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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_136/2019  
 
 
Arrêt du 4 décembre 2019  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Kneubühler et Haag. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Christophe Wilhelm, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Bureau du Grand Conseil du canton de Vaud. 
 
Objet 
Refus de transmission de documents, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal 
du canton de Vaud, Cour de droit administratif 
et public, du 31 janvier 2019 (GE.2018.0245). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 4 septembre 2018, A.________ a demandé par courriel à la Chancellerie d'Etat du canton de Vaud une copie exacte de la liste des quelque 500 personnes invitées officiellement à la réception du nouveau Président du Grand Conseil. Il se prévalait de la loi vaudoise sur l'information (LInfo, RS/VD 170.21). Le 12 septembre 2018, le Secrétariat général du Grand Conseil (ci-après, le Secrétariat général) répondit à cette demande en indiquant qu'il était chargé de transmettre la liste des invités aux "comités d'organisation des réceptions présidentielles". Il produisit un fichier excel contenant la "liste des invitations transmise année après année aux dits comités"; ce document, intitulé "Réception du Président du Grand Conseil - septembre 2018", mentionne plusieurs catégories d'invités avec indication des titres ou fonctions des personnes à inviter, leur nombre (au total 469 personnes) et l'estimation moyenne de participation (au total 303 personnes). Le même jour, A.________ écrivit deux courriels successifs au Secrétariat général pour demander la communication de la liste des personnes (et non des fonctions) à inviter, avec les adresses fournies aux organisateurs. 
Le même jour également, le Bureau du Grand Conseil refusa de donner suite à cette demande: il ne disposait pas de l'ensemble des adresses des personnes invitées, seul le comité d'organisation en possédant la liste complète; les adresses que le Secrétariat général fournissait au comité d'organisation étaient pour partie privées et les personnes concernées n'avaient pas donné leur accord pour une utilisation à d'autres fins que l'invitation à la réception; les noms et adresses professionnelles des personnes exerçant des fonctions publiques et mentionnées sur la liste fournie étaient disponibles sur Internet. 
 
B.   
A.________ a recouru contre cette décision au Tribunal fédéral en demandant principalement la remise de la liste des personnes à inviter à la réception du Président du Grand Conseil, sous la même forme et avec le même contenu que celle qui avait été remise au comité d'organisation. Par arrêt du 14 novembre 2018, le recours a été déclaré irrecevable et a été transmis à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (CDAP) comme objet de sa compétence. 
Par arrêt du 31 janvier 2019, la CDAP a rejeté le recours et confirmé la décision du 12 octobre 2018. Les noms et adresses des personnes invitées constituaient des données personnelles au sens de l'art. 4 de la loi vaudoise sur la protection des données personnelles (LPrD, RS/VD 172.65), laquelle ne contenait pas de norme analogue à l'art. 19 al. 2 de la loi fédérale sur les protections des données (LPD, RS 235.1). Le requérant devait donc justifier d'un intérêt prépondérant à la communication et ne pouvait se borner à invoquer abstraitement le principe de transparence. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt cantonal en ce sens que sa demande d'accès est admise et que le Bureau du Grand Conseil doit lui remettre la liste des personnes à inviter à la réception du Président du Grand Conseil, sous la même forme et avec le même contenu que celle qui a été remise au comité d'organisation de cette réception. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal ou au Bureau du Grand Conseil pour nouvelle décision au fond dans le sens des considérants. Il demande en outre l'exemption des frais judiciaires. 
La CDAP se réfère à son arrêt, sans autres observations. Le Bureau du Grand Conseil conclut au rejet du recours. Le recourant a répliqué, persistant dans ses griefs et ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
L'arrêt attaqué porte sur le droit d'accès à un document public au sens de la LInfo. Il s'agit d'une cause de droit public au sens de l'art. 82 let. a LTF. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Le recourant a participé à la procédure devant l'instance précédente et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'arrêt attaqué, étant précisé que la loi cantonale ne fait pas dépendre le droit de consulter un document officiel de l'existence d'un intérêt particulier (consid. 2.4 ci-dessous). Il faut donc reconnaître au recourant la qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
Il y a lieu par conséquent d'entrer en matière. 
 
2.   
Le recourant invoque la liberté d'information garantie à l'art. 16 al. 3 Cst. et 17 Cst./VD et se plaint d'arbitraire dans l'application de l'art. 16 al. 1 et 3 LInfo. Il se prévaut de la jurisprudence cantonale selon laquelle le droit d'accéder à un document officiel ne dépendrait pas d'un intérêt particulier. Il estime que la législation sur la protection des données à laquelle se réfère la cour cantonale ne serait pas applicable dans ce contexte et que l'exigence de la preuve préalable d'un intérêt prépondérant à la remise procéderait d'un changement de jurisprudence, sans que les règles matérielles et formelles d'un tel changement ne soient respectées. Si elle estimait qu'un problème de protection des données se posait, la cour cantonale devait faire application de l'art.16 al. 4 et 5 LInfo (information et prise de position des personnes concernées). L'arrêt attaqué serait encore arbitraire en ce qu'il méconnaît que les personnes figurant dans la liste ont été invitées en raison de leurs fonctions officielles et nullement à titre personnel. Aucun motif d'ordre privé ne s'opposerait à une communication de leur identité et de leur adresse professionnelle, de sorte que le principe de proportionnalité serait violé. 
 
2.1. Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 144 I 170 consid. 7.3 p. 174 s. et les références).  
 
2.2. Selon l'art. 8 al. 1 LInfo, les renseignements, informations et documents officiels détenus par les organismes soumis à la présente loi sont par principe accessibles au public. Il n'est en l'occurrence pas contesté que la liste dont le recourant réclame la communication constitue bien un document officiel tel que défini à l'art. 9 LInfo, ni que le Grand Conseil fait partie des organes de l'Etat soumis au principe de transparence (art. 2 al. 1 let. a LInfo). Le Bureau du Grand Conseil soutient que le document litigieux ne relèverait pas de l'accomplissement d'une tâche publique. L'arrêt attaqué n'examine pas expressément cette question, mais il apparaît que la liste en question a été remise par l'autorité, certes à un organisme privé, mais en vue de l'organisation d'un événement officiel. Vu le sort du recours, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant cette question.  
 
2.3. Conformément à l'art. 8 al. 2 LInfo, le chapitre 4 de la loi fixe les limites au droit d'accès. Les art. 16 et 17 LInfo ont la teneur suivante:  
 
Art. 16 Intérêts prépondérants 
1 Les autorités peuvent à titre exceptionnel décider de ne pas publier ou transmettre des informations, de le faire partiellement ou différer cette publication ou transmission si des intérêts publics ou privés prépondérants s'y opposent. 
2 Des intérêts publics prépondérants sont en cause lorsque : 
a. la diffusion d'informations, de documents, de propositions, d'actes et de projets d'actes est susceptible de perturber sensiblement le processus de décision ou le fonctionnement des autorités; 
b. une information serait susceptible de compromettre la sécurité ou l'ordre publics; 
c. le travail occasionné serait manifestement disproportionné; 
d. les relations avec d'autres entités publiques seraient perturbées dans une mesure sensible. 
3 Sont réputés intérêts privés prépondérants : 
a. la protection contre une atteinte notable à la sphère privée, sous réserve du consentement de la personne concernée; 
b. la protection de la personnalité dans des procédures en cours devant les autorités; 
c. le secret commercial, le secret professionnel ou tout autre secret protégé par la loi. 
4 Une personne déterminée sur laquelle un renseignement est communiqué de manière non anonymisée doit en être informée préalablement. 
5 Elle dispose d'un délai de dix jours dès notification de l'information pour s'opposer à la communication au sens de l'article 31 de la loi sur la protection des données ou pour faire valoir les droits prévus aux articles 32 et suivants de cette même loi. 
 
Art. 17 Refus partiel 
 
1 Le refus de communiquer un renseignement ou un document conformément à l'article 16 ne vaut le cas échéant que pour la partie du renseignement ou du document concerné par cet article et tant que l'intérêt public ou privé prépondérant existe. 
2 L'organisme sollicité s'efforce de répondre au moins partiellement à la demande, au besoin en ne communiquant pas ou en masquant les renseignements ou les parties d'un document concernés par l'intérêt public ou privé prépondérant. 
 
 
2.4. Le droit d'accès institué à l'art. 8 al. 1 LInfo n'est en principe pas soumis à des conditions particulières, en particulier à l'existence d'un intérêt à la consultation de documents publics. La demande de consultation ne doit d'ailleurs pas être motivée (art. 10 al. 1 LInfo). Il ressort toutefois des deux dispositions dont la teneur est rappelée ci-dessus que le respect de la sphère privée peut constituer un intérêt prépondérant faisant échec à la consultation. La sphère privée et les données personnelles sont en effet protégées par l'art. 13 al. 1 et 2 Cst., et il ne peut donc y être porté atteinte par l'autorité qu'aux conditions de l'art. 36 Cst., soit notamment au terme d'une pesée d'intérêts et dans le respect du principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.). Dans le cadre de cette pesée d'intérêts, il y a lieu de prendre en compte, d'une part, la motivation de la demande de consultation et, d'autre part, la gravité de l'atteinte aux droits de la personnalité qu'elle est susceptible d'occasionner (arrêt 1C_225/2019 du 27 juin 2019 consid. 5.2).  
Quant à la notion de données personnelles, il n'y a rien d'arbitraire à se référer, dans le cadre de la même pesée d'intérêts, à la norme applicable dans ce domaine (cf. ATF 144 II 91 consid. 4.2 p. 103 s. s'agissant du rapport entre l'art. 7 al. 1 LTrans et la définition de l'art. 3 LPD), l'art. 15 al. 2 LPrD comportant un renvoi explicite dans ce sens. Le recourant ne conteste pas, au demeurant, que les noms et, le cas échéant, le domicile des personnes concernées constituent bien des données personnelles qu'il convient de protéger. Le fait que les personnes invitées à la réception du Grand Conseil l'aient été à titre officiel ne change rien à la nature de ces données. 
Contrairement également à ce que soutient le recourant, la loi n'impose pas de demander systématiquement l'autorisation des personnes concernées; l'autorité ne doit le faire que si elle envisage une transmission de leurs données personnelles non anonymisées (art. 16 al. 4 LInfo). En l'occurrence, la liste remise au recourant a été expurgée de toutes les données personnelles et l'interpellation des personnes concernées ne se justifiait donc pas. 
 
2.5. Le document qui a été remis au recourant contient une énumération des personnes invitées, classées par fonction, avec pour chacune d'entre elles le nombre d'invités et l'estimation des personnes attendues: autorités fédérales (Tribunal fédéral, armée, Conseillers nationaux et aux Etats), autorités cantonales (Conseil d'Etat, Chancellerie et autres employés du Parlement, chefs de services, anciens conseillers d'Etat, députés, représentants d'autres parlements, préfets, juges, procureurs, représentants de la police), directeurs de Hautes écoles, organisations économiques, églises, presse, syndicats, autorités communales et divers, soit un total de 469 invités. La plupart d'entre eux sont identifiables par l'énoncé de leur fonction et leurs adresses professionnelles peuvent facilement être trouvées sur Internet; les adresses privées constituent en revanche des données personnelles qui ont été à juste titre soustraites au droit d'accès. En définitive, la liste remise au recourant équivaut à un document caviardé ou à un refus partiel au sens de l'art. 17 LInfo. L'arrêt attaqué n'est pas arbitraire en tant qu'il tient compte de la protection de la sphère privée et des données personnelles des nombreuses personnes mentionnées sur la liste, au terme d'une pesée d'intérêts. Dans le cadre de cette même pesée d'intérêts, force est de constater que le recourant ne s'est exprimé ni durant la procédure cantonale, ni devant le Tribunal fédéral (où il se contente d'évoquer un "intérêt manifeste" sans plus de précision) sur les raisons pour lesquelles il désire obtenir une liste nominative des personnes invitées. Faute de toute indication sur ce point, la cour cantonale pouvait considérer, sans sombrer dans l'arbitraire ni violer le principe de la proportionnalité, que son intérêt à obtenir ce document ne l'emportait pas sur l'intérêt des nombreuses personnes concernées à protéger leurs données personnelles. Le grief doit être écarté.  
 
3.   
Se plaignant encore d'inégalité de traitement (art. 8 Cst.), le recourant relève que la liste d'invités a été remise au comité d'organisation, formé de personnes privées, lesquelles bénéficieraient ainsi d'un privilège qui ne lui a pas été accordé. 
 
3.1. Une décision viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 141 I 153 consid. 5.1 p. 157; 140 I 77 consid. 5.1 p. 80; 137 V 334 consid. 6.2.1 p. 348; 134 I 23 consid. 9.1 p. 42).  
 
3.2. La situation du recourant se distingue clairement de celle du comité d'organisation: la liste nominative, avec les adresses des invités, a été transmise à ce dernier afin de lui permettre d'accomplir la mission qui lui avait été confiée. Indépendamment des motifs qui peuvent justifier sa démarche, le recourant n'agit que comme simple citoyen et ne peut évidemment pas se prévaloir de la même nécessité. Le fait que la liste en question était destinée au comité d'organisation n'implique évidemment pas que son contenu doit être accessible au public.  
 
4.   
Le recourant soutient enfin que l'arrêt attaqué consacrerait un changement de jurisprudence, sans en respecter les conditions matérielles (existence de raisons objectives) et formelles (procédure de coordination). Il mentionne une série d'arrêts de la cour cantonale confirmant que tout citoyen a le droit de consulter des documents officiels sans avoir à justifier d'un intérêt particulier ni à expliquer l'usage qu'il entend faire des documents. Les arrêts mentionnés (notamment l'arrêt GE.208.0218 du 6 mars 2019 produit en réplique) partent de cette prémisse, mais procèdent également à une pesée d'intérêts, dans la perspective d'un caviardage ou d'un refus de communication, et réservent l'existence d'intérêts prépondérants en cas d'atteinte à la sphère privée, comme le prévoient les art. 16 et 17 LInfo. La jurisprudence cantonale mentionnée par le recourant ne va pas dans un sens différent puisqu'elle réserve la protection des données personnelles et admet en particulier la possibilité d'un caviardage plus ou moins étendu (arrêt GE.2017.0114 du 12 novembre 2018 consid. 5d, GE.2014.0205 du 24 avril 2015 consid. 3b, GE.2013.019 du 27 mai 2013 consid. 3). Comme cela est relevé ci-dessus, une telle pesée d'intérêts implique nécessairement la prise en compte de l'intérêt du requérant à la communication des données. On ne saurait dès lors voir dans l'arrêt attaqué un changement de jurisprudence. 
 
5.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté. Quand bien même le recourant poursuivrait des buts idéaux, rien ne justifie de le dispenser du paiement des frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), la gratuité prévue à l'art. 27 LInfo ne s'imposant qu'au niveau cantonal. Compte tenu de la nature de la contestation, les frais peuvent toutefois être réduits. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Bureau du Grand Conseil du canton de Vaud, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et à la Préposée à la protection des données et à l'information du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 4 décembre 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
Le Greffier : Kurz