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[AZA 0/2] 
5C.130/2000 
 
IIe COUR CIVILE 
***************************** 
 
4 janvier 2001 
 
Composition de la Cour: M. Reeb, président, Mme Nordmann et 
M. Merkli, juges. Greffier: M. Braconi. 
 
__________ 
 
Dans la cause civile pendante 
entre 
Dame X.________, demanderesse et recourante, représentée par Me Mauro Poggia, avocat à Genève, 
 
et 
Y.________ Assurances de personnes (anciennement Z.________, Compagnie d'assurances sur la vie), défenderesse et intimée, représentée par Me Christian Bruchez, avocat à Genève; 
 
(contrat d'assurance) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- a) Le 20 février 1990, dame X.________ a conclu auprès de la Z.________, Compagnie d'assurances sur la vie, un contrat d'assurance mixte vie/décès. Le capital assuré en cas de décès était de 40'000 fr.; en cas de vie, quatre paiements de 10'000 fr. devaient intervenir le 28 février 1995, 2000, 2005 et 2010; la police prévoyait aussi, à titre d'assurance complémentaire, la libération du versement des primes en cas de perte de gain assurée dès le 91ème jour. Ce contrat était régi par diverses conditions générales, notamment le complément aux conditions générales d'assurance pour la libération du service des primes en cas d'incapacité de gain par suite de maladie ou d'accident (ci-après: CGA), lequel contient, en particulier, les clauses suivantes: 
 
"1.3.1. Les primes contractuelles sont dues jusqu'à ce que nous ayons constaté et reconnu l'incapacité de gain. Celles payées au-delà de la date à partir de laquelle la prestation est due, seront remboursées. 
 
1.3.2. En cas de reprise ou d'amélioration de la capacité de gain, le droit à la libération du service des primes s'éteint ou se réduit. Tout changement du degré d'incapacité de gain doit nous être communiqué immédiatement. 
Il sera pris en considération dès le jour où il s'est produit. Nous pouvons réexaminer en tout temps l'incapacité de gain et exiger une visite médicale si nécessaire. 
 
2.1. L'incapacité de gain de l'assuré doit nous être communiquée. Afin de faire valoir ses droits à la prestation, l'ayant droit devra faire établir à ses frais, à l'intention de notre médecin-conseil, un rapport du médecin traitant sur la maladie ou l'accident à l'aide d'une formule préimprimée. Nous pouvons demander d'autres renseignements et preuves complémentaires ou nous les procurer et exiger si nécessaire un examen médical à effectuer par notre médecin-conseil". 
b) Le 27 mai 1993, dame X.________ a été victime d'une entorse avec inversion de la cheville gauche; une incapacité de travail à 100% a été constatée et prise en charge par son assureur LAA. Le 17 janvier 1994, la prénommée a annoncé le sinistre, certificat médical à l'appui, à laZ. ________; celle-ci l'a liberée du service des primes du 27 mai au 31 décembre 1993, période qu'elle a prolongée jusqu'au 31 mai 1994, tout en la priant de lui remettre un nouveau certificat médical en septembre. En dépit de plusieurs rappels, cette invitation est demeurée vaine. 
 
Le 27 décembre 1994, la Z.________ a mis en demeure son assurée de lui payer dans les 14 jours la somme de 1'435 fr., correspondant aux primes dues pour la période du 1er juin au 31 décembre 1994; passé ce délai, les assurances sans valeur de rachat seront suspendues, l'assureur étant libéré de tout engagement, et celles ayant une valeur de rachat transformées en polices libérées du paiement des primes six mois après l'échéance de la première prime non payée, après compensation des arriérés. 
 
Le 5 janvier suivant, dame X.________ a transmis à la Z.________ un certificat médical, daté du 19 décembre 1994, établi par le Dr X.________, médecin-chef de la clinique d'orthopédie des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), attestant de son incapacité totale de travail du 27 mai 1993 à ce jour. Accusant réception de ce document le 20 janvier 1995, l'assureur a réclamé à l'intéressée une copie de la décision AI et de la feuille d'accident LAA ainsi que ses radiographies, ajoutant que l'incapacité de travail n'avait pu être confirmée par la clinique orthopédique; après les avoir demandées sans succès le 22 mars 1995, il a, le 25 avril, informé l'assurée de son intention de classer le dossier si les pièces en question ne lui parvenaient pas avant le 10 mai suivant. 
Le 4 décembre 1995, la Z.________ a communiqué à dame X.________ et à son conseil un avenant relatif à ses polices, en précisant que, "suite à la cessation du paiement des primes, le capital assuré se réduit à 11'934 fr." dès le 1er décembre 1994, et que "les assurances complémentaires tombent"; il y était en outre mentionné que, "si le preneur d'assurance ne demande aucune rectification dans les quatre semaines qui suivent la réception de l'avenant, la teneur en est considérée comme acceptée (art. 12 LCA)". Dans la lettre destinée à l'avocat, l'assureur rappelait qu'il n'était toujours pas en possession d'une pièce attestant de l'invalidité et que "la prise de position que (son) médecin-conseil a requise auprès de la clinique orthopédique (...) est toujours sans réponse depuis juin dernier", de sorte qu'il fallait en conclure qu'"aucune prestation n'était justifiée après le 1er mai 1994"; enfin, il l'informait que, à la suite des sommations du 27 décembre 1994, "les assurances ont été transformées en polices libérées du paiement des primes jusqu'à l'échéance pour des capitaux réduits" et que, partant, "les assurances complémentaires tombent". Le 31 janvier 1996, le Dr X.________ a adressé au médecin-conseil de l'assureur un exposé complet de l'état de santé de dame X.________, mais qui ne comporte aucune indication sur sa capacité de travail. 
 
Le 12 avril 1996, le mandataire de dame X.________ a réclamé à la Z.________ le versement de la tranche du capital assuré échéant le 28 février 1995, à savoir 10'000 fr., en produisant trois certificats médicaux datés des 17 janvier, 10 mai et 19 décembre 1994. A deux reprises, l'assureur a déclaré renoncer à la prescription, sans reconnaître pour autant les prétentions de son assurée. 
 
B.- Par demande déposée en vue de conciliation le 23 novembre 1998, dame X.________ a ouvert action en paiement de la somme précitée, avec intérêts à 5% l'an dès le 28 février 1995; la Z.________ a conclu à libération. 
Par jugement du 6 septembre 1999, le Tribunal de première instance de Genève a débouté la demanderesse de ses conclusions. Statuant le 14 avril 2000, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé cette décision. 
 
C.- Agissant par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral, dame X.________ conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à ce que la Z.________ soit condamnée à lui verser la somme de 10'000 fr., plus intérêts à 5% l'an du 28 février 1995, subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants; elle demande en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
L'intimée (dont la raison sociale est devenue dans l'intervalle "Y.________ Assurances de personnes") propose le rejet du recours dans la mesure où il est recevable et la confirmation de l'arrêt entrepris. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- a) Déposé à temps - compte tenu de la suspension des délais prévue par l'art. 34 al. 1 let. a OJ - contre une décision finale rendue dans une contestation civile par l'autorité suprême du canton, le présent recours est recevable du chef des art. 44, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ; il l'est aussi au regard de l'art. 46 OJ, la valeur litigieuse étant clairement atteinte. 
 
b) Sous réserve d'exceptions non réalisées dans le cas particulier, le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale (art. 63 al. 2 OJ); les griefs dirigés à l'encontre des constatations de fait et les faits nouveaux sont irrecevables (art. 55 al. 1 let. c OJ). Partant, la cour de céans ne saurait, notamment, prendre en considération les allégations d'après lesquelles la recourante a reçu une décision de l'assurance-invalidité à fin 1999, qui établirait qu'elle est actuellement incapable de travailler sans discontinuer depuis le 27 mai 1993, et qu'elle est aujourd'hui au bénéfice de prestations allouées par cette assurance. 
 
2.- L'art. 12 al. 1 LCA dispose que, si la teneur de la police ou de ses avenants ne concorde pas avec les conventions intervenues, le preneur d'assurance doit en demander la rectification dans les quatre semaines à partir de la réception de l'acte, faute de quoi, la teneur en est - de manière irréfragable (cf. arrêt de la IIe Cour civile du 22 novembre 1968, in: RBA XIII n° 46) - considérée comme acceptée. Pour les motifs exposés par l'autorité inférieure, auxquels il y a lieu de renvoyer pour le surplus (art. 36a al. 3 OJ), cette norme est inapplicable en l'espèce. 
 
3.- a) Selon l'art. 20 LCA, si la prime n'est pas payée à l'échéance ou dans le délai de grâce accordé par le contrat, le débiteur doit être sommé par écrit, à ses frais, d'en effectuer le paiement dans les quatorze jours à partir de l'envoi de la sommation, laquelle doit rappeler les conséquences du retard (al. 1); si la sommation reste sans effet, l'obligation de l'assureur est suspendue à partir de l'expiration du délai légal (al. 3), sous réserve de l'art. 93 de la loi (al. 4). Aux termes de cette dernière disposition, si le paiement des primes cesse après que l'assurance a été en vigueur pendant trois ans au moins, la valeur de réduction est due; l'assureur doit fixer cette valeur et, pour les assurances susceptibles de rachat, la valeur de rachat (al. 1); dans ce dernier cas, l'ayant droit peut, dans les six semaines après qu'il en a reçu communication, demander le rachat au lieu de la réduction (al. 2). Comme cela résulte de leur texte, ces normes règlent les conséquences de la demeure et, partant, supposent que le preneur soit débiteur de la prime réclamée; si l'assureur procède conformément aux art. 20 et 93 LCA, mais qu'il apparaît ensuite que la prime n'était pas due, notamment parce que le preneur devait en être exonéré en vertu d'une clause contractuelle, ces démarches sont dénuées d'effet juridique, et la police initiale demeure en vigueur dans toute son étendue. Tel serait le cas, en l'occurrence, si l'intimée était tenue de libérer la recourante du service des primes pour la période du 1er juin au 31 décembre 1994. 
 
b) Tant la loi (art. 39 LCA) que les conditions générales (ch. 1.3.2. et 2.1.) consacrent le devoir de l'assuré de fournir à l'assureur les renseignements propres à établir le bien-fondé de la prétention; il s'agit d'une incombance, dont la violation entraîne la perte de tout ou partie des prestations d'assurance (Keller, Kommentar zum Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, vol. I, p. 555 ss; König, Der Versicherungsvertrag, in: SPR VII/2, p. 646 ss, ainsi que les références citées par ces auteurs). 
 
En l'espèce, il est incontesté que la recourante a annoncé le sinistre en conformité avec la loi et les conditions générales (art. 38 al. 1 LCA et ch. 2.1., 1ère phrase, CGA); l'intimée l'a d'ailleurs libérée du service des primes du 27 mai 1993 au 31 mai 1994. A l'échéance de cette période, l'assureur était en droit d'exiger de son assurée qu'elle le renseigne sur son incapacité de gain (art. 39 al. 1 LCA et ch. 1.3.2., 2.1. CGA). L'intéressée ne s'étant pas exécutée en dépit de plusieurs rappels, elle a été mise en demeure le 27 décembre 1994 de s'acquitter dans les 14 jours des primes en souffrance. La remise du certificat médical le 5 janvier 1995 n'empêchait pas l'assureur de réclamer des informations complémentaires, dès lors que l'incapacité de travail n'avait pu être confirmée par la clinique orthopédique (art. 39 al. 2 ch. 1 LCA et ch. 1.3.2., 2.1. CGA). Or, il résulte des constatations de l'arrêt entrepris (art. 63 al. 2 OJ) que, hormis un rapport médical du 31 janvier 1996 ne comportant aucune indication sur la capacité de travail, la recourante n'a pas produit les documents requis, bien qu'elle y ait été invitée à deux reprises. Il est exact que les conditions générales ne prévoient (explicitement) aucune déchéance des prétentions de l'assuré qui a omis de communiquer certaines pièces à l'assureur, comme le permet, sous réserve de l'art. 45 al. 3 LCA, l'art. 39 al. 2 ch. 2 LCA; mais une telle sanction se déduit automatiquement des dispositions légales applicables dans le cas présent: tant que le droit d'être libéré du service des primes n'a pas été documenté, celles-ci restent dues, avec les conséquences rattachées à la demeure (supra, let. a). La conclusion de l'autorité cantonale est, dès lors, conforme au droit fédéral. 
 
c) Le moyen pris d'une violation de l'art. 33 LCA est mal fondé, pour le motif déjà que le ch. 1.3.1. CGA ne peut être qualifié de "clause d'exclusion", notion qui fait appel au risque assuré (cf. Keller, op. cit. , p. 448). On ne saurait davantage affirmer que cette clause soit inopposable à la recourante en vertu de l'art. 41 al. 2 LCA. En effet, l'art. 41 al. 1 LCA fixe l'exigibilité de la prétention à quatre semaines après le moment où l'assureur "a reçu les renseignements de nature à lui permettre de se convaincre du bien-fondé de la prétention"; or, on l'a vu (supra, let. b), ces renseignements n'ont précisément pas été fournis, si bien que la prestation d'assurance n'était pas même échue (Keller, op. cit. , p. 566 et les citations). Dans ces conditions, il est superflu d'examiner en l'espèce si la clause incriminée contrevient à l'art. 8 LCD (cf. sur ce point: ATF 119 II 443 consid. 1c p. 447/448 et les références citées). 
4.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, et la décision entreprise confirmée. Les conclusions de la recourante n'apparaissaient pas d'emblée vouées à l'insuccès, en sorte qu'il convient de lui accorder le bénéfice de l'assistance judiciaire (art. 152 al. 1 OJ); cela ne la dispense pas, pour autant, de verser des dépens à sa partie adverse, qui l'emporte (ATF 122 I 322 consid. 2c p. 324/325; Messmer/Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, p. 40). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours dans la mesure où il est recevable et confirme l'arrêt entrepris. 
 
2. Admet la requête d'assistance judiciaire de la recourante et lui désigne Me Mauro Poggia, avocat à Genève, comme avocat d'office. 
 
3. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la charge de la recourante, mais dit qu'il est provisoirement supporté par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
4. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera au conseil de la recourante une indemnité de 1'500 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office. 
 
5. Dit que la recourante versera à l'intimée une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens. 
 
6. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
__________ 
Lausanne, le 4 janvier 2001 BRA/frs 
 
Au nom de la IIe Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE : 
Le Président, 
 
Le Greffier,