Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1S.27/2005 /col 
 
Arrêt du 21 septembre 2005 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, 
Reeb et Fonjallaz. 
Greffier: M. Rittener. 
 
Parties 
Fondation X.________, 
recourante, 
 
contre 
 
Ministère public de la Confédération, 
Antenne Lausanne, avenue des Bergières 42, 
case postale 334, 1000 Lausanne 22, 
Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, 
via dei Gaggini 3, case postale 2720, 6501 Bellinzona. 
 
Objet 
procédure devant le Tribunal pénal fédéral, bonne foi 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral 
du 7 juillet 2005. 
 
Faits: 
A. 
Dans le contexte de l'affaire "Pétrole contre nourriture", une enquête de police judiciaire a été ouverte contre A.________ pour infraction à l'art. 305bis CP. Dans le cadre de cette enquête, le Ministère public de la Confédération a, par ordonnance du 17 juin 2005, ordonné le séquestre des relations bancaires de B.________ auprès de la banque Y.________. Parmi elles figure le compte n° xxx ouvert au nom de la Fondation X.________. 
Cette Fondation est inscrite au "registre public" (Öffentlichkeitsregister) de la Principauté du Liechtenstein, en vertu duquel C.________, D.________, E.________ et F.________ sont habilités à la représenter, par signature collective à quatre. B.________ serait l'ayant droit économique de la Fondation. 
B. 
Le 22 juin 2005, déclarant agir notamment pour B.________ et la Fondation X.________, Me C.________ a déposé une plainte auprès du Tribunal pénal fédéral contre l'ordonnance de séquestre du 17 juin 2005. Aux termes de la procuration annexée à la plainte, B.________ et la Fondation X.________ donnaient mandat à Me C.________ de contester l'ordonnance en question. Cette procuration était signée par B.________ sous la rubrique "le client" et par C.________ sous la mention "l'avocat". 
Par ordonnance du 24 juin 2005, le Président de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a provisoirement rejeté la requête d'effet suspensif formée par les plaignants. 
Par arrêt du 7 juillet 2005, le Tribunal pénal fédéral a déclaré la plainte de la Fondation X.________ irrecevable. Constatant que la procuration déposée par le conseil de la plaignante ne comportait pas les signatures nécessaires des personnes autorisées selon le "registre public" du Liechtenstein, il a considéré que la Fondation n'avait pas été engagée valablement. 
C. 
Agissant par la voie du recours institué par l'art. 33 al. 3 let. a de la loi fédérale du 4 octobre 2002 sur le Tribunal pénal fédéral (LTPF; RS 173.71), la Fondation X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la cause au Tribunal pénal fédéral afin qu'il statue sur l'objet de la plainte du 22 juin 2005. Elle se plaint d'une violation du droit fédéral et de formalisme excessif. Le Tribunal pénal fédéral a présenté des observations, le Ministère public de la Confédération y a renoncé. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Jusqu'à l'entrée en vigueur de la révision de l'OJ, actuellement en cours, les arrêts de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral relatifs aux mesures de contrainte peuvent être attaqués dans les 30 jours devant le Tribunal fédéral; la procédure est réglée par les art. 214 à 216, 218 et 219 de loi fédérale du 15 juin 1934 sur la procédure pénale (PPF; RS 312.0), appliqués par analogie (art. 33 al. 3 let. a LTPF). La voie du recours au Tribunal fédéral étant notamment ouverte contre les arrêts rendus en matière de séquestre (ATF 130 IV 154 consid. 1.2 p. 155), il convient d'entrer en matière. 
2. 
La recourante reproche à l'autorité attaquée d'avoir fait preuve de formalisme excessif en omettant de lui accorder un délai pour réparer un vice de représentation. 
2.1 Aux termes de l'art. 30 LTPF, la procédure devant le Tribunal pénal fédéral est régie par la PPF, sauf dans les cas prévus aux art. 26 let. b et 28 al. 1 let. d LTPF où est applicable la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA; RS 313.0). Cette solution peu satisfaisante est provisoire et devrait perdurer jusqu'à l'entrée en vigueur du futur code de procédure pénale suisse (FF 2001 4000, p. 4055; Office fédéral de la justice, Rapport explicatif relatif à l'avant-projet d'un code de procédure pénale suisse, Berne 2001, p. 31; Thomas Fingerhuth, Das Verfahren vor Bundesstrafgericht, in Plädoyer 4/04, p. 33; Christina Kiss, Das neue Bundesstrafgericht, in PJA 2/2003, p. 150). 
2.2 La PPF ne comporte pas de dispositions sur la représentation, que ce soit dans sa partie générale ou dans la procédure particulière de la plainte contre les opérations du procureur général (art. 105bis al. 2 et 214 à 219 PPF). Vu l'absence de norme applicable en l'espèce, il ne saurait être question de formalisme excessif au sens strict. La question doit donc être examinée à la lumière du principe général de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst.), l'interdiction du formalisme excessif étant du reste fondée sur ce principe, ainsi que sur l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 127 I 31 consid. 2a.bb p. 34; 125 I 166 consid. 3a p. 170). 
Le principe général de la bonne foi commande à l'autorité d'éviter de sanctionner par l'irrecevabilité les vices de procédure aisément reconnaissables qui auraient pu être redressés à temps, lorsqu'elle pouvait s'en rendre compte assez tôt et les signaler utilement au plaideur (ATF 125 I 166 consid. 3a p. 170; 124 II 265 consid. 4a p. 270; 120 Ib 183 consid. 3c p. 188; Etienne Grisel, Egalité, Les garanties de la Constitution fédérale du 18 avril 1999, Berne 2000, n. 371 p. 166). Si l'autorité a méconnu cette obligation, elle doit tolérer que l'acte concerné soit régularisé, éventuellement hors délai (ATF 120 V 413 consid. 5a p. 417; 114 Ia 20 consid. 2b p. 22). En particulier, l'absence de procuration écrite en faveur du représentant est considérée comme un vice "non essentiel" et réparable (ATF 104 Ia 403 consid. 4e p. 407 s.; 94 I 524; 92 I 13 consid. 2 p. 16; 86 I 4 consid. 2-3 p. 6 ss; Jean-François Egli, La protection de la bonne foi dans le procès, quelques applications dans la jurisprudence, in Juridiction constitutionnelle et Juridiction administrative, Recueil de travaux publié sous l'égide de la Première Cour de droit public du Tribunal fédéral suisse, Zurich 1992, p. 235). 
Il en va donc à plus forte raison de même lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, une procuration a bien été déposée mais qu'elle est incomplète. En effet, si B.________ n'était nullement habilité à représenter la recourante, il en va différemment du deuxième signataire de la procuration, à savoir Me C.________. Le fait que ce dernier ait signé en qualité d'avocat de la recourante - attestant ainsi qu'il acceptait le mandat qui lui était confié - démontre la volonté d'agir en ce sens d'au moins un des représentants autorisés. La procuration était donc affectée d'un vice aisément reconnaissable et réparable, qui ne saurait avoir pour conséquence l'irrecevabilité de la plainte. Une telle sanction ne repose du reste sur aucune base légale et ne se justifie par aucun intérêt digne de protection. Une sévérité particulière s'impose d'autant moins que le délai de plainte était de 5 jours (art. 105bis et 217 PPF). Dans ces circonstances, il appartenait à l'autorité attaquée d'interpeller la recourante et de lui impartir un bref délai pour qu'elle produise une procuration signée par les personnes habilitées à la représenter valablement. Cette solution est d'ailleurs conforme à celle prévue par l'art. 30 al. 2 OJ, auquel renvoie l'art. 273 al. 2 PPF pour la procédure du pourvoi en nullité. 
En sanctionnant d'irrecevabilité un vice de procédure non essentiel, aisément reconnaissable et réparable, sans qu'une base légale ou qu'un intérêt digne de protection ne le justifie, le Tribunal pénal fédéral a donc contrevenu aux règles de la bonne foi. 
3. 
Il s'ensuit que le recours doit être admis et que l'arrêt attaqué doit être annulé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés par la recourante. La cause est renvoyée au Tribunal pénal fédéral, pour qu'il impartisse un bref délai à la recourante afin qu'elle dépose une procuration valablement signée par les quatre personnes habilitées à la représenter. Il n'y a pas lieu de percevoir des frais (art. 156 OJ). Le Tribunal pénal fédéral versera à la recourante une indemnité de 1500 fr. à titre de dépens (art. 159 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 
2. 
Il est statué sans frais. 
3. 
Le Tribunal pénal fédéral versera à la recourante une indemnité de 1500 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au Ministère public de la Confédération et à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. 
Lausanne, le 21 septembre 2005 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: