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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4P.110/2003 /ech 
 
Arrêt du 26 août 2003 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Walter, Klett, Nyffeler et Favre. 
Greffier: M. Carruzzo. 
 
Parties 
A.________ et B.________, agissant tant pour eux-mêmes que pour leurs enfants C.________ et D.________, recourants, représentés par Me Jean-Claude Schweizer, avocat, avenue de la Gare 1/Boine 2, case postale 2253, 2001 Neuchâtel 1. 
 
contre 
 
Ville Y.________, intimée, représentée par 
Me Benoît Ribaux, avocat, Promenade-Noire 6, 
2001 Neuchâtel 1, 
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, 
case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1. 
 
Objet 
art. 9 Cst.; responsabilité de l'Etat pour l'activité des médecins, 
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal 
administratif du canton de Neuchâtel du 15 avril 2003. 
 
Faits: 
A. 
B.________, née en 1965, ménagère exploitant avec son mari un domaine agricole, et mère de deux enfants, présentait en 1997 une incontinence urinaire d'effort grade II. A la suite d'un bilan urodynamique pratiqué à l'hôpital de X.________, les médecins de cet établissement ont préconisé une "colposuspension selon Burch, accompagnée d'un para-vaginal repair". Le médecin traitant de la malade l'a adressée au service de gynécologie et obstétrique de l'Hôpital de Y.________, pour qu'il soit procédé à cette intervention, qui a eu lieu le 14 avril 1998. Cette dernière a été pleinement réussie sur le plan urologique, l'affection étant supprimée. Toutefois, il en est résulté la perte partielle, mais définitive, de l'usage de la jambe droite, que le neurologue consulté a attribuée à une "mononeuropathie aiguë du nerf obturateur droit de type axonotmésis d'étiologie iatrogène". 
B. 
Invoquant la loi sur la responsabilité des collectivités publiques et de leurs agents, du 26 juin 1989 (LResp; RSN 150.10), B.________, son mari A.________ et leurs enfants C.________ et D.________ ont ouvert action contre la Ville Y.________ devant le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, le 3 novembre 1999, en vue d'obtenir le paiement de la somme de 1'126'044 fr. 40 avec intérêts à 5 % l'an dès le 14 avril 1998. La défenderesse a conclu au rejet de la demande. 
 
Dans son rapport d'expertise extrajudiciaire, du 31 janvier 2000, le Dr E.________, médecin-chef du service de gynécologie et obstétrique de l'Hôpital de Z.________, a conclu que les lésions du nerf obturateur droit découlaient de l'opération, comme une complication de la technique opératoire, sans faute médicale, dont l'étiologie exacte ne pouvait être clairement établie. En l'espèce, le nerf obturateur avait pu être comprimé par les points de colposuspension, par la mise en place de points de suspension proches du canal obturateur, par les lames d'un écarteur ou enfin par la position de dorso-litotomie, avec légère flexion de la cuisse. Quant au risque de lésion du nerf obturateur, le Dr E.________ a relevé que si la littérature médicale mentionne qu'il peut être comprimé lors d'une intervention dans l'espace du Retzius (en cause), il n'existait apparemment pas d'étude spécifique faisant état de cette complication lors d'une colposuspension selon Burch, très rare, 
et que des collègues lui avaient signalée à deux reprises, à la suite d'une telle intervention. 
 
Le Dr F.________, gynécologue obstétricien et privat-docent, a déposé son rapport les 4 juillet et 29 novembre 2001, avant d'être entendu en audience le 8 janvier 2002. L'expert judiciaire a évoqué quatre causes possibles de lésion du nerf obturateur, dont deux pouvaient entrer en ligne de compte, le geste chirurgical ou un hématome. Il a relevé que si une difficulté était apparue lors de l'opération, effectuée en présence de trois praticiens dont le médecin-chef, le rapport opératoire l'aurait mentionnée, sans pouvoir exclure une lésion provoquée inconsciemment. A son avis, l'opération avait été effectuée "lege artis". Le risque de lésion du nerf obturateur était très rare et il ne connaissait que les deux cas rapportés par le Dr E.________. En raison de ces circonstances, il n'y avait pas lieu de donner d'informations à la patiente sur ce genre de risque. 
 
Par arrêt du 15 avril 2003, le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, statuant à la requête conjointe des deux parties uniquement sur le principe de la responsabilité civile de la Ville Y.________, a rejeté la demande avec suite de frais. 
C. 
Agissant par la voie du recours de droit public, B.________, A.________, C.________ et D.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal. Ils invoquent la violation de l'art. 9 Cst. et se plaignent d'une interprétation arbitraire de l'art. 5 LResp. 
 
La Ville Y.________ conclut au rejet du recours, alors que le Tribunal administratif se réfère aux motifs énoncés dans son arrêt. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). 
 
L'arrêt attaqué est final dans la mesure où la cour cantonale a statué sur une demande pécuniaire, au fond, par une décision qui n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal, s'agissant du grief de violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). 
 
Les recourants sont personnellement touchés par la décision entreprise, qui rejette leur demande, de sorte qu'ils ont un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été adoptée en violation de leurs droits constitutionnels; en conséquence, la qualité pour recourir (art. 88 OJ) doit leur être reconnue. 
 
Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le présent recours est à cet égard recevable. 
1.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 128 III 50 consid. 1c p. 53 s. et les arrêts cités). En l'espèce, les recourants n'invoquent que la protection contre l'arbitraire (art. 9 Cst.). Aussi est-ce sous cet angle exclusivement que sera examinée la décision attaquée. Au préalable, il convient de rappeler ce que recouvre la notion d'arbitraire. 
 
Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1; ATF 128 I 273 consid. 2.1). 
 
En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, l'autorité fait montre d'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un moyen de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens et la portée d'un tel élément, ou encore lorsqu'elle tire des déductions insoutenables à partir des éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4a). 
 
Concernant plus particulièrement l'appréciation du résultat d'une expertise, le juge n'est en principe pas lié par ce dernier. Mais s'il entend s'en écarter, il doit motiver sa décision et ne saurait, sans motifs déterminants, substituer son appréciation à celle de l'expert, sous peine de verser dans l'arbitraire. En d'autres termes, le juge, qui ne suit pas les conclusions de l'expert, n'enfreint pas l'art. 9 Cst. lorsque des circonstances bien établies viennent en ébranler sérieusement la crédibilité (ATF 122 V 157 consid. 1c p. 160; 119 Ib 254 consid. 8a p. 274; 118 Ia 144 consid. 1c p. 146 et les arrêts cités). Si, en revanche, les conclusions d'une expertise judiciaire lui apparaissent douteuses sur des points essentiels, il doit recueillir des preuves complémentaires pour tenter de dissiper ses hésitations. A défaut, en se fondant sur une expertise non concluante, il pourrait commettre une appréciation arbitraire des preuves et violer l'art. 9 Cst. (ATF 118 Ia 144 consid. 1c p. 146). 
2. 
2.1 L'art. 5 al. 1 LResp dispose que la collectivité publique répond du dommage causé sans droit à un tiers par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, sans égard à la faute de ces derniers. En abandonnant l'exigence de la faute de l'auteur du dommage, la LResp institue un régime de responsabilité exclusive de l'Etat, de type objectif ou causal, avec la possibilité d'une action récursoire contre l'agent gravement fautif, au sens de l'art. 12 LResp (cf. Pierre Moor, Droit administratif, vol. II, 2e éd., p. 715; Tomas Poledna/Brigitte Berger, Öffentliches Gesundheitsrecht, Berne 2002, p. 99, n. 189). La responsabilité de la collectivité publique est donc engagée lorsque les trois conditions de l'existence d'un acte illicite, d'un dommage et d'un rapport de causalité adéquate entre ces derniers sont réalisées. Comme l'art. 3 LResp renvoie aux dispositions du droit privé fédéral, applicables à titre de droit cantonal supplétif, il convient de se référer aux principes régissant la responsabilité civile dans la jurisprudence fédérale (Moor, op. cit., p. 716). 
 
En l'occurrence, il est indéniable que B.________ a subi un dommage consécutivement à l'intervention chirurgicale pratiquée sur sa personne, le 14 avril 1998, à l'Hôpital de Y.________. La relation de causalité adéquate entre l'opération et le préjudice subséquent est avérée. Seule est dès lors litigieuse, dans le cas concret, la question de l'illicéité. 
2.2 Selon la jurisprudence, un comportement est illicite s'il est contraire à un devoir légal général, soit parce qu'il porte atteinte à un droit absolu du lésé ("Erfolgsunrecht"), soit parce qu'il enfreint une injonction ou une interdiction écrite ou non écrite de l'ordre légal destinée à protéger le bien juridique atteint ("Verhaltensunrecht") (ATF 124 III 297 consid. 5b p. 301; 123 II 577 consid. 4c p. 581; 122 III 176 consid. 7b p. 192; 120 Ib 411 consid. 4a p. 414; 119 II 127 consid. 3 p. 128 s.; 113 Ib 420 consid. 2 p. 423). La notion d'illicéité est la même en droit privé fédéral et en droit public cantonal de la responsabilité (Monika Gattiker, Die Widerrechtlichkeit des ärztlichen Eingriffs nach schweizerischem Zivilrecht, thèse Zurich 1999, p. 122; Heinz Hausheer, Unsorgfältige ärztliche Behandlung, in Münch/Geiser (éd.), Schaden-Haftung-Versicherung, p. 753, note de pied 143). 
 
L'intégrité corporelle est un bien protégé par un droit absolu (ATF 117 Ib 197 consid. 2a; 113 Ib 420 consid. 2 p. 423; 112 II 118 consid. 5e p. 128; Heinrich Honsell, Schweizerisches Haftpflichtrecht, 3e éd., p. 46 s., n. 3 et 6; Ingeborg Schwenzer, Schweizerisches Obligationenrecht, AT, 2e éd., p. 293, n. 50.05, et p. 295, n. 50.12; Poledna/Berger, op. cit., p. 107 s., n. 197). Une atteinte à l'intégrité corporelle, comme une intervention chirurgicale, est ainsi illicite à moins qu'il n'existe un fait justificatif. Dans le domaine médical, la justification de l'atteinte réside le plus souvent dans le consentement éclairé du patient, voire dans son consentement hypothétique. Faute d'un tel consentement, l'intervention est illicite dans son ensemble; le médecin ou, le cas échéant, la personne qui répond à sa place, devra réparer tout dommage en lien de causalité adéquate avec l'intervention, quand bien même aucune règle de l'art n'aurait été violée (ATF 108 II 59 consid. 3 p. 62). A l'inverse, même si le patient a donné son consentement, l'intervention sera illicite en cas de violation des règles de l'art médical (ATF 115 Ib 175 consid. 2b p. 181; cf. également ATF 113 Ib 420 consid. 2 p. 423; Gattiker, op.cit., p. 99/100). En effet, le médecin est tenu de respecter les règles de l'art, afin de protéger la vie ou la santé du patient; en particulier, il doit observer la diligence requise, déterminée selon des critères objectifs. La notion d'illicéité rejoint ici celle de violation du devoir de diligence, appliquée en matière de responsabilité contractuelle (ATF 115 Ib 175 consid. 2b p. 180 et p. 181; 120 Ib 411 consid. 4a p. 413 et p. 414; cf. également ATF 123 II 577 consid. 4d/ee p. 583). 
2.3 Il y a lieu d'examiner, au regard de ces principes et des critiques formulées dans le recours de droit public, si le Tribunal administratif est tombé dans l'arbitraire en admettant que B.________ avait consenti en connaissance de cause à l'atteinte à son intégrité corporelle que constituait l'intervention chirurgicale litigieuse ou, du moins, que la patiente aurait de toute façon accepté de s'y soumettre si elle avait reçu une information complète et appropriée. A supposer que la décision attaquée résiste, sur ce point, au grief d'arbitraire, il faudra encore rechercher si les juges neuchâtelois, en considérant qu'une violation des règles de l'art médical par les chirurgiens qui ont procédé à cette intervention n'était pas établie in casu, ont méconnu gravement la notion juridique de violation des règles de l'art médical ou celle du fardeau de la preuve d'une telle violation, voire ont procédé à des constatations de fait insoutenables à cet égard. 
3. 
3.1 
3.1.1 Pour être efficace, le consentement doit être éclairé, ce qui suppose de la part du praticien de renseigner suffisamment le malade pour que celui-ci donne son accord en connaissance de cause (ATF 119 II 456 consid. 2a; 117 Ib 197 consid. 2a; 116 II 519 consid. 3b; 115 Ib 175 consid. 2b p. 181; 108 II 59 consid. 2 p. 61). 
 
L'obligation du médecin de renseigner le patient sur le genre et les risques du traitement envisagé ne s'étend pas aux mesures thérapeutiques courantes qui ne présentent pas de danger spécial et ne peuvent entraîner aucune atteinte importante ou durable à l'intégrité corporelle. Le médecin doit donner au patient, en termes clairs, intelligibles et aussi complets que possible, une information sur le diagnostic, la thérapie, le pronostic, les alternatives au traitement proposé, les risques de l'opération, les chances de guérison, éventuellement sur l'évolution spontanée de la maladie et les questions financières, notamment relatives à l'assurance (ATF 119 II 456 consid. 2; Poledna/ Berger, op. cit., p. 63, n. 126; Pierre Engel, Aspects généraux du droit médical, in: Aspects du droit médical, Fribourg 1987, p. 13; Dominique Manaï, Les droits du patient face à la médecine contemporaine, Bâle 1999, p. 118; Olivier Guillod, La responsabilité civile des médecins: un mouvement de pendule in: La responsabilità del medico e del personale sanitario fondata sul diritto pubblico, civile e penale, Lugano 1989, p. 73). Le médecin doit néanmoins veiller à ne pas inquiéter inutilement le patient en suscitant chez ce dernier un état d'anxiété préjudiciable à sa santé, de sorte qu'un pronostic grave ou fatal peut être caché au patient, mais doit en principe être révélé à ses proches. Cette possibilité, reconnue au médecin, de moduler son information, appelée "privilège thérapeutique", ne doit bien sûr pas vider de sa substance l'obligation de renseigner (Guillod, op. cit., p. 77). 
Ce devoir d'information conditionne l'exercice par le patient de son droit à l'autodétermination et vise aussi bien à assurer la libre formation de sa volonté qu'à protéger son intégrité corporelle (Rainer J. Schweizer, Die schweizerische Bundesverfassung, Kommentar, Zurich 2002, n. 19 ad art. 10 Cst., p. 158; Poledna/Berger, op. cit., p. 62, n. 123; Pierre Martin-Achard/Luc Thévenoz, La responsabilité civile des médecins des hôpitaux publics, in: Aspects du droit médical, Fribourg 1987, p. 235; moins clair: Jean Penneau, L'incidence du consentement sur la responsabilité juridique des médecins, in: Consentement éclairé et transfusion sanguine, Rennes 1996, p. 31). 
 
Des exceptions au devoir d'information du médecin ne sont admises que dans des cas très précis, lorsque l'intervention est anodine, s'il y a une urgence confinant à l'état de nécessité ou si, dans le cadre d'une opération en cours, il y a une nécessité évidente d'en effectuer une autre (ATF 119 II 456 consid. 2a; 117 Ib 197 consid. 3b p. 203 s.; Engel, op.cit., p. 14; Poledna/Berger, op. cit., p. 113 s.). Une autre exception au devoir d'informer concerne les risques rares et inhabituels, qui n'ont pas besoin d'être mentionnés spécifiquement suivant les circonstances et à certaines conditions (cf. Manaï, op. cit., p. 118; Christian Conti, Die Pflichten des Patienten im Behandlungsvertrag, Berne 2000, p. 113). 
 
C'est au médecin qu'il appartient d'établir qu'il a suffisamment renseigné le patient et obtenu le consentement préalable de ce dernier (ATF 117 Ib 197 consid. 2d; 115 Ib 175 consid. 2b; Poledna/Berger, op. cit., p. 112, n. 202; Robert Geisseler, Aufklärungspflicht des Arztes, in: Haftpflicht- und Versicherungsrechtstagung 1995, St-Gall 1995, p. 172; Christian Conti, Die Malaise der ärztlichen Aufklärung, in: AJP/PJA 2000 p. 628). 
3.1.2 La jurisprudence et la doctrine majoritaire reconnaissent au médecin, respectivement à celui qui répond de lui, la faculté de soulever le moyen du consentement hypothétique du patient. Si le médecin parvient à établir que le malade concerné se serait tout de même décidé en faveur de l'intervention proposée à supposer qu'il ait reçu une information complète et appropriée, l'illicéité de l'intervention, et par conséquent l'obligation de réparer, disparaissent ipso facto. Le fardeau de la preuve du consentement hypothétique incombe au médecin, à charge pour le patient de collaborer à cette preuve en rendant vraisemblable ou au moins en alléguant les motifs personnels qui l'auraient incité à refuser l'opération s'il en avait notamment connu les risques (ATF 122 III 229 consid. 5a/aa p. 233; 119 II 456 consid. 4; 117 Ib 197 consid. 5c p. 209; Poledna/Berger, op. cit., p. 115; Pascal Payllier, Rechtsprobleme der ärztlichen Aufklärung, Zurich 1999, p. 229-231; Antoine Roggo, Aufklärung des Patienten, thèse Berne 2001, p. 227-229). En principe, le consentement hypothétique ne doit pas être admis lorsque le genre et la gravité du risque encouru auraient nécessité un besoin accru d'information, que le médecin n'a pas satisfait. Dans un tel cas, il est en effet plausible que le patient, s'il avait reçu une information complète, se serait trouvé dans un réel conflit quant à la décision à prendre et qu'il aurait sollicité un temps de réflexion (Geisseler, op. cit., p. 171). 
 
Selon la jurisprudence, il ne faut pas se baser sur le modèle abstrait d'un "patient raisonnable", mais sur la situation personnelle et concrète du patient dont il s'agit (ATF 117 Ib 197 consid. 5a et les références; BVR/JAB 1994 p. 324 ss, consid. 3c p. 328). Ce n'est que dans l'hypothèse où le patient ne fait pas état de motifs personnels qui l'auraient conduit à refuser l'intervention proposée qu'il convient de considérer objectivement s'il serait compréhensible, pour un patient sensé, de s'opposer à l'opération (ATF 117 Ib 197 consid. 5c p. 209; arrêt 2P.101/1994 du 5 mai 1995 consid. 5b, in ZBL 97 1996 p. 284). 
3.2 En l'espèce, eu égard à la rareté du risque de paralysie du membre inférieur droit par suite d'une lésion du nerf obturateur pendant une intervention chirurgicale du type de celle qui a été pratiquée sur la personne de B.________, la cour cantonale a répondu par la négative à la question de savoir si semblable risque aurait quand même dû être signalé à la patiente. Pareille conclusion n'apparaît pas insoutenable. On peut toutefois se dispenser d'examiner plus avant le problème délicat du devoir d'informer en rapport avec la rareté et la gravité du risque lié à une intervention chirurgicale, d'autant plus que le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral est, en l'occurrence, limité à l'arbitraire. Force est, en effet, d'admettre que l'autorité intimée n'est de toute façon pas tombée dans l'arbitraire en accueillant l'objection dite du consentement hypothétique de la patiente. 
 
Selon les juges neuchâtelois, vu le caractère exceptionnel du risque qui s'est réalisé, la patiente l'aurait assumé pour suivre le traitement proposé, dans le but de supprimer l'atteinte à sa santé extrêmement gênante qu'elle ressentait, et qui représentait un trouble constant dans tous les domaines de sa vie, tant personnel que familial et professionnel, au point qu'elle qualifiait elle-même la situation d'"infernale". Comme elle avait accepté les autres risques opératoires, il est manifeste qu'elle n'aurait pas renoncé à l'opération qui l'a finalement guérie, en considération d'un risque d'une atteinte certes grave, mais si rare que l'avantage escompté du traitement l'eût emporté dans la pesée des intérêts contradictoires à laquelle elle aurait procédé. Cette argumentation est non seulement exempte d'arbitraire, mais elle résisterait même à un libre examen. 
4. 
4.1 Les règles de l'art médical se définissent comme les principes établis par la science médicale, généralement reconnus et admis, communément suivis et appliqués par les praticiens (ATF 64 II 200 consid. 4a p. 205; 108 II 59 consid. 1). A ce sujet, il convient de rappeler que le médecin a pour mission de s'efforcer de parvenir au résultat escompté grâce à ses connaissances et à son savoir-faire. Cela ne signifie pas qu'il doive aboutir à un résultat ou qu'il soit tenu de le garantir. Les exigences liées au devoir de diligence du médecin ne peuvent être déterminées de manière générale et abstraite, car elles dépendent des circonstances de chaque cas; sont à cet égard des critères décisifs le genre d'intervention ou de traitement et les risques qui en découlent, la marge d'appréciation et le temps dont dispose le médecin, ainsi que la formation et les capacités que l'on peut objectivement en l'état attendre de lui. La responsabilité du médecin n'est pas limitée à des manquements graves aux règles de l'art médical. Il doit traiter son patient de manière appropriée et il répond en principe de toute faute professionnelle (ATF 120 Ib 411 consid. 4a p. 413; 116 II 519 consid. 3a; 115 Ib 175 consid. 2b; 113 II 429 consid. 3a p. 432 s.; cf. Moritz Kuhn, Ärztliche Kunstfehler, in RSJ 83/1987 p. 353 ss, spéc. p. 357). 
 
Le droit de la responsabilité civile doit tenir compte du fait que l'activité du médecin est exposée à des risques et des dangers. Ce dernier dispose d'une certaine marge d'appréciation entre les différentes possibilités de diagnostic ou de thérapie qui entrent en considération et le choix auquel il procède doit requérir toute son attention. Le médecin n'engage pas nécessairement sa responsabilité lorsqu'il n'a pas trouvé la solution qui était objectivement la meilleure quand on en juge a posteriori. Une violation des règles de l'art médical est réalisée lorsqu'un diagnostic, une thérapie ou quelque autre acte médical est indéfendable dans l'état de la science ou sort du cadre médical considéré objectivement: le médecin ne répond d'une appréciation erronée que si celle-ci est indéfendable ou se fondait sur un examen objectivement insuffisant (ATF 120 Ib 411 consid. 4a in fine, p. 413 s.). 
 
Le fardeau de la preuve de la violation des règles de l'art médical est à la charge du lésé (ATF 120 Ib 411 consid. 4a in fine, p. 414; 115 Ib 175 consid. 2b p. 181 et les références). 
4.2 Examinant la question d'une éventuelle violation des règles de l'art médical dont aurait à répondre l'intimée, le Tribunal administratif a considéré, en substance, qu'il n'était pas en mesure de déterminer la cause de la lésion du nerf obturateur, imputable principalement et très vraisemblablement au geste chirurgical, c'est-à-dire à un acte accompli au cours de l'opération. En effet, il n'était pas possible d'établir, au dire des experts, à quel acte précis pouvait être imputée la lésion nerveuse (lésion thermique pendant l'hémostase, points de suture inadéquats comprimant le nerf, lames d'un écarteur). De plus et surtout, les experts n'avaient pas été en mesure de définir les précautions particulières qu'il y aurait eu lieu de prendre pour éviter la survenance de l'un ou l'autre de ces risques et ils n'avaient pu expliquer en quoi l'intervention aurait comporté une violation des règles de l'art. Il ne fallait pas qualifier a priori de violation du devoir de diligence du médecin toute mesure ou omission qui, considérée rétrospectivement, se révélait être à l'origine du dommage ou aurait permis de l'éviter, le médecin ne devant pas supporter de manière générale les dangers et les risques inhérents à tout traitement médical et liés aussi à la maladie. 
 
Quoi qu'en disent les recourants, ce raisonnement ne saurait être taxé d'arbitraire. La question décisive, sous l'angle de la violation des règles de l'art médical, consiste à se demander si les médecins qui ont opéré B.________ ont commis des erreurs techniques au cours de cette intervention chirurgicale du fait qu'ils ignoraient l'existence du risque de lésion du nerf obturateur, respectivement s'il y avait des mesures - et lesquelles - qu'ils auraient pu et dû prendre pour écarter pareil risque à supposer qu'ils l'eussent connu. Or, comme on l'a déjà souligné, les deux experts n'ont pas été à même d'indiquer quelle était l'origine exacte de la lésion dudit nerf, ni de définir quelles précautions particulières il y aurait eu lieu de prendre au cours de l'intervention chirurgicale litigieuse. Considérer, dans ces conditions, que la preuve de la violation du devoir de diligence incombant au médecin n'avait pas été rapportée en l'espèce, comme l'ont fait les juges neuchâtelois, ne comportait rien d'insoutenable, non plus que le fait de rejeter l'action en conformité avec les règles touchant le fardeau de la preuve, attendu que, selon la jurisprudence fédérale susmentionnée, la preuve de l'acte illicite incombe au patient. 
 
Pour le surplus, force est de constater que les recourants n'invoquent pas la violation de leur droit d'être entendus et ne font notamment pas valoir qu'ils auraient sollicité en vain la mise en oeuvre d'une surexpertise. Ils ne prétendent pas non plus que la maxime d'office était applicable en l'occurrence et que le Tribunal administratif aurait dû administrer de son propre chef des preuves supplémentaires. Il n'y avait donc rien d'arbitraire à ne pas pousser plus avant l'instruction sur ce point dans la présente espèce. 
5. Cela étant, le recours ne peut qu'être rejeté. Ses auteurs seront dès lors condamnés solidairement à payer l'émolument judiciaire (art. 156 al. 1 et 7 OJ) et à verser des dépens à l'intimée (art. 159 al. 1 et 5 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
3. 
Les recourants sont condamnés solidairement à verser à l'intimée une indemnité de 12'000 fr. à titre de dépens. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au Tribunal administratif du canton de Neuchâtel. 
 
Lausanne, le 26 août 2003 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: