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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1C_226/2017  
   
   
 
 
 
Arrêt du 24 mai 2017  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Karlen et Chaix. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, représenté par Me Catherine Hohl-Chirazi, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Office fédéral de la justice, Unité Extraditions, Bundesrain 20, 3003 Berne. 
 
Objet 
Extradition à l'Italie, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, 
Cour des plaintes, du 11 avril 2017. 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, ressortissant marocain né en 1978, a été arrêté le 2 novembre 2016 à Genève et placé en détention extraditionnelle à la demande des autorités italiennes. Celles-ci recherchent l'intéressé pour l'exécution d'une peine d'ensemble de neuf ans, deux mois et dix-sept jours résultant de huit condamnations prononcées entre 2006 et 2013 par plusieurs tribunaux italiens. Le 3 novembre 2016, l'Office fédéral de la justice (OFJ) lui a fait notifier un mandat d'arrêt en vue d'extradition. La demande formelle d'extradition a été présentée le 5 décembre 2016. L'intéressé s'est opposé à son extradition et a requis en vain sa mise en liberté provisoire (cf. arrêt 1C_94/2017 du 16 février 2017). 
Par décision du 1 er février 2017, l'OFJ a accordé l'extradition de A.________ pour les faits mentionnés dans la demande. Les jugements avaient été rendus soit en présence de l'accusé, soit après une convocation régulière ou une élection de domicile auprès d'un avocat. Les griefs relatifs à la révocation du sursis par défaut n'avaient pas à être examinés par l'autorité d'extradition.  
 
B.   
Par arrêt du 11 avril 2017, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a partiellement admis le recours formé par A.________. La non- présentation de documents d'identité et le fait de donner une fausse identité étaient aussi punissables en droit suisse. Il n'y avait pas lieu de douter de l'authenticité des documents présentés à l'appui de la demande d'entraide. L'autorité requérante n'avait pas à produire les dispositions du droit de procédure italien. S'agissant des conditions de détention, l'Italie faisait partie des Etats auxquels l'extradition pouvait être accordée sans garanties particulières. Les circonstances permettant exceptionnellement de refuser une extradition en application de l'art. 8 CEDH n'étaient pas réunies. Quatre condamnations avaient été prononcées en présence de l'accusé. Les quatre autres avaient été prononcées par défaut. Pour deux d'entre elles, le recourant avait été convoqué régulièrement, conformément aux exigences de l'art. 6 CEDH. En revanche pour les jugements rendus le 6 mars 2007 par le Tribunal de La Spezia et le 17 mars 2008 par celui de Reggio Emilia, le recourant avait simplement fait élection de domicile, ce qui n'équivalait pas à une convocation régulière. L'Etat requérant devait dès lors être invité, conformément à l'art. 80p EIMP, à fournir des assurances garantissant au recourant le droit à une nouvelle procédure sauvegardant les droits de la défense. La décision de l'OFJ a été réformée dans ce sens. 
 
C.   
Par acte daté du 19 avril 2017, A.________ a formé en personne un recours contre l'arrêt de la Cour des plaintes. Il conclut à l'annulation de cet arrêt, au refus de l'extradition et à sa mise en liberté. Par acte du 24 avril 2017, le recourant, représenté cette fois par son avocate, a également formé un recours en matière de droit public par lequel il demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour des plaintes et la décision de l'OFJ, de déclarer la demande d'extradition irrecevable, de refuser l'extradition et d'ordonner sa mise en liberté. Dans ses conclusions subsidiaires, il demande de renvoyer la cause au TPF pour qu'il déclare irrecevable ou mal fondée la demande d'extradition, ou de renvoyer la cause à l'OFJ afin que la situation dans les prisons italiennes soit évaluée; plus subsidiairement encore, il demande au Tribunal fédéral de constater que la Suisse est en mesure d'assumer elle-même l'exécution de la peine, ou de soumettre l'extradition aux garanties suivantes: le recourant aura droit à une nouvelle procédure pour l'ensemble des jugements rendus à son encontre, y compris l'ordonnance d'exécution rendu le 31 mars 2014; le recourant sera détenu dans des conditions respectant les Règles pénitentiaires européennes et l'art. 3 CEDH, avec une surveillance des conditions de détention; la détention extraditionnelle sera déduite de la peine à exécuter en Italie. Par lettre du 27 avril 2017, l'avocate du recourant a précisé que seul son recours devait être pris en considération. 
La Cour des plaintes persiste dans les termes de son arrêt, sans formuler d'observations. L'OFJ conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Dans ses dernières observations, du 16 mai 2017, le recourant persiste dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Selon l'art. 84 LTF, le recours en matière de droit public est recevable à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide judiciaire internationale notamment lorsque celui-ci a pour objet une extradition. Il doit toutefois s'agir d'un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal fédéral peut aussi être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 133 IV 215 consid. 1.2 p. 218). 
Dans le domaine de l'extradition également, l'existence d'un cas particulièrement important n'est admise qu'exceptionnellement (ATF 134 IV 156 consid. 1.3.4 p. 161). En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe au recourant de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 133 IV 131 consid. 3 p. 132). 
 
