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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_1084/2018  
 
 
Arrêt du 21 novembre 2018  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Oberholzer. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représentée par Me Philippe Richard, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de l'Etat de Fribourg, 
intimé. 
 
Objet 
Violation grave qualifiée des règles de la circulation routière, arbitraire, erreur sur l'illicéité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Cour d'appel pénal, du 26 septembre 2018 (501 2017 214). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par jugement du 27 juin 2017, la Juge de police de l'arrondissement du Lac a condamné X.________ pour violation grave qualifiée des règles de la circulation routière (art. 90 al. 3 LCR) à une peine privative de liberté de 12 mois, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu'à une amende de 2000 francs. 
 
B.   
Par arrêt du 26 septembre 2018, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal fribourgeois a rejeté l'appel formé par X.________ contre le jugement du 27 juin 2017, qu'elle a confirmé. 
En substance, la cour cantonale a retenu que, le 14 avril 2016, à 20 heures 33, sur l'autoroute A1 en direction de A.________, dans le tunnel " B.________ ", à C.________, X.________, ressortissante italienne née en 1989, avait circulé au volant d'une automobile immatriculée xxxxxx à la vitesse de 189 km/h, alors que celle autorisée était de 100 km/h, commettant un excès de vitesse de 82 km/h après déduction de la marge de sécurité de 7 km/h. 
 
C.   
Contre cet arrêt, X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à son acquittement. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Il n'entre ainsi pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368 et les références citées). 
 
La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe " in dubio pro reo ", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 s.; arrêt 6B_804/2017 du 23 mai 2018 consid. 2.2.3.1 destiné à la publication). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves (sur la portée et le sens précis de la règle sous cet angle, cf. arrêt 6B_804/2017 précité consid. 2.2.3.3 destiné à la publication), la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe " in dubio pro reo ", celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503; 138 V 74 consid. 7 p. 82; arrêt 6B_804/2017 précité consid. 2.2.3.3 destiné à la publication). 
 
2.   
La recourante conteste sa condamnation pour violation grave qualifiée des règles de la circulation routière. 
 
2.1. Aux termes de l'art. 90 al. 3 LCR, est punissable d'une peine privative de liberté d'un à quatre ans celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles. Cette disposition définit et réprime les infractions particulièrement graves aux règles de la circulation routière (dites " délit de chauffard "). Elle contient deux conditions objectives, soit, d'une part, la violation d'une règle fondamentale de la circulation routière et, d'autre part, la création d'un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, sans qu'une mise en danger concrète pour la santé ou la vie de tiers ne soit pour autant nécessaire, un danger abstrait qualifié étant suffisant (ATF 143 IV 508 consid. 1.1 p. 510 et consid. 1.3 p. 512).  
A teneur de l'art. 90 al. 4 LCR, l'al. 3 est toujours applicable lorsque la vitesse maximale a été dépassée, notamment, d'au moins 80 km/h, là où la limite était fixée à plus de 80 km/h (let. d). 
Lorsque l'excès de vitesse atteint l'un des seuils fixés par l'art. 90 al. 4 LCR, la première condition objective de l'art. 90 al. 3 LCR, à savoir la violation d'une règle fondamentale de la circulation routière, est toujours remplie. S'agissant de la seconde condition objective de l'art. 90 al. 3 LCR, l'art. 90 al. 4 LCR crée une présomption réfragable de sa réalisation. Toutefois, seules des circonstances exceptionnelles, en particulier lorsque la limitation de vitesse dépassée n'avait pas pour objet la sécurité routière, permettent de retenir que l'excès de vitesse au sens de l'art. 90 al. 4 LCR n'a pas pu entraîner un grand risque d'accident susceptible de causer des blessures graves ou la mort (ATF 143 précité consid. 1.6 p. 514). 
 
2.2. En circulant à 182 km/h, marge de sécurité déduite, sur une route dont la vitesse maximale autorisée était fixée à 100 km/h, la recourante a commis un excès de vitesse qualifié au sens de l'art. 90 al. 4 LCR et a partant violé une règle fondamentale de la circulation routière.  
De surcroît, aucun élément ne laisse suggérer l'existence de circonstances exceptionnelles permettant de retenir que l'excès de vitesse en cause n'avait pas engendré de danger abstrait qualifié au sens de l'art. 90 al. 3 LCR. En particulier, il ne résulte pas des faits constatés par la cour cantonale (art. 105 al. 1 LTF) que la limitation de vitesse à 100 km/h n'aurait pas eu pour but la sécurité des personnes. C'est dès lors en vain que la recourante se prévaut dans ce contexte de conditions de circulation favorables au moment des faits. 
Il s'ensuit que les conditions objectives de l'art. 90 al. 3 LCR sont réalisées. 
 
2.3. La recourante conteste la réalisation de l'élément subjectif de l'infraction.  
 
2.3.1. Sur le plan subjectif, l'art. 90 al. 3 LCR déroge à l'art. 100 ch. 1 LCR et limite la punissabilité à l'intention. Toutefois, afin de garantir une certaine sécurité juridique, notamment en lien avec les répercussions administratives d'une violation grave qualifiée à la LCR, il y a lieu de retenir que celui qui commet un excès de vitesse appréhendé par l'art. 90 al. 4 LCR réalise en principe les conditions subjectives de l'art. 90 al. 3 LCR. Il faut ainsi de partir de l'idée qu'en commettant un excès de vitesse d'une importance telle qu'il atteint les seuils de l'art. 90 al. 4 LCR, l'auteur a, d'une part, l'intention de violer les règles fondamentales de la circulation et accepte, d'autre part, de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort (ATF 142 IV 137 consid. 11.2 p. 151; 140 IV 133 consid. 4.2.1 p. 138; arrêt 6B_592/2018 du 13 août 2018 consid. 3.1.2).  
L'atteinte d'un des seuils de l'art. 90 al. 4 LCR implique en effet généralement l'impossibilité d'éviter un grand risque d'accident en cas d'obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule. Cependant, dès lors qu'il ne peut pas être exclu que certains comportements soient susceptibles de réaliser les conditions objectives de la violation grave qualifiée des règles de la circulation routière sans pour autant relever de l'intention, le juge doit conserver une marge de manoeuvre restreinte afin d'exclure, dans des constellations particulières, la réalisation des conditions subjectives lors d'un dépassement de vitesse particulièrement important (ATF 142 IV 137 consid. 11.2 p. 151). A ce titre, les hypothèses d'une défaillance technique du véhicule (dysfonctionnement des freins ou du régulateur de vitesse), d'une pression extérieure (menaces, prise d'otage) ou de problèmes médicaux soudains (une crise d'épilepsie, par exemple) peuvent entrer en considération (PHILIPPE WEISSENBERGER, Kommentar Strassenverkehrsgesetz und Ordnungsbussengesetz: Mit Änderungen nach Via Sicura, 2 e éd., n° 165 ad art. 90 LCR; YVAN JEANNERET, Via sicura: le nouvel arsenal pénal, in Circulation routière, 2/2013, p. 37 s.).  
Déterminer ce qu'une personne a su, voulu, envisagé ou accepté relève du contenu de la pensée, et donc de faits (ATF 142 IV 137 consid. 12 p. 151), qui en tant que tels, lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils n'aient été retenus de manière arbitraire. Est en revanche une question de droit celle de savoir si l'autorité cantonale s'est fondée sur une juste conception de la notion d'intention et si elle l'a correctement appliquée sur la base des faits retenus et des éléments à prendre en considération (ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375; 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156). 
 
2.3.2. La cour cantonale a considéré que la recourante ne pouvait pas se prévaloir d'une circonstance particulière permettant d'exclure le caractère intentionnel de l'infraction, celle-ci ayant été commise bien plutôt par pure convenance personnelle et désinvolture. Lors de ses auditions, la recourante avait ainsi admis avoir vu le panneau limitant la vitesse à 100 km/h et connaître l'existence du danger induit par la conduite à haute vitesse.  
 
2.3.3. Se prévalant tant d'un établissement arbitraire des faits que d'une violation de sa présomption d'innocence, la recourante reproche à la cour cantonale de ne pas avoir retenu qu'au moment des faits, elle venait de débuter une nouvelle activité professionnelle en Suisse et qu'elle avait alors également un pied en Allemagne, où elle avait résidé pendant plus de deux ans et où il serait " notoire que les limitations de vitesse ne sont pas impératives ". Ces faits, qu'elle a invoqués constamment lors de ses auditions, dénoteraient qu'elle a agi sous l'emprise d'un " réflexe conditionné " acquis outre-Rhin. Il s'agirait selon elle d'une circonstance particulière propre à exclure le caractère intentionnel de l'infraction.  
Un séjour prolongé à l'étranger et les habitudes prises à cette occasion ne suffisent toutefois nullement à justifier l'existence de circonstances particulières propres à exclure le caractère intentionnel de l'infraction réprimée à l'art. 90 al. 3 LCR. L'art. 27 al. 1 LCR prévoit ainsi que tout usager de la route doit se conformer aux signaux et aux marques ainsi qu'aux ordres de la police. Cette règle prévaut également à l'égard du conducteur étranger, à qui il appartient de connaître les signaux et les règles de circulation en vigueur en Suisse (cf. ATF 87 II 301 consid. 3 p. 310). On relève par ailleurs que, dans son argumentation, la recourante se passe de spécifier si l'absence de limitation de vitesse en vigueur généralement sur les autoroutes allemandes prévaut également s'agissant de tronçons traversant des tunnels d'une longueur telle que celui où l'excès de vitesse a été constaté - le tunnel " B.________ " étant long d'environ 2300 mètres -, ce qui paraît douteux. 
La cour cantonale n'a dès lors pas versé dans l'arbitraire et n'a pas violé la présomption d'innocence de la recourante en ne retenant pas qu'elle avait agi sous le coup d'un prétendu " réflexe conditionné " par ses habitudes de conduite en Allemagne. 
 
2.3.4. Pour le reste, la recourante se limite à rediscuter le sens à donner à ses déclarations s'agissant de sa vision du panneau de signalisation et de sa connaissance du danger induit par une vitesse excessive, dans une démarche appellatoire et partant irrecevable dans le recours en matière pénale. On ne voit par ailleurs pas en quoi la cour cantonale a versé dans l'arbitraire en ne retenant pas que l'excès de vitesse l'exposerait à un licenciement et compromettrait tant son avenir professionnel que son établissement en Suisse, ces faits n'étant nullement étayés et de surcroît pas pertinents. Le fait qu'elle n'avait aucun intérêt à la commission de l'infraction ne saurait en effet exclure son caractère intentionnel.  
Enfin, dès lors que la recourante a admis avoir vu le panneau de limitation de vitesse et qu'elle n'avait pas ralenti malgré le danger induit par son comportement, qu'elle connaissait, il n'y a rien d'insoutenable à retenir qu'elle a agi par pure convenance personnelle et désinvolture. 
 
2.3.5. Faute pour la recourante de pouvoir se prévaloir de circonstances particulières justifiant l'excès de vitesse constaté, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en retenant qu'elle avait agi intentionnellement.  
 
2.4. La recourante invoque encore une erreur sur l'illicéité (art. 21 CP).  
 
2.4.1. Selon l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable. L'erreur sur l'illicéité vise le cas où l'auteur agit en ayant connaissance de tous les éléments constitutifs de l'infraction, et donc avec intention, mais en croyant par erreur agir de façon licite (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 241; cf. ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3 p. 343 et les références citées). La réglementation relative à l'erreur sur l'illicéité repose sur l'idée que le justiciable doit faire tout son possible pour connaître la loi et que son ignorance ne le protège que dans des cas exceptionnels (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 241; arrêts 6B_524/2016 du 13 février 2017 consid. 1.3.2; 6B_1102/2015 du 20 juillet 2016 consid. 4.1). Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que seul celui qui avait des " raisons suffisantes de se croire en droit d'agir " pouvait être mis au bénéfice de l'erreur sur l'illicéité. Une raison de se croire en droit d'agir est " suffisante " lorsqu'aucun reproche ne peut être adressé à l'auteur du fait de son erreur, parce qu'elle provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur toute personne consciencieuse (ATF 128 IV 201 consid. 2 p. 210; 98 IV 293 consid. 4a p. 303; arrêt 6B_716/2018 du 23 octobre 2018 consid. 1.1).  
 
2.4.2. La recourante fait valoir en substance les mêmes arguments que ceux développés en lien avec le caractère intentionnel de l'infraction, à savoir en particulier l'existence d'un réflexe de conduite qu'elle aurait acquis lors son séjour en Allemagne. Il ressort toutefois de l'arrêt entrepris que la recourante a passé son permis de conduire en Italie en 2008 et qu'elle avait par la suite vécu et conduit également au Royaume-Uni, pays dans lesquels il existe des limitations de vitesse sur les autoroutes. Elle avait du reste déclaré avoir su que la législation allemande, particulièrement permissive en matière de limitations de vitesse, constituait une réglementation d'exception. Il n'apparaît dès lors pas qu'elle pouvait avoir dans ce contexte des raisons suffisantes de se croire en droit de circuler à très haute vitesse dans un tunnel autoroutier et ne saurait donc se prévaloir d'avoir agi sous l'emprise d'une erreur sur l'illicéité.  
 
2.5. En définitive, la condamnation de la recourante pour violation grave qualifiée des règles de la circulation routière ne viole pas le droit fédéral.  
 
3.   
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Cour d'appel pénal. 
 
 
Lausanne, le 21 novembre 2018 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
Le Greffier : Tinguely