). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par jugement du 19 juin 2019, le Tribunal de première instance de Genève a prononcé le divorce des époux C.A.________ et A.A.________; il a ordonné, en particulier, le partage des avoirs de prévoyance professionnelle, la Caisse B.________, auprès de laquelle le mari était assuré, étant condamnée à transférer la somme de 4'248'092 fr. 62 sur deux comptes de libre passage au nom de l'épouse, le premier auprès de la Banque cantonale de Genève (BCGE), le second auprès de PostFinance.  
 
A.b. Le 5 février 2020, l'épouse a fait notifier à la Caisse B.________ un commandement de payer la somme de 4'248'092 fr. 62 avec intérêts à 5 % l'an dès le 28 septembre 2019, fondée sur le jugement précité ( poursuite n° yyy de l'Office cantonal des poursuites de Genève).  
Par jugement du 4 décembre 2020, le Tribunal de première instance de Genève a levé définitivement l'opposition; le 23 avril 2021, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours de la poursuivie. 
 
B.  
 
B.a. Par arrêt du 26 mai 2020, confirmé le 22 décembre suivant par le Tribunal fédéral ( causes 6B_815/2020, 6B_823/2020, 6B_826/2020 et 6B_831/2020), la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève a, entre autres infractions, reconnu C.A.________ coupable de complicité de gestion déloyale, l'a condamné, conjointement avec D.________, à payer aux B.________ la somme de 20'460'487 fr. plus intérêts à 5 % l'an dès le 1er novembre 2012, prononcé une créance compensatrice du même montant, allouée aux E.________, ordonné le maintien de séquestres pénaux frappant divers actifs en vue de l'exécution de cette créance et levé d'autres séquestres pénaux, parmi lesquels ceux portant sur sa prestation de sortie auprès de la Caisse B.________.  
 
B.b. Donnant suite à la requête des E.________, le Tribunal de première instance de Genève a ordonné le 22 janvier 2021 le séquestre d'actifs de C.A.________ - dont l'avoir de prévoyance de celui-ci auprès de la Caisse B.________ - à concurrence de 20'460'487 fr. plus intérêts à 5 % l'an dès le 1er novembre 2021 ( séquestre n° zzz).  
Le 22 janvier 2021, l'Office cantonal des poursuites de Genève a exécuté ledit séquestre et adressé des avis ad hoc aux tiers détenteurs d'avoirs susceptibles d'être séquestrés; par courrier du 11 février 2021, la Caisse B.________ lui a indiqué que la prestation de libre passage du débiteur s'élevait à 8'496'185 fr. 25, dont 4'248'092 fr. 31 devaient revenir à son ex-épouse conformément au jugement de divorce.  
 
B.c. Le 23 février 2021, l'Office a établi le procès-verbal de séquestre; il en ressort que la mesure a porté en main de la Caisse B.________ sur les avoirs de prévoyance professionnelle (2e pilier) du débiteur pour une valeur de 8'738'284 fr. 27; l'ex-épouse ayant revendiqué en être propriétaire à hauteur de 4'248'092 fr. 31 sur la base du jugement de divorce, un délai de vingt jours a été imparti au créancier et au débiteur pour ouvrir action en contestation de la prétention du tiers revendiquant, faute de quoi cette prétention serait admise. Le 17 mars 2021, les E.________ ont saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève d'une action en contestation de revendication à l'encontre de la prénommée.  
 
C.  
 
C.a. Le 2 juillet 2021, la Caisse B.________ s'est acquittée en main de l'Office de la somme de 4'660'073 fr. en règlement de la poursuite introduite contre elle par l'ex-épouse ( cf. supra, let. A.b).  
Par décision du 15 juillet 2021, l'Office a informé l'ex-épouse que ce montant correspondait au solde de la poursuite en question en capital, intérêts et frais au 31 juillet 2021. Ce paiement avait éteint la poursuite et libéré la débitrice en vertu de l'art. 12 al. 2 LP; les fonds avaient été consignés auprès de la Trésorerie générale de l'État, conformément à l'art. 9 LP, en tant qu'actifs séquestrés dans la procédure de séquestre n° 21 071683 W, jusqu'à droit connu dans l'action en contestation de revendication introduite par les E.________ ( cf. supra, let. B.c).  
 
C.b. Le 20 juillet 2021, A.A.________ a porté plainte contre cette décision; elle a exposé que, dans la mesure où la Caisse B.________ n'avait pas payé sous condition, l'Office était tenu de lui transférer le produit de la poursuite, puisque sa créance se fondait sur un jugement passé en force et que le séquestre obtenu par les E.________ ne concernait que les avoirs du débiteur, et non les siens.  
Statuant le 16 décembre 2021, la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté la plainte. 
 