1.1. Le recourant estime que la procédure en Suisse présenterait des défauts graves car le TPF aurait omis de statuer sur un grief (prononcé par défaut de l'ordonnance du 31 mars 2014 qui fonde l'extradition). Par ailleurs les procédures par défaut constitueraient aussi des violations de ses droits fondamentaux, de même que la situation carcérale en Italie. Le recourant estime par ailleurs que la question d'un prononcé par défaut d'une révocation du sursis entraînant des conséquences graves constituerait une question de principe. Il en irait de même de l'examen des conditions carcérales en Italie, ainsi que de l'application de l'art. 37 al. 1 EIMP pour laquelle le recourant demande une précision ou un changement de jurisprudence.  
 
1.2. La décision du 31 mars 2014 du Procureur de la République de Rimini, qui fonde la demande d'extradition, ne constitue pas un jugement de condamnation mais une ordonnance d'exécution de peines. Celle-ci recense les huit condamnations dont le recourant a fait l'objet entre 2006 et 2013. Elle considère que la suspension de deux peines (de sept et quatre mois de réclusion) doit être révoquée en raison d'une nouvelle condamnation. Elle fait de même avec une condamnation à 6 mois de réclusion. Le Procureur relève que ces révocations découlent de la loi de sorte que si l'intervention du juge d'exécution des peines est sollicitée, son prononcé n'aura qu'un effet déclaratif. Contrairement à ce que soutient le recourant, celui-ci était représenté à cette occasion, devant le Ministère public, par un avocat d'office qui avait déjà exercé auparavant pour lui. En outre, selon les termes des art. 37 al. 2 EIMP et 5a CEExtr. (introduit par l'art. 3 du deuxième protocole additionnel à la CEExtr., RS 0.353.12), la partie requise peut refuser l'extradition pour une condamnation par défaut lorsque la  procédure de jugement n'a pas satisfait aux droits de la défense. Cette disposition, qui permet un refus de la collaboration et ne saurait recevoir une interprétation extensive, ne s'applique donc pas aux décisions ultérieures relatives à l'exécution des peines (lesquelles n'ont plus pour objet de statuer sur le bien-fondé de l'accusation), quelle que soient les incidences sur la situation du condamné. Contrairement à l'arrêt de la CourEDH De Tommaso c/ Italie du 23 février 2017 (concernant l'adoption de mesures de prévention), l'atteinte à la situation personnelle du recourant résulte non pas de l'ordonnance du 31 mars 2014, mais de l'ensemble des condamnations prononcées précédemment.  
Compte tenu du texte clair des dispositions légale et conventionnelles, le grief soulevé à cet égard n'appelait pas de réponse spécifique de la part de l'instance précédente, de sorte que le droit d'être entendu du recourant n'est pas non plus violé. 
 
1.3. Le recourant prétend ensuite qu'il aurait fait l'objet d'une procédure par défaut non seulement dans les deux cas retenus par le TPF (jugements du 6 mars 2007 et du 17 mars 2008), mais aussi dans la plupart des autres condamnations. Pour le jugement du 25 février 2010, rien n'indiquerait que le recourant était présent lors de la procédure de première instance (alors qu'il était interdit d'entrée à Rimini) ou d'appel. Il ressort des pièces produites par l'autorité requérante, en particulier de la première page du jugement de première instance que le recourant était présent et assisté d'un avocat d'office. Il n'y a pas d'établissement inexact des faits sur ce point. Le recourant conteste aussi sa présence lors des jugements du Tribunal de Reggio Emilia (23 janvier 2008 et 13 juillet 2009), et du Tribunal de La Spezia (26 février 2007 et 26 juillet 2009). Interpellée à ce sujet par l'OFJ, l'autorité italienne a fait savoir expressément, par note verbale du 13 janvier 2017, que le recourant était présent lors des deux premiers jugements ayant fait l'objet d'une citation directe après un flagrant délit; cela ressort également des documents produits. S'agissant du jugement du 26 février 2007, le recourant aurait participé à une précédente audience le 18 décembre 2006 et aurait été informé à cette occasion de la date des débats. On peut ainsi y voir une citation valablement notifiée. Enfin, l'autorité requérante affirme que le recourant avait été régulièrement cité à l'audience du 26 juillet 2009, mais qu'il ne s'est pas présenté de sorte qu'il a été jugé par défaut. Cela est confirmé par la lecture du jugement dont il ressort que l'absence du prévenu a été constatée lors d'une audience précédente et que l'avocat du recourant a assisté à l'ensemble des débats. Les griefs soulevés en relation avec les jugements étrangers doivent être écartés.  
 
