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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6B_21/2009 
 
Arrêt du 19 mai 2009 
Cour de droit pénal 
 
Composition 
MM. les Juges Favre, Président, 
Schneider, Wiprächtiger, Ferrari et Mathys. 
Greffière: Mme Paquier-Boinay. 
 
Parties 
X.________, 
recourante, représentée par Me Luc Brossolet, avocat et Me Robert Assael, avocat, 
 
contre 
 
Procureur général du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3, 
intimé. 
 
Objet 
Décision de classement (meurtre, etc.), 
 
recours contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 26 novembre 2008. 
 
Faits: 
 
A. 
Le 30 avril 2008, X.________ a déposé plainte auprès du Procureur général du canton de Genève pour meurtre. 
 
Les faits à l'origine de cette plainte sont les suivants. Le 4 mai 1998, Y.________, fils de X.________, ainsi que Z.________ et son épouse ont été découverts morts par balles dans l'appartement de ces derniers dans la Cité du Vatican. Z.________ était le commandant de la Garde suisse pontificale, dans laquelle Y.________ était incorporé. Une enquête a été ouverte par le juge d'instruction du Vatican. Elle a été classée le 5 février 1999 au motif que les investigations entreprises avaient montré que Y.________ avait tué le commandant et son épouse avant de se suicider et que toute intervention d'une tierce personne était exclue. 
 
X.________ estime que le canton de Genève, à l'instar de n'importe quel autre canton suisse, est compétent pour instruire cette affaire dès lors que la victime était un citoyen suisse et que l'identité du ou des auteurs n'est pas connue. 
 
B. 
Le 3 octobre 2008, le Procureur général du canton de Genève a classé la plainte, refusant d'ouvrir une procédure à Genève. 
 
C. 
Par ordonnance du 26 novembre 2008, la Chambre d'accusation du canton de Genève a rejeté, dans la mesure où il était recevable, le recours formé par X.________ contre la décision de classement. 
 
D. 
X.________ forme un recours en matière pénale contre cette ordonnance. Elle conclut principalement à l'annulation de l'ordonnance attaquée et à ce que les autorités suisses soient déclarées compétentes pour instruire sa plainte pénale. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 5 aCP. Elle conteste l'affirmation de celle-ci selon laquelle l'application de cette disposition supposerait que soient apportés des indices rendant vraisemblable la commission d'un crime ou d'un délit. Elle soutient que le fait que l'on ait retrouvé trois corps, dont celui de son fils, de nationalité suisse, mortellement blessés par balles est suffisant pour rendre vraisemblable la commission d'un meurtre, la question de savoir si son fils avait été tué ou s'était suicidé n'ayant pas à être tranchée, même sous l'angle de la vraisemblance, à ce stade de la procédure. Par ailleurs, la recourante allègue que l'on ne saurait exiger du plaignant qu'il indique l'auteur de l'infraction qu'il dénonce, ce qui restreindrait de manière inadmissible le droit de plainte. 
 
Par ailleurs, selon la recourante, l'arrêt attaqué violerait également l'art. 6 aCP dans l'hypothèse où l'auteur serait de nationalité suisse. 
 
1.1 Conformément à l'art. 5 aCP, en vigueur au moment des faits, le code pénal est applicable à quiconque commet à l'étranger un crime ou un délit contre un Suisse, pourvu que l'acte soit réprimé aussi dans l'Etat où il a été commis, si l'auteur se trouve en Suisse et n'est pas extradé à l'étranger ou s'il est extradé à la Confédération à raison de cette infraction. 
 
