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[AZA 0/2] 
2P.112/2001 
 
IIe COUR DE DROIT PUBLIC 
*********************************************** 
 
2 novembre 2001 
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président, 
Hungerbühler, Müller, Merkli et Berthoud, juge suppléant. 
Greffière: Mme Rochat. 
 
__________ 
 
Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
A.________, représenté par ses parents, ainsi que B.________ et C.________, tous représentés par Me Peter Goetschi, avocat à Fribourg, 
 
contre 
l'arrêt rendu le 15 mars 2001 par le Tribunal administratif du canton de Fribourg (1ère Cour administrative), dans la cause qui oppose le recourant à la Direction de l'instruction publique et des affaires culturelles du canton de Fribourg; 
 
(art. 18 Cst. ; liberté de la langue et école obligatoire) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- B.________ et C.________, de langue maternelle allemande, résident dans la commune de Granges-Paccot depuis environ dix ans. Ils y ont acquis un terrain sur lequel ils ont construit une villa familiale qu'ils occupent avec leur fils A.________ et leur fille cadette. La commune de Granges-Paccot est sise dans le district de la Sarine, district bilingue avec forte minorité alémanique. La langue officielle de Granges-Paccot est le français et la commune appartient à un cercle scolaire dispensant un enseignement scolaire en langue française. 
 
Le 23 février 2000, B.________ et C.________ ont requis de l'inspectrice scolaire des classes enfantines l'autorisation de scolariser leur fils A.________ dans la classe enfantine de langue allemande de l'école du Jura, à Fribourg, dont il avait déjà fréquenté le jardin d'enfants. L'inspectrice scolaire a rejeté leur demande le 14 avril 2000; elle a considéré qu'un changement de cercle scolaire pour raisons de langue ne pouvait être admis qu'à titre exceptionnel et que les motifs avancés n'étaient pas suffisants pour accorder une dérogation. 
 
B.________ et C.________ ont contesté cette décision devant la Direction de l'instruction publique et des affaires culturelles. A l'appui de leur recours, ils ont notamment fait valoir que leurs enfants étaient élevés dans un milieu culturel allemand, qu'ils avaient eux-mêmes accompli leur parcours scolaire en langue allemande, alors que C.________ avait vécu à Granges-Paccot pratiquement depuis sa naissance, et qu'ils ne pouvaient assurer le suivi scolaire de leur fils A.________ qu'en langue allemande. 
Par décision du 14 juillet 2000, la Direction de l'instruction publique et des affaires culturelles a rejeté le recours. Invoquant la prééminence du principe constitutionnel de la territorialité des langues sur celui de la liberté de la langue, elle a estimé que le fait d'être de langue maternelle allemande n'entraînait pas un droit à un changement de cercle scolaire, sous réserve de motifs impérieux ou prépondérants non réalisés dans le cas particulier. 
 
B.- Le 11 septembre 2000, B.________ et C.________ ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif qui, par arrêt du 15 mars 2001, a rejeté le recours. 
Se fondant également sur le principe de la territorialité des langues, consacré par la constitution cantonale, il a confirmé que la loi scolaire privilégiait l'homogénéité linguistique et qu'elle ne reconnaissait pas le libre choix du cercle scolaire pour des raisons de langue. Une telle restriction du droit à la liberté de la langue, garantie par la Constitution fédérale, devait être justifiée par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité, cette double condition étant réalisée dans le cas d'espèce. 
 
C.- C.________ et B.________, ainsi que leur fils A.________, forment un recours de droit public auprès du Tribunal fédéral et concluent, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt du Tribunal administratif du 15 mars 2001. Ils se plaignent d'une violation de la liberté de la langue, d'une interprétation arbitraire de la loi scolaire et d'une violation du principe de la protection de la bonne foi. 
 
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. 
Quant à la Direction de l'instruction publique et des affaires culturelles, elle conclut au rejet du recours, avec suite de frais. 
Considérant en droit : 
 
1.- a) Selon l'art. 37 al. 3 OJ, l'arrêt du Tribunal fédéral est rédigé dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Si les parties parlent une autre langue officielle, l'expédition peut être rédigée dans cette langue. En l'espèce, les recourants sont de langue maternelle allemande et leur recours auprès du Tribunal fédéral est rédigé en allemand. Devant le Tribunal administratif, ils ont toutefois procédé en français, par l'intermédiaire du même mandataire. Il n'y a dès lors pas lieu de s'écarter de la règle générale; le présent arrêt sera ainsi rédigé dans la langue de la décision entreprise, soit en langue française. 
 
b) Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 III 41 consid. 1a p. 42; 126 I 81 consid. 1 p. 83 et les arrêts cités). 
 
c) Selon l'art. 88 OJ, le recours de droit public est ouvert uniquement à celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés. 
En tant qu'elle concerne l'année scolaire 2000 - 2001, la décision attaquée ne présente plus d'intérêt actuel, dès lors que A.________ a achevé son école enfantine. Toutefois, le Tribunal fédéral renonce exceptionnellement à l'exigence d'un intérêt pratique et actuel lorsque le recourant soulève une question de principe susceptible de se reproduire dans les mêmes termes, sans que le Tribunal fédéral ne soit jamais en mesure de statuer en temps utile (ATF 127 III 429 consid. 1b p. 432; 125 I 394 consid. 4b p. 397; 124 I 231 consid. 1b; 123 II 285 consid. 4c p. 287). Cette condition est remplie en l'espèce, dans la mesure où les recourants ont présenté une nouvelle demande de changement de cercle scolaire pour l'école primaire qui a été écartée pour les mêmes motifs que ceux développés dans la décision attaquée. 
 
Formé en temps utile contre une décision finale rendue en dernière instance cantonale, le recours répond en outre aux autres conditions de recevabilité des art. 84 ss OJ, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond. 
 
2.- La liberté de la langue, autrefois confinée au rang de droit constitutionnel non écrit d'origine jurisprudentielle (ATF 91 I 480), est désormais expressément garantie par l'art. 18 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999. 
Cette garantie comprend notamment l'usage de la langue maternelle. 
Lorsque cette langue est également l'une des quatre langues nationales, son emploi est protégé par l'art. 4 Cst. 
L'art. 8 al. 2 Cst. prohibe en outre toute discrimination du fait de la langue. 
 
Dans les rapports du citoyen avec l'autorité, la portée du principe de la liberté de la langue concerne plus particulièrement les domaines de la langue de l'enseignement et celui de la langue officielle des cantons, notamment de la langue judiciaire. 
 
Selon l'art. 70 al. 2 Cst. , "les cantons déterminent leurs langues officielles. Afin de préserver l'harmonie entre les communautés linguistiques, ils veillent à la répartition territoriale traditionnelle des langues et prennent en considération les minorités linguistiques autochtones". Cette disposition consacre le principe de la territorialité des langues, qui ne constitue pas un droit constitutionnel individuel, mais représente une restriction à la liberté de la langue dans la mesure où il permet aux cantons de prendre des mesures pour maintenir l'homogénéité et les limites traditionnelles des régions linguistiques (ATF 122 I 236 con-sid. 2c p. 238/239; 121 I 196 consid. 2a p. 198 et les références citées). La portée du principe de la territorialité des langues est sujette à controverses. C'est en raison de ces controverses que le Conseil fédéral a proposé, dans le cadre de la révision totale de la Constitution, de ne pas mentionner expressément, à côté de la garantie de la liberté de la langue, le correctif du principe de la territorialité (Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale; FF 1997 I p. 164/165). Au sens strict, ce principe implique qu'à chaque territoire corresponde une langue, afin d'assurer l'homogénéité linguistique de ce territoire; ainsi, chaque canton, district ou commune devrait pouvoir conserver sa langue traditionnelle, malgré l'immigration de personnes d'expression étrangère (MichelRossinelli, La question linguistique en Suisse: Bilan critique et nouvelles perspectives juridiques, in: RDS 1989, vol. 1 p. 161 ss, spéc. p. 166; Giorgio Malinverni, Commentaire de la Constitution fédérale, 1987, n. 23 ss ad art. 116 aCst.). Dans un sens plus large, il doit favoriser, en harmonie avec le principe de la liberté de la langue, la co-existence pacifique des langues nationales et la protection des langues minoritaires (ATF 122 I 236 consid. 2e p. 240; 121 I 196 consid. 2b p. 198/199 et les références citées). Les principes de la liberté de la langue et de la territorialité peuvent toutefois entrer en conflit: en effet, le premier protège le droit du citoyen de s'exprimer et de recevoir un enseignement dans sa langue, alors que le second tend à la stabilisation et l'homogénéité des régimes linguistiques. 
 
La jurisprudence admet que le critère de la territorialité s'applique, en principe, à la langue de l'enseignement. 
Dans l'école publique, l'enseignement est généralement dispensé dans la langue officielle du lieu concerné et la liberté de la langue ne confère pas aux minorités linguistiques le droit inconditionnel à un enseignement dans leur langue maternelle. Cette jurisprudence a été critiquée par la doctrine se réclamant d'une prééminence du principe de la liberté de la langue sur celui de la territorialité (ATF 122 I 236 consid. 2d p. 239/240). La doctrine récente partage ces critiques: 
Barbara Wilson (La liberté de la langue des minorités dans l'enseignement, Bâle 1999) préconise une reconnaissance accrue du droit constitutionnel de la liberté de la langue (op. cit. p. 295 ss). Marco Borghi (La liberté de la langue et ses limites in Droit constitutionnel suisse édité par Daniel Thürer, Jean-François Aubert et Jörg Paul Müller, Zurich 2001, p. 607 ss, spéc. p. 616/617) propose un renforcement du droit d'obtenir un enseignement dans la langue d'origine de l'élève sur la base des art. 18 et 8 Cst. 
Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier (Droit constitutionnel suisse, volume II, Berne 2000) soutiennent pour leur part que la liberté de la langue bénéficie désormais d'un ancrage constitutionnel plus solide que le principe de la territorialité (p. 455) et que sa portée autonome devrait être plus souvent décisive dans la jurisprudence du Tribunal fédéral (p. 463). Enfin, Julian T. Hattinger, (La diversité culturelle, in "La nouvelle Constitution suisse", Publication de l'Institut du Fédéralisme, Fribourg Suisse 2000, vol. 26 p. 50 à 52), estime que le principe de la liberté des langues constitue une ouverture qui ne devrait être limitée qu'avec nuances en faveur de la langue majoritaire, lorsque certains intérêts collectifs sont en jeu. Il y a lieu toutefois de s'en tenir au principe général selon lequel le droit constitutionnel fédéral n'impose pas aux collectivités publiques l'obligation d'offrir aux particuliers venant s'établir sur leur territoire un enseignement dans une autre langue que celle qui est officiellement pratiquée dans la région concernée (ATF 122 I 236 consid. 2d p. 240). 
 
3.- Sous réserve des limites posées par le droit constitutionnel fédéral, il appartient en premier lieu aux cantons de réglementer l'usage de la langue à l'intérieur de leurs frontières (ATF 122 I 236 consid. 2h p. 242; 121 I 196 consid. 2c p. 199). 
 
a) L'art. 21 de la Constitution du canton de Fribourg (ci-après: Cst. FR) a la teneur suivante: 
"1. Le français et l'allemand sont des langues officielles. 
Leur utilisation est réglée dans le respect 
du principe de la territorialité. 
 
2. L'Etat favorise la compréhension entre les deux 
communautés linguistiques". 
 
Comme l'art. 70 Cst. , cette disposition indique quelles sont les langues officielles. Elle ne cite pas la liberté de la langue - déjà garantie par le droit constitutionnel fédéral - mais mentionne expressément le principe de la territorialité, donnant à celui-ci un poids particulier (ATF 121 I 196 consid. 2c p. 200; Joseph Voyame, Avis de droit délivré au Conseil d'Etat du canton de Fribourg le 30 septembre 1991 au sujet du nouvel article constitutionnel sur les langues officielles et au sujet de son application dans la législation et la pratique, in: Bulletin officiel des séances du Grand Conseil du canton de Fribourg, 1992, p. 2813 ss, spéc. p. 2833). Dans son avis, cet auteur (op. 
cit. , p. 2829 ss) souligne l'importance des travaux préparatoires au cours desquels, à diverses reprises, il a été question d'une certaine retenue dans l'application du principe de la territorialité pour tenir compte de l'exigence de la proportionnalité et préserver la paix des langues (ATF 121 I 196 consid. 2 p. 200). Pour le canton de Fribourg, il est significatif que, même si le statut des langues s'articule en deux alinéas, le principe de la territorialité est mis en relation avec le mandat de favoriser la compréhension entre les deux communautés linguistiques et se trouve ainsi relativisé (ATF 121 I 196 consid. 2c p. 200; voir également Charles-Albert Morand, Liberté de la langue et principe de territorialité. 
Variations sur un thème encore méconnu, in: RDS 1993, vol I p. 31 et Thomas Fleiner-Gerster, Das sprachliche Territorialitätsprinzip in gemischtsprachigen Gebieten, in: 
Législation d'aujourd'hui, 1991/1, p. 93 ss). 
 
La jurisprudence ne reconnaît une portée propre à une garantie constitutionnelle de droit cantonal qu'en tant que celle-ci offre une protection plus étendue que celle du droit constitutionnel fédéral (ATF 121 I 196 consid. 2d p. 200; 119 Ia 53 consid. 2 p. 55; 118 Ia 427 consid. 4a p. 433). Même si, en énonçant le principe de la territorialité, la Constitution du canton de Fribourg reprend une règle qui découle aussi du droit fédéral, il y a toutefois lieu de tenir compte des éléments propres au droit cantonal, en particulier de la combinaison du principe de la territorialité avec le mandat de favoriser la compréhension entre les deux communautés linguistiques. 
 
b) Dans le domaine de l'enseignement, la loi sur l'école enfantine, l'école primaire et l'école du cycle d'orientation du 23 mai 1985 (ci-après: la loi scolaire) contient les dispositions suivantes: 
 
"Art. 7. L'enseignement est donné en français dans 
les cercles scolaires où la langue officielle est 
le français, et en allemand dans les cercles scolaires 
où la langue officielle est l'allemand. 
 
Lorsqu'un cercle scolaire comprend une commune 
de langue officielle française et une commune 
de langue officielle allemande, ou une commune bilingue, 
les communes du cercle scolaire assurent la 
fréquentation gratuite de l'école publique dans les 
deux langues. 
 
Art. 8. Les élèves fréquentent l'école du cercle 
scolaire de leur domicile ou de leur résidence habituelle 
reconnu par le Département de l'instruction 
publique (ci-après: le Département). 
 
Art. 9. L'inspecteur scolaire peut, pour des raisons 
de langue, autoriser un élève à fréquenter 
l'école d'un cercle scolaire autre que le sien. 
 
L'inspecteur scolaire peut, dans d'autres 
cas, autoriser ou obliger un élève à fréquenter 
l'école d'un cercle scolaire autre que le sien, si l'intérêt de cet élève le commande. 
 
 
La décision indique quel cercle scolaire 
doit accueillir l'élève.. " 
 
Si les art. 7 et 8 concrétisent le principe constitutionnel cantonal de la territorialité, l'art. 9 de la loi scolaire permet de faire des exceptions pour des raisons de langue. Les intéressés n'ont cependant pas un droit à fréquenter un autre cercle que celui de leur domicile; il appartient ainsi à l'inspecteur scolaire d'examiner chaque cas particulier avant d'accorder ou non une dérogation. C'est donc au regard des critères applicables à l'admission ou au refus d'un changement de cercle scolaire qu'il faut vérifier en l'espèce si la décision attaquée constitue une violation de la liberté de la langue des recourants. 
 
4.- a) Selon la juridiction intimée, la situation géographique de la commune de Granges-Paccot "à la frontière des langues", justifie une application rigoureuse du principe de la territorialité des langues, l'intérêt public consistant à maintenir l'homogénéité linguistique du territoire communal. 
Comme le relèvent les recourants, le principe de la territorialité ne doit pas avoir pour effet de figer les situations existantes et d'empêcher des déplacements naturels dans la répartition linguistique. La jurisprudence et la doctrine ont déjà reconnu en la matière la limite des contraintes étatiques et de l'influence des réglementations légales sur les évolutions sociales (ATF 122 I 236 consid. 4e/cc p. 246 et les références citées). En outre, une application trop stricte du principe de la territorialité des langues pourrait constituer une inégalité de traitement, dans la mesure où il est établi que les enfants des familles germanophones de certaines communes, telles Givisiez, Villars-sur-Glâne et Marly, obtiendraient plus facilement l'autorisation de changer de cercle scolaire (cf. lettre de l'inspecteur scolaire du 2ème arrondissement adressée le 17 juillet 2001 à la Direction de l'instruction publique, produite en cours de procédure par le mandataire des recourants). L'intérêt public lié à la sauvegarde de l'homogénéité linguistique d'une commune ne saurait donc, à lui seul, faire obstacle à la garantie constitutionnelle de la liberté de la langue. 
 
b) Le Tribunal administratif invoque également l'intérêt public à une organisation économique et rationnelle de l'enseignement scolaire. 
 
Une commune a certes un intérêt légitime à pouvoir planifier l'effectif de ses classes et à ne pas être obligée d'engager des frais supplémentaires pour des enfants domiciliés sur son territoire, mais qui désirent suivre leur scolarité obligatoire dans une autre langue que celle enseignée à l'école communale. Une planification rigoureuse n'est toutefois pas possible, compte tenu des changements de domicile et de la faculté des parents de mettre leur enfant dans une école privée, pour autant qu'ils en aient les moyens (voir à ce propos la critique de l'ATF 122 I 236 ss par Marco Borghi, La liberté de la langue et ses limites op. cit. n. 40 p. 616/617). En l'espèce, l'école du Jura, à Fribourg, est disposée à accueillir le recourant, et ses parents se sont engagés à prendre en charge les dépenses liées au changement de cercle scolaire. Quant aux difficultés d'organisation et de planification de l'effectif des classes, elles ne font pas l'objet d'explications concrètes de la part de la commune concernée, qui ne prétend pas que la dérogation sollicitée lui causerait une difficulté quelconque ou des frais particuliers. 
Or, si l'existence d'une école, fréquentée par les enfants domiciliés dans la commune, répond à un intérêt public digne de protection, la garantie de la liberté de la langue doit en principe l'emporter sur les éventuelles difficultés de planification scolaire. 
 
c) Dans ces circonstances, mis à part le précédent que pourrait constituer en l'espèce l'octroi d'une dérogation, l'intérêt public à voir le recourant fréquenter le cercle scolaire de Granges-Paccot est relativement ténu. Reste à déterminer si, au regard du principe de la proportionnalité, cet intérêt l'emporte sur les intérêts privés du recourant à bénéficier d'un enseignement dans sa langue maternelle. 
 
Les recourants font essentiellement valoir le contexte familial et culturel allemand dans lequel ils se trouvent, l'enfant ayant vécu sa première expérience scolaire, au jardin d'enfants, en langue allemande. Les parents craignent ainsi que leur fils perde progressivement tout lien avec la culture germanophone et qu'un fossé linguistique les sépare. 
Ils invoquent également les difficultés qu'ils auraient pour assumer le suivi scolaire de leur fils. A ces arguments, l'autorité intimée objecte les bienfaits du bilinguisme et une meilleure insertion sociale au lieu de domicile en cas de scolarisation dans le cercle scolaire de Granges-Paccot, alors que le problème des parents pour suivre la scolarité de leur fils ne paraît pas insurmontable. 
 
Il est vrai que le recourant n'est qu'au début de son parcours scolaire et que son jeune âge favoriserait l'apprentissage d'une seconde langue. On peut toutefois se demander si le développement d'une identité bilingue doit être imposé par la contrainte et si son succès ne dépend pas plutôt de l'adhésion et du concours des parents. En outre, l'intérêt de l'enfant à bénéficier, au début de sa scolarité, d'un enseignement dans sa langue maternelle, semble désormais favorisé par la Direction de l'instruction publique (voir les directives concernant l'admission dans les classes allemandes d'écoles enfantines et primaires de l'Ecole libre publique de Fribourg du 23 mai 2001, que le mandataire des recourants a produites en dehors du délai de recours). En ce qui concerne les difficultés que rencontreraient les parents pour assumer le suivi scolaire de leur fils, elles ne sauraient être minimisées. 
En effet, à supposer que les parents puissent assumer conjointement le suivi de l'école enfantine et de l'école primaire, il n'est pas certain qu'ils soient aptes à le faire tout au long du cursus scolaire de leur enfant. Si des difficultés de cet ordre devaient survenir dans quelques années, il serait alors trop tard pour opérer un changement et l'intéressé ne pourrait plus du tout bénéficier de l'appui parental. 
Une scolarisation initiale dans la langue maternelle ne doit certes pas être accordée automatiquement lorsque les parents le demandent mais, dans la mesure où ces derniers sont disposés à assumer tous les frais d'écolage et qu'il n'en résulte aucun frais supplémentaire pour la collectivité publique concernée (ATF 122 I 236 consid. 4e/ee p. 247), la situation personnelle des recourants permet, en l'espèce, de répondre favorablement à leur requête. 
 
5.- a) Au vu des considérants qui précèdent, applicables tant pour l'école enfantine que pour l'école primaire, que l'intérêt privé des recourants à pouvoir scolariser leur enfant dans leur langue maternelle, en assumant tous les frais de leur choix, l'emporte sur l'intérêt public de la commune de Granges-Paccot à maintenir son homogénéité linguistique et à faciliter sa planification scolaire. Le refus d'autoriser l'enfant à fréquenter les classes de langue allemande de l'école du Jura, à Fribourg, constitue dès lors une atteinte disproportionnée à la liberté constitutionnelle de bénéficier d'un enseignement dans sa langue maternelle. La décision attaquée doit donc être annulée, sans qu'il soit encore nécessaire de statuer sur le caractère prétendument arbitraire de l'interprétation donnée par l'autorité intimée à l'art. 9 de la loi scolaire et sur la violation éventuelle du principe de la protection de la bonne foi. 
 
b) Compte tenu de l'issue du recours, le présent arrêt doit être rendu sans frais (art. 156 al. 2 OJ) et il y a lieu d'allouer des dépens aux recourants (art. 159 al. 2 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Admet le recours et annule l'arrêt attaqué. 
 
2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
 
3. Dit que le canton de Fribourg versera aux recourants une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens. 
 
4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire des recourants, à la Direction de l'instruction publique et des affaire culturelles et au Tribunal administratif du canton de Fribourg. 
___________ 
Lausanne, le 2 novembre 2001 ROC/dxc 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, La Greffière,