D.  
Par mémoire mis à la poste le 26 décembre 2021, la plaignante exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral. En bref, elle conclut à l'annulation de la décision précitée et au versement du montant litigieux sur ses comptes de libre passage; subsidiairement, elle demande que le montant versé par la Caisse B.________ qui excède sa revendication, à savoir 411'980 fr. 38, lui soit versé " immédiatement et sans condition ".  
Des observations n'ont pas été requises. 
 
E.  
Le 13 juin 2022, le Président de la Cour de céans a rejeté la requête de la recourante, consécutive à l'arrêt 5A_907/2021, tendant au versement immédiat de la somme consignée par l'Office. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours a été déposé à temps (art. 100 al. 2 let. a LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 350 consid. 1.2) rendue en matière de poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale de surveillance statuant en dernière (unique) instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF). Il est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF). La plaignante, qui a participé à la procédure devant la juridiction précédente et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. En l'espèce, l'autorité précédente a constaté que la plaignante, en qualité de tiers, n'avait pas formé d'opposition au séquestre ordonné à l'encontre de son ex-époux en faisant valoir qu'il portait sur des actifs lui appartenant, ni porté plainte contre le procès-verbal de séquestre établi par l'Office, dont il ressort que le séquestre avait été exécuté sur l'intégralité des avoirs de prévoyance du débiteur auprès de la Caisse B.________, revendiqués en partie par la plaignante. Malgré les incertitudes quant au moment de la connaissance de l'ordonnance et du procès-verbal de séquestre, l'intéressée n'a pas prétendu avoir réagi dans les délais utiles une fois connues ces décisions, la présente plainte n'étant dirigée que contre la décision de l'Office de consigner les fonds versés par la caisse de prévoyance; au demeurant, il résulte du dossier que celle-ci a mentionné l'existence du séquestre dans la procédure de mainlevée l'opposant à la plaignante. Enfin, comme la plaignante est partie à la procédure de revendication initiée le 17 mars 2021 par les E.________, c'est dans cette procédure qu'elle pourra faire valoir ses prétentions sur les actifs séquestrés.  
La Caisse B.________, quant à elle, a versé à l'Office la somme de 4'660'073 fr., destinée à être imputée sur la créance de la plaignante; il s'agit là d'un paiement au sens de l'art. 12 LP, qui couvre le capital, les intérêts et les frais de poursuite; opéré sans conditions, il a entraîné sa libération et l'extinction de la poursuite (art. 12 al. 2 LP), sans égard au fait que la somme n'a pas été transmise à la plaignante. Dans la mesure où ce versement est visé par le séquestre, c'est à juste titre que l'Office n'a pas versé la somme correspondante sur les comptes de libre passage de la plaignante, ou à celle-ci directement, mais l'a consignée jusqu'à droit connu sur la procédure en revendication. 
 
2.2. Dans ses trois premiers griefs, la recourante reproche en bref à la juridiction cantonale d'avoir établi les faits de manière " inexacte et/ou incomplète ", ce qui a faussé son raisonnement juridique. En effet, le séquestre pénal sur les avoirs de prévoyance avait été levé à l'issue du procès pénal et la Caisse B.________ ne s'est pas exécutée nonobstant une " mise en demeure formelle ", alors que les fonds que cette caisse devait lui transférer étaient librement disponibles. De surcroît, il existait dans les comptes de la Caisse B.________ " deux prestations de libre passage " dont l'une lui revenait à concurrence de 4'248'092 fr. 62, le séquestre ne portant que sur les avoirs de l'ex-mari; cette prestation ne pouvait donc plus faire l'objet d'un séquestre dans la poursuite dirigée exclusivement contre ce dernier. Enfin, elle conteste avoir émis une " revendication ", car elle n'a été informée du séquestre qu'au moment de la " communication de l'ordonnance prononcée le 20 mai 2021 par le Tribunal de première instance " lors du procès en contestation de revendication.  
 
2.3.  
 
2.3.1. D'emblée, la question de savoir si la prétention de la recourante envers la caisse découlant du jugement de divorce ( cf. supra, let. A.a) peut être séquestrée dans une poursuite introduite contre l'ex-mari est étrangère au présent litige; comme le souligne l'autorité précédente, la plainte a pour objet en l'occurrence la décision de l'Office de consigner les fonds versés par la Caisse B.________. Le recours est dès lors irrecevable sur ce point (ATF 142 I 155 consid. 4.4.2). De plus, l'intéressée oublie que l'Office peut mettre sous main de justice des droits patrimoniaux dont un tiers se prétend titulaire (art. 95 al. 3 et art. 275 LP; ATF 134 III 122 consid. 4.2 et les références); c'est précisément dans la procédure en revendication (art. 106 ss et art. 275 LP) que le tiers doit faire valoir sa prétention. Au demeurant, il ressort de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF; ATF 140 III 16 consid. 1.3.1) que la recourante n'a pas formé opposition au séquestre (art. 278 al. 1 LP), ni déposé plainte contre le procès-verbal de séquestre; elle ne saurait ainsi pallier son omission à l'occasion de la consignation du montant en cause jusqu'à droit connu sur l'action en contestation de revendication.  
Certes, la recourante affirme que les fonds correspondant à ses avoirs de prévoyance étaient " disponibles " entre la levée du séquestre pénal et l'autorisation du séquestre par le Tribunal de première instance, en sorte que la situation résulte de l'" incurie " de la Caisse B.________ qui a " conservé indûment les montants devant [lui] revenir ", nonobstant une " mise en demeure formelle ". Fût-il même justifié, un tel reproche ne changerait rien au résultat. La plainte au sens de l'art. 17 LP ne peut avoir pour objet qu'une mesure, une décision, voire une omission d'un organe de l'exécution forcée (ATF 119 III 49 consid. 1), et non le comportement d'une partie à la poursuite ou d'un tiers ( cf. GILLIÉRON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 5e éd., 2012, n° 253). Le cas échéant, il appartiendra au juge ordinaire de rechercher si la prétendue rénitence dans le transfert des avoirs de prévoyance a provoqué un dommage à l'intéressée.  
Selon la jurisprudence, le séquestre ordonné préalablement par le juge pénal n'empêche pas l'exécution d'un séquestre frappant les mêmes biens fondé sur les art. 271 ss LP (ATF 93 III 89 consid. 3; 120 III 123 consid. 3b [entraide judiciaire en matière pénale]; arrêt 7B.190/2004 du 19 novembre 2004 consid. 4); il en est ainsi a fortiori lorsque, comme en l'occurrence, le séquestre pénal a été levé. Le séquestre ordonné le 22 janvier 2021 et exécuté le même jour apparaît donc parfaitement régulier. Dès ce moment, la Caisse B.________ - dûment avisée de cette mesure (art. 276 al. 2 LP) - n'était plus en droit de verser sur les comptes de libre passage de la recourante les avoirs de prévoyance qui devaient lui être transférés à teneur du jugement de divorce et ne pouvait plus se libérer qu'en main de l'Office (art. 99 et art. 275 LP); c'est ce qu'elle a fait le 2 juillet 2021 ( cf. supra, let. C.a). Vu le séquestre frappant les avoirs en cause, l'Office a consigné avec raison le montant litigieux tant qu'un jugement définitif ne s'est pas prononcé sur son attribution.  
Enfin, le fait que la recourante n'ait pas formulé de " revendication " est sans pertinence dans le cas particulier. La déclaration de revendication peut émaner d'un tiers intéressé ( cf. STAEHELIN/STRUB, in : BSK-SchKG I, 3e éd., 2021, n° 18 ad art. 106 LP); or, si la recourante estimait que la lettre de la Caisse B.________ du 11 février 2021 indiquant à l'Office que la moitié des avoirs de prévoyance du débiteur revenait à l'ex-épouse en vertu du jugement de divorce ne devait pas être traitée en tant que telle, il lui incombait de porter plainte contre la décision de l'Office d'ouvrir une procédure de revendication. A ce stade, la régularité de celle-ci, qui est à l'origine de la décision contestée de l'Office, ne saurait être remise en discussion.  
 
2.3.2. Dans un dernier moyen, la recourante expose que sa prétendue revendication porte sur un montant de 4'248'092 fr. 62, de sorte que la consignation par l'Office ne saurait porter sur un montant supérieur. Il s'ensuit que le " différentiel " entre le montant acquitté par la Caisse B.________ et la somme revendiquée ( 411'980 fr. 38) doit être libéré et lui être versé.  
Le recours est cependant irrecevable à cet égard. Il ne ressort pas de la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF; ATF 140 III 16 consid. 1.3.1) que ce moyen (art. 75 al. 1 LTF; ATF 143 III 290 consid. 1.1) et le chef de conclusions subsidiaire sur lequel il repose (art. 99 al. 2 LTF; arrêt 5A_758/2013 du 15 avril 2014 consid. 2 et les références) auraient été présentés devant l'autorité cantonale. 
 
3.  
En conclusion, le présent recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, aux frais de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Office cantonal des poursuites de Genève et à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 5 juillet 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
Le Greffier : Braconi