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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6B_593/2011 
 
Arrêt du 13 avril 2012 
Cour de droit pénal 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Mathys, Président, 
Jacquemoud-Rossari et Denys. 
Greffier: M. Rieben. 
 
Participants à la procédure 
X.________, représenté par 
Me Olivier Couchepin, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
1. Ministère public du canton du Valais, case postale 2305, 1950 Sion 2, 
2. A.________, 
3. B.________, 
4. C.________ 
5. D.________, 
6. E.________, 
7. F.________, 
8. G.________, 
9. H.________, 
intimés. 
 
Objet 
Compétence des autorités pénales des mineurs; 
art. 3 al. 2 DPMin
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale II, du 5 août 2011. 
 
Faits: 
 
A. 
Par jugement du 31 octobre 2007, le Tribunal des mineurs du canton du Valais a reconnu X.________, né le 12 octobre 1989, coupable de diverses infractions au code pénal, à la loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR; RS 741.01) et à la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants (LStup; RS 812.121). Il a institué une mesure de surveillance et a condamné l'intéressé à une peine de privation de liberté de six mois, avec sursis et délai d'épreuve de deux ans, durant lequel la poursuite des rencontres avec le service social du Tribunal des mineurs lui a été imposée à titre de règle de conduite. 
 
B. 
Par jugement du 5 août 2011, la Cour pénale II du Tribunal cantonal du canton du Valais a partiellement admis l'appel formé par X.________ contre un jugement du Juge des districts de Martigny et Saint-Maurice du 2 novembre 2010. Elle a dans un premier temps admis que le premier juge était compétent pour statuer, alors que le condamné soutenait que seules les autorités pour mineurs l'étaient. Elle a ensuite confirmé que ce dernier s'était rendu coupable des infractions de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP), d'incendie intentionnel d'importance mineure (art. 221 al. 3 CP), de conduite en état d'ébriété (art. 91 al. 1, 1ère et 2ème phrase LCR), de violation des devoirs en cas d'accident (art. 92 al. 1 LCR), de vol d'usage (art. 94 ch. 1 LCR), de conduite sans permis de conduire (art. 95 ch. 1 LCR) et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup). Elle a en revanche réformé le jugement attaqué quant à la peine prononcée. Elle a ainsi condamné l'intéressé à une peine privative de liberté de six mois, sous déduction de la détention subie avant jugement, ainsi qu'à une amende de 1'000 francs, et a renoncé à révoquer le sursis octroyé à la peine privative de liberté de six mois prononcée le 31 octobre 2007 par le Tribunal des mineurs. Enfin, elle a renvoyé A.________ SA à agir au civil et déclaré irrecevables les prétentions civiles de B.________ et de C._______. 
Ce jugement a été rendu dans le cadre d'une procédure ouverte le 15 octobre 2007 par le juge d'instruction de l'Office du Juge d'instruction du Bas-Valais en raison de faits qui s'étaient produits le 13 octobre 2007. Par la suite, X.________ a été identifié comme l'auteur d'infractions commises les 6 juillet et 15 septembre 2007 pour lesquelles le juge d'instruction a ouvert une instruction complémentaire le 20 décembre 2007, dans le cadre de la procédure qu'il conduisait déjà. D'autres infractions ont ensuite été reprochées à X.________, commises les 30 novembre 2007, 26 avril 2008, 27 juin 2008, 8 octobre 2008, 5 mars 2009, 4 septembre 2009 et 20 avril 2010. 
 
C. 
X.________ interjette un recours en matière pénale, "respectivement", un recours constitutionnel subsidiaire, contre le jugement du 5 août 2011. Aux termes de son mémoire, circonscrit à la question de la compétence des autorités pour adultes pour le poursuivre et le juger, il conclut à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal des mineurs du Valais. Il sollicite en outre l'assistance judiciaire et l'effet suspensif à son recours. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recourant interjette, par un seul et même acte, un recours en matière pénale, "respectivement", un recours constitutionnel subsidiaire. Il n'explique pas pour quel motif il estime nécessaire de former ces deux recours. Si le motif en est qu'il soulève, notamment, la violation de normes constitutionnelles, il est rappelé que la notion de droit fédéral au sens de l'art. 95 let. a LTF inclut également les droits constitutionnels, dont la violation peut donc être soulevée dans un recours ordinaire, en l'occurrence dans un recours en matière pénale (cf. art. 78 al. 1 LTF). Le recours constitutionnel subsidiaire est ainsi exclu (cf. art. 113 LTF). Partant, le présent recours sera traité comme un recours en matière pénale, le recours constitutionnel étant irrecevable. 
 
2. 
Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir considéré que les autorités pour mineurs étaient seules compétentes en vertu de l'art. 3 al. 2, 4ème phrase DPMin pour le poursuivre et pour statuer sur les infractions pour lesquelles il a été condamné dans le cadre de la présente procédure. Il fait valoir qu'une procédure pour mineurs était déjà pendante lorsque la présente procédure a été ouverte. Le jugement du Juge des districts de Martigny et Saint-Maurice du 2 novembre 2010 est ainsi entaché de nullité absolue. 
 
2.1 L'art. 3 al. 1 DPMin prévoit que le droit pénal des mineurs s'applique à quiconque commet un acte punissable entre 10 et 18 ans. Selon l'art. 3 al. 2 DPMin, lorsque plusieurs infractions commises avant et après l'âge de 18 ans doivent être jugées en même temps, le code pénal est seul applicable en ce qui concerne les peines (1ère phrase). Il en va de même pour les peines complémentaires (art. 49 al. 2 CP) prononcées pour un acte commis avant l'âge de 18 ans (2ème phrase). Lorsqu'une mesure est nécessaire, l'autorité de jugement ordonne celle qui est prévue par le code pénal ou par la loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, en fonction des circonstances (3ème phrase). Lorsqu'une procédure pénale des mineurs est introduite avant la connaissance d'un acte commis après l'âge de 18 ans, cette procédure reste applicable (4ème phrase). Dans les autres cas, la procédure pénale relative aux adultes est applicable (5ème phrase). 
2.1.1 D'après la jurisprudence, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). On peut cependant s'écarter de cette interprétation s'il y a des raisons sérieuses de penser que le texte de la loi ne reflète pas la volonté réelle du législateur; de tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi. Lorsque plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions. Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique (cf. ATF 137 IV 249 consid. 3.2 p. 251; 180 consid. 3.4 p. 184 et arrêts cités). 
2.1.2 Le sens et le but de la loi, dans les cas dits mixtes, soit ceux où l'auteur a commis des infractions avant et après l'âge de dix-huit ans, est d'appliquer une solution adaptée aux circonstances du cas d'espèce et efficace d'un point de vue procédural, plutôt que d'appliquer, selon des critères rigides, soit les sanctions du code pénal et la procédure pénale pour adultes, soit le droit pénal et la procédure pour mineurs. Dans un but d'économie de procédure, il s'agit d'éviter des temps morts résultant d'un changement de procédure, qui pourrait conduire à la répétition d'actes d'instruction déjà exécutés (ATF 135 IV 206 consid. 5.3 p. 210 s.). 
2.1.3 L'art. 3 al. 2 DPMin indique si le droit de fond ou de forme des mineurs ou celui des adultes est applicable, mais il ne détermine pas quelle est l'autorité compétente pour l'appliquer (cf. Michel Dupuis/ Bernard Geller/Gilles Monnier/Laurent Moreillon/Christophe Piguet, Code pénal I, Partie générale - art. 1-110, DPMin, 1ère éd., 2008, n. 26 ad art. 3 DPMin [les dispositions du DPMin ne sont pas commentées dans la deuxième édition parue en 2012]). La doctrine considère cependant que le tribunal pour mineurs ou celui pour adultes est compétent selon que la procédure pour mineurs, respectivement celle pour adultes, est applicable (Peter Aebersold, Schweizerisches Jugendstrafrecht, 2ème éd., 2011, p. 80; p. 114: "Ob in diesen Fällen das Jugend- oder das Erwachsenenverfahren anwendbar und damit das Jugend oder das Erwachsenengericht zuständig sei, ..."; Dupuis/Geller/Monnier/Moreillon/Piguet, op. cit., n. 41 ad art. 3 DPMin; cf. également dans le même sens, implicitement, Hansueli Gürber/Christoph Hug/Patrizia Schläfli, in Basler Kommentar, Strafrecht I, 2ème éd., 2007, n. 17 ad art. 3 DPMin; Marcel Riesen, Das neue Jugendstrafgesetz (JStG), RPS 2005 p. 21). Le Tribunal fédéral part du même postulat lorsqu'il indique que la réglementation de l'art. 3 al. 2 DPMin permet d'éviter un changement de procédure, lequel impliquerait que d'autres autorités se saisissent de la cause (cf. ATF 135 IV 206 consid. 5.3 p. 211). 
 
2.2 Il s'agit de déterminer en l'espèce, au vu des principes énoncés supra, si le Juge des districts de Martigny et Saint-Maurice (ci-après: le Juge de district) était compétent pour statuer eu égard au fait qu'une procédure pour mineurs était déjà pendante lorsque la présente procédure a été ouverte. 
La procédure pour mineurs invoquée par le recourant s'est achevée par un jugement du Tribunal des mineurs du 31 octobre 2007, contre lequel l'intéressé n'a pas indiqué avoir fait recours. Le Juge de district ne pouvait donc pas transmettre aux autorités pour mineurs, sur la base de l'art. 3 al. 2 DPMin, la cause dont il a été saisi en 2010 pour qu'elles statuent dans un seul et même jugement sur toutes les infractions commises par le recourant. De plus, il aurait été contraire au but d'efficacité recherché par la disposition précitée que le Juge de district renvoie la cause aux autorités pour mineurs afin qu'elles ouvrent une nouvelle procédure et qu'il renonce à statuer au seul motif qu'une procédure pour mineurs était formellement dirigée contre le recourant lorsque la présente procédure a été ouverte. Le recourant ne conteste pas que, abstraction faite de cette circonstance, la compétence du juge était donnée et les infractions à juger avaient été commises, pour certaines d'entre elles, déjà trois ans auparavant. En outre, le Juge de district a considéré que les infractions perpétrées les 6 juillet et 15/16 septembre 2007, alors que le recourant était mineur, étaient prescrites. Il a ainsi, en définitive, condamné le recourant pour des infractions commises exclusivement alors qu'il était majeur. 
Au surplus, lorsque la présente procédure a été ouverte le 15 octobre 2007, le recourant avait déjà été renvoyé en jugement devant le Tribunal des mineurs pour diverses infractions. Le principe de célérité (art. 29 al. 1 Cst.; 6 par. 1 CEDH) commandait qu'il soit jugé par cette juridiction sans attendre l'issue de l'instruction relative à la nouvelle infraction commise le 13 octobre 2007 qui venait tout juste de débuter. Il aurait également été contraire au but recherché par l'art. 3 al. 2 DPMin que le Tribunal des mineurs sursoie à statuer compte tenu de la nouvelle infraction commise par le recourant alors qu'il était majeur. Lorsque par la suite, des infractions commises alors que ce dernier était mineur ont été découvertes, l'art. 3 al. 2 5ème phrase DPMin ne prescrivait pas d'ouvrir une procédure séparée pour ces infractions, qui devaient au contraire être instruites dans le cadre de celle pour adulte ouverte le 15 octobre 2007. La cour cantonale n'a par ailleurs pas ignoré qu'elle était saisie d'une infraction qui avait été commise avant que le recourant ne soit condamné par le Tribunal des mineurs le 30 octobre 2007. Elle a ainsi prononcé une peine d'ensemble afin d'en tenir compte (cf. jugement du 5 août 2011, consid. 7/b/bb p. 25). Le recourant n'a de ce fait pas subi de préjudice. 
Enfin, le recourant n'invoque pas à l'appui de ses conclusions avoir été privé de droits spécifiques prévus par la procédure pénale pour les mineurs ni qu'une mesure du droit pénal des mineurs aurait dû être prononcée mais que le Juge de district n'en avait pas la compétence. 
Ainsi, en définitive, eu égard aux circonstances du cas d'espèce, il était conforme au but et à l'esprit de l'art. 3 al. 2 DPMin que de considérer que le Juge des districts de Martigny et Saint-Maurice était compétent pour statuer sur les infractions pour lesquelles le recourant a été condamné. Le grief de violation de l'art. 3 al. 2 DPMin est infondé. Dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner le grief soulevé par le recourant qui conteste avoir agi de manière contraire à la bonne foi en ne soulevant que devant l'autorité cantonale l'incompétence des autorités pour adultes. Le recourant n'est par ailleurs pas recevable à invoquer que le Tribunal des mineurs aurait commis un déni de justice en ne statuant pas aux termes de son jugement du 31 octobre 2007 sur les infractions qu'il a commises alors qu'il était mineur, les 6 juillet ainsi que 15/16 septembre 2007, ce jugement étant entré en force. 
 
2.3 Pour le surplus le recourant ne conteste ni sa culpabilité ni la quotité de la peine prononcée à son encontre. Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
3. 
Le recourant a requis le bénéfice de l'assistance judiciaire. Ses conclusions n'étaient pas dénuées de chances de succès et sa situation économique justifie l'octroi de l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). La complexité de la cause et les intérêts en jeu permettent qu'un avocat d'office lui soit désigné et qu'il soit indemnisé par la caisse du tribunal (art. 64 al. 2 LTF). Etant donné les circonstances, il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 1 2ème phrase LTF). La cause étant tranchée, la requête d'effet suspensif devient sans objet. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
La requête d'assistance judiciaire est admise et Me Olivier Couchepin, avocat à Martigny, est désigné comme avocat d'office. 
 
3. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4. 
La Caisse du Tribunal fédéral versera une indemnité de 3'000 francs à Me Olivier Couchepin au titre de l'assistance judiciaire. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale II. 
 
Lausanne, le 13 avril 2012 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Mathys 
 
Le Greffier: Rieben