1.4. Le recourant revient ensuite sur les conditions carcérales en Italie. Il estime que ces conditions ne se seraient pas améliorées depuis la condamnation de l'Italie par la CourEDH dans l'arrêt Torreggiani du 8 janvier 2013. Le fait que l'Italie figure parmi les Etats privilégiés en matière d'assistance judiciaire et d'extradition ne pouvait pas dispenser de procéder à un tel examen. Au regard de la jurisprudence actuelle, le grief ne soulève pas de question de principe et doit être écarté. En effet, dans son arrêt 1C_176/2014 du 12 mai 2014 (publié in SJ 2014 I 341), le Tribunal fédéral a considéré que depuis l'arrêt Torreggiani qui avait conduit la Suisse à exiger des assurances quant aux conditions carcérales, l'Italie avait adopté de nombreuses mesures pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale. Le Tribunal fédéral a dès lors considéré que l'extradition ne devait plus dépendre de l'obtention de garanties formelles. Cette pratique est suivie depuis lors et il n'y a pas lieu de s'en écarter (cf. en dernier lieu arrêt 1C_129/2017 du 20 mars 2017).  
 
1.5. Invoquant l'art. 8 CEDH, le recourant relève qu'il est marié en Suisse depuis près de cinq ans, qu'il a deux enfants âgés de trois ans et quatre ans et demi et que sa femme exerce une activité professionnelle. Son extradition le tiendrait éloigné de sa famille durant plus de neuf ans et la situation financière de la famille ne permettrait pas des visites régulières en prison.  
Les art. 8 CEDH, 5 al. 2 et 13 al. 1 Cst. peuvent certes faire obstacle à l'extradition lorsque cette dernière apparaît comme une ingérence disproportionnée dans la vie familiale de l'intéressé. Le Tribunal fédéral a ainsi été amené à refuser une extradition à l'Allemagne, requise pour l'exécution d'un solde de peine de 473 jours d'emprisonnement pour un délit de recel. L'intéressé était père de deux filles mineures en Suisse et l'incarcération avait mis sa compagne, invalide à 100 % et enceinte d'un troisième enfant, dans un état anxio-dépressif avec des idées suicidaires. Dans ces circonstances, la Suisse pouvait se charger de l'exécution sur son territoire du solde de peine (consid. 3e et 4 non publiés de l'ATF 122 II 485). Le Tribunal fédéral a toutefois eu l'occasion, dans des arrêts ultérieurs, de préciser qu'un tel refus devait rester tout à fait exceptionnel et n'entrait pas en ligne de compte dans d'autres circonstances (ATF 129 II 100 consid. 3.5 p. 105; arrêt 1A.9/2001 du 16 février 2001). En l'espèce, si l'extradition du recourant à l'Italie occasionnera inévitablement des difficultés dans le maintien des relations familiales (difficultés inhérentes à toute mesure d'incarcération), la situation n'est pas comparable à celle, visée dans la jurisprudence précitée, dans laquelle la mère des enfants n'était manifestement plus en état de s'occuper de ceux-ci. Le grief doit lui aussi être écarté, dans la mesure où il est recevable. 
Le recourant réclame également en vain un changement de jurisprudence s'agissant de l'application de l'art. 37 EIMP. Il estime que dans son interprétation actuelle (refus systématique d'assumer l'exécution de la peine en Suisse en cas de demande d'extradition), cette disposition serait inapplicable. Pour autant qu'il ait une portée propre par rapport au grief précédent, il doit être rejeté. L'art. 37 EIMP n'est en effet pas opposable à un Etat qui, tel l'Etat requérant, est partie à la CEExtr., dont le texte ne contient aucune règle analogue. L'article 1er CEExtr. pose l'obligation d'extrader et empêche l'Etat requis de refuser sa collaboration en se fondant sur une règle ou un principe de droit interne, quand bien même cette règle aurait été adoptée postérieurement à l'entrée en vigueur de la convention (ATF 129 II 100 consid. 3.1 p. 102, 122 II 485 consid. 3). 
 
1.6. Quant aux autres griefs soulevés par le recourant (principe de double incrimination, documents présentés à l'appui de la demande d'extradition, montant de l'indemnité allouée au défenseur d'office), ils ne soulèvent manifestement pas de question de principe et ne sont pas à même de faire de la présente cause un cas particulièrement important.  
 
2.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté, en tant qu'il est recevable. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire et les conditions en sont réalisées. Me Catherine Hohl-Chirazi est désignée comme avocate d'office et rétribuée par la caisse du Tribunal fédéral selon les critères du règlement applicable (RS 173.110.210.3). Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté en tant qu'il est recevable. 
 
2.   
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Catherine Hohl-Chirazi est désignée comme avocate d'office du recourant et une indemnité de 2'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à verser par la caisse du Tribunal fédéral; il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, à l'Office fédéral de la justice, Unité Extraditions, et au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes. 
 
 
Lausanne, le 24 mai 2017 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
Le Greffier : Kurz