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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
2C_86/2010 
 
Arrêt du 4 octobre 2010 
IIe Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Zünd, Président, Karlen et Donzallaz. 
Greffier: M. Vianin. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
recourante, 
 
contre 
 
Administration fiscale cantonale du canton de Genève, rue du Stand 26, case postale 3937, 1211 Genève 3, 
 
Commission cantonale de recours en matière administrative du canton de Genève, 
rue Ami-Lullin 4, 1207 Genève. 
 
Objet 
Impôts cantonaux et communaux 2007; avance de frais; irrecevabilité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 17 novembre 2009. 
 
Faits: 
 
A. 
Le 1er juillet 2009, la Commission cantonale de recours en matière administrative du canton de Genève (ci-après: la Commission cantonale de recours) a déclaré irrecevable le recours déposé par X.________ le 3 mars 2009 contre la décision sur réclamation du 28 janvier 2009 rendue par l'Administration fiscale cantonale et concernant les impôts cantonaux et communaux 2007. L'avance de frais de 500 fr. sollicitée par courrier recommandé du 1er avril 2009 n'avait pas été payée dans le délai venant à échéance le 1er mai 2009, sans que la prénommée n'ait prouvé ni même allégué un empêchement non fautif de s'en acquitter. La Commission cantonale de recours a également mis à sa charge un émolument de 250 fr. 
 
B. 
Le 18 août 2009, X.________ a porté la cause devant le Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif). Elle a allégué n'avoir jamais reçu la lettre recommandée lui impartissant un délai pour effectuer l'avance de frais et n'avoir reçu aucune lettre en copie par courrier normal. 
 
Le 17 novembre 2009, le Tribunal administratif a rejeté son recours et mis les frais y relatifs, par 500 fr., à sa charge. 
 
C. 
Par écriture remise à la poste le 29 janvier 2010, X.________ forme un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire à l'encontre de cette décision. Elle conclut à son annulation et au renvoi de la cause à la Commission cantonale de recours, sous suite de frais et dépens. A titre subsidiaire, elle demande que l'émolument de 500 fr. mis à sa charge par le Tribunal administratif soit déclaré "excessif et arbitraire". 
 
La Commission cantonale de recours a déclaré ne pas avoir d'observations à formuler sur le recours. Le Tribunal administratif s'en est remis à justice quant à la recevabilité dudit recours et a persisté pour le reste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 Interjeté par une partie directement touchée par la décision attaquée (cf. art. 89 al. 1 let. a et b LTF), le recours est dirigé contre un jugement final (cf. art. 90 LTF) rendu par une autorité cantonale supérieure de dernière instance (cf. art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Il est donc en principe recevable comme recours en matière de droit public, puisqu'il a été déposé dans le délai et la forme prévus par la loi (cf. art. 42, 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF). La recevabilité du recours en matière de droit public conduit à l'irrecevabilité du recours constitutionnel subsidiaire (cf. art. 113 LTF). 
 
1.2 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il peut néanmoins rectifier ou compléter les faits constatés de façon manifestement inexacte (soit arbitraire: ATF 133 III 393 consid. 7.1 p. 398) ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Le recourant peut soulever de tels vices relatifs à la constatation des faits si leur correction est susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF). Toutefois, dans la mesure où il se plaint d'arbitraire dans la constatation des faits ou d'application inconstitutionnelle de règles de procédure cantonale, il est tenu de se conformer aux exigences de motivation prévues à l'art. 106 al. 2 LTF, soit d'exposer d'une manière circonstanciée ses griefs (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254 ss). En effet, aux termes de l'art. 106 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant. Lorsqu'il est saisi d'un recours, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous points conforme au droit et à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF 134 I 20 consid. 5.2 p. 30 s.; 133 II 249 consid. 1.4 p. 254; 133 III 393 consid. 6 p. 397 et la jurisprudence citée). 
 
2. 
2.1 Dans la présente cause, le Tribunal administratif a fait usage de l'art. 86 de la loi genevoise sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA; RS/GE E 5 10), dans son état consécutif à la novelle du 18 septembre 2008, qui fait du paiement de l'avance de frais une condition de recevabilité du recours. Selon les juges cantonaux, la recourante n'avait pas retiré le pli recommandé y relatif, alors qu'elle devait s'attendre à recevoir une telle communication à la suite du dépôt de son recours et aurait dû prendre les dispositions utiles pour la réceptionner. Ce courrier était réputé notifié au terme du délai de garde de sept jours, la jurisprudence genevoise faisant sienne la pratique du Tribunal fédéral en ce domaine. 
 
