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Eidgenössisches Versicherungsgericht 
Tribunale federale delle assicurazioni 
Tribunal federal d'assicuranzas 
 
Cour des assurances sociales 
du Tribunal fédéral 
 
Cause {T 7} 
U 96/05 
 
Arrêt du 20 mai 2006 
IVe Chambre 
 
Composition 
Mme et MM. les Juges Widmer, Schön et Frésard. Greffier : M. Berthoud 
 
Parties 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante, 
 
contre 
 
Helsana Assurances SA, chemin de la Colline 12, 1007 Lausanne, intimée, 
 
concernant A.________ 
Instance précédente 
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel 
 
(Jugement du 25 janvier 2005) 
 
Faits: 
A. 
A.________, née en 1982, a travaillé comme apprentie gestionnaire à la Société X.________ et était assurée, à ce titre, contre les accidents professionnels et non professionnels par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). 
 
Le 11 septembre 2002, l'employeur a annoncé à la CNA que l'assurée avait ressenti une douleur, le 21 août 2002, en marchant pour prendre un bus; il a ajouté que le docteur D.________, spécialiste en chirurgie orthopédique, consulté le lendemain, avait diagnostiqué une fracture de fatigue de l'astragale droit. Interrogée par la CNA, l'assurée a déclaré qu'elle marchait à vive allure, comme à l'accoutumée, pour prendre son bus; elle a indiqué qu'elle ne s'était pas tordu la cheville et qu'elle n'était pas tombée (écriture du 8 octobre 2002). Quant au docteur D.________, il a précisé que sa patiente courait lorsque la douleur est apparue (rapport du 28 octobre 2002). 
 
Par décision du 21 mars 2003, la CNA a refusé d'allouer ses prestations au motif que la lésion ne résultait ni d'un accident ni d'un événement assimilé à un accident. Helsana Assurances SA (Helsana), en sa qualité d'assureur-maladie, s'est opposée à cette décision. La CNA a rejeté l'opposition, par décision du 13 mai 2003. 
B. 
Helsana a déféré cette décision au Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, en concluant à son annulation. En substance, elle a fait valoir que l'on était en présence d'une lésion corporelle assimilée à un accident, le fait de marcher très rapidement constituant à lui seul un événement extérieur significatif. La CNA a conclu au rejet du recours; elle a mis en exergue l'absence d'événement particulier lorsque la douleur est survenue. 
 
De son côté, l'assurée a complété ses premières déclarations en précisant qu'elle trottait en étant chargée de livres de cours (8,5 kg), ce qui l'empêchait de courir. 
 
Par jugement du 25 janvier 2005, la juridiction cantonale a admis le recours, annulé la décision litigieuse, et renvoyé la cause à la CNA afin qu'elle alloue ses prestations. En bref, les juges cantonaux ont considéré que la lésion subie par A.________ devait être assimilée à un accident. 
C. 
La CNA interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont elle demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision. 
 
Helsana conclut au rejet du recours. A.________ et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer. 
 
Considérant en droit: 
1. 
Le litige porte sur le point de savoir si la fracture de l'astragale droit subie par A.________ constitue ou non une lésion corporelle assimilée à un accident. 
2. 
2.1 Aux termes de l'art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral peut inclure dans l'assurance des lésions corporelles qui sont semblables aux conséquences d'un accident. En vertu de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l'art. 9 al. 2 OLAA, qui prévoit que pour autant qu'elles ne soient pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs, les lésions corporelles suivantes, dont la liste est exhaustive, sont assimilées à un accident, même si elles ne sont pas causées par un facteur extérieur de caractère extraordinaire : 
 
a) Les fractures; 
b) Les déboîtements d'articulations; 
c) Les déchirures du ménisque; 
d) Les déchirures de muscles; 
e) Les élongations de muscles; 
f) Les déchirures de tendons; 
g) Les lésions de ligaments; 
h) Les lésions du tympan. 
2.2 Dans un arrêt H. du 20 août 2003 (ATF 129 V 466), le Tribunal fédéral des assurances a précisé les conditions d'octroi des prestations en cas de lésions corporelles assimilées à un accident. Il a rappelé qu'à l'exception du caractère «extraordinaire» de la cause extérieure, toutes les autres conditions constitutives de la notion d'accident devaient être réalisées (cf. art. 4 LPGA). En particulier, il a déclaré qu'à défaut de l'existence d'une cause extérieure - soit d'un événement similaire à un accident, externe au corps humain, susceptible d'être constaté de manière objective et qui présente une certaine importance -, fût-ce comme simple facteur déclenchant des lésions corporelles énumérées à l'art. 9 al. 2 OLAA, les troubles constatés étaient à la charge de l'assurance-maladie. 
 
Aussi convient-il de nier l'existence d'une lésion corporelle assimilée à un accident dans tous les cas où le facteur dommageable extérieur se confond avec l'apparition (pour la première fois) de douleurs identifiées comme étant des symptômes de lésions corporelles au sens de celles énumérées à l'art. 9 al. 2 let. a à h OLAA. L'apparition de douleurs en tant que telle ne constitue pas une cause extérieure au sens de la jurisprudence. En d'autres termes, l'on ne saurait considérer la condition posée à l'existence d'un facteur dommageable extérieur comme réalisée du seul fait qu'à un moment précis, l'assuré a éprouvé des douleurs pour la première fois. 
 
L'exigence d'un facteur dommageable extérieur n'est pas non plus donnée lorsque l'assuré fait état de douleurs apparues pour la première fois après qu'il a accompli un geste de la vie courante. La notion de cause extérieure présuppose qu'un événement générant un risque de lésion accru survienne. Tel est le cas lorsque l'exercice de l'activité à la suite de laquelle l'assuré a éprouvé des douleurs incite à une prise de risque accrue, à l'instar de la pratique de nombreux sports. L'existence d'un facteur extérieur comportant un risque de lésion accru doit être admise lorsque le geste quotidien en cause équivaut à une sollicitation du corps, en particulier des membres, qui est physiologiquement plus élevée que la normale et dépasse ce qui est normalement maîtrisé du point de vue psychologique. C'est la raison pour laquelle les douleurs identifiées comme étant les symptômes de lésions corporelles au sens de celles énumérées à l'art. 9 al. 2 OLAA ne sont pas prises en considération lorsqu'elles surviennent à la suite de gestes quotidiens accomplis sans qu'interfère un phénomène extérieur reconnaissable. Celui qui éprouve des douleurs identifiées comme étant les symptômes de lésions corporelles au sens de celles énumérées à l'art. 9 al. 2 OLAA, en se levant, en s'asseyant, en se couchant ou en se déplaçant dans une pièce, etc., ne saurait dès lors se prévaloir d'une lésion corporelle assimilée à un accident. A eux seuls, les efforts exercés sur le squelette, les articulations, les muscles, les tendons et les ligaments ne constituent pas une cause dommageable extérieure en tant qu'elle présuppose un risque de lésion non pas extraordinaire mais à tout le moins accru en regard d'une sollicitation normale de l'organisme (ATF 129 V 470 consid. 4.2.2). 
 
En revanche, l'exigence d'un facteur dommageable extérieur est donnée en cas de changements de position du corps qui sont fréquemment de nature à provoquer des lésions corporelles, selon les constatations de la médecine des accidents. D'après la jurisprudence développée jusqu'à ce jour, tel est notamment le cas du brusque redressement du corps à partir de la position accroupie, de l'accomplissement d'un mouvement violent ou en étant lourdement chargé, ou encore d'un changement de position corporelle de manière incontrôlée sous l'influence de phénomènes extérieurs (ATF 129 V 471 consid. 4.3). 
2.3 Dans un arrêt O. du 11 mai 2004, U 62/04, le Tribunal fédéral des assurances a tranché un litige concernant une assurée (alors âgée de 51 ans) qui avait subi une fracture de fatigue du 2ème métacarpien alors qu'elle était en train de marcher rapidement mais dans des conditions tout à fait normales. Comme rien ne permettait de retenir que son membre inférieur droit avait été sollicité de manière particulière ou qu'un phénomène extérieur était venu interférer dans le déroulement de la marche, la Cour de céans a nié l'existence d'un événement similaire à un accident. Elle a rappelé que la preuve qu'une lésion déterminée est ou non la conséquence d'une maladie ne revêt une importance que lorsque la condition du facteur extérieur est remplie. Dans cette hypothèse, l'assureur-accidents ne pourrait se soustraire à sa responsabilité que s'il rapportait la preuve que la lésion corporelle concernée est manifestement imputable à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. Cela étant, quand bien même la fracture de l'assurée ne résultait pas, aux yeux des médecins consultés, d'une maladie au sens strictement médical du terme, il n'y avait pas lieu d'admettre l'existence d'une lésion corporelle assimilée à un accident au sens de la jurisprudence et des dispositions réglementaires précitées, faute de cause dommageable extérieure. 
3. 
3.1 Au sujet de la preuve de l'existence d'une cause extérieure extraordinaire prétendument à l'origine de l'atteinte à la santé, on rappellera que les explications d'un assuré sur le déroulement d'un fait allégué sont au bénéfice d'une présomption de vraisemblance. Il peut néanmoins arriver que les déclarations successives de l'intéressé soient contradictoires entre elles. En pareilles circonstances, selon la jurisprudence, il convient de retenir la première affirmation, qui correspond généralement à celle que l'assuré a faite alors qu'il n'était pas encore conscient des conséquences juridiques qu'elle aurait, les nouvelles explications pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 47 consid. 2a et les références, RAMA 2004 n° U 515 p. 420 consid. 1.2; VSI 2000 p. 201 consid. 2d; à ce sujet, voir également le commentaire de Pantli/Kieser/Pribnow, paru in PJA 2000 p. 1195). 
3.2 Les déclarations de l'assurée portant sur le déroulement de l'événement du 21 août 2002 ont quelque peu varié au cours de la procédure; si l'intéressée a constamment indiqué qu'elle « trottait » ou marchait rapidement ce jour-là, elle n'a en revanche invoqué le port d'une charge (des livres de cours pesant 8,5 kg) que devant le Tribunal cantonal des assurances. De leur côté, l'employeur et le médecin traitant ont donné des indications sensiblement contradictoires, le premier ayant annoncé que l'assurée marchait, tandis que le second a attesté qu'elle courait au moment où la douleur est apparue. 
 
Les premiers juges ont retenu que l'assurée marchait rapidement pour aller prendre son bus, en étant chargée de livres de cours. La Cour de céans peut se rallier à cette constatation. En effet, cette seconde version n'est pas remise en cause par les deux assureurs sociaux en litige et correspond à un fait apparemment coutumier de l'assurée. De surcroît, la précision que l'assurée a apportée en procédure de recours (le port d'une charge) n'est pas à proprement dit contradictoire à ses premières déclarations mais constitue un complément à celles-ci. Quant aux déclarations (partiellement contradictoires) de l'employeur et du médecin, elles émanent de tiers et ne lient donc pas l'assurée. 
4. 
4.1 Sur la base des faits qu'elle a constatés, la juridiction cantonale de recours a considéré que les membres inférieurs de l'assurée ont été sollicités d'une manière plus élevée que la normale. Cela a généré un risque accru de lésion, si bien qu'il n'était pas décisif qu'un événement tel qu'une glissade, une torsion ou une chute, ne soit pas survenu. Selon les premiers juges, il suffit de constater que le fait de presser le pas autant que possible, en portant une charge qui empêche de courir, représente une cause extérieure conférant un caractère accidentel à l'événement dommageable. 
4.2 La CNA conteste ce point de vue. Elle estime que le simple fait de marcher rapidement en portant un poids de 8,5 kg (qui n'est pas une charge hors du commun), ne constitue pas un événement significatif permettant de considérer la fracture en cause comme une lésion assimilée à un accident. Selon la recourante, pareille circonstance ne représente pas, pour une personne âgée de vingt ans, un acte ordinaire de la vie spécifique impliquant une sollicitation du corps excédant le cadre de ce qui est physiologiquement normal et psychologiquement contrôlable, d'autant que l'assurée était habituée à marcher à une allure accélérée. 
 
La CNA ajoute que l'atteinte à la santé est survenue en l'absence d'un phénomène extérieur, à l'instar d'une glissade, d'un mouvement brusque ou violent. Quant à la charge transportée, elle ne saurait être qualifiée de lourde. Dès lors, la CNA soutient qu'on ne se trouve pas en présence d'un événement similaire à un accident, mais que les circonstances du cas d'espèce sont semblables à celles de l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt O., précité (U 62/04). 
4.3 De son côté, l'intimée soutient derechef que la cause extérieure réside ici dans une sollicitation du corps plus élevée que la normale, singulièrement par le fait de presser le pas, autant que faire se peut, en portant des livres de cours. Cela justifie, à son avis, que le cas d'espèce soit tranché différemment de l'affaire O., où cette assurée marchait certes rapidement, mais néanmoins dans des conditions normales. 
5. 
En l'espèce, il s'agit de déterminer si l'ensemble des éléments qui ont entraîné l'atteinte à la santé (la marche à vive allure en portant des livres de cours) constituent un facteur extérieur justifiant de retenir une lésion assimilée à un accident (art. 9 al. 2 OLAA), comme l'intimée le soutient. 
 
Pour résoudre le présent litige, on peut s'inspirer de la solution de l'arrêt O. du 11 mai 2004, car les circonstances du présent cas sont analogues à celles de cette affaire-là, hormis le fait que A.________ portait une charge de 8,5 kg lorsqu'elle a subi une fracture de fatigue de l'astragale droit. En effet, l'effort que l'assurée a fourni durant son déplacement à pied en portant ses livres de cours n'a pas sollicité son corps dans une mesure qui a excédé ce qui est habituel chez une jeune personne, d'autant que l'intéressée a admis qu'elle marche souvent à vive allure pour se rendre à son travail. En d'autres termes, cet effort n'a pas dépassé ce qui est physiologiquement normal et maîtrisé du point de vue psychologique de la part d'une femme âgée de vingt ans. La situation dans laquelle l'assurée a été confrontée est du reste tout à fait courante dans la vie quotidienne et ne présente en soi rien de très significatif. 
 
Par ailleurs, l'assurée n'a pas accompli de mouvement susceptible de constituer une cause extérieure. Ainsi qu'on l'a vu ci-avant, cela aurait pu découler d'un brusque redressement du corps à partir de la position accroupie, d'un mouvement violent en étant lourdement chargé, ou encore d'un changement de position corporelle de manière incontrôlée sous l'influence de phénomènes extérieurs (cf. consid. 2.2 supra, in fine). En l'espèce, à défaut d'un mouvement brusque ou violent, la CNA a nié à juste titre l'existence d'un facteur extérieur et, par conséquent, sa responsabilité pour la fracture de fatigue de l'astragale droit. Son recours est bien fondé. 
6. 
En règle générale, le Tribunal fédéral des assurances ne peut imposer des frais de procédure aux parties, en vertu de l'art. 134 OJ, dans les procédures de recours en matière d'octroi ou de refus de prestations d'assurance. Toutefois, dans la mesure où cette disposition a été édictée avant tout dans l'intérêt des assurés en litige avec un assureur social, elle ne s'applique ordinairement pas aux procédures qui divisent, par exemple, deux assureurs-accidents au sujet de la prise en charge des suites d'un accident subi par l'un de leurs assurés communs, un assureur-accidents et une caisse-maladie au sujet de l'obligation d'allouer des prestations ou un tel assureur et l'assurance-invalidité (ATF 127 V 106). 
En l'espèce, le présent procès oppose la CNA à Helsana au sujet de la prise en charge des affections à la cheville droite de leur assurée commune. Cela étant, il se justifie, conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, de mettre des frais de justice à la charge de l'assureur-maladie qui succombe comme partie intimée dans un litige entre assureurs sociaux. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 
1. 
Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du 25 janvier 2005 est annulé. 
2. 
Les frais de justice, d'un montant de 3'000 fr., sont mis à la charge de Helsana Assurances SA. 
3. 
L'avance de frais de 3'000 fr. effectuée par la CNA lui est restituée. 
4. 
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à A.________, au Tribunal administratif du canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral de la santé publique. 
Lucerne, le 20 mai 2006 
Au nom du Tribunal fédéral des assurances 
 
La Juge présidant la IVe Chambre: Le Greffier: