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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
9C_127/2012 
 
Arrêt du 22 août 2012 
IIe Cour de droit social 
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux U. Meyer, Président, 
Borella et Kernen. 
Greffier: M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
B.________, 
représenté par Me Vincent Jeanneret, Etude Schellenberg Wittmer, 
recourant, 
 
contre 
 
Caisse de pensions de X.________ SA générale d'entreprises et des sociétés affiliées, en liquidation, représentée par Me Corinne Corminboeuf Harari, avocate, 
intimée. 
 
Objet 
Prévoyance professionnelle, 
 
recours contre l'ordonnance de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 23 décembre 2011. 
 
Faits: 
 
A. 
B.________ était administrateur unique de la société X.________ SA, Générale d'entreprises (Y.________) et président du conseil de fondation de la Caisse de pensions de X.________ SA, Générale d'entreprises et des sociétés affiliées (Z.________). 
Y.________ a déposé une demande de sursis concordataire le 16 mars 1998, qui a abouti à l'homologation d'un concordat par abandon d'actifs le 22 juin 1999. 
Le 2 décembre 1998, Z.________ a été mise en liquidation et B.________ a quitté le conseil de fondation. 
 
B. 
Le 24 août 2007, Z.________ en liquidation a introduit une action en dommage-intérêts contre B.________. Elle a conclu au paiement de 4'681'632 fr. avec intérêts à 5 % dès le 20 mars 1998 et de 4'670'601 fr. avec intérêts à 5 % dès le 3 décembre 1998. Elle a considéré que B.________, en sa qualité de président du conseil de fondation, avait permis à Y.________ de ne pas verser régulièrement les cotisations dues causant ainsi une perte de 4'681'632 fr. De plus, en faisant financer des immeubles par la fondation dans le but de favoriser l'activité de Y.________, B.________ lui avait occasionné des pertes à hauteur de 4'670'601 fr. 
Le 15 décembre 2010, B.________ a demandé formellement l'appel en cause de A.________ et C.________, anciens membres du conseil de fondation, de D.________ et E.________, liquidateurs de Z.________, ainsi que de la société W.________ SA, ancien organe de révision de Z.________. La demanderesse a conclu à l'irrecevabilité de la demande. 
Par ordonnance du 23 décembre 2011, la Présidente de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a pris le dispositif suivant : 
1. Rejette la demande d'appels en cause. 
2. Accorde au défendeur un délai au 10 février 2012 pour se déterminer sur le fond. 
3. Réserve la suite de la procédure. 
Le délai initialement imparti au ch. 2 du dispositif de cette ordonnance a été reporté au 29 mars 2012 par une nouvelle ordonnance du 8 février 2012. 
 
C. 
B.________ interjette un recours en matière de droit public contre cette ordonnance dont il demande l'annulation, en concluant à ce que soit prononcé l'appel en cause de A.________, C.________, D.________ et E.________, ainsi qu'à ce qu'il soit ordonné à la juridiction cantonale de fixer un délai aux appelés en cause pour déposer leurs mémoires. 
L'intimée et l'Office fédéral des assurances sociales n'ont pas été invités à se déterminer. 
Par ordonnance du 14 mars 2012, le Président de la IIe Cour de droit social du Tribunal fédéral a rejeté la requête d'effet suspensif au recours. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 133 III 462 consid. 2). 
Selon l'art. 91 let. b LTF, est une décision partielle contre laquelle le recours est recevable celle qui met fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts. 
Il faut assimiler à la mise hors de cause d'une partie tous les cas où l'on voudrait qu'une nouvelle partie soit admise à la procédure et que le juge le refuse. On songe ici tout d'abord à l'hypothèse où une partie souhaite prendre part à une procédure déjà pendante (intervention) ou à celle où une partie voudrait attirer une autre personne à la procédure (dénonciation d'instance ou appel en cause). La jurisprudence a déjà admis sous l'ancien droit qu'il fallait qualifier de décision partielle ou de décision finale partielle celle qui refuse une constitution de partie civile, écarte une intervention ou s'oppose à une substitution de parties. Dans tous ces cas, en effet, une personne est définitivement écartée de la procédure, de sorte qu'elle ne recevra plus aucune décision, que l'on ne pourra plus prendre de conclusions contre elle et qu'elle n'aura plus aucune possibilité de recourir (cf. ATF 131 I 57 consid. 1.1 et les arrêts cités). La décision est donc finale à son égard, mais elle ne met pas fin à la procédure (cf. art. 90 LTF), qui se poursuit entre d'autres personnes. Une telle décision doit être qualifiée de partielle au sens du nouvel art. 91 let. b LTF
Il s'ensuit que le refus d'appel en cause constitue une décision partielle susceptible de recours en application de l'art. 91 let. b LTF. Le recours présentement soumis à l'examen du Tribunal fédéral est donc recevable sous l'angle de cette dernière disposition (ATF 134 III 379 consid. 1.1 p. 381. Sur cette question, il sied aussi de renvoyer à UHLMANN, Bundesgerichtsgesetz, Commentaire bâlois, 2e éd., n. 7 ad art. 91 LTF, ainsi qu'à CORBOZ, Commentaire de la LTF, n. 24 ad art. 91. Jadis, sous l'empire de l'aOJ, le recours de droit administratif était également recevable (consid. 1 de l'ATF 112 V 261, publié in RCC 1987 p. 508). 
 
2. 
La Chambre des assurances sociales a rappelé que l'appel en cause n'est possible que lorsque la juridiction saisie est compétente matériellement pour statuer sur les prétentions de l'appelant en cause contre les appelés en cause. A cet égard, le tribunal a considéré qu'en vertu des art. 52 et 73 al. 1 let. c LPP, il n'est pas compétent pour connaître des prétentions de l'organe d'une fondation de prévoyance à l'égard d'un autre organe ou de tiers, car les compétences qui lui sont expressément attribuées par l'art. 134 al. 1 let. b LOJ-GE (RS E 2 05) en matière de prétention en responsabilité selon la LPP se limitent aux art. 331 à 331e CO, 52, 56a al. 1 et 73 LPP, et 42 CC. Dès lors que l'art. 52 al. 3 LPP ne traite que de l'obligation de l'organe d'une institution de prévoyance qui est appelé à effectuer un dédommagement d'informer les autres organes impliqués dans le recours contre le tiers responsable et du délai de prescription, la Chambre des assurances sociales a admis que les autres causes (sous-entendu: une éventuelle action récursoire du recourant à l'encontre de tiers) relèvent du Tribunal de première instance (compétence résiduelle). Enfin, la juridiction cantonale a considéré que la présente procédure ne porte que sur la responsabilité du recourant, et que le sort de la cause ne préjugera pas d'éventuelles actions récursoires qu'il intenterait. 
 
3. 
Le recourant soutient que le principe de l'appel en cause en matière de prévoyance professionnelle découlerait de l'art. 52 al. 3 LPP, même si cette disposition légale ne le mentionne pas clairement. Il fonde son raisonnement sur l'interprétation qu'en donne TRIGO TRINDADE (Institutions de prévoyance: devoirs et responsabilité civile, 2006, p. 163), lequel estime que la possibilité de l'appel en cause est offerte implicitement par le droit fédéral. Selon le recourant, il convient d'appliquer par analogie les art. 50 al. 2 et 759 CO, ainsi que les art. 81 et 82 CPC, singulièrement l'art. 82 al. 1 CPC. Notamment, il estime qu'il est absurde d'admettre que les membres du conseil de fondation d'une caisse de pensions ne bénéficient pas de la même protection que les administrateurs d'une société anonyme. De l'avis du recourant, l'appel en cause de tiers responsables permettra d'éviter une multiplication des actes d'instruction qui devront être accomplis dans le cadre de procédures subséquentes que lui-même devrait, par pure hypothèse, intenter à l'encontre de chacun des coresponsables. Il précise que les personnes appelées en cause devront de toute manière être entendues en qualité de témoins dans la procédure principale. Le critère de célérité et de simplicité de la procédure, allègue-t-il, ne saurait justifier pareil refus. 
Par ailleurs, le recourant allègue que la jurisprudence rendue en matière de responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS (cf. ATF 112 V 261), laquelle exclut la possibilité d'appeler un tiers en cause, ne s'applique pas par analogie dans le cadre d'une action en responsabilité selon l'art. 52 LPP. Il observe que le juge des assurances qui est appelé à connaître d'un cas de responsabilité au sens de l'art. 52 LAVS doit inviter les coresponsables du dommage à se prononcer. 
Le recourant se plaint aussi d'une application arbitraire du droit cantonal de procédure, singulièrement de l'art. 71 LPA-GE (RS E 5 10), où il est disposé, sous le titre marginal "appel en cause", que "l'autorité peut ordonner, d'office ou sur requête, l'appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d'être affectée par l'issue de la procédure (...)". A son avis, sa demande a été écartée sans motivation ni analyse; de surcroît, ce refus n'est pas compatible avec les objectifs principaux de l'appel en cause en matière de droit administratif, tels que l'économie de procédure et le fait d'éviter des jugements contradictoires. 
 
4. 
Contrairement au point de vue du recourant, il n'existe aucune obligation découlant du droit fédéral de donner suite à une demande d'appel en cause dans un contentieux relevant des art. 52 al. 3 et 73 LPP, dont la procédure est régie par le droit cantonal (art. 73 al. 2 LPP). C'est en vain que le recourant invoque un avis doctrinal isolé favorable à son point de vue et qu'il se réfère à d'autres règles de procédure, du CPC notamment, qui ne s'appliquent pas en matière de prévoyance professionnelle. Quant à l'art. 52 al. 3 LPP, première phrase, il porte sur l'obligation de l'organe d'une institution de prévoyance qui est appelé à effectuer un dédommagement d'informer les autres organes impliqués dans le recours contre le tiers responsable; cette disposition ne confère toutefois aucun droit procédural particulier à l'organe en cause, notamment celui de pouvoir faire valoir, dans le cadre de l'action intentée contre lui et au moyen d'une dénonciation du litige, une prétention récursoire contre un tiers responsable. 
Dans un arrêt du 16 décembre 1986, le Tribunal fédéral des assurances avait admis que bien que la dénonciation de litige soit en règle ordinaire possible dans les procédures administratives sur action, la faculté pour l'employeur de faire valoir, dans le cadre de l'action principale, une prétention récursoire supposerait en l'espèce que le juge des assurances sociales fût compétent pour connaître de celle-ci (ATF 112 V 261 consid. 2c p. 263). Le recourant invoque cet arrêt, en vain: il ressort clairement de l'art. 71 LPA-GE - disposition topique dans le contexte - que l'autorité saisie a la faculté d'ordonner l'appel en cause, d'office ou sur requête, mais qu'elle n'en a pas l'obligation. Dans le cas d'espèce, le recourant ne démontre pas non plus que la juridiction cantonale aurait procédé de façon arbitraire en exerçant ce choix dans un sens qui ne lui convient pas, d'autant que le refus a fait l'objet d'une motivation particulière. 
Dès lors que le refus du tribunal cantonal d'ordonner l'appel en cause ne viole en aucune manière le droit fédéral, le recours est infondé. 
 
5. 
Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
Lucerne, le 22 août 2012 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Meyer 
 
Le Greffier: Berthoud