2.2 La recourante se plaint de n'avoir jamais reçu l'invitation à retirer le pli recommandé lui impartissant un délai aux fins de verser l'avance de frais. Elle fait valoir que cela peut s'expliquer de différentes manières (oubli de distribution, erreur consistant à déposer le pli dans une autre boîte aux lettres que la sienne, etc.) et qu'elle n'avait aucun intérêt à ne pas aller chercher ce courrier. En outre, elle n'aurait quitté la Suisse pour aller passer les fêtes de Pâques en Italie que le 8 avril 2009 (selon la copie d'un titre de transport produit en procédure cantonale, elle a embarqué à Gênes à destination de la Sicile le 8 avril 2009 au soir). Elle était donc en mesure de réceptionner le courrier en question, daté du 1er avril 2009 et distribué le lendemain, de sorte qu'on ne pourrait lui reprocher de n'avoir pas pris les dispositions utiles à cette fin. 
 
2.3 Selon la jurisprudence, le fardeau de la preuve de la notification d'un acte et de sa date incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2 p. 10, 124 V 400 consid. 2a p. 402 et les références). 
 
La notification consiste à faire parvenir l'information dans la sphère de compétence du destinataire. Son existence ne peut être retenue que s'il est établi qu'une invitation à retirer un pli recommandé a bien été déposée dans la boîte aux lettres du destinataire. Il n'y a dès lors pas refus de notification, entraînant l'application de la fiction de notification au terme du délai de garde, si une personne que le facteur n'a pas trouvée chez elle au moment de la distribution ne va pas retirer l'envoi recommandé à la poste parce que, aucun avis n'ayant été déposé dans sa boîte, elle ignore de bonne foi qu'un tel envoi est conservé à son attention au bureau de poste de son domicile (arrêts 8C_621/2007 du 5 mai 2008 consid. 4.2; 6A.100/2006 du 28 mars 2007 consid. 2.2.1). 
 
La jurisprudence établit une présomption de fait - réfragable - selon laquelle l'employé postal a correctement inséré l'avis de retrait dans la boîte à lettres ou la case postale du destinataire et la date de ce dépôt, telle qu'elle figure sur la liste des notifications, est exacte. Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire: si ce dernier ne parvient pas à établir l'absence de dépôt dans sa boîte ou sa case postale au jour attesté par le facteur, la remise est censée avoir eu lieu en ces lieu et date (arrêt 9C_753/2007 du 29 août 2008 consid. 3, in RSPC 2009 p. 24). Le délai de garde de sept jours commence alors à courir et, à son terme, la notification est réputée avoir lieu (fiction), avec les conséquences procédurales que cela implique. Du fait notamment que l'absence de remise constitue un fait négatif, le destinataire ne doit cependant pas en apporter la preuve stricte; il suffit d'établir qu'il existe une vraisemblance prépondérante que des erreurs se soient produites lors de la notification (arrêt 2C_38/2009 du 5 juin 2009 consid. 4.1). 
 
2.4 Devant l'autorité précédente, la recourante devait ainsi établir au degré de la vraisemblance prépondérante que l'avis de retrait n'avait pas été déposé de manière correcte dans sa boîte aux lettres, de manière à renverser la présomption évoquée plus haut. Le Tribunal administratif ayant estimé au terme de son appréciation des preuves que cela n'était pas établi, il incombait à la recourante de démontrer, dans son recours au Tribunal de céans, qu'une telle constatation des faits était arbitraire (art. 9 Cst.). Or, les arguments avancés par la recourante ne parviennent pas à faire apparaître insoutenable le point de vue de l'autorité précédente. La recourante formule les hypothèses d'un oubli ou d'une erreur de distribution, mais sans indiquer pourquoi, dans son cas particulier, le risque que cela se produise était plus élevé que la normale. Il en allait différemment dans l'affaire 2C_38/2009, où il était prouvé qu'il y avait eu, à l'office de poste en question et durant la période concernée, à plusieurs reprises des erreurs de distribution dans les cases postales des invitations à retirer un pli (arrêt précité consid. 5.3). S'agissant par ailleurs du titre de transport daté du 8 avril 2009, il n'apporte pas la preuve que la recourante ait quitté la Suisse seulement à cette date. Dans ces conditions et compte tenu également du fait que le pli recommandé est parvenu en retour (avec la mention "non réclamé") à la Commission cantonale de recours, le Tribunal administratif pouvait retenir, sans arbitraire, que l'avis de retrait avait été déposé de manière correcte dans la boîte aux lettres de la recourante et que la notification avait ainsi eu lieu au terme du délai de garde de sept jours. Le recours doit donc, de ce point de vue, être rejeté. Il en va de même du grief d'arbitraire (mémoire de recours, lettre E) tiré du fait que la décision entreprise serait "en contradiction claire" avec le fait que la recourante se trouvait en Suisse lorsque le courrier en cause lui a été adressé. 
 
3. 
3.1 La recourante se plaint de la violation des principes de la bonne foi, de la confiance, de la proportionnalité et de l'interdiction du formalisme excessif, en invoquant les art. 5, 9 al. 3 et 29 al. 1 Cst. en relation avec l'application qui a été faite par l'autorité cantonale de l'art. 86 LPA. Elle fait valoir que la Commission cantonale de recours, recevant le pli recommandé en retour, aurait dû réexpédier son courrier sous pli simple. 
 
3.2 A défaut de norme l'y contraignant et de pratique avérée (cf. consid. 4 ci-après) - toutes deux inexistantes dans le canton de Genève -, l'autorité n'est en principe pas contrainte de procéder à une nouvelle expédition de l'acte sous pli simple. La jurisprudence a certes reconnu que, lorsque l'autorité a obtenu la conviction que la notification n'avait pas atteint son but, elle devait renouveler cet acte (ATF 70 I 65). La recourante n'allègue toutefois nullement que tel aurait été le cas en l'espèce. Le grief doit donc être rejeté, en tant qu'il se rattache aux violations des principes de la bonne foi et de la confiance, tels qu'invoqués par la recourante. 
 
3.3 Selon la jurisprudence, il y a formalisme excessif, constitutif d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux. L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable par le droit cantonal, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 134 II 244 consid. 2.4.2 p. 248; 130 V 177 consid. 5.4.1 p. 183; 128 II 139 consid. 2a p. 142). De manière générale, la sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (cf. ATF 104 Ia 4 consid. 3 p. 5; arrêt 9C_923/2009 du 10 mai 2010 consid. 4.4.1). 
 
En l'occurrence, on ne saurait donc voir aucun formalisme excessif dans le fait que la Commission cantonale de recours n'a pas procédé à une nouvelle expédition sous pli simple après avoir reçu en retour le pli recommandé. 
 
En conclusion, le comportement de l'autorité cantonale n'est pas contraire aux art. 5, 9 al. 3 et 29 al. 1 Cst. 
 
4. 
La recourante dénonce encore une inégalité de traitement (art. 8 Cst.), en faisant valoir que, selon l'état de fait ressortant d'un arrêt du Tribunal administratif (ATA/476/2009), la Commission cantonale de recours aurait dû compléter la notification par voie recommandée par un envoi sous pli simple. L'existence d'une telle situation, à supposer qu'elle soit en tous points comparable à la présente affaire, ne suffirait pas encore à fonder un droit subjectif à un nouvel envoi. Le Tribunal administratif estime en effet qu'il s'agit d'un cas isolé qui n'est nullement révélateur d'une pratique. Savoir si une telle pratique existe ou non est une question de fait que le Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle de la prohibition de l'arbitraire (art. 9 Cst.), laquelle n'est pas invoquée en relation avec ce grief. Dès lors, dans la mesure où l'existence de la pratique invoquée par la recourante est niée par le Tribunal administratif et que celle-ci n'a pas établi l'arbitraire de cette constatation, elle ne peut se prévaloir d'aucun droit à l'égalité de traitement fondée sur une pratique non avérée. Le grief doit donc être rejeté. 
 
5. 
Dans un ultime grief, la recourante se plaint du montant de l'émolument prélevé par le Tribunal administratif, à savoir 500 fr. La critique est purement appellatoire et donc irrecevable. S'agissant de dénoncer une mauvaise application du droit cantonal, à savoir de l'art. 87 LPA, la recourante se devait en effet de démontrer en quoi le Tribunal administratif était tombé dans l'arbitraire en fixant ce montant (cf. art. 106 al. 2 LTF). 
 
6. 
Vu ce qui précède, le recours en matière de droit public doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité et le recours constitutionnel subsidiaire être déclaré irrecevable. 
 
Succombant, la recourante supportera les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (cf. art. 68 al. 1 LTF a contrario). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours en matière de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux participants à la procédure et au Tribunal administratif du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 4 octobre 2010 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Zünd Vianin