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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_178/2022  
 
 
Arrêt du 1er novembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux Jametti, Juge présidant, Chaix et Müller. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté parMe Thomas Barth, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Police cantonale de Genève, Nouvel Hôtel de Police, case postale 236, 1211 Genève 8, 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 
1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Procédure pénale; actes de procédure de la police judiciaire, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton 
de Genève du 8 mars 2022 (ACPR/168/2022 - 
PS/39/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 12 mai 2020, B.________ a déposé plainte pénale contre A.________ pour avoir, ce même jour vers 17h00 à U.________, volé - en les dissimulant dans un sac à dos lors du passage en caisse - divers aliments (viande et poisson) d'une valeur totale de 171 fr. 80. Sur la base d'images de vidéosurveillance, cette société a également déposé plainte contre le précité pour le vol de quatorze bouteilles de vin, réalisé en quatre fois entre le 27 avril et le 8 mai 2020 selon un procédé similaire (montant total 1'737 fr. 65). 
Selon le rapport de la police du 12 mai 2020, A.________ avait été interpellé par le vigile alors qu'il venait de passer aux caisses automatiques accompagné de sa fille de six ans; la marchandise avait été récupérée par le surveillant et la police. Celle-ci avait, sur place, procédé à la fouille du véhicule de A.________, puis, avec son accord, à la perquisition de son domicile, où 12 des 14 bouteilles dérobées avaient été retrouvées à la cave. Un éthylotest - négatif - avait été pratiqué au poste de C.________. L'usage de la force n'avait pas été nécessaire, mais A.________ avait été menotté et une fouille, en deux temps, avait été pratiquée. 
Lors de son audition par la police, A.________ a expliqué que, ce jour, il avait oublié les produits se trouvant dans le sac réfrigéré au moment de payer, mais a reconnu avoir emporté, sans les payer, les bouteilles d'alcool. Il a déclaré être perturbé en raison de sa situation familiale et financière. A.________ a été relaxé à 00h05. 
Par ordonnance pénale du 8 juin 2020 (cause P__1), le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après : le Ministère public) a reconnu A.________ coupable de vol et de vol de peu d'importance; il l'a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 30 fr. le jour - avec sursis - ainsi qu'au paiement d'une amende immédiate de 675 fr. [recte 875 fr.]. Le prévenu a fait opposition. 
 
B.  
Le 20 mai 2020, A.________ a déposé plainte pénale pour abus d'autorité contre les trois policiers ayant pris part à son interpellation, laquelle aurait été constitutive de traitements dégradants et humiliants. Il y dénonçait en substance le fait d'avoir été menotté, y compris dans le véhicule de police; d'avoir été palpé par deux fois; d'avoir dû se soumettre à une fouille corporelle, ainsi que d'avoir dû se déshabiller alors qu'une policière assistait à la scène depuis l'extérieur de la cellule; d'avoir vu son véhicule fouillé sans son accord; d'avoir été contraint de signer l'ordre de perquisition de son domicile, acte réalisé en outre devant sa fille; et d'avoir été confronté aux policiers en l'absence de toute mesure de protection contre la Covid-19 (distance, masque et/ou gel hydro-alcoolique). 
Dans le cadre de l'instruction de cette plainte (cause P__2), l'Inspection Générale des Services (ci-après : IGS) a rendu un rapport le 21 juin 2021. Il en ressort notamment les éléments suivants : 
 
-en février et mars 2020, les collaborateurs de la police avaient reçu diverses informations en lien avec la Covid-19; le port systématique du masque en cas de contact avec les citoyens n'était pas recommandé et la personne entendue ne devait en être équipée qu'en cas de symptômes avérés; un contrôle de la température devait être effectué lors de contact d'une durée supérieure à quinze minutes à une distance de moins de deux mètres; 
- selon les images de vidéos du magasin, A.________ ne portait pas de masque durant ses différents passages et ne s'était désinfecté les mains qu'à deux reprises (les 8 et 12 mai 2020); les policiers n'avaient pas non plus revêtu de masque; 
- figurait sur les vidéos de surveillance du poste C.________ l'accompagnement du prévenu en salle d'audition par deux policiers masculins (20h48); les agents étaient restés à l'extérieur pendant que le prévenu se déshabillait et tendait au fur à mesure ses vêtements au policier demeuré dans l'embrasure, son collègue se tenant en retrait; à 20h49, la policière s'était approchée et avait remis l'éthylotest à son collègue, sans passer devant la salle dont l'entrée était obstruée par le second policier; à 20h50'14, le policier avait restitué au prévenu son pantalon; à 20h50'21, deux policières étaient passées dans le corridor, sans s'arrêter; une minute plus tard, elles étaient repassées, l'une poursuivant son chemin et l'autre s'arrêtant à côté de son collègue, avant d'arriver à la hauteur de la porte de la salle; à 20h53'15, deux hommes avaient pénétré dans la pièce et, à 20h53'15, la femme s'était approchée de la porte, ce qui lui permettait de voir à l'intérieur; à 20h56'07, l'un des policiers était ressorti avec l'éthylotest, sa collègue étant restée sur le seuil; à 20h58'28, le second policier était sorti de la salle, suivi peu après par A.________, vêtu de son pantalon, de son t-shirt et en chaussettes; à 20h59'42, le prévenu avait été ramené en salle d'audition où il avait patienté jusqu'à l'arrivée de son avocat à 22h25'25; 
- lors de leur audition, les trois policiers mis en cause avaient confirmé que le prévenu s'était montré calme et collaborant; un agent s'était tout d'abord présenté seul au domicile de celui-ci et son épouse avait demandé aux enfants de demeurer dans une chambre pendant la perquisition de la cave; l'intéressé avait été menotté en vue de son transport dans le véhicule de service, d'abord dans le dos, puis les mains devant; pendant le trajet, la policière était assise à l'arrière à côté du prévenu; aucun personnel féminin n'avait assisté à la fouille corporelle au poste, laquelle s'était déroulée en deux temps; la policière se trouvait à proximité, mais sans pouvoir voir à l'intérieur; les vêtements du prévenu, lequel n'était jamais resté nu, lui avaient été restitués immédiatement; 
- malgré plusieurs relances de l'IGS, A.________ n'avait fourni aucun certificat médical étayant l'existence d'asthme ou de séquelles psychologiques. 
Par ordonnance du 19 août 2021, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte formée par A.________, décision contre laquelle celui-ci a formé recours. Le recourant n'ayant pas versé les sûretés demandées dans le délai imparti, la cause a été rayée du rôle le 12 octobre 2021 (ACPR__1). 
 
C.  
Le 20 mai 2020, A.________ a déposé un recours contre les actes de la police (passages des menottes, double palpation, fouille corporelle, soumission à un éthylotest, abandon prolongé semi-habillé en cellule et mise en danger de sa santé en raison de l'absence de mesures de protection anti-coronavirus). Il concluait à l'obtention d'une indemnité pour tort moral de 10'000 fr. et a chiffré ses frais d'avocat à 2'907 fr. 90 (TVA comprise). 
Le 8 mars 2022 (ACPR/168/2022), la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après : la Chambre pénale de recours) a rejeté ce recours, considérant que les actes de la police n'étaient pas illicites. 
 
D.  
Par acte du 8 avril 2022, A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant à son annulation, à la constatation de l'illicéité de certains actes perpétrés par la police en date du 12 mai 2020 - à savoir en particulier la fouille corporelle, les modalités du passage des menottes et l'absence de mesures de protection sanitaires liées à la Covid-19 - et au renvoi de la cause à "la Chambre pénale de recours de la République et canton de Genève afin qu'elle statue sur les indemnités à [lui] octroyer [...], au sens des art. 431 et 429 al. 1 let. a et c CPP, ainsi que sur les frais de première instance et d'appel". A titre subsidiaire, le recourant demande le renvoi de la cause à "la Chambre pénale d'appel et de révision de la République et canton de Genève". 
L'autorité précédente a adressé les dossiers des causes P__1 et P__2, sans déposer de déterminations. Le Ministère public et la Commandante de la police ont conclu au rejet du recours. Le 23 juin 2022, respectivement le 8 juillet 2022, le recourant et la Commandante de la police ont persisté dans leurs conclusions. Ces écritures ont été communiquées aux parties le 21 septembre 2022. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 89 consid. 1 p. 91). 
 
1.1. Le recours - déposé en temps utile (cf. art. 100 al. 1 LTF) - est dirigée contre une décision rendue par une autorité cantonale (cf. art. 393 al. 1 let. a CPP et 80 LTF) statuant dans une cause de droit pénal. Le recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF est donc en principe ouvert.  
 
1.2. La recevabilité du recours en matière pénale dépend notamment de l'existence d'un intérêt juridique actuel et pratique à l'annulation de la décision entreprise (art. 81 al. 1 let. b LTF). De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes et non de prendre des décisions à caractère théorique, ce qui répond à un souci d'économie de procédure (ATF 140 IV 74 consid. 1.3.1 p. 77; 136 I 274 consid. 1.3 p. 276; arrêts 1B_170/2022 du 19 juillet 2022 consid. 1.2.1; 1B_318/2021 du 25 janvier 2022 consid. 1). Dans des circonstances particulières, le Tribunal fédéral entre en matière, en dépit de la disparition d'un intérêt actuel, sur le recours d'une personne qui formule de manière défendable un grief de violation manifeste de la CEDH (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 p. 143; arrêts 1B_386/2022 du 12 août 2022 consid. 1; 6B_1167/2021 du 27 juillet 2022 consid. 1).  
En l'espèce, le recourant a vu ses conclusions en constatation du caractère illicite des actes des policiers liés à son interpellation rejetées alors qu'il soutient, lors de cette intervention, avoir subi des traitements prohibés par l'art. 3 CEDH; tel serait notamment le cas de la fouille corporelle effectuée, laquelle constitue une atteinte à la liberté personnelle (cf. art. 10 al. 2 Cst.) et à la sphère intime (cf. art. 13 al. 1 Cst.; ATF 146 I 97 consid. 2.3 p. 99; voir également ci-dessous consid. 2.2; arrêt 1B_176/2016 du 11 avril 2017 consid. 1.3 in fine). Partant, la qualité pour recourir doit lui être reconnue. 
 
1.3. Dans le présent cas, il est douteux que l'arrêt attaqué soit une décision finale au sens de l'art. 90 LTF, ainsi que le soutient le recourant sans la moindre démonstration.  
Certes, la procédure intentée par le recourant contre les policiers est terminée (cause P__2) et, dans ce cadre, il ne peut par conséquent plus étayer ses griefs ou émettre d'éventuelles prétentions; la présente procédure ne saurait d'ailleurs tendre à remettre en cause l'appréciation émise par le Ministère public pour ne pas entrer en matière sur les infractions dénoncées par le recourant, notamment en lui permettant de pallier son défaut de paiement des sûretés requises par l'autorité de recours. Cela étant, à la suite des événements ayant conduit à son interpellation et aux actes litigieux des policiers, une procédure pénale à l'encontre du recourant a été ouverte (cause P__1), laquelle est toujours pendante. Le prononcé attaqué, qui a trait à des mesures litigieuses réalisées dans ce cadre et ne met pas un terme à cette cause, doit donc en principe être considéré comme une décision incidente (arrêts 1B_628/2020 du 15 avril 2021 consid. 1.2; 1B_115/2019 du 18 décembre 2019 consid. 1.1 non publié in ATF 146 I 97, mais résumé in AJP 2020 668; 1B_176/2016 du 11 avril 2017 consid. 1.4). 
Peu importe en définitive la nature de la décision attaquée dès lors qu'en tout état de cause, un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (sur cette notion, cf. ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1 p. 130) doit être admis en l'occurrence vu la fouille corporelle subie et les atteintes aux droits fondamentaux qui peuvent en découler pour le recourant (cf. ci-dessus consid. 1.2). 
 
1.4. S'agissant de l'indemnité requise - notamment en application de l'art. 431 CPP -, le recourant ne prend aucune conclusion en réforme, se limitant à demander le renvoi de la cause à l'autorité précédente (cf. sa conclusion principale), voire à la juridiction d'appel (cf. sa conclusion subsidiaire). Peu importe en l'occurrence de savoir si cette manière de procéder est conforme à ses obligations (cf. art. 42 al. 1 et 107 al. 2 LTF; ATF 137 II 313 consid. 1.3 p. 317; 136 V 131 consid. 1.2 p. 135 s.; arrêts 6B_725/2022 du 26 septembre 2022 consid. 1; 1B_146/2021 du 7 juin 2022 consid. 2.3). En effet, la procédure au fond n'est en tout état de cause pas terminée et le recourant pourra faire valoir ses éventuelles prétentions devant le juge du fond, lequel est généralement compétent en la matière (ATF 142 IV 245 consid. 4.1 p. 248; 140 I 246 consid. 2.5.1 p. 250; arrêt 1B_628/2020 du 15 avril 2021 consid. 1.2.2 et les références citées). Cette solution s'impose d'autant plus que le recourant fonde également sa demande d'indemnités sur l'art. 429 al. 1 let. a et c CPP. A ce stade de la procédure, la question d'une éventuelle indemnité est donc prématurée et il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur cette problématique.  
 
1.5. Dans la mesure précitée, il y a donc lieu d'entrer en matière.  
 
2.  
Le recourant ne remet plus en cause la licéité des fouilles par palpation dont il a fait l'objet (cf. consid. 2.7.1 p. 11 de l'arrêt attaqué), le principe et le déroulement des perquisitions de son véhicule, ainsi que de son domicile (cf. consid. 2.7.2 p. 12 du jugement entrepris) et l'utilité de l'éthylomètre (cf. consid. 2.7.4 p. 13 de l'arrêt attaqué). 
En revanche, il invoque des violations des art. 7, 8 al. 1, 10 al. 3 Cst., 3 CEDH, 241 et 250 CPP. A cet égard, il reproche à l'autorité précédente d'avoir confirmé le menottage subi, soit la mise en oeuvre de cette mesure à la sortie du magasin, ainsi que son maintien durant le trajet et les perquisitions opérées. Le recourant fait également grief à la cour cantonale d'avoir considéré que la fouille corporelle effectuée était justifiée dans le cas d'espèce et qu'elle s'était déroulée de manière conforme au droit, notamment au regard du principe de proportionnalité. Le recourant se plaint enfin de l'absence de mesures de protection contre le coronavirus durant l'intervention des policiers. 
 
2.1. Les art. 241 à 243 CPP s'appliquent en tant que dispositions générales en matière de perquisitions, fouilles et examens. En particulier, l'art. 241 al. 4 CPP prévoit que la police peut fouiller une personne appréhendée ou arrêtée, notamment pour assurer la sécurité de personnes. Ce dernier alinéa traite de la fouille dite de sécurité, ainsi que de celle visant à élucider les infractions sous enquête (cf. art. 215 al. 2 let. c et d CPP; arrêt 6B_1070/2018 du 14 août 2019 consid. 1.3.2 et les références citées).  
Les art. 249 à 252 CPP concernent les fouilles corporelles réalisées par des policiers. Selon l'art. 249 CPP, les personnes et les objets ne peuvent être fouillés sans le consentement des intéressés que s'il y a lieu de présumer que des traces de l'infraction ou des objets ou valeurs patrimoniales susceptibles d'être séquestrés peuvent être découverts. Quant à l'art. 250 al. 1 CPP, il prévoit que la fouille d'une personne comprend notamment l'examen de la surface du corps ainsi que des orifices et cavités du corps qu'il est possible d'examiner sans l'aide d'un instrument. Sauf urgence, la fouille des parties intimes doit être effectuée par une personne du même sexe ou par un médecin (art. 250 al. 2 CPP; ATF 146 I 97 consid. 2.2 p. 99; arrêt 2C_19/2022 du 31 août 2022 consid. 6.2.6). En revanche, une exploration vaginale ou anale ordonnée en vue de découvrir un objet dont la dissimulation est suspectée doit être opérée par une personne ordinairement étrangère au corps de police, au bénéfice d'une formation médicale, conformément à l'art. 252 CPP (arrêt 2C_19/2022 du 31 août 2022 consid. 6.2.6; GUÉNIAT/CALLANDRET/DE SEPIBUS, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, n° 1 ad art. 250 CPP et nos 1 ss ad art. 252 CPP; GFELLER/GFELLER, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordunung, Art. 197-457 StPO, 2e éd. 2014, n° 13 ad art. 250 StPO). 
 
2.2. A teneur de l'art. 7 Cst. - concrétisé par l'art. 3 al. 1 CPP -, la dignité humaine doit être respectée et protégée. Conformément à l'art. 10 al. 3 Cst. et à l'art. 3 CEDH, les traitements dégradants sont interdits.  
Pour déterminer si une fouille corporelle avec déshabillage complet est contraire à la dignité humaine et constitue un traitement dégradant, il faut tenir compte des circonstances (ATF 146 I 97 consid. 2.3 p. 99; 141 I 141 consid. 6.3.4 p. 147 et les références citées). La fouille corporelle constitue une atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection de la sphère privée (art. 13 al. 1 Cst.). Pour être licite, cette mesure doit reposer sur une base légale (art. 36 al. 1 Cst. et 197 al. 1 let. a CPP) - condition réalisée vu les art. 241 ss CPP mentionnés ci-dessus (ATF 146 I 97 consid. 2.2 p. 99) - et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. et 197 al. 1 let. c et d CPP). La fouille corporelle doit donc être apte à atteindre le but qu'elle poursuit. Elle doit ensuite être nécessaire; la nécessité fait défaut si des mesures moins contraignantes suffisent pour atteindre le but recherché. Enfin, la mesure doit être raisonnablement exigible de la personne concernée sur la base de la pesée des intérêts en présence (ATF 146 I 97 consid. 2.3 p. 99 s.; 141 I 141 consid. 6.5.3 p. 151 et les références citées; arrêt 2C_19/2022 du 31 août 2022 consid. 6.3.1). 
Dans différentes affaires où les personnes concernées avaient dû se mettre presque ou entièrement nues lors d'une fouille corporelle, le Tribunal fédéral a retenu que le principe de la proportionnalité avait été violé car les armes et autres objets dangereux, ainsi que les éventuelles drogues, recherchés par les agents de police auraient pu être trouvés par simple palpation par-dessus les habits ou par des moyens techniques. Pour qu'une inspection visuelle de la zone intime soit justi-fiée, il faut qu'il existe des motifs objectifs laissant suspecter que l'intéressé y cache des objets dangereux ou interdits qui ne peuvent pas être trouvés d'une autre manière (ATF 146 I 97 consid. 2.4 p. 100 s. et 2.7 ss p. 102 ss; arrêt 1B_176/2016 du 11 avril 2017 consid. 6.4 et 6.6 publiés in Pra 2017 47 475). 
 
2.3. S'agissant spécifiquement de la fouille corporelle des détenus, la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH) n'a relevé n'avoir aucune difficulté à concevoir qu'un individu qui se trouve obligé de se soumettre à un traitement de cette nature se sente de ce seul fait atteint dans son intimité et sa dignité, tout particulièrement lorsque cela implique qu'il se dévêtisse devant autrui, et plus encore lorsqu'il lui faut adopter des postures embarrassantes. Des fouilles intégrales systématiques, non justifiées et non dictées par des impératifs de sécurité, peuvent créer chez les détenus le sentiment d'être victimes de mesures arbitraires. Le sentiment d'arbitraire, celui d'infériorité et l'angoisse qui y sont souvent associés, et celui d'une profonde atteinte à la dignité que provoque l'obligation de se déshabiller devant autrui et de se soumettre à une inspection anale visuelle, peuvent caractériser un degré d'humiliation dépassant celui, tolérable parce qu'inéluctable, que comporte inévitablement la fouille corporelle des détenus. Un tel traitement n'est pourtant pas en soi illégitime : des fouilles corporelles, même intégrales, peuvent parfois se révéler nécessaires pour assurer la sécurité dans une prison - y compris celle du détenu lui-même -, défendre l'ordre ou prévenir les infractions pénales. Il n'en reste pas moins que les fouilles corporelles doivent, en sus d'être "nécessaires" pour parvenir à l'un de ces buts, être menées selon des "modalités adéquates", de manière à ce que le degré de souffrance ou d'humiliation subi par les détenus ne dépasse pas celui que comporte inévitablement cette forme de traitement légitime. À défaut, elles enfreignent l'article 3 CEDH. Il va en outre de soi que plus importante est l'intrusion dans l'intimité du détenu fouillé à corps (notamment lorsque ces modalités incluent l'obligation de se dévêtir devant autrui, et de surcroît lorsque l'intéressé doit prendre des postures embarrassantes), plus grande est la vigilance qui s'impose (arrêt CourEDH Safi et autres contre Grèce, requête n° 5418/15, du 7 juillet 2022, § 190 ss et les références citées, dont l'arrêt CourEDH Frérot contre France, requête n° 70204/01, du 12 juin 2007, § 38 ss).  
 
2.4. La cour cantonale a tout d'abord confirmé le menottage du recourant dès la sortie du magasin et ce jusqu'au poste de police. Elle a relevé que la palpation de sécurité avait certes permis aux policiers de s'assurer que le recourant n'était a priori pas en possession d'une arme ou d'un autre objet dangereux et que le véhicule de service utilisé était équipé d'une "cage"; cela étant et malgré l'apparence docile du recourant, il n'en demeurait pas moins un risque que ce dernier ne tente de fuir pour se soustraire à son interpellation ou s'y oppose en s'en prenant physiquement aux agents. Selon l'autorité précédente, l'interpellation du recourant était en outre la conséquence directe du vol à l'étalage pour lequel il était soupçonné, de sorte qu'il ne pouvait pas reprocher à la police que des clients du magasin ou des connaissances présents sur les lieux aient pu être témoins de la scène (cf. consid. 2.7.2 p. 11 s. de l'arrêt attaqué).  
Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique. En particulier, il ne saurait être remis en cause par le biais de références à des directives entrées en vigueur ultérieurement aux faits examinés (cf. notamment l'Ordre de service PRS 16.01 "Usage de la force, moyens de contrainte et fouille" modifié le 19 novembre 2021) ou à des projets de directives (cf. l'Ordre de service PRS.03.02 "Conduite et transport de personnes détenues" [observations de la Commandante du 8 juillet 2022]). Certes, l'intervention - tant au magasin que durant le trajet - s'est déroulée dans le calme et avec la coopération du recourant. Toutefois, savoir si une personne va s'opposer violemment à son appréhension ou à son transfert, respectivement va maintenir un comportement collaborant tout au long de l'intervention, ne peut pas être évalué avec certitude. Cela vaut d'autant plus si les policiers n'ont jamais eu affaire à la personne interpellée et qu'ils intervenaient, comme en l'espèce, directement à la suite du soupçon de la commission d'une infraction. On ne saurait donc revoir l'appréciation émise au moment des faits en raison uniquement d'un constat postérieur de l'absence de toute réaction violente. Le recourant soutient encore que la présence d'une "cage" dans le véhicule de police permettait d'assurer la sécurité des agents durant le trajet. Il omet toutefois de prendre en compte que la policière était alors assise à l'arrière à ses côtés (cf. let. B.e.c p. 5 de l'arrêt attaqué). Or, il ne prétend pas que, dans une telle configuration, elle se trouvait à l'extérieur de la partie "cage" du véhicule, soit dans une zone protégée de toute réaction inopinée de sa part (cf. au demeurant p. 16 du rapport de l'IGS qui retient que la "voiture de police n° xxx [...] [était] composée d'une cage complète prenant toute la banquette arrière"). Au vu de ces considérations, il ne saurait être reproché aux policiers d'avoir menotté le recourant et maintenu cette mesure notamment dans le véhicule. 
 
2.5. S'agissant ensuite de l'absence de mesures visant à protéger le recourant de la Covid-19, la Chambre pénale de recours a retenu qu'il n'avait fait état d'aucune disposition légale obligeant les policiers à revêtir un masque; le recourant n'avait pas non plus prétendu avoir présenté des symptômes de la maladie au moment de son interpellation et n'avait pas étayé par des documents médicaux l'asthme invoqué. La cour cantonale a d'ailleurs relevé que, dans l'hypothèse où une telle affection aurait été établie, au vu des images de vidéosurveillance, le recourant ne se protégeait pas non plus systématiquement; il n'affirmait pas non plus avoir sollicité des policiers un masque pour se protéger ou demandé le port de celui-ci par les agents (cf. consid. 2.7.5 p. 13 de l'arrêt attaqué).  
Cette appréciation peut également être confirmée, le recourant ne développant aucune argumentation visant à la remette en cause. En particulier, il ne fait toujours état d'aucune base légale qui aurait été violée par les agents au moment des faits, notamment lors des trajets en voiture et/ou en raison de la grandeur de la salle d'audition. 
 
2.6. Le recourant semble encore se plaindre de prétendues déclarations désobligeantes des policiers, notamment durant les trajets effectués en leur compagnie (cf. p. 17 du recours). L'arrêt attaqué ne constate pas l'existence de tels propos, lesquels n'y sont mentionnés qu'en lien avec les griefs invoqués par le recourant (cf. notamment let. C.e p. 7 de l'arrêt attaqué). Il appartenait en conséquence au recourant de développer une argumentation circonstanciée visant à démontrer une omission arbitraire sur cette question de la part de l'autorité précédente, ce qu'il ne fait pas. Partant, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans l'arrêt attaqué (cf. art. 105 al. 1 LTF), duquel il ne ressort pas que de tels propos seraient avérés. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner plus avant les arguments développés par le recourant à ce propos.  
 
2.7. En ce qui concerne enfin la fouille corporelle, la Chambre pénale de recours a considéré que cette mesure n'avait pas outrepassé le seuil des désagréments inhérents à une poursuite pénale. Elle a relevé que le recourant avait été appréhendé en flagrant délit de vol; après avoir fait l'objet de deux fouilles par palpation, il était hautement invraisemblable que d'autres articles puissent être encore détectés, en particulier à proximité de ses parties intimes (cf. la nature des marchandises en cause). Selon l'autorité précédente, il ne pouvait en revanche être exclu que le recourant ait pu anticiper une éventuelle interpellation et qu'un objet dangereux ou susceptible d'être utilisé par celui-ci dans un geste hétéro- ou auto-agressif ait échappé à la police lors de la palpation de sécurité; dès lors que le recourant avait été placé seul en salle d'audition, l'adéquation de la fouille corporelle de sécurité devait être admise. Selon la cour cantonale, les modalités de cette fouille étaient propres à éviter au recourant toute souffrance ou humiliation inutile : processus en deux temps; déroulement en l'absence de la policière; défaut d'attente durant une heure à moitié dévêtu (cf. les images de vidéosurveillance; consid. 2.7.3 p. 12 s. de l'arrêt attaqué).  
S'agissant tout d'abord de la présence de la policière lors de la fouille, le recourant relève que celle-ci s'était approchée vers 20h49'55 de la salle d'audition. Il mentionne toutefois également que le rapport de l'IGS précisait qu'alors un des policiers "masqu[ait] la vue" (cf. p. 15 du recours). Il omet aussi d'indiquer que le policier lui a restitué son pantalon antérieurement (20h50'14) au moment où il est admis que la policière pouvait voir dans la salle d'audition (20h53'51). On ne saurait donc considérer que la fouille opérée était illicite en raison de la présence de la policière. 
Cela étant, la mesure opérée ne saurait être confirmée, sous l'angle du principe de proportionnalité, eu égard aux autres circonstances d'espèce. Même si le recourant n'en était a priori pas à sa première infraction, il ne saurait être retenu sans autre élément qu'il pouvait s'attendre à être arrêté ce jour-là; une telle issue semble d'autant moins avoir été envisagée par le recourant qu'il était alors accompagné de sa fille en bas âge. Son interpellation ne résulte en outre pas de soupçons de consommation et/ou de participation à un trafic de stupéfiants, soit des produits pouvant, le cas échéant, être dissimulés dans des parties intimes du corps. Ainsi que l'a retenu l'autorité précédente, tel ne peut être le cas des marchandises en cause dans le cas d'espèce (viande, poisson et bouteilles de vin); celles-ci paraissent pouvoir être mises en évidence par le biais de palpation, mesure mise en oeuvre de plus à deux reprises. S'ajoute ensuite à ces éléments l'attitude calme et collaborante du recourant, laquelle a perduré à la suite de l'interpellation, notamment durant les perquisitions et le trajet au poste de police. Contrairement à ce qui prévaut lors du menottage (cf. ci-dessus consid. 2.4), les policiers disposaient ainsi d'une appréciation du comportement du recourant sur une certaine durée au moment de décider de mettre en oeuvre la fouille corporelle. Il n'est en outre pas établi qu'à ce moment-là, le recourant aurait présenté des signes permettant de supposer qu'il pourrait vouloir s'en prendre à lui-même et que dès lors la fouille se serait imposée afin de le protéger. Ce n'est en effet que lors de son audition ultérieure que le recourant a déclaré aux policiers vivre une période personnelle difficile. Vu les circonstances d'espèce - dont la présence de sa fille au moment de son interpellation -, le risque que le recourant ait pu dissimuler, préalablement, un objet dangereux dans une cavité corporelle pour le cas où il serait interpellé semble très ténu. 
Par conséquent, la fouille corporelle effectuée dans les circonstances qui viennent d'être décrites ne respecte pas le principe de proportionnalité. En estimant cette mesure licite, la Chambre pénale de recours a violé le droit fédéral. 
 
3.  
Il s'ensuit que le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable. L'arrêt attaqué est annulé en tant qu'il confirme que la fouille corporelle effectuée le 12 mai 2020 était licite. Il est constaté que la fouille corporelle mise en oeuvre le 12 mai 2020 à l'encontre du recourant était illicite. Pour le surplus, le recours est rejeté. 
Le recourant obtient partiellement gain de cause avec l'assistance d'un avocat. Il supporte dès lors uniquement une partie des frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et a droit à une indemnité dépens - dont le montant sera réduit - à la charge de la République et canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable. L'arrêt du 8 mars 2022 de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève est annulé en tant qu'il confirme que la fouille corporelle effectuée le 12 mai 2020 était licite. Pour le surplus le recours est rejeté. 
 
2.  
Il est constaté que la fouille corporelle mise en oeuvre le 12 mai 2020 à l'encontre du recourant était illicite. 
 
3.  
Les frais judiciaires, fixés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Une indemnité de dépens, fixée à 2'000 fr., est allouée au recourant à la charge de la République et canton de Genève. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à la Police cantonale de Genève, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 1er novembre 2022 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Jametti 
 
La Greffière : Kropf