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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
4A_343/2019  
 
 
Arrêt du 5 juin 2020  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Hohl et May Canellas. 
Greffière : Mme Godat Zimmermann. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Enis Daci, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me Mike Hornung, 
intimée. 
 
Objet 
responsabilité civile professionnelle (avocat), 
 
recours contre l'arrêt rendu le 7 mai 2019 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/23101/2015, ACJC/726/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 1 er janvier 2013, l'étude C.________, société simple comptant parmi ses associés A.________ (ci-après: l'avocat), a contracté auprès de B.________ SA (ci-après: B.________ ou la société d'assurances) une assurance responsabilité civile professionnelle. La police en question renvoie aux conditions générales - assurance responsabilité civile, éd. 01.2010 (CG) ainsi qu'aux conditions complémentaires - avocats, notaires, fiduciaires, experts-comptables et professions analogues, éd. 01.2010 (CC); elle inclut des conditions particulières (CP).  
Selon l'art. 3.1 CP, " les risques et activités couverts sont ceux d'une étude d'avocats, notaires, experts fiscaux, experts juridiques, professeur et asses seur en droit fiscal." 
Aux termes de l'art. 1 let. b ch. 1 CC, "[la] description du risque « avocat » comprend exclusivement les activités en tant qu'avocat (l'activité profession nelle type d'un avocat y compris les points ci-après, mais pas les activités sortant de ce cadre, notamment les activités en tant qu'entrepreneur et fiduciaire) : liquidateur selon la LP, administrateur spécial de la faillite, membre d'une commission de surveillance au sens de l'art. 273 al. 2 LP, exécuteur testamentaire, tuteur, curateur ou conseil légal, arbitre, conseiller fiscal, médiateur, commissaire au sens de l'art. 295 al. 2 LP." 
L'art. 3 let. d et ch. 6 CC, ainsi que l'art. 6.6 CP prévoient que si la police contient une disposition expresse, l'assurance s'étend également aux extensions de couverture/risques supplémentaires, en parti culier à la responsabilité civile en cas de préjudice pécuniaire découlant de l'activité d'administrateur de société anonyme et de sociétés coopératives; si un assuré souhaite étendre l'assurance à sa fonction d'administrateur, il doit annoncer à B.________ tous ses mandats d'administrateur, les mandats d'administrateur de sociétés avec siège à l'étranger étant exclus. En ce qui concerne A.________, les mandats d'administrateur assurés sont ceux des sociétés D.________ SA et E.________ SA. 
L'art. 4 let. p CCexclut de l'assurance les prétentions à hauteur du montant correspondant aux honoraires de l'assuré dans l'affaire où l'action ou l'omission engageant sa responsabilité a eu lieu. 
 
A.b. En octobre 2012, F.________ (ci-après: le mandant) a consulté A.________ aux fins d'organiser l'installation de sa famille et de ses affaires en Suisse, ce qui incluait l'ouverture d'un compte bancaire à Genève.  
En novembre 2012, l'avocat a présenté le mandant à G.________, gérant de fortune auprès de la banque H.________ à Genève, afin qu'il y ouvre un compte. Cette opération n'a pas pu avoir lieu, l'intéressé n'ayant pas été en mesure de remettre l'original de son passeport. 
Dans la mesure où le mandant affirmait avoir plusieurs affaires en cours et prévoyait de recevoir à ce titre des versements imminents, A.________ a proposé qu'en attendant l'ouverture du compte, au moins l'un de ces virements soit effectué sur le compte de la société panaméenne I.________ SA (ci-après: la société panaméenne) auprès de la banque H.________, société dont l'avocat était fondé de pouvoir général et ayant droit économique. Ce procédé permettait à l'avocat de mettre immédiatement un numéro d'IBAN à disposition du client. 
Le 25 mai 2013, le montant de 237'297 euros a été versé sur le compte de la société panaméenne par J.________ Ltd (ci-après: la société J.________). 
A une date indéterminée, le mandant a cédé cette somme à A.________en règlement de ses notes de frais et honoraires; l'avocat en a rapidement disposé pour payer diverses dettes. 
Le 6 juin 2013, G.________ a informé A.________ que la banque turque qui avait procédé au virement susmentionné réclamait la restitution du montant versé à la demande de la société J.________. Le 10 juin 2013, il l'a avisé qu'une société chypriote en exigeait également le remboursement. 
Par la suite, l'avocat a tenté en vain d'obtenir de son mandant qu'il lui fournisse la documentation permettant de déterminer l'origine des fonds et de démontrer qu'il en était le bénéficiaire légitime. 
En définitive, il s'est avéré que le versement effectué par la société J.________ l'avait été pour le compte de K.________, domicilié en Iran. Ce dernier a soutenu avoir été induit en erreur par de faux e-mails adressés au nom de l'un de ses partenaires contractuels, soit la société L.________ Ltd, à laquelle il devait un montant de 237'297 euros en paiement d'une livraison de matériel. 
Le 8 août 2013, K.________ a déposé plainte pénale contre l'ayant droit économique de la société panaméenne - dont il ignorait alors qu'il s'agissait de A.________ - lui reprochant d'avoir perçu 237'297 euros et d'avoir utilisé cet argent alors qu'il ne lui était pas destiné. 
Le 19 décembre 2013 et le 14 février 2014, l'avocat a été entendu par le Ministère public en qualité de personne appelée à donner des renseignements, respectivement de prévenu. 
 
A.c. Le 28 janvier 2014, A.________ a adressé à B.________ une déclaration de sinistre. La société d'assurances a refusé d'intervenir, au motif que les prétentions en cause correspondaient aux honoraires dus par le mandant, ce qui était exclu par les CC. L'avocat a contesté cette position.  
Par convention du 28 avril 2014, K.________ et l'avocat ont convenu que, moyennant paiement de 237'297 euros et de 25'000 euros à titre de dépens, le premier nommé retirerait sa plainte pénale. B.________ n'a pas été informée de cette convention. 
Peu après, A.________ a exécuté, par l'intermédiaire de son avocat, les versements convenus en faveur de K.________, qui a retiré sa plainte. 
Par ordonnance du 20 mai 2014, le Ministère public a classé la procédure pénale. 
Le 10 juin 2014, A.________ a exposé à la société d'assurances l'entier du litige et a réclamé tant la couverture de son préjudice de 288'027 fr.60 (contrevaleur de 262'297 euros) que le remboursement de 20'163 fr.20 correspondant aux honoraires de son avocat. 
B.________ lui a rétorqué qu'il avait unilatéralement dédommagé K.________ sans l'avoir consultée au préalable, ce qui était contraire aux CG. En outre, les actes dommageables ne relevaient pas de l'ac tivité traditionnelle de l'avocat, mais de sa qualité d'administrateur et d'ayant droit économique de la société panaméenne, qui ne figurait pas au rang de celles qui étaient couvertes par la police d'assurance. 
Le 6 janvier 2016, l'étude C.________, en sa qualité de preneur d'assurance, a cédé à l'avocat sa créance à l'encontre de la société d'assurances. 
 
B.   
Le 21 avril 2016, A.________ a assigné B.________ en paiement de 262'297 euros, plus intérêts moratoires, au titre de couverture du sinistre et de 20'163 fr. au titre de couverture des frais de défense engagés dans la procédure pénale. 
Par jugement du 18 avril 2018, le Tribunal de première instance du canton de Genève a débouté le demandeur de ses conclusions. Il a considéré que la police d'assurance en jeu couvrait l'activité traditionnelle de l'avocat. Or, la mise à disposition à bien plaire du compte bancaire d'une société dont l'avocat était l'ayant droit économique ne relevait pas de cette catégorie. 
Par arrêt du 7 mai 2019, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel formé par A.________. Elle a considéré que l'avocat avait, certes, rendu à son client des services relevant du conseil juridique, ce qui représentait l'activité typique d'un avocat, mais il lui en avait également prodigué d'autres, consistant à encaisser des montants pour son compte, ce qui ne s'y apparentait pas. Cette activité-ci n'était pas en relation immédiate et/ou de causalité avec une activité traditionnelle d'avocat; elle n'était dès lors pas couverte par la police d'assurance. Le fait que le montant litigieux avait servi au paiement des honoraires de l'avocat n'y changeait rien, car la couverture d'assurance ne s'étendait pas aux montants perçus à ce titre. 
 
C.   
A.________ interjette un recours en matière civile, reprenant principalement les conclusions de sa demande en paiement. 
Dans sa réponse, B.________ a conclu au déboutement du recourant. 
Ce dernier a répliqué de manière spontanée, en prenant une conclusion préalable tendant à ce que le Tribunal fédéral déclare irrecevable la réponse de l'intimée. Celle-ci a brièvement dupliqué pour contester l'argumentation du recourant. 
Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF) et au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF). 
 
2.   
 
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 89; 138 II 331 consid. 1.3 p. 336; 137 II 313 consid. 1.4; 135 III 397 consid. 1.4 p. 400). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 139 I 22 consid. 2.3; 137 III 580 consid. 1.3; 135 III 397 consid. 1.4 in fine).  
Dans sa réplique spontanée, le recourant requiert que la réponse soit déclarée irrecevable, dans la mesure où l'intimée y invoque des motifs qui n'auraient pas été examinés par la cour cantonale. On ne saurait toutefois le suivre, d'autant que, comme on le verra ci-après, les motifs querellés, qui ne forment pas au demeurant tout l'argument de l'intimée, ne guideront pas le raisonnement de la cour de céans. 
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 140 III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi les conditions précitées seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes en conformité avec les règles de procédure les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). 
A de nombreuses occasions, le recourant perd de vue ces principes, non seulement lorsqu'il retrace l'historique de la société panaméenne, en décrit l'activité, ressasse le temps passé à l'exécution de son mandat et la raison qui lui a permis de considérer la somme versée comme sienne (car destinée à acquitter sa créance d'honoraires), mais également lorsqu'il détaille les domaines dans lesquels il a conseillé son mandant. Ce faisant, il s'écarte des faits retenus par l'autorité précédente, sans toutefois soulever le grief d'arbitraire. Il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Le Tribunal fédéral statuera ainsi sur la base des faits retenus dans l'arrêt attaqué. 
 
3.   
La cour cantonale s'est attachée tout d'abord à déterminer ce que recouvrait le risque "avocat" couvert par la police d'assurance; elle a déduit -  a priori - d'une interprétation objective des conditions complémentaires d'assurance que ce risque appréhendait exclusivement l'activité typique d'un avocat. Elle a jugé ensuite que l'activité développée  in casuet consistant à encaisser des montants pour le compte du mandant ne s'y apparentait pas.  
 
3.1. Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 18 al. 1 CO ainsi que de l'art. 33 LCA. Paradoxalement, il déclare n'avoir jamais contesté que la police d'assurance litigieuse ne le couvrait que pour son activité typique d'avocat. En tout état de cause, l'interprétation de la cour cantonale ne prête pas flanc à la critique. L'art. 1 let. b ch. 1 CC - dont la teneur est rappelée plus haut (cf. let. Aa) - est dépourvu d'ambiguïté à cet égard. Il n'y a là aucune violation des dispositions légales évoquées.  
 
3.2. Autre est la question de savoir si l'activité en lien avec la mise à disposition du compte de la société panaméenne pour les besoins de son mandant représente - ou non - une activité typique d'un avocat.  
 
3.2.1. La distinction entre activité typique (ou spécifique) et atypique d'un avocat n'est pas inédite. Elle a déjà occupé la jurisprudence, essentiellement en relation avec l'étendue du secret professionnel de l'avocat (art. 321 CP; ATF 143 IV 462 consid. 2.2 p. 467). Dans ce contexte, l'activité (typique) de l'avocat se distingue d'autres activités (accessoires) qui sont également exercées fréquemment par des avocats. Entrent dans la première catégorie la rédaction de projets d'actes juridiques, l'assistance et la représentation d'une personne devant des autorités administratives ou judiciaires, ainsi que les conseils juridiques (ATF 135 III 410 consid. 3.3 p. 414, 597 consid. 3.3 p. 601). Relèvent de la seconde catégorie notamment l'activité d'administrateur d'une société (ATF 135 III 410 consid. 3.3 p. 414, 597 consid. 3.3 p. 601; 115 Ia 197 consid. 3d/bb p. 199; 114 III 105 consid. 3a p. 107), celle qui relève de la gestion de fortune et du placement de fonds (lorsqu'elle n'est pas liée à l'exécution du mandat typique de l'avocat, par exemple à l'occasion d'un partage successoral ou d'une séparation de biens) (ATF 135 III 410 consid. 3.3 p. 414, 597 consid. 3.3 p. 601; 112 Ib 606), celle qui consiste exclusivement à effectuer ou encaisser des paiements pour le compte d'un tiers (ATF 135 III 410 consid. 3.3 p. 414; arrêt 1P.32/2005 du 11 juillet 2005 consid. 3.4) ou encore celle qui ressortit à la  compliance bancaire (ATF 143 IV 462 consid. 2.2 p. 467). Le critère décisif est de savoir si, pour la prestation de service en cause, ce sont des éléments commerciaux qui prédominent ou des éléments spécifiques de la profession d'avocat (ATF 132 II 103 consid. 2.1 p. 105; 124 III 363 consid. II/2b p. 366 et consid. II/2d p. 368; 120 Ib 112 consid. 4 p. 119; 117 Ia 341 consid. 6a/bb p. 349; 115 Ia 197 consid. 3d p. 199).  
 
3.2.2. Le recourant ouvre un second front sur ce point, expliquant qu'il a agi de la sorte pour "dépanner" son mandant.  
Cela étant, les circonstances dans lesquelles l'avocat a offert à son client de mettre le compte de la société panaméenne ouvert auprès de H.________ à sa disposition pour un unique versement ont été évoquées par la cour cantonale sans rien trahir de ses intentions. Le recourant ne se plaint d'ailleurs pas d'arbitraire à cet égard. Il s'agissait bien, comme l'autorité précédente l'a retenu, de permettre au mandant de disposer immédiatement d'un numéro d'IBAN. En tout état de cause, le recourant ne prétend pas que ses bonnes intentions suffiraient à imprimer un caractère typique à l'activité qu'il a déployée. Au demeurant, on ne discerne guère quelle prestation de nature intellectuelle, s'inscrivant dans un contexte juridique, il aurait ce faisant procuré au mandant. 
En revanche, le recourant franchit une étape supplémentaire, lorsqu'il affirme que ce "geste dépanneur" ne "prendrait (pas) le pas sur l'intense activité typique" qu'il avait exercée par ailleurs pour ce mandant. A le suivre, il y aurait donc attraction ou osmose en faveur de l'activité traditionnelle d'avocat qu'il a prodiguée, dans la mesure où cette dernière revêtirait un caractère prépondérant. Cette vision des choses ne saurait être partagée et aucun des arrêts auquel le recourant se réfère n'apporte le crédit nécessaire à son propos (cf. ATF 143 IV 462 consid. 2.2 p. 467; 135 III 410 consid. 3.3 p. 414). Au contraire, il résulte de l'arrêt 1B_264/2018 du 28 septembre 2018, cité par le recourant, que dans le cas de mandats problématiques - notamment mixtes ou globaux, par exemple lorsque les services relevant de l'activité typique ou accessoire s'imbriquent les uns aux autres -, l'avocat ne peut se prévaloir de son secret professionnel d'une manière générale et sans opérer de distinction; pour déterminer quels faits ou documents bénéficient de cette protection, il faut se référer à l'ensemble des circonstances concrètes du cas d'espèce (consid. 2.1 in fine; cf. également arrêts 1B_433/2017 du 21 mars 2018 consid. 4.3 et 1B_85/2016 du 20 septembre 2016 consid. 4.2) et opérer un tri, en fonction du type d'activité que l'avocat a déployé. 
Le recourant explique également que l'argent viré sur le compte de la société panaméenne devait  in fine être utilisé pour l'établissement du mandant en Suisse, le règlement de son statut fiscal, l'obtention d'un permis, la constitution de sociétés suisses et le paiement des honoraires d'avocat. Il en déduit qu'il existait une relation immédiate ou un lien de causalité entre les services traditionnels qu'il prodiguait à son mandant et le versement litigieux.  
Certes, l'arrêt 1P.32/2005 du 1er juillet 2005 a précisé que, s'il est vrai que l'activité consistant purement à encaisser ou verser des montants pour le compte de tiers ne relève pas de l'activité typique d'un avocat, il en va différemment si l'avocat est crédité de montants qui se trouvent en relation immédiate avec son mandat traditionnel (comme c'est le cas pour les virements liés à une procédure, les acomptes sur honoraires et ceux en relation avec des discussions transactionnelles ou contractuelles); il faut alors que ces paiements soient indissociables de cette activité (consid. 3.4). Rien n'indique toutefois que tel soit le cas ici; les assertions du recourant vont allègrement au-delà des faits qui ont été constatés souverainement par la cour cantonale et ne sauraient être retenues. 
Le recourant s'insurge en outre contre l'évocation, dans l'arrêt attaqué, de l'ATF 135 III 410, portant sur le cas d'un avocat qui avait contribué, avec d'autres personnes, à causer un dommage illicite à un tiers, après avoir mis à disposition quatre sociétés  offshore dans lesquelles il s'était fait inscrire comme administrateur, avait fait ouvrir auprès de plusieurs banques des comptes au nom de ces sociétés, agi en tant qu'organe de celles-ci et signé des formulaires A qui faisaient apparaître faussement le nom de l'ayant droit économique, afin de rendre plus difficile l'identification de l'origine des fonds qui avaient transité par ce dispositif; le Tribunal fédéral a confirmé la conclusion de la cour cantonale, selon laquelle l'activité considérée ne constituait pas une activité traditionnelle de l'avocat (consid. 4.3 p. 415). Cela étant, la cour cantonale n'a pas trahi le sens de cet arrêt dans son exposé en droit, pas plus qu'elle n'a procédé à une assimilation insoutenable dans le cadre de sa subsomption.  
Le recourant est d'avis encore que sa situation doit être comparée à celle ayant donné lieu à l'arrêt 2C_461/2014 du 10 novembre 2014. Il se leurre. Dans l'affaire précitée, l'avocat avait effectué une activité de conseil en proposant une solution dans l'intérêt commun de ses trois mandants, formalisée par la rédaction d'une convention de dépôt-séquestre pour eux. Le Tribunal fédéral a considéré que ces activités relevaient de l'activité professionnelle typique de l'avocat, couverte par le secret professionnel (consid. 4.2). Rien de comparable n'est décelé dans le cas présent. 
Enfin, contrairement à l'avis du recourant, il n'est pas nécessaire de qualifier précisément la nature du service qu'il a prodigué à son mandant, en mettant le compte de la société panaméenne à sa disposition. La cour cantonale a évoqué un mandat d'encaissement. Mais cet élément n'est pas crucial, car il importe surtout de déterminer s'il s'agit d'une activité traditionnelle pour un avocat. Or, à cet égard, la conclusion négative à laquelle est parvenue la cour cantonale échappe à toute critique. 
 
3.3. L'autorité précédente a écarté un autre argument de l'avocat qui entendait rattacher le versement litigieux à son activité typique, en soutenant que celui-ci était intervenu en paiement de ses honoraires. Elle a considéré que la couverture d'assurance ne s'étendait pas aux montants perçus à ce titre.  
Le recourant lui fait grief d'avoir procédé à une interprétation erronée des conditions d'assurance. Tel n'aurait pas été le sens de l'art. 4 let. p CC, qui aurait été modifié par l'art. 6.2 let. e CP. 
La critique tombe à faux. En effet, le versement en cause n'a pas été effectué en règlement des honoraires de l'avocat, puisque son auteur, K.________, a soutenu avoir été induit en erreur par de faux e-mails adressés au nom de l'un de ses partenaires contractuels, soit la société L.________ Ltd, à laquelle il devait un montant de 237'297 euros en paiement d'une livraison de matériel. L'avocat lui a d'ailleurs restitué ce montant. Ceci clôt toute discussion. 
 
4.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. 
En conséquence, le recourant prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera à l'intimée une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 7'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 5 juin 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
La Greffière : Godat Zimmermann