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[AZA 0/4] 
1P.183/2000 
126 I 219 
 
28. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 28 juin 2000 dans la cause Epoux A. contre Tribunal 
administratif du canton de Genève (recours de droit public) 
 
Art. 26 al. 1 et 36 al. 1 à 3 Cst. ; protection des 
monuments; classement d'une salle de cinéma. 
Classement d'une salle de cinéma: exigences liées à 
l'intérêt public et au caractère proportionné de la mesure(consid. 2e-g). 
Conditions dans lesquelles le classement est compatibleavec le principe de la proportionnalité, lorsque cettemesure produit l'effet de maintenir l'affectation d'unbâtiment et oblige le propriétaire à poursuivre uneactivité économique déterminée (consid. 2h). 
Art. 26 Abs. 1 und Art. 36 Abs. 1 - 3 BV; Denkmalschutz; Klassifizierung eines Kinosaales als schutzwürdigesBaudenkmal. 
Denkmalschutz eines Kinosaales: Anforderungenhinsichtlich des öffentlichen Interesses und derVerhältnismässigkeit (E. 2e-g). 
Umstände, unter denen die Massnahme verhältnismässigerscheint, wenn sie einerseits die Beibehaltung derbisherigen Nutzung des betreffenden Gebäudes ermöglicht, dessen Eigentümer anderseits dazu verpflichtet, einebestimmte wirtschaftliche Tätigkeit weiterzuführen (E. 2h). 
Art. 26 cpv. 1 e 36 cpv. 1 a 3 Cost. ; protezione deimonumenti; classificazione di una sala di cinema. 
Classificazione di una sala cinematografica: esigenzeattinenti all'interesse pubblico e alla proporzionalitàdella misura (consid. 2e-g). 
Condizioni alle quali la classificazione è compatibilecon il principio della proporzionalità quando ilprovvedimento ha come effetto di mantenere l'utilizzazionedi un immobile e obbliga il proprietario a proseguire conuna determinata attività economica (consid. 2h). 
Les époux A., nés en 1928 et en 1932, sontcopropriétaires de la parcelle no 219 du Registre foncierde Carouge. Ce bien-fonds de 371 m2, sis à l'angle de laPlace du Marché et de la rue St-Joseph, est classé dans lazone protégée du Vieux-Carouge, régie par les art. 94 à 104de la loi genevoise sur les constructions et installationsdiverses, du 14 avril 1988 (LCI/GE), mis en relation avecl'art. 29 let. e de la loi genevoise d'application de laLAT, du 4 juin 1987 (LALAT/GE). La parcelle no 219 estaussi comprise dans le périmètre du plan de site duVieux-Carouge, au sens de l'art. 95 LCI/GE, mis en relationavec les art. 38 ss de la loi genevoise sur la protectiondes monuments, de la nature et des sites, du 4 juin 1976(LPMNS/GE), adopté le 21 juillet 1982 par le Conseil d'Etatdu canton de Genève. 
En 1928, a été construit sur la parcelle no 219 unbâtiment (désigné sous la rubrique A1035) abritant unesalle de cinéma de 313 places, à l'enseigne du Capitoljusqu'en 1952, puis du Vox jusqu'en 1972 et du Bio 72depuis cette époque. Le fronton du cinéma donne sur la rueSt-Joseph. La salle, d'un seul niveau en pente, forme unrectangle dont le petit côté se trouve du côté de la rueSt-Joseph. Elle est surmontée d'un toit en forme dedemi-cylindre. A l'origine, la salle était équipée d'unescène, d'une fosse d'orchestre et d'une buvette. 
Ultérieurement, la scène a été adaptée aux exigences del'écran moderne; la fosse a été remplacée par un localabritant des installations électriques; la buvette a étésupprimée pour accueillir l'appareillage de climatisation. 
La salle de projection et le dépôt de films sont installésau-dessus des loges se trouvant au fond de la salle. 
L'entrée, située à l'angle de la Place du Marché et de larue St-Joseph, se fait par un tambour vitré donnant accèsau guichet de la billetterie. 
Le 3 mai 1996, l'Association de sauvegarde duVieux-Carouge - "Le Boulet" (ci-après: l'Association) ademandé au Conseil d'Etat de classer le bâtiment A1035, enapplication des art. 10 ss LPMNS/GE. 
Les époux A. se sont opposés au classement, auquel laVille de Carouge et la Commission cantonale des monuments, de la nature et des sites (ci-après: la Commissioncantonale) se sont déclarés favorables. 
Le 23 juin 1999, le Conseil d'Etat a ordonné leclassement du bâtiment A1035. 
Par arrêt du 8 février 2000, le Tribunal administratif ducanton de Genève, après avoