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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5A_701/2009 
 
Arrêt du 3 mars 2010 
IIe Cour de droit civil 
 
Composition 
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente, 
Marazzi et Herrmann. 
Greffière: Mme Rey-Mermet. 
 
Parties 
dame X.________, 
représentée par Me Pierre Lièvre, avocat et notaire, 
recourante, 
 
contre 
 
X.________, 
représenté par Me Manuel Piquerez, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
partage de la prévoyance professionnelle (divorce), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura du 15 septembre 2009. 
 
Faits: 
 
A. 
Dame X.________, née en 1962, et X.________, né en 1964, se sont mariés en 1988, sous le régime de la séparation de biens. Un enfant, A.________, né en 1990, est issu de cette union. 
 
B. 
Par jugement du 14 mai 2008, la juge civile du Tribunal de première instance du canton du Jura a prononcé le divorce des époux. Elle a refusé de partager la prévoyance professionnelle accumulée par les époux durant le mariage et a pris acte que le mari reconnaissait devoir à l'épouse un montant de 32'000 fr. 
 
Le mari a appelé de ce jugement en demandant le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle des parties. L'épouse a conclu au rejet de l'appel. 
 
Statuant le 15 septembre 2009, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura a réformé le jugement attaqué en ce sens qu'elle a fait droit aux conclusions du mari. 
 
C. 
Par mémoire du 19 octobre 2009, l'épouse a déposé un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle demande l'annulation de l'arrêt cantonal dans la mesure où il ordonne le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle. 
 
Par ordonnance du 15 décembre 2009, l'effet suspensif a été attribué au recours. 
 
Des déterminations n'ont pas été requises. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Formé dans le délai de 30 jours (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF), statuant dans une affaire civile de nature pécuniaire (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est en principe recevable. 
 
2. 
La recourante se plaint d'arbitraire dans la constatation des faits. 
 
2.1 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). La partie recourante ne peut critiquer ceux-ci que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 135 II 145 consid. 8.1; 135 III 127 consid. 1.5) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF), ce qu'il lui appartient d'expliquer et de démontrer de manière claire et circonstanciée. La correction du vice doit en outre être susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
2.2 
2.2.1 La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir omis de retenir qu'elle avait aidé son mari dans la gestion administrative de son entreprise, sans qu'il lui verse un salaire de ce fait. Le grief tombe à faux dès lors que ces faits ont précisément été constatés par la cour cantonale (jugement cantonal p. 6 ch. 4.2.3) et qu'ils sont, en outre, irrelevants (cf. consid. 3.3 infra). 
2.2.2 Elle fait encore grief aux juges précédents de n'avoir pas constaté que l'époux avait effectué en 1995 deux retraits de respectivement 16'000 fr. et 19'000 fr. sur le compte du couple, qu'il a versé à un particulier un montant de 30'000 fr. en vue de l'achat d'un tracteur, qu'il a vendu une Porsche pour un montant de 75'000 fr. et une moissonneuse-batteuse pour un montant de 45'000 fr. et qu'il dispose d'un important parc de machines. La recourante explique que ces éléments sont déterminants pour l'issue du litige car ils démontrent que l'intimé cherche à dissimuler sa fortune. Ces faits ne démontrent toutefois en aucun cas une volonté de dissimulation de la part de l'intimé ni qu'il dispose effectivement d'une fortune. En effet, la cour cantonale a retenu que l'époux était débiteur d'un "montant extrêmement élevé", ce dont la recourante ne dit mot. Le grief relatif à la constatation des faits sur ce point doit donc également être rejeté. 
 
3. 
La recourante estime qu'il y avait lieu, en vertu de l'art. 123 al. 2 CC, de refuser le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle qu'elle a accumulés durant le mariage. Selon elle, le partage fait naître dans le cas particulier un profond sentiment d'injustice et relève de l'abus manifeste d'un droit. 
3.1 
3.1.1 Les prestations de sortie de la prévoyance professionnelle des époux doivent en principe être partagées entre eux par moitié (art. 122 CC). Le Tribunal fédéral a souligné la nature inconditionnelle de la prétention, relevant qu'elle est indépendante de la répartition des tâches entre les conjoints durant le mariage, tout comme l'est le partage par moitié des acquêts (arrêts 5A_79/2009 du 28 mai 2009 consid. 2.1; 5A_623/2007 du 4 février 2008 consid. 5.2, in FamPra.ch 2008 p. 384; Message concernant la révision du code civil du 15 novembre 1995, FF 1996 I 101 ss, p. p. 102-3, ch. 233.141). 
3.1.2 Exceptionnellement, le juge peut refuser le partage, en tout ou en partie, lorsque celui-ci s'avère manifestement inéquitable pour des motifs tenant à la liquidation du régime matrimonial ou à la situation économique des époux après le divorce (art. 123 al. 2 CC). L'art. 123 al. 2 CC doit être appliqué de manière restrictive, afin d'éviter que le principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance ne soit vidé de son contenu (BAUMANN/LAUTERBURG, FamKomm Scheidung, 2ème éd., 2005, n. 59 ad art. 123 CC). 
 
S'agissant des motifs de refus du partage total ou partiel, le Tribunal fédéral a jugé que ce refus est par exemple justifié lorsque les époux sont séparés de biens et que l'un d'entre eux, salarié, a accumulé obligatoirement un deuxième pilier alors que l'autre, qui exerce une activité à titre indépendant, s'est constitué un troisième pilier d'un certain montant. Dans ce cas, il serait inéquitable de partager le compte de prévoyance de l'époux salarié alors que le conjoint qui travaille de manière indépendante pourrait conserver sa prévoyance privée (arrêt 5A_214/2009 du 27 juillet 2009 consid. 2.3; cf. aussi BAUMANN/LAUTERBURG, op. cit., n. 52 ad art. 123 CC; SUTTER/FREIBURGHAUS, Kommentar zum neuen Scheidungsrecht, n.14 ad art. 123 CC). 
 
Outre les circonstances économiques postérieures au divorce ou les motifs tenant à la liquidation du régime matrimonial, le juge peut également refuser le partage si celui-ci contrevient à l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC; ATF 133 III 497 consid. 4). Cette dernière circonstance ne doit être appliquée qu'avec une grande réserve (ATF 133 III 497 consid. 4.4 et les auteurs cités). 
 
3.2 Selon les constatations de la cour cantonale, la recourante, pendant le mariage, a toujours travaillé à temps complet auprès d'une banque, ce qui lui a permis de se constituer une prévoyance professionnelle de 218'718 fr. 15, entièrement acquise pendant le mariage. Son salaire actuel est de 5'400 fr. net. Âgée de 47 ans au moment du jugement cantonal, elle disposera de plus de quinze ans pour compléter sa prévoyance professionnelle. Elle est propriétaire de la maison familiale ainsi que de terres agricoles grevées de dettes d'un montant supérieur à la valeur officielle de ces immeubles. Elle est créancière d'un montant de 32'000 fr. pour des prêts consentis durant le mariage à son époux. Parallèlement à son emploi, elle a assumé la tenue du ménage et l'éducation de leur fils. A raison de quatre heures par semaine, elle a contribué à l'entreprise de son époux par des travaux administratifs et de gestion, sans qu'elle perçoive de salaire. De son côté, le mari, qui est indépendant, ne s'est pas constitué un deuxième pilier; il a en revanche accumulé un troisième pilier composé d'un montant de 36'929 fr. (3ème pilier A) et de 2'021 fr. (3ème pilier B). A l'instar de son épouse, il travaillera encore une quinzaine d'années, ce qui lui permettra d'accroître sa prévoyance vieillesse. Les juges cantonaux ont retenu qu'il disposait d'une capacité de gain similaire à celle de son épouse et qu'il était débiteur d'un montant extrêmement élevé. 
 
3.3 Dans le cas d'espèce, un partage en vertu de l'art. 122 CC aurait pour résultat que seul l'avoir de prévoyance professionnelle accumulé par l'épouse durant le mariage (218'718 fr. 15) serait partagé alors que l'époux conserverait le troisième pilier qu'il s'est constitué (38'950 fr.) en raison du régime de la séparation de biens. Au vu des circonstances, il n'en découlerait toutefois pas une disproportion manifeste dans la prévoyance globale des parties. On ne saurait donc y voir un motif justifiant de faire exception au partage. 
 
La recourante tente également de tirer argument du fait qu'elle a, durant le mariage, contribué aux besoins de la famille de manière plus importante que son mari alors que celui-ci, de son côté, a profité du travail de l'épouse et de l'argent prêté par celle-ci pour l'entreprise. Une telle argumentation est irrelevante puisque le droit au partage ne dépend pas de la répartition des tâches convenue durant le mariage (cf. consid. 3.1). 
 
Les circonstances ne laissent ainsi apparaître aucun motif qui justifierait de s'écarter du principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle. La cour cantonale a donc correctement appliqué le droit fédéral en refusant de faire une exception à ce principe. 
 
4. 
En conclusion, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté. Au vu de ce résultat, les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimé, qui n'a pas été invité à répondre. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura. 
 
Lausanne, le 3 mars 2010 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
La Présidente: La Greffière: 
 
Hohl Rey-Mermet