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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
4A_341/2016, 4A_343/2016  
   
   
 
 
 
Arrêt du 10 février 2017  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, présidente, Niquille et May Canellas. 
Greffière: Mme Monti. 
 
Participants à la procédure 
4A_341/2016 
C.________, 
représentée par Me Marc Oederlin, 
demanderesse et recourante, 
 
contre  
 
H.________ SA, 
représentée par Me Olivier Péclard, 
défenderesse et intimée, 
 
et 
 
4A_343/2016 
H.________ SA, 
représentée par Me Olivier Péclard, 
défenderesse et recourante, 
 
contre  
 
C.________, 
représentée par Me Marc Oederlin, 
demanderesse et intimée. 
 
Objet 
contrat d'hébergement; responsabilité de l'hôtelier, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 22 avril 2016 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La société H.________ SA (ci-après: l'hôtelière) exploite un hôtel cinq étoiles dénommé «...», à Genève. C.________, ressortissante française née en 1929, y a séjourné du 21 décembre 2007 au 6 janvier 2008. Des membres de sa famille et des amis (dont T1.________ et T2.________) se trouvaient également dans cet établissement pour les fêtes de fin d'année.  
La cliente disposait d'une chambre au premier étage de l'hôtel, dans une aile proche de la réception. Un classeur déposé dans la chambre contenait des informations écrites indiquant notamment que la chambre était équipée d'un coffre-fort avec un code à 4 chiffres et que des coffres-forts à clé étaient également disponibles à la réception 24 heures sur 24. La direction déclinait toute responsabilité pour les objets de valeur laissés dans la chambre. 
 
A.b. Le 31 décembre 2007, la cliente, qui portait sur elle des bijoux de grande valeur (infra let. Bc), s'est rendue en ville de Genève où elle a d'abord déjeuné dans un restaurant, puis visité un grand magasin. Sur les caméras de surveillance de ce commerce, il apparaît qu'à partir de 15 h 15, trois individus revêtus de bonnets et d'écharpes l'ont observée à la dérobée et lui ont emboîté le pas à sa sortie du magasin.  
La cliente est revenue à l'hôtel vers 16 h 00 au moyen d'un taxi et s'est dirigée vers l'ascenseur pour regagner sa chambre. Selon sa version des faits livrée à la police, elle s'est alors fait dépasser par un homme «qui avait une drôle d'allure», avec un bonnet enfoncé quasiment jusqu'aux yeux et une écharpe remontée sur le nez. La cliente dit avoir ralenti le pas pour éviter de monter avec lui, car il lui faisait «une très mauvaise impression». Elle a finalement renoncé à faire demi-tour et s'est engagée avec lui dans l'ascenseur. Arrivée au premier étage, elle a observé que l'individu n'était pas sorti derrière elle mais que, pour autant, la porte de l'ascenseur ne s'était pas refermée. Une ou deux femmes de ménage sont ensuite venues dans sa chambre. A un moment donné, quelqu'un a frappé à la porte; une des femmes de chambre a ouvert et échangé quelques mots avec un homme qui portait un costume. Quelques minutes après le départ des femmes de chambre, quelqu'un a derechef frappé à la porte - laquelle n'était pas munie d'une chaîne de sécurité, ni d'un judas. La cliente a entrouvert en tenant son bouledogue français. Elle a alors reconnu l'individu de l'ascenseur, toujours revêtu de son bonnet et de son écharpe; il a prétendu devoir réparer le chauffage. Quand bien même elle refusait de le laisser entrer, il a poussé la porte pour pénétrer dans la chambre, suivi d'un second individu lui aussi porteur d'un bonnet et d'une écharpe. Les deux malfrats ont ligoté la cliente et l'ont bâillonnée. Ils ont arraché les bijoux qu'elle portait sur elle et ont obtenu qu'elle leur communique le code du coffre-fort de la chambre, dont ils ont emporté le contenu. Ils ont ensuite quitté les lieux. 
La cliente a été examinée par un médecin le 2 janvier 2008. Il a constaté un état de choc traumatique psychologique ainsi que des contusions et ecchymoses. 
 
A.c. Selon les explications du directeur de l'hôtel, l'établissement comporte... chambres,... suites, 4 points de restauration et un «Spa». En date du 31 décembre 2007, il était pratiquement complet: 150 personnes occupaient les chambres et quelque 280 ou 300 repas ont été servis. Un employé d'une société de sécurité privée est présent sur le site quotidiennement entre 23 h 00 et 7 h 00, mais pas durant la journée. L'hôtel est équipé de nombreuses caméras de surveillance tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, dont deux dans le couloir menant à la chambre de la cliente; personne ne surveille en direct ce qui se passe sur les caméras; celles-ci aboutissent à un local technique.  
Les enregistrements effectués le 31 décembre 2007 montrent la présence d'un individu suspect qui franchit la porte principale de l'hôtel vers 16 h 00, quelques secondes avant la cliente. Le chasseur-voiturier de l'hôtel n'a pas vu cet individu à ce moment-là. En revanche, il a vu deux individus portant écharpes et bonnets entrer par la porte principale vers 17 h 00. Il a expliqué s'être souvenu de ces personnes parce qu'il est assez physionomiste et parce qu'elles «ne correspondaient pas au style de clientèle» de l'établissement. 
Les caméras placées dans le couloir menant à la chambre de la cliente montrent l'arrivée de celle-ci dans sa chambre à 16 h 05; immédiatement après surgit au fond du couloir un individu portant un bonnet, qui disparaît aussitôt. On observe ensuite le passage de clients de l'hôtel et, dès 16 h 14, l'arrivée de deux femmes de ménage qui vont et viennent puis entrent à tour de rôle dans la chambre de la cliente. A 16 h 59 réapparaissent deux hommes portant chacun un bonnet enfoncé sur les yeux et une écharpe remontée sur le menton, qui correspondent au signalement donné par le chasseur-voiturier. Après des va-et-vient et le départ définitif des femmes de ménage à 17 h 20, ils entrent quelques minutes plus tard dans la chambre de la cliente l'un après l'autre, y restent une douzaine de minutes avant d'en ressortir et de quitter l'hôtel par une porte arrière. 
 
A.d. Le 1er janvier 2008, la cliente a déposé une plainte pénale qui n'a pas abouti, les enquêteurs n'ayant pas pu identifier les malfaiteurs.  
 
A.e. La cliente avait fait assurer certains de ses bijoux auprès de la compagnie A1.________ à Paris. Le 26 mai 2008, ces deux parties ont signé une transaction qui allouait à la cliente une indemnité de 347'833 EUR pour les bijoux volés.  
La cliente avait en outre souscrit auprès de la compagnie A2.________ une assurance multi-risques garantissant de manière complémentaire les bijoux non compris dans la première assurance. La cliente a touché de cet assureur-ci une indemnité de 18'359 EUR. 
 
A.f. Le 28 novembre 2008, la cliente a sommé l'hôtelière de lui verser 525'715,59 EUR plus 10'000 fr. pour le tort moral subi, dans un délai expirant le 10 décembre 2008. N'ayant rien obtenu, elle a fait notifier à l'hôtelière un commandement de payer portant sur les trois montants suivants: 828'843 fr. 20 (contre-valeur de 525'715,59 EUR au 15 décembre 2008) plus intérêts au 31 décembre 2007; 10'000 fr. plus intérêts dès le 31 décembre 2007; et enfin, 30'000 fr. d'indemnité fondée sur l'art. 106 CO. La poursuivie a formé opposition.  
 
B.  
 
B.a. Le 23 décembre 2008, la cliente a ouvert action contre l'hôtelière devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Elle concluait aux mêmes montants que dans son commandement de payer, en requérant de surcroît la mainlevée de l'opposition formée dans la poursuite en cours.  
Ce Tribunal a rendu le 27 mai 2010 un premier jugement à l'issue duquel il concluait que l'hôtelière n'avait pas commis de faute et que seule sa responsabilité objective était engagée à hauteur de 1'000 fr., conformément à l'art. 487 al. 2 CO
 
B.b. Statuant le 21 janvier 2011 sur appel de la cliente, la Cour de justice a annulé ce jugement. Elle a considéré que l'hôtelière (respectivement son personnel) avait violé fautivement ses obligations contractuelles et devait répondre pour moitié du dommage que subissait éventuellement encore la cliente à la suite des événements survenus le 31 décembre 2007 dans sa chambre d'hôtel; la faute concomitante de la cliente justifiait en effet d'opérer une réduction de moitié sur les dommages-intérêts dus (cf. au surplus infra consid. 4.3). La cause devait être renvoyée au premier juge pour suite de la procédure.  
La cliente a déféré cette décision préjudicielle à l'autorité de céans, qui n'est pas entrée en matière au motif que les conditions d'un recours immédiat n'étaient pas réalisées (cf. art. 93 al. 1 LTF; arrêt 4A_143/2011). 
 
B.c. Le Tribunal de première instance s'est alors attaché à déterminer le dommage subi par la cliente. Il a retenu que le vol des 8 bijoux suivants était établi:  
Bijoux que la cliente portait sur elle :       valeur retenue :  
 
- une bague du bijoutier Fred       9'500 EUR 
- une alliance en diamants       34'000 EUR 
- une bague ornée d'un saphir et de deux diamants       78'000 EUR 
- une montre Cartier modèle Diabolo       27'400 EUR 
- un pendentif Chopard en forme d'éléphant       30'200 EUR 
              (sous-total 1:       179'100 EUR) 
objets dérobés dans le coffre-fort de la chambre d'hôtel :  
 
- une montre Cartier modèle Ballon bleu       30'000 EUR 
- un collier de perles japonaises       6'000 EUR 
- une bague solitaire ornée d'un diamant 
de 3,73 carats       215'000 EUR 
              (sous-total 2:       251'000 EUR) 
       Total :       430'100 EUR 
Le Tribunal a refusé de prendre en compte d'autres biens (bijoux, articles de maroquinerie) dont la cliente prétendait avoir été dépouillée. Il a considéré que la preuve de leur présence dans la chambre d'hôtel n'avait pas été suffisamment établie. 
Considérant que le préjudice subi pour le vol des bijoux précités était de 430'100 EUR et que les seules indemnités versées pour ces objets par l'assureur A1.________ (309'708 EUR) couvraient déjà plus de la moitié du dommage, le Tribunal a conclu que l'hôtelière ne devait rien à la cliente, comme sa responsabilité n'était engagée que pour moitié. 
En revanche, l'hôtelière devait répondre de la moitié des frais médicaux engagés par la cliente (232 fr. 30), soit 116 fr. 15. Elle devait aussi verser une indemnité réduite de 50% pour le tort moral subi (2'000 fr.), soit 1'000 fr. 
En bref, par jugement du 19 août 2015, le Tribunal de première instance a condamné l'hôtelière à verser à la cliente 116 fr. 15 et 1'000 fr., le tout portant intérêts à 5% dès le 10 décembre 2008. Le Tribunal a ordonné la mainlevée, à due concurrence, de l'opposition formée dans la poursuite en cours. 
 
B.d. Statuant le 22 avril 2016 sur appel de la cliente, la Cour de justice a réformé cette décision en ce sens que l'hôtelière doit verser à la cliente la somme de 50'496 fr. 15 plus intérêts dès le 10 décembre 2008, en dédommagement des bijoux volés (50'380 fr., contre-valeur de 31'954 EUR au 15 décembre 2008) et des frais médicaux (116 fr. 15). L'indemnité de 1'000 fr. pour tort moral, portant intérêts dès le 10 décembre 2008, a été confirmée. L'opposition dans la poursuite a été levée à due concurrence.  
L'autorité d'appel a confirmé la liste des objets volés et les estimations retenues par les premiers juges, soit un préjudice de 430'100 EUR. Elle a en revanche considéré que l'hôtelière devait répondre de la moitié du préjudice subsistant encore après déduction des indemnités versées par les deux assureurs (347'833 EUR et 18'359 EUR = 366'192 EUR). La part du préjudice imputable à l'hôtelière s'élevait ainsi à 31'954 EUR (430'100 - 366'192 = 63'908 EUR : 2 = 31'954 EUR), soit  50'380 fr. selon le taux de change au 15 décembre 2008 (1 EUR = 1,5766 CHF). Ce montant s'ajoutait aux 116 fr.15 de participation aux frais médicaux, pour un total de 50'496 fr. 15.  
 
C.   
La cliente saisit le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile (4A_341/2016) dans lequel elle requiert que l'hôtelière soit condamnée à lui payer 828'843 fr. 20 plus 2'000 fr. d'indemnité pour tort moral, le tout portant intérêts dès le 31 décembre 2007. L'opposition à la poursuite en cours devrait être levée à due concurrence. 
La partie adverse a conclu au rejet. L'autorité précédente s'est référée à son arrêt. 
L'hôtelière a également déposé un recours (4A_343/2016) tendant à limiter sa condamnation au paiement de 1'000 fr. portant intérêts dès le 31 décembre 2007. 
La cliente a conclu au rejet. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Les deux recours étant dirigés contre le même jugement, il est opportun de joindre les procédures.  
 
1.2. Les recours satisfont sur le principe aux conditions de recevabilité du recours en matière civile, en particulier quant à la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF) et quant au respect du délai (art. 100 al. 1 LTF) (cf. au surplus infra consid. 5.2 in fine).  
 
1.3.  
 
1.3.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'invocation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). Il s'ensuit que la partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18). 
 
1.3.2. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office, à l'exception des droits fondamentaux qui sont soumis au principe de l'invocation (art. 106 LTF). Il apprécie librement la portée juridique des faits, sans être lié par l'argumentation des parties, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente. Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine d'ordinaire que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3).  
 
1.4. Ces précisions étant faites, il convient de passer à l'examen des griefs formés de part et d'autre.  
 
2.  
 
2.1. L'hôtelière dénonce une violation de l'art. 84 CO. La cliente aurait indûment formulé ses conclusions en francs suisses, alors que la monnaie de sa créance en dommages-intérêts serait celle du lieu où le dommage est survenu, soit la France, où elle est domiciliée. Celle-ci a du reste chiffré en euros le préjudice résultant du vol de ses bijoux, avant de le convertir en francs suisses. La Cour de justice aurait dû rejeter ses conclusions, ou du moins autoriser l'hôtelière à s'acquitter en euros.  
 
2.2. Selon l'alinéa 1 de l'art. 84 CO, le paiement d'une dette qui a pour objet une somme d'argent se fait en moyens de paiement ayant cours légal dans la monnaie due. Il découle en outre de l'alinéa 2 que le débiteur tenu de payer en Suisse une dette exprimée en monnaie étrangère a la faculté alternative de s'acquitter en francs suisses, sauf convention contraire des parties (ATF 134 III 151 consid. 2.2 p. 154).  
Quant au créancier, il ne peut faire valoir sa prétention - contractuelle ou délictuelle - contractée en monnaie étrangère que dans cette monnaie, et le juge ne peut admettre la prétention que dans cette monnaie également (ATF 134 III 151 consid. 2.2 et 2.4; arrêt 4A_206/2010 du 15 décembre 2010 consid. 3.1 [publié à l'ATF 137 III 158] et 4.1.2 [rés. in SJ 2011 I 156]). L'art. 58 CPC s'oppose à ce que le juge alloue une prétention dans la monnaie étrangère effectivement due alors qu'il est saisi de conclusions libellées en francs suisses (arrêt 4A_391/2015 du 1er octobre 2015 consid. 3, in Praxis 2016 p. 115; cf. aussi arrêt 4A_555/2014 du 12 mars 2015 consid. 4.2 sous l'ancienne procédure vaudoise). 
Sur le fond, la doctrine fait observer que les créances en dommages-intérêts contractuels ne sont pas nécessairement soumises à la monnaie qui régit le contrat. Elles doivent en principe être établies dans la monnaie de l'État dans lequel le dommage patrimonial est survenu. Selon les circonstances, la monnaie du contrat peut rester déterminante, en particulier lorsque les dommages-intérêts se substituent à une obligation contractuelle de paiement (salaire, honoraires, droit de licence; MARIUS SCHRANER, Zürcher Kommentar, 3e éd. 2000, n° 181 ad art. 84 CO; VISCHER/HUBER/OSER, Internationales Vertragsrecht, 2e éd. 2000, p. 449 s. n. 972). La banque répond ainsi en dollars américains d'une perte subie par sa cliente sur une opération boursière ayant pour objet des options libellées en dollars, et dont la vente devait rapporter un bénéfice dans cette monnaie (arrêt 4C.191/2004 du 7 septembre 2004 consid. 6, in SJ 2005 I 174). De même, selon un arrêt ancien, le vendeur qui n'exécute pas ses obligations répond en Deutsche Mark du gain manqué subi par l'acheteur, dès lors que celui-ci aurait revendu en Allemagne la marchandise objet du contrat de vente (ATF 47 II 190 consid. 2b p. 193). 
 
2.3. Il s'agit d'obtenir la contrevaleur de bijoux dérobés, dont on ignore tout des conditions d'acquisition. De surcroît, l'art. 487 al. 2 CO pose une limite en francs suisses à la responsabilité causale de l'hôtelier, dont c'est le propre d'accueillir des touristes étrangers (cf. Bulletin sténographique officiel de l'Assemblée fédérale, Conseil des Etats, séance du 16 juin 1910 p. 230, qui parle de «Fremdenindustrie»). Le fait que les bijoux aient été assurés et estimés en euros n'est pas déterminant; cela explique tout au plus que les calculs aient été effectués au préalable dans cette monnaie. L'autorité précédente n'a dès lors pas enfreint l'art. 84 al. 1 CO en considérant que les dommages-intérêts liés au vol des bijoux étaient dus en francs suisses, quand bien même le domicile de la cliente serait en France. Pour le surplus, l'hôtelière ne formule pas de grief subsidiaire contre la date prise en compte pour le taux de change (15 décembre 2008; 1 EUR = 1,5766 CHF). Il s'ensuit le rejet du grief.  
 
3.  
 
3.1. La cliente reproche à la Cour de justice d'avoir enfreint l'art. 42 al. 2 CO et d'avoir apprécié arbitrairement les preuves en refusant de tenir pour établi le vol de divers bijoux et articles de maroquinerie.  
 
3.2.  
 
3.2.1. L'art. 42 al. 2 CO prévoit que si le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée.  
Cette disposition vise à faciliter la preuve lorsque le dommage est d'une nature telle qu'une preuve certaine est objectivement impossible à rapporter, ou ne peut raisonnablement être exigée. Le demandeur doit se trouver dans un état de nécessité quant à la preuve (Beweisnot). Une telle situation n'est pas déjà réalisée lorsque le demandeur, dans le cas concret, manque de preuves pour établir un fait qui serait par nature accessible à la preuve stricte (ATF 130 III 321 consid. 3.2 p. 324). L'allègement qu'offre l'art. 42 al. 2 CO s'applique aussi bien à la preuve de l'existence du dommage qu'à celle de son étendue. Le lésé reste toutefois tenu de fournir au juge, dans la mesure du possible, tous les éléments de fait constituant des indices de l'existence du préjudice et permettant l'évaluation ex aequo et bono du montant du dommage. Les circonstances alléguées par le lésé doivent faire apparaître le dommage comme pratiquement certain, et pas seulement comme possible (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 p. 471; 122 III 219 consid. 3a in fine p. 222); la survenance du dommage doit s'imposer avec une certaine force de conviction (ATF 132 III 379 consid. 3.1 in fine; 122 III 219 ibidem; 98 II 34 consid. 2 p. 37). Certains arrêts précisent que le degré de vraisemblance prépondérante est donc requis (arrêts 4A_431/2015 du 19 avril 2016 consid. 5.1.2; 4A_68/2008 du 10 juillet 2008 consid. 4.2). L'exception de l'art. 42 al. 2 CO à la règle du fardeau de la preuve doit être appliquée de manière restrictive (ATF 133 III 462 ibidem).  
 
3.2.2. L'appréciation des preuves est arbitraire lorsque le juge s'est manifestement mépris sur le sens et la portée d'un moyen de preuve, lorsqu'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée, ou encore lorsqu'il a tiré des déductions insoutenables à partir des éléments recueillis. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait défendable, voire préférable (ATF 136 III 552 consid. 4.2).  
 
3.3. La cliente prétend se trouver dans un état de nécessité comme elle doit prouver qu'elle détenait des biens qui ont précisément disparus lors du vol.  
Il paraît en soi possible de rapporter la preuve stricte qu'une personne détenait des biens déterminés dans sa chambre d'hôtel. Pour ce faire, il peut être recouru à la preuve directe ou à la preuve par indices. Quoi qu'il en soit, la lecture des décisions cantonales montrent que les juges genevois, après avoir rappelé les principes découlant de l'art. 42 al. 2 CO, ont concédé un allègement du degré de preuve. Se pose donc au premier chef la question de savoir si leur appréciation des preuves est arbitraire par rapport à un degré de preuve facilité. 
 
3.4. La cliente s'attache à démontrer l'arbitraire uniquement par rapport à trois objets.  
 
3.4.1. Elle prétend ainsi avoir suffisamment rapporté la preuve du vol d'un sac à main de la marque Chopard.  
La Cour de justice a retenu ce qui suit: la présence du sac dans la chambre d'hôtel devait être admise; la cliente l'avait en effet reçu à Noël 2007, ce qui résultait de photos prises à cette occasion. Néanmoins, la preuve du vol n'était pas établie. En effet, le sac était assez volumineux et il n'apparaissait pas sur les images de vidéo-surveillance ayant filmé la fuite des malfrats. Certes, ces images étaient de piètre qualité et l'on ne pouvait exclure que les malfrats aient dissimulé le sac sous leurs vêtements; une telle hypothèse n'était cependant pas plus plausible que celle selon laquelle les malfrats auraient renoncé à emporter cet objet, même sous leurs vêtements, pour ne pas attirer l'attention des personnes qu'ils pourraient croiser en sortant de l'hôtel. 
Une telle appréciation est exempte d'arbitraire, même en appliquant un degré de preuve facilité. Outre que la présence d'un troisième agresseur dans l'hôtel n'a pas été établie, elle n'enlèverait rien à l'encombrement inutile et au risque de repérage que pouvait comporter le vol d'un tel sac. Peu importe aussi qu'il n'ait pas été constaté que le sac se trouvait encore dans la chambre après le départ des voleurs. 
 
3.4.2. La cliente prétend avoir établi le vol d'une bague ornée d'un rubis de 3,17 carats entouré de deux diamants «poire» de 1,51 carats au total, soi-disant entreposée dans le coffre-fort de la chambre.  
La Cour de justice a relevé qu'aucune bague sertie d'un rubis n'apparaissait sur les photos prises au cours du séjour de la cliente à Genève; son amie assureur T1.________, qui avait identifié plusieurs bagues portées par la cliente, n'avait pas mentionné de bague sertie d'un rubis. En revanche, son autre amie T2.________ disait avoir vu la cliente la veille du vol avec une bague ornée d'un rubis, sans mentionner toutefois qu'elle était sertie de diamants. Or, l'inventaire établi par le cabinet... en 2007 indiquait que la cliente possédait une autre bague munie d'un rubis sans diamants. Certes, le témoin T2.________ n'avait pas reconnu la bague sur les photos jointes au rapport d'inventaire, alors que ces clichés montraient cette deuxième bague sans diamants, selon les allégations de la cliente. A supposer que tel fût le cas, cela n'impliquait pas nécessairement que la bague aperçue la veille du vol fût alors celle sertie de diamants; compte tenu de la qualité des photos et du temps écoulé, l'amie pouvait ne pas avoir reconnu la bague qu'elle avait remarquée sur la cliente. On ne pouvait du reste exclure qu'elle ait vu une autre bague non inventoriée, la cour ayant pu constater que la cliente portait d'autres bijoux que ceux inventoriés. Enfin, il n'était pas exclu que la bague aperçue fût sertie d'une pierre autre qu'un rubis. 
On ne discerne pas d'arbitraire dans ce raisonnement, même en tenant compte du fait que le témoin T1.________ n'était pas présente tout au long du séjour de la cliente. Quant aux déclarations du témoin T2.________, elles datent du 15 janvier 2013, soit 5 ans après l'événement; la cour était fondée à en déduire que les souvenirs de ce témoin pouvaient s'être estompés, quelle que fût la qualité des photos soumises. L'appréciation des preuves n'a rien d'insoutenable, y compris en concédant un allègement quant au degré de preuve. 
 
3.4.3. Pour des motifs quasi identiques, la Cour de justice n'a pas retenu le vol d'un collier en or jaune orné de 120 brillants. Un tel collier ne figurait sur aucune des photos prises lors du séjour de la cliente. T1.________ n'en avait pas confirmé la présence. Pour sa part, T2.________ disait avoir remarqué la veille du vol que la cliente portait un collier en or et diamants. Des photos montraient toutefois que la cliente portait à Noël un long collier doré brillant, comprenant sur un côté un ornement brillant en forme d'étoile, qui ne figurait pas dans l'inventaire du cabinet... et n'avait pas été déclaré volé. La Cour ne pouvait dès lors pas exclure que le collier remarqué par T2.________ fût en réalité cet autre collier.  
Une telle appréciation n'a rien d'insoutenable, quand bien même le témoin T2.________ n'a pas mentionné la présence d'un ornement en forme d'étoile. Cette conclusion s'impose même en concédant un allègement du degré de preuve. 
 
3.5. Pour le surplus, la cliente ne taxe pas d'arbitraire l'appréciation des preuves portée sur d'autres objets dont le vol n'a pas été retenu; cela suffit à clore toute discussion. Au demeurant, la Cour de justice avait déjà renoncé à entrer en matière sur le sort de certains biens, faute de motivation suffisante.  
 
4.  
 
4.1. Chaque partie conteste la part de responsabilité qui lui a été imputée.  
L'hôtelière dénonce en substance une violation des art. 41, 44, 97 et 488 CO. La Cour de justice lui aurait reproché à tort une violation de son devoir de diligence, nonobstant le fait qu'elle avait respecté les directives de l'association des hôteliers. Aucune base légale n'imposait les mesures préconisées par la Cour, qui seraient au demeurant disproportionnées et inaptes à empêcher la survenance de l'agression. A supposer qu'une faute puisse lui être reprochée, elle serait entièrement reléguée à l'arrière-plan par celle de la cliente, qui a notamment pris le risque d'utiliser le coffre de sa chambre plutôt que de lui confier ses bijoux. Seule sa responsabilité causale serait engagée, à hauteur de 1'000 fr. (art. 487 al. 2 CO). 
De son côté, la cliente dénonce une violation de l'art. 44 CO. On ne saurait lui reprocher sa passivité face à l'individu suspect alors que le personnel de l'hôtel, dont la mission est de filtrer les usagers de l'établissement, n'a lui-même pas réagi. Les éventuels manquements de la cliente n'auraient du reste aucun lien de causalité adéquate avec la survenance du dommage. L'hôtelière aurait de surcroît commis une faute en s'abstenant de lui signaler l'existence d'un coffre à la réception et de lui proposer d'y déposer ses valeurs, alors qu'elle avait sans doute constaté que la cliente portait des bijoux coûteux. 
 
4.2. Le contrat d'hébergement en vertu duquel l'hôtelier fournit un logement au voyageur est un contrat innommé comprenant des éléments du bail, de la vente, du mandat et du dépôt (ATF 120 II 252 consid. 2a p. 253). Les art. 487-489 CO n'en règlent qu'un aspect particulier, soit la responsabilité de l'hôtelier en cas de détérioration, destruction ou soustraction des effets apportés par les voyageurs. La loi opère une distinction entre les effets normaux (art. 487 CO) et les «objets de prix» (art. 488 CO).  
Pour les effets normaux, l'hôtelier assume une responsabilité causale jusqu'à 1'000 fr. pour chaque voyageur (art. 487 al. 2 CO; ATF 120 II 252 consid. 2a p. 253). Trois moyens libératoires sont offerts par la loi (art. 487 al. 1 CO). Au-delà de 1'000 fr., l'hôtelier répond uniquement en cas de faute, de sa part ou de celle de son personnel (cf. art. 487 al. 2 in fine CO; PIERRE ENGEL, Contrats de droit suisse, 2e éd. 2000, p. 621; TERCIER ET ALII, Les contrats spéciaux, 5e éd. 2016, n° 6127; ALFRED KOLLER, Die Haftung des Gastwirts, recht 2013 p. 235 s.). 
L'art. 488 CO est consacré aux objets de valeur, soit les « objets de prix, sommes d'argent d'une certaine importance ou papiers-valeurs». 
- Selon l'alinéa 1er, si le voyageur n'a pas confié de tels objets à l'hôtelier, celui-ci en répond seulement en cas de faute commise par lui ou par son personnel. La responsabilité objective instituée par l'art. 487 CO à concurrence de 1'000 fr. ne s'applique donc pas. 
Il découle de l'art. 488 al. 1 CO que le client a en principe le devoir de déposer ses objets de valeur auprès de l'hôtelier (RICHARD BARBEY, in Commentaire romand, 2e éd. 2012, n° 3 ad art. 488 CO; KOLLER, op. cit., p. 239, parle d'incombance). L'omission de confier des objets de valeur à l'hôtelier n'est pas sans incidence sur la faute de celui-ci (ALFRED KELLER, Haftpflicht im Privatrecht, vol. I, 6e éd. 2002, p. 488; cf. aussi l'exemple cité par ENGEL, op. cit., p. 622, qui réserve une faute concomitante du voyageur). 
- L'alinéa 2 énonce que si l'hôtelier a reçu ou refusé le dépôt des objets de valeur, il est tenu sans limitation de sa responsabilité. L'hôtelier doit donc permettre aux voyageurs de déposer leurs valeurs en lieu sûr (TERCIER ET ALII, op. cit., n° 6131; cf. ATF 105 II 110 consid. 4). 
- Enfin, l'alinéa 3 précise que s'agissant d'objets ou de valeurs que le voyageur doit pouvoir conserver par-devers lui, l'hôtelier en répond comme des autres effets du voyageur. La responsabilité objective de l'art. 487 CO s'applique donc jusqu'à 1'000 fr.; au-delà, l'hôtelier répond de sa faute ou de celle de son personnel. Sont ici visés les objets que le voyageur peut conserver en raison de leur nature (montre, alliance) ou en raison de leur affectation temporaire, par exemple en vue d'une réception (BARBEY, op. cit., n° 6 ad art. 488 CO; KOLLER, op. cit., p. 239). 
Savoir si un objet est de valeur et si celui-ci doit être confié à l'hôtelier dépend des circonstances, notamment du rang de l'hôtel et de la situation du client (ATF 39 II 722 consid. 3c p. 726 s.; THOMAS KOLLER, in Basler Kommentar, 6e éd. 2015, nos 1 et 2 ad art. 488 CO et les références citées); cette question se pose pour chaque objet (ATF 46 II 116 consid. 3). D'après les travaux préparatoires, il faut tenir compte de la bonne foi et de la vie pratique (Bulletin sténographique officiel de l'Assemblée fédérale, Conseil des Etats, séance du 16 juin 1910 p. 230). Certains auteurs sont d'avis qu'une limite d'environ 10'000 fr. devrait être retenue au-delà de laquelle les usagers devraient confier leurs bijoux à l'hôtelier (SCHOTT/MAURENBRECHER, in Kurzkommentar OR, [Honsell éd.] 2014, n° 1 ad art. 488 CO; BARBEY, op. cit., n° 1 ad art. 488 CO). Dans un arrêt ancien, l'autorité de céans a relevé qu'il n'était pas exclu de retenir un certain critère objectif, à l'instar de ce qu'avait fait le législateur en introduisant une limite chiffrée à la responsabilité de l'hôtelier afin de protéger celui-ci (ATF 39 II 722 consid. 3c p. 727). 
La faute concomitante du voyageur peut conduire à une réduction de la responsabilité de l'hôtelier, voire à une exclusion (ATF 95 II 541 consid. 4; ALFRED KOLLER, op. cit., p. 237 in fine; TERCIER ET ALII, op. cit. n° 6133). 
 
4.3. Dans son arrêt préjudiciel du 21 janvier 2011, la Cour de justice a fait l'analyse exposée ci-dessous.  
Eu égard au train de vie de la cliente, à sa situation financière et au fait que l'agression s'était produite un 31 décembre, jour habituellement dédié à des réjouissances pour lesquelles on se vêt de manière élégante, on pouvait admettre que les bijoux que la cliente portait sur elle au moment de l'agression étaient des objets qu'elle pouvait conserver par-devers elle au sens de l'art. 488 al. 3 CO. En revanche, les bijoux qui se trouvaient dans le coffre-fort de la chambre tombaient sous le coup de l'art. 488 al. 1 CO
L'hôtelière avait enfreint ses obligations découlant du contrat d'hébergement. Au-delà du respect des normes imposées par la Société des hôteliers - visant essentiellement les mesures à prendre en cas d'incendie -, elle n'avait pas pris toutes les mesures de surveillance qui s'imposaient. On pouvait se demander si la société de sécurité privée n'aurait pas dû intervenir également de jour, compte tenu de l'affluence; de même, se posait la question de l'installation à demeure d'un vigile près de la porte d'entrée. Ces mesures auraient permis de limiter, si ce n'est d'éviter l'entrée de personnes mal intentionnées. Quoi qu'il en soit, la seule présence du chasseur-voiturier posté à la porte de l'hôtel n'avait pas suffi à éviter l'intrusion des malfaiteurs, puisque le chasseur les avait vus mais les avait laissé entrer bien qu'ils n'eussent pas «le style de l'établissement». Cela démontrait en tout cas que l'hôtelière n'avait pas instruit de manière adéquate son personnel sur la nécessité de repérer et signaler la présence de toute personne d'apparence inhabituelle et suspecte. Elle répondait par conséquent du manque de vigilance de son auxiliaire. L'hôtelière avait en outre manqué de diligence en s'abstenant de mettre en place un système permettant de visionner en continu les enregistrements de ses caméras de surveillance, respectivement en choisissant de ne pas procéder à un tel visionnement en continu; or, un visionnement en temps réel aurait très certainement abouti à l'interpellation des individus et aurait permis d'éviter l'agression. Les enregistrements avaient en effet révélé la présence de deux hommes en grande partie masqués, qui avaient circulé dans l'hôtel pendant une heure et demie, notamment en arpentant les couloirs et en passant et repassant devant la porte de la chambre occupée par la cliente. Leur comportement montrait très clairement qu'ils guettaient le départ des femmes de ménage pour intervenir. 
Cette violation contractuelle engendrait une présomption de faute que l'hôtelière n'avait pas renversée. Elle était dès lors tenue à réparation du dommage. 
Cela étant, une faute concomitante devait être retenue à la charge de la cliente. « Abstraction faite des circonstances dans lesquelles les auteurs de l'agression [avaie]nt éventuellement pu être amenés à observer la précitée et à la suivre depuis le magasin (...) jusqu'à l'hôtel», il fallait lui faire grief de ne pas avoir signalé à la réception de l'hôtel la présence d'un individu qui lui semblait suspect au point de lui faire peur et de la faire hésiter à prendre l'ascenseur avec lui. Dans une certaine mesure, elle avait manqué de vigilance en ouvrant la porte de sa chambre, dépourvue de chaîne de sécurité et de judas, à un inconnu qui insistait pour entrer en prétextant la réparation du chauffage. Elle avait en tout cas fait preuve d'imprévoyance en déposant dans le coffre de sa chambre des biens dont elle chiffrait la valeur à plus de 600'000 EUR, alors qu'un coffre était à sa disposition à la réception. A cet égard, l'hôtel avait fourni des informations écrites très claires et la cliente ne pouvait tirer argument du fait qu'elle ne les avait pas lues; du reste, elle affirmait avoir l'habitude de séjourner dans des hôtels de luxe, de sorte qu'elle n'ignorait pas que ce type d'établissement offre une telle prestation à sa clientèle. En définitive, la faute concomitante de la cliente entraînait une réduction de 50% sur les dommages-intérêts dus par l'hôtelière. 
 
4.4. La Cour de justice a donc principalement reproché à l'hôtelière de ne pas avoir visionné en direct les images enregistrées par ses caméras de surveillance, mesure qui aurait très certainement permis de prévenir l'agression; elle lui a également imputé un manque de vigilance de son collaborateur. La Cour a encore évoqué d'autres mesures tout en concédant qu'elles n'auraient pas nécessairement permis de barrer l'accès aux malfaiteurs.  
La Cour n'a pas ignoré que l'hôtelière respectait les normes de la Société des hôteliers, tout en relevant que celles-ci prescrivaient pour l'essentiel des mesures en cas d'incendie; le fait que cette réglementation contienne aussi des normes sur la sécurité des hôtes ne suffit pas encore à taxer d'arbitraire la constatation faite par la Cour de justice. Quoi qu'il en soit, le respect de règles associatives n'empêche pas de retenir une violation du devoir de prudence tel qu'il s'impose dans des circonstances données. 
En l'occurrence, il n'apparaît pas que l'hôtelière ait pris des mesures spécifiques pour filtrer l'entrée des visiteurs, et en particulier pour surveiller l'accès aux chambres d'hôtel. Le directeur de l'hôtel a expliqué qu'il y avait en permanence du personnel à l'entrée de l'hôtel, à la loge du concierge et à la réception, mais rien n'indique que du personnel ait été spécialement affecté à une telle surveillance; au contraire, l'hôtelière plaide que son chasseur-voiturier était trop absorbé par ses tâches et la forte affluence pour prêter attention au suspect. Par ailleurs, la chambre occupée par la cliente ne comprenait pas de chaîne de sécurité ni de judas, et rien n'indique qu'il s'agirait d'un cas isolé. Or, en cette période de fêtes de fin d'année notoirement propice aux cambriolages, l'hôtel de luxe - dont la clientèle est par définition encline à détenir des biens de valeur - était rempli, et de surcroît sujet à une affluence de visiteurs extérieurs vers les restaurants en raison du 31 décembre. 
Dans un tel contexte, la Cour de justice pouvait raisonnablement exiger de l'hôtelière qu'elle utilise les caméras de surveillance mises en place et fasse en sorte qu'une personne visionne leurs images en direct. La question de la protection des droits de la personnalité et des données n'a pas été abordée jusque-là; il n'y a pas lieu de l'examiner d'office à ce stade (art. 42 al. 2 LTF; cf. supra consid. 1.3.2). Pour le surplus, l'hôtelière ne précise pas en quoi cette mesure de surveillance serait disproportionnée et quels coûts excessifs elle entraînerait. Le coût salarial d'une personne affectée à une telle surveillance apparaît exigible; le client d'un hôtel de luxe qui paie des prix notoirement élevés peut légitimement s'attendre à ce que l'hôtelier prenne des mesures de sécurité accrues (ATF 39 II 722 consid. 3 p. 727). Pour le surplus, la Cour a expliqué de façon convaincante qu'une telle mesure aurait très certainement permis d'intercepter les malfaiteurs à temps, et l'hôtelière ne s'attache pas à contrer cette analyse. Ce manquement reproché à l'hôtelière suffit à engager sa responsabilité contractuelle, étant entendu que la Cour de justice était fondée à dénoncer de surcroît le manque de réaction du chasseur-voiturier qui avait pourtant remarqué l'allure inhabituelle des deux hommes. Ce dernier point prive de pertinence l'objection de l'hôtelière selon laquelle à cette époque de l'année, les clients sont susceptibles de porter des bonnets et écharpes. 
Concernant la faute concomitante de la cliente, les juges genevois étaient fondés à lui reprocher sa passivité alors qu'elle avait pourtant repéré le suspect qui lui faisait une «très mauvaise impression». En revanche, on ne saurait accorder d'importance particulière au fait qu'elle a ouvert sa porte au malfaiteur, élément qui a au demeurant été relativisé par les juges cantonaux. Outre que l'hôtelière aurait dû équiper la porte d'un judas et d'une chaîne de sécurité, la méfiance de la cliente a pu être endormie par les allées et venues des femmes de chambre, qui venaient de repartir. La même conclusion s'impose si l'on admet que la cliente a ouvert sans avoir obtenu de réponse. 
En revanche, le reproche d'avoir utilisé le coffre de la chambre plutôt que le coffre de la réception est entièrement justifié. Comme l'ont relevé les juges cantonaux, l'hôtelière a satisfait à son devoir d'information, et la cliente devait savoir qu'un établissement de ce rang offre une telle prestation. C'est bel et bien par confort personnel qu'elle a choisi de garder ses bijoux dans sa chambre. 
Une dernière remarque s'impose. La Cour de justice n'a pas retenu en fait que la cliente avait été repérée par les malfaiteurs dans un grand magasin en ville de Genève et qu'elle avait été prise en filature jusqu'à l'hôtel. Elle a en effet parlé d'une éventualité et en a fait abstraction au niveau de la responsabilité de la cliente (cf. citation entre guillemets au consid. 4.3 supra). L'hôtelière n'a pas formulé de grief contre l'état de fait; elle n'a pas reproché à la Cour de justice d'avoir versé dans l'arbitraire en renonçant à retenir l'hypothèse précitée. Par conséquent, elle ne peut reprocher à la cliente d'avoir attiré l'attention de cambrioleurs en se rendant dans un grand magasin un jour de forte affluence avec des bijoux de très grande valeur. 
 
4.5. Se pose ensuite la question du taux de responsabilité de chaque partie.  
 
4.5.1. Conformément à l'art. 488 CO, la Cour de justice a distingué deux masses de biens: d'une part, les bijoux que la cliente portait sur elle, qu'elle était autorisée à conserver par-devers elle (al. 3); d'autre part, les bijoux entreposés dans le coffre de la chambre, qui n'avaient pas été confiés à l'hôtelière (al. 1). Les parties ne remettent pas en cause la composition de ces deux masses; tout au plus la cliente soutient-elle à tort qu'elle n'était pas suffisamment informée de la possibilité de confier les objets à l'hôtelière. Il n'y a donc pas à revoir d'office la classification opérée par la Cour de justice (art. 42 al. 2 LTF; cf. supra consid. 1.3.2).  
 
4.5.2. La Cour de justice a envisagé la responsabilité des deux parties de manière globale, sans distinguer entre ces deux masses de bijoux volés. Or, une distinction était nécessaire, les fautes n'étant pas les mêmes.  
S'agissant des bijoux que la cliente était autorisée à conserver sur elle (art. 488 al. 3 CO), il faut admettre que la faute de l'hôtelière, qui n'a pas pris les mesures de surveillance nécessaires qui eussent permis d'éviter une agression en chambre, est plus importante que celle de la cliente; celle-ci s'était certes méfiée du suspect, mais était moins à même que les employés de l'hôtel de se rendre compte que l'individu cadrait mal avec la clientèle-type de l'établissement. La responsabilité de l'hôtelière doit être chiffrée à deux tiers. Elle est en effet réduite d'un tiers pour tenir compte de la faute concomitante de la cliente. 
En revanche, concernant les bijoux qui auraient dû être confiés à l'hôtelière (art. 488 al. 1 CO), la faute de la cliente est prépondérante. Elle ne suffit toutefois pas à interrompre le lien de causalité adéquate entre la faute de l'hôtelière et le dommage (sur la notion de causalité adéquate, cf. entre autres ATF 142 III 433 consid. 4.5; 130 III 182 consid. 5.4 p. 188; 116 II 519 consid. 4b). L'hôtelière doit en effet compter avec la possibilité que ses clients fortunés, nonobstant les mises en garde, conservent des biens de valeur dans le coffre de leur chambre plutôt que de les lui confier. Pour cette masse de biens, l'hôtelière engage sa responsabilité à raison d'un quart, une réduction de trois quarts étant appliquée en raison de la faute concomitante de la cliente. 
 
4.6. L'autorité précédente a déduit du préjudice subi pour le vol des bijoux la totalité des indemnités versées par les assureurs (soit 347'833 EUR par A1.________ et 18'359 EUR par A2.________). Or, la lecture des décisions cantonales montre que l'assurance contractée auprès de la compagnie A1.________ portait sur des bijoux spécifiques et que cet assureur a aussi admis l'indemnisation de bijoux dont le vol n'a pas été retenu par les juges genevois. La cliente, qui est assistée d'un avocat, n'a émis aucun grief spécifique sur cette déduction opérée par la Cour de justice; elle a certes formulé des moyens de fait visant à compléter la liste des bijoux volés, mais elle s'est abstenue de présenter une argumentation subsidiaire sur la déduction opérée, pour le cas où la cour de céans s'en tiendrait à la liste retenue dans l'arrêt attaqué. Il faut ainsi admettre qu'il n'y a pas à discuter cette question (art. 42 al. 2 LTF; supra consid. 1.3.2).  
 
4.7. La valeur totale des bijoux volés s'élève à 430'100 EUR. Sur cette somme, les bijoux que la cliente était autorisée à conserver (i.e. ceux qu'elle portait sur elle) représentent une valeur de 179'100 EUR (cf. supra let. Bc), soit 41,6 % du préjudice total. L'hôtelière répond sur ce point à raison de deux tiers.  
La valeur des bijoux entreposés dans le coffre de la chambre, qui auraient dû être confiés à l'hôtelière, est de 251'000 EUR, soit 58,4% du préjudice. Sur cette masse, l'hôtelière répond à hauteur d'un quart. 
D'après la cour cantonale, le préjudice subsistant après déduction des indemnités des assureurs est de 63'908 EUR (supra let. Bd et consid. 4.6). Sur 41,6% de ce montant (soit 26'586 EUR), l'hôtelière répond à raison de deux tiers, soit 17'724 EUR. Pour 58,4% de ce préjudice (soit 37'322 EUR), l'hôtelière répond à raison d'un quart, soit 9'331 EUR. En définitive, elle doit donc des dommages-intérêts de  27'055 EUR (17'724 + 9'331) en relation avec le vol des bijoux. En appliquant le taux de change non contesté de 1,5766 (supra consid. 2.3), on aboutit au montant de  42'655 francs suisses.  
 
4.8. Concernant les frais médicaux (232 fr. 30) et l'indemnité pour tort moral (2'000 fr.), dont les pleins montants ne sont plus discutés à ce stade, il faut admettre que la responsabilité de l'hôtelière est la même que pour le vol des bijoux que la cliente portait sur elle et pouvait «conserver par-devers elle», soit deux tiers. Elle répond ainsi sur ces deux postes à concurrence de  155 fr.et de  1'333 fr.  
 
5.  
 
5.1. La cliente se plaint encore du fait que les montants alloués portent intérêts dès le 10 décembre 2008 plutôt que dès le 31 décembre 2007, date de l'événement dommageable.  
 
5.2. Après que la Cour de justice eut fixé dans son jugement préjudiciel du 21 janvier 2011 le principe des responsabilités respectives, le Tribunal de première instance a condamné l'hôtelière à indemniser la cliente à raison de 116 fr. 15 et 1'000 fr., le tout portant intérêt moratoire à 5% dès le 10 décembre 2008. Le Tribunal s'est référé aux art. 102 al. 1 et 104 al. 1 CO en expliquant qu'il se fondait sur le délai octroyé par la cliente dans sa mise en demeure du 28 novembre 2008. La cliente a alors interjeté appel le 21 septembre 2015 en concluant au paiement de deux montants portant intérêts à 5% dès le 31 décembre 2007; elle n'a toutefois présenté aucune argumentation à l'appui de ses conclusions tendant à modifier la date du départ des intérêts. Eu égard à l'exigence de motivation posée par l'art. 311 al. 1 CPC, il faut admettre que l'autorité d'appel n'avait pas à examiner cette question d'office (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 p. 417), et que la cliente ne peut donc plus la soulever à ce stade. Par ailleurs, elle ne peut tirer argument du fait que la partie adverse a aussi retenu la date du 31 décembre 2007 dans ses propres conclusions prises devant l'autorité de céans. Outre le fait que l'hôtelière n'a admis qu'une part infime des prétentions formées par la cliente, elle a été au-delà des conclusions prises dans la procédure d'appel, où elle avait requis la confirmation du jugement allouant les montants de 116 fr. 15 et 1'000 fr. plus intérêts à 5% dès le 10 décembre 2008; or, un tel procédé n'est pas admissible (art. 99 al. 2 LTF).  
Il faut dès lors s'en tenir à la date du 10 décembre 2008 pour le départ des intérêts. 
 
6.  
 
6.1. En définitive, l'hôtelière doit payer à la cliente 155 fr. pour ses frais médicaux, 42'655 fr. pour le vol de ses bijoux et 1'333 fr. pour le tort moral subi. Le tout porte intérêt à 5% l'an dès le 10 décembre 2008. L'opposition dans la poursuite en cours est levée à due concurrence.  
 
6.2. L'émolument judiciaire pour le recours de la cliente est fixé à 10'000 fr. Si sa faute concomitante a été ramenée d'une demie à un tiers sur certains postes du dommage, elle a été augmentée à trois quarts sur un autre. La somme totale qu'elle obtient (44'143 fr.) est encore réduite par rapport à l'arrêt attaqué (51'496 fr. 15), et se situe très nettement en-deça de ses conclusions. Il se justifie ainsi de mettre à sa charge l'entier des frais liés à son recours (art. 66 al. 1 LTF). Elle doit à la partie adverse une indemnité de 12'000 fr. à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF).  
Quant à l'hôtelière, les frais entraînés par son recours sont arrêtés à 3'000 fr. Elle succombe sur la question de l'art. 84 CO. En définitive, elle obtient, grâce à une modification des taux de responsabilité, une réduction de 7'353 fr. alors qu'elle prétendait à une réduction de 50'496 fr. Il se justifie ainsi de mettre 60% des frais de cette procédure à sa charge (soit 1'800 fr.), le solde de 40% étant dû par la cliente (1'200 fr.). En fixant à 3'500 fr. les frais de défense engagés par chaque partie, et en procédant à une compensation, l'hôtelière doit à la cliente des dépens réduits de 700 fr. pour cette procédure-ci. 
En bref, les frais judiciaires de 13'000 fr. sont supportés par la cliente à raison de 11'200 fr., le solde de 1'800 fr. étant à la charge de l'hôtelière. La cliente, qui a en matière de dépens une dette de 12'000 fr. (4A_341) et une créance de 700 fr. (4A_343), doit payer à l'hôtelière une indemnité de 11'300 fr. à titre de dépens réduits. 
 
6.3. Au surplus, la cause doit être renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle fixe les frais et dépens de la procédure cantonale.  
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
 
1.   
Les procédures 4A_341/2016 et 4A_343/2016 sont jointes. 
 
2.   
Le recours de C.________ (4A_341/2016) est rejeté. Le recours de H.________ SA (4A_343/2016) est partiellement admis. 
 
3.   
L'arrêt attaqué est annulé. 
 
4.   
H.________ SA doit payer à C.________ les montants de 155 fr., 42'655 fr. et 1'333 fr., le tout portant intérêts à 5% l'an dès le 10 décembre 2008. 
L'opposition formée par H.________ SA dans la poursuite en cours (n°...) est levée à due concurrence. 
 
5.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 13'000 fr., sont mis à la charge de C.________ par 11'200 fr., le solde de 1'800 fr. étant dû par H.________ SA. 
 
6.   
C.________ versera à H.________ SA une indemnité de 11'300 fr. à titre de dépens réduits. 
 
7.   
La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle statue sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
 
8.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 10 février 2017 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente: Kiss 
 
La Greffière: Monti