Le principe de base applicable en droit pénal international est celui de la territorialité, en vertu duquel les auteurs d'infractions sont soumis à la juridiction du pays où elles ont été commises (ATF 121 IV 145 consid. 2b/bb p. 148 et l'arrêt cité). Ce principe était applicable en Suisse au moment des faits dénoncés par la recourante en vertu de l'art. 3 aCP et l'est encore actuellement puisqu'il a été repris à l'art. 3 al. 1 CP. Il s'impose pour des motifs d'équité d'une part et d'économie de procédure d'autre part, car c'est au lieu de commission de l'infraction que l'administration des preuves est susceptible de fournir les résultats les plus probants (POPP, in Basler Kommentar Strafrecht, 2003, n° 16 vor Art. 3 CP et les références citées; KAI AMBOS, Internationales Strafrecht, München 2006, p. 25; DIETRICH OEHLER, Internationales Strafrecht, 2e éd., Köln 1983, p. 159s.; HANS-HEINRICH JESCHECK / THOMAS WEIGEND, Lehrbuch des Strafrechts, Allgemeiner Teil, 5e éd., Berlin 1996, p. 167). Pour cette raison, la poursuite d'actes commis à l'étranger contre un ressortissant suisse doit en priorité s'exercer au lieu de commission (ATF 121 IV 145 consid. 2b/bb p. 148). Les autres règles de compétence, susceptibles de porter atteinte à la souveraineté de l'Etat sur le territoire duquel l'infraction a été commise, sont clairement subsidiaires et soumises à certaines conditions. Ainsi, l'art. 5 aCP subordonne notamment la compétence juridictionnelle de la Suisse à la présence de l'auteur dans ce pays (ATF 108 IV 145 consid. 3 p. 147). La nette subsidiarité de ces règles implique aussi qu'elles soient interprétées de manière assez restrictive. 
 
La recourante se prévaut de la doctrine selon laquelle la présence de l'auteur en Suisse ou la possibilité d'obtenir son extradition ne seraient pas des éléments fondant la compétence helvétique mais uniquement des conditions de la poursuite. Certes, se référant à SCHULTZ (Das schweizerische Auslieferungsrecht, 1953, p. 79 ss), HURTADO POZO (Droit pénal, Partie générale I, 2e éd. 1997, n° 413 p. 146) soutient ce point de vue. Il est toutefois important de noter le contexte, rappelé par HURTADO POZO, dans lequel SCHULTZ a émis cet avis. Ce dernier relève la contradiction générée par le fait que d'une part l'art. 5 aCP soumet la compétence juridictionnelle suisse à la présence de l'auteur dans ce pays, le cas échéant à l'issue d'une procédure d'extradition, et que d'autre part le dépôt d'une demande d'extradition n'est concevable que si la compétence juridictionnelle suisse est donnée. C'est pour éviter de priver cette disposition de toute portée lorsque l'auteur ne séjourne pas en Suisse de par sa propre volonté que SCHULTZ propose l'interprétation rappelée par la recourante et admise par d'autres auteurs (voir POPP, op. cit., n° 7 ad art. 5 CP). La situation envisagée est donc très différente de celle à l'origine de la présente procédure. En effet, en l'espèce, les autorités que la recourante entend saisir de l'affaire ne disposent d'aucune indication sur l'auteur potentiel de l'éventuelle infraction dénoncée. Rien ne permet donc de considérer que celui-ci séjournerait en Suisse ou pourrait faire l'objet d'une procédure d'extradition de manière à ce qu'il s'y trouve au moment de l'ouverture d'un procès (voir POPP, op. cit., n° 5 ad art. 5 CP). 
 
Suivre le raisonnement de la recourante aurait pour conséquence de contraindre les autorités suisses à ouvrir une enquête chaque fois qu'un ressortissant suisse a été victime d'un crime ou d'un délit commis à l'étranger s'il n'est pas établi que l'auteur ne peut pas être extradé vers la Suisse et tant que ce dernier n'a pas été condamné à raison de cet acte. Tel ne saurait être le sens de cette disposition. C'est dès lors à juste titre que l'autorité cantonale a considéré que l'art. 5 aCP n'était pas applicable. 
 
1.2 La recourante soutient en outre que l'art. 6 aCP serait également violé "à supposer que l'auteur soit de nationalité suisse". 
 
Conformément à cette norme, le code pénal est applicable à tout Suisse qui aura commis à l'étranger un crime ou un délit pouvant d'après le droit suisse donner lieu à extradition. Comme pour l'art. 5 aCP, l'une des conditions d'application de cette disposition est que l'auteur se trouve en Suisse ou soit extradé à la Confédération à raison de cette infraction. Il est donc évident que pour les motifs exposés ci-dessus à propos de l'art. 5 aCP, l'art. 6 aCP n'est pas non plus applicable en l'espèce. Au demeurant, admettre le contraire impliquerait que l'on considère que la compétence des autorités suisses est donnée pour traiter de crimes ou délits commis à l'étranger dès lors qu'il n'est pas exclu que leur auteur soit de nationalité helvétique. 
 
2. 
Mal fondé, le recours doit être rejeté, les frais de la procédure étant mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge de la recourante qui succombe. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre d'accusation du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 19 mai 2009 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: 
 
Favre Paquier-Boinay