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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
5A_91/2019  
 
 
Arrêt du 4 février 2020  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
von Werdt et Bovey. 
Greffière : Mme Gauron-Carlin. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
3. C.________, 
tous trois représentés par Me François Roux, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Juge de paix du district de Morges, 
rue St-Louis 2, 1110 Morges, 
 
D.________, 
représentée par Mes Julien Perrin et Romain Herzog, avocats, 
 
Objet 
établissement du certificat d'héritier - détermination de la qualité d'un bénéficiaire, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 20 décembre 2018 (ST17.003147-181952 380). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par testament authentique du 4 décembre 2012, E.________ a légué à son épouse C.________, conformément à l'art. 473 CC, l'usufruit de la totalité des biens dévolus à leurs enfants A.________ et B.________, institués seuls héritiers de la succession. Il a légué à sa fille D.________, pour lui tenir lieu de droit de succession, une part de sa succession équivalent à ses droits d'héritière réservataire d'un quart, part également grevée de l'usufruit en faveur de son épouse.  
E.________ est décédé le 23 décembre 2016. 
 
A.b. Le 23 août 2018, D.________ a accepté la succession de feu E.________ sous bénéfice d'inventaire, mesure qu'elle avait requise le 12 janvier 2017.  
 
B.   
Le 30 août 2018, D.________, considérant disposer de la qualité d'héritière, a requis la délivrance d'un certificat d'héritier. 
Le 5 septembre 2018, la veuve et les deux autres enfants du défunt se sont opposés à ce que la qualité d'héritière soit reconnue à D.________. 
Par décision du 28 novembre 2018, la Juge de paix du district de Morges a indiqué avoir procédé à la détermination des héritiers de la succession de feu E.________ et annoncé que les filles et le fils du défunt figureraient sur le certificat d'héritier, tandis que la veuve y figurerait en qualité d'usufruitière. 
Statuant par arrêt du 20 décembre 2018, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé le 10 décembre 2018 par A.________, B.________ et C.________ et confirmé la décision du 28 novembre 2018. 
 
C.   
Par acte du 30 janvier 2019, A.________, B.________ et C.________ exercent un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Ils concluent à la réforme de l'arrêt déféré en ce sens que la qualité d'héritière n'est pas reconnue à D.________ dans la succession de feu E.________. Au préalable, ils sollicitent l'octroi de l'effet suspensif à leur recours. 
D.________ s'est opposée à l'effet suspensif sollicité, plaidant le caractère provisoire du certificat d'héritier, partant sa possible rectification. 
L'autorité intimée s'en est remise à justice quant à la requête d'effet suspensif. 
Par ordonnance du 20 février 2019, le Président de la IIe Cour de droit civil du Tribunal fédéral a refusé l'effet suspensif requis, faute de risque de préjudice irréparable pour les recourants. 
Le dossier de la cause, renvoyé à l'autorité intimée au mois de septembre 2019 afin qu'elle puisse établir le certificat d'héritier, a été retourné à la Cour de céans au mois de décembre 2019. 
Des réponses au fond n'ont pas été requises. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
L'établissement et la délivrance d'un certificat d'héritier relève de la juridiction gracieuse (ATF 118 II 108 consid. 1; arrêt 5A_800/2013 du 18 février 2014 consid. 1.2). La cause est de nature pécuniaire, dès lors que la requête vise un but économique (arrêts 5A_395/2010 du 22 octobre 2010 consid. 1.2.2; 4A_584/2008 du 13 mars 2009 consid. 1.1 non publié aux ATF 135 III 304). En l'espèce, la valeur litigieuse est atteinte, au vu du bénéfice d'inventaire mentionnant une créance de 1'778'073 fr. 90 pour un passif de 24'609 fr. 15 (art. 51 al. 2 et 74 al. 1 let. b LTF). Le présent recours a en outre été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme requise (art. 42 LTF), par des parties ayant pris part à la procédure devant l'autorité précédente (art. 76 al. 1 let. a LTF), contre une décision prise sur recours par un tribunal supérieur statuant en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF). Le recours en matière civile est donc en principe recevable au regard des dispositions qui précèdent. 
Le point de savoir si les recourants disposent d'un intérêt à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 76 al. 1 let. b LTF), dès lors qu'ils ont toujours été amenés à figurer sur le certificat d'héritier en qualité d'héritiers, respectivement d'usufruitière au sens de l'art. 473 CC, est douteuse (arrêt 5A_570/2017 du 27 août 2018 consid. 1) mais peut souffrir de demeurer indécise vu le sort du présent recours. 
 
2.   
Dès lors que la procédure d'établissement du certificat d'héritier n'a pas pour objet de statuer matériellement sur la qualité d'héritier et que le certificat d'héritier n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée matérielle, la décision d'établissement et de délivrance du certificat d'héritier constitue, de jurisprudence constante, une mesure provisionnelle au sens de l'art. 98 LTF (arrêts 5A_757/2016 du 31 août 2017 consid. 2; 5A_533/2015 du 7 décembre 2015 consid. 2; 5A_800/2013 du 18 février 2014 consid. 1.3; 5A_495/2010 du 10 janvier 2011 consid. 1.2; 5A_162/2007 du 16 juillet 2007 consid. 5.2). 
 
2.1. Saisi d'un recours en matière civile au sens de l'art. 98 LTF, le Tribunal fédéral dispose d'un pouvoir d'examen limité, seule pouvant être dénoncée la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés conformément à l'art. 106 al. 2 LTF (" principe d'allégation "), à savoir expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 139 I 229 consid. 2.2; 137 III 580 consid. 1.3; 135 III 232 consid. 1.2; 134 I 83 consid. 3.2). Le recourant qui se plaint d'arbitraire ne saurait, dès lors, se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel. Il doit démontrer, par une argumentation précise, que cette décision repose sur une application de la loi ou une appréciation des preuves manifestement insoutenables (ATF 133 III 585 consid. 4.1; 130 I 258 consid. 1.3 et les références).  
 
2.2. De jurisprudence constante, l'arbitraire (art. 9 Cst.) ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait envisageable ou même préférable. Une décision est arbitraire (art. 9 Cst.) lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit censurée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 144 III 145 consid. 2; 140 III 16 consid. 2.1; 139 III 334 consid. 3.2.5; 138 I 305 consid. 4.4; 138 III 378 consid. 6.1; 137 I 1 consid. 2.6). Pour être jugée arbitraire, la violation du droit doit être manifeste et pouvoir être reconnue d'emblée. Le Tribunal fédéral n'a pas à examiner quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement dire si l'interprétation qui a été faite est défendable. Il appartient au recourant de démontrer en quoi l'application qui a été faite du droit est arbitraire (art. 106 al. 2 LTF; ATF 144 III 145 consid. 2 et les références).  
 
3.   
Le présent recours a pour objet l'annonce de la délivrance d'un certificat d'héritier mentionnant en cette qualité l'une des filles du  de cujus, laquelle a été gratifiée selon les termes d'un testament authentique d'un legs d'une quote-part de la succession équivalant à sa réserve.  
 
4.   
Les recourants dénoncent l'application arbitraire (art. 9 Cst; cf.  supra consid. 2.2) des art. 483 al. 2 et 559 al.1 CC, soutenant que le texte et la structure clairs du testament authentique désignent D.________ comme simple légataire, que la volonté du  de cujus était d'exclure l'une de ses filles de sa succession, de sorte que les autorités cantonales ont versé dans l'arbitraire en considérant, sur la base de l'art. 483 al. 2 CC, qu'elle devait être mentionnée dans le certificat d'héritier à titre d'héritière. Ils font valoir que D.________ n'est qu'héritière virtuelle et qu'elle ne pourra éventuellement faire reconnaître sa qualité d'héritière qu'au terme d'un jugement. Aussi, dans le doute quant à la qualité d'héritière de D.________, l'autorité cantonale devait refuser ou à tout le moins surseoir à délivrer le certificat d'héritier requis.  
 
4.1. L'autorité précédente a considéré que le premier juge avait à juste titre annoncé, au terme d'un examen sommaire, faire figurer D.________ sur le certificat d'héritier, en application de l'art. 483 al. 2 CC, dès lors que l'attribution d'une quote-part de la succession est présumée être une institution d'héritier, en dépit de la terminologie employée dans le testament authentique. La Chambre des recours civile a en outre ajouté que, contrairement au libellé de l'art. 559 al. 1 CC, la légitimité pour requérir la délivrance d'un certificat d'héritier appartient à toute personne intéressée.  
 
4.2. La procédure d'établissement du certificat d'héritier (art. 559 al. 1 CC) n'a pas pour objet de statuer matériellement sur la qualité d'héritier, de sorte que le certificat d'héritier n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée matérielle quant à la qualité d'héritiers des personnes qui y sont mentionnées (ATF 128 III 318 consid. 2; 118 II 108 consid. 2b; arrêts 5A_570/2018 du 27 août 2018 consid. 5.3 et 7.2; 5A_841/2013 du 18 février 2014 consid. 5.2.2; 5A_764/2010 du 10 mars 2011 consid. 3.3.1); partant il ne confère aucun droit matériel aux personnes qui y sont mentionnées. Il s'ensuit que, dans le cadre de la délivrance du certificat d'héritier, l'autorité compétente doit procéder à un examen provisoire  prima facie; autrement dit, elle doit examiner sommairement les dispositions à cause de mort du  de cujus, par simple lecture du texte (JACQUES CHAUSSON, Le certificat d'héritier, thèse, 1924, p. 68 s.; EDUARD SOMMER, Die Erbbescheinigung nach schweizerischem Recht, thèse, 1941, p. 97; JEAN-FRANÇOIS POUDRET, La mention des réservataires dans le certificat d'héritier et ses incidences sur les actions successorales, RSJ n° 55, 1959, p. 233 ss, p. 240), en recherchant le sens évident de celui-ci (ISABELLE BOSON, Le certificat d'héritier, Revue valaisanne de jurisprudence, 2003, p. 203 ss, 206). Le certificat d'héritier ne garantit ainsi pas la vocation successorale: sa délivrance n'empêche pas qu'une action en annulation, en réduction ou en pétition d'hérédité soit introduite (art. 559 al. 1, 2ème phr. CC; arrêt 5A_841/2013 du 18 février 2014 consid. 5.2.2).  
En vertu de l'art. 483 al. 2 CC, toute disposition portant sur l'universalité ou une quote-part de la succession, notamment la réserve, est réputée institution d'héritier (ATF 100 II 98 consid. 1; arrêt 4C.85/1989 du 24 octobre 1989 consid. 2). Aussi, en cas d'attribution d'une fraction du patrimoine successoral, d'une quote-part ou d'un rapport de valeur, la volonté du disposant de prévoir une institution d'héritier est présumée, nonobstant l'utilisation des termes " héritier " ou " successeur universel " (PAUL-HENRI STEINAUER, Le droit des successions, 2ème éd., 2015, n° 527 p. 287). L'élément déterminant pour distinguer une institution d'héritier d'un legs est la volonté du disposant, sans s'attacher à la lettre du texte, bien que les termes utilisés soient plus décisifs dans un acte notarié que dans un testament sous seing privé (STEINAUER,  op. cit.,n° 527a p. 287, avec la référence).  
 
4.3. Le Juge de paix qui annonce le contenu du certificat d'héritier qu'il s'apprête à dresser ne tranche aucune question de droit matériel et se limite à un examen sommaire. Il se fonde sur le texte des dispositions à cause de mort, ainsi que sur la loi. Certes, littéralement, D.________ figure dans le testament public en qualité de légataire, mais celle-ci se voit attribuer une fraction de la succession correspondant à sa réserve et non des biens déterminés. Il est vrai que, comme le soulignent justement les recourants, le  de cujus a adopté son testament, passé en la forme authentique, avec le concours d'un notaire. Or, ce dernier ne pouvait ignorer qu'en dépit des termes " Je lègue ", l'attribution d'une quote-part, singulièrement de la réserve, est réputée être une institution d'héritier (cf.  supra consid. 4.2); au demeurant, seule la réserve d'un descendant commun héritier réservataire peut être grevée de l'usufruit à forme de l'art. 473 CC, privant ledit héritier réservataire lésé de son action en réduction jusqu'au remariage du conjoint survivant (art. 473 al. 3 CC; STEINAUER,  op. cit., n° 447 p. 249). Par conséquent, l'attribution d'une fraction de la succession équivalant à la réserve et grevée du legs d'usufruit de l'art. 473 CC en faveur de la veuve (cf. art. 3 let. a 1er tiret du testament authentique) peut sans arbitraire être tenue, à l'issue d'un examen sommaire, pour la volonté du  de cujus de procéder à une institution d'héritier, malgré l'emploi des termes " Je lègue " dans le testament. A tout le moins, les recourants ne démontrent pas que la décision de l'autorité précédente de considérer D.________ comme héritière au terme d'un examen sommaire et sans effet matériel sur la vocation successorale serait insoutenable, partant arbitraire (art. 9 Cst.; cf.  supra consid. 2.2), même si la solution inverse fondée sur la lecture littérale du testament rédigé par un notaire eût également été concevable. Le grief d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'application des art. 483 al. 2 et 559 al. 1 CC est ainsi mal fondé, dans la mesure où il est recevable.  
 
4.4.   
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. Les recourants, qui succombent sur le fond et ont précédemment succombé dans leur requête d'effet suspensif, supporteront solidairement entre eux les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr. (art. 66 al. 1 LTF). D.________, qui s'est déterminée sur la requête d'effet suspensif uniquement, se verra allouer une indemnité de dépens, arrêtée à 500 fr. à charge des recourants, solidairement entre eux (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge des recourants solidairement entre eux. 
 
3.   
Une indemnité de 500 fr., à payer à D.________ à titre de dépens, est mise à la charge des recourants solidairement entre eux. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la La Juge de paix du district de Morges et à la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 4 février 2020 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Gauron-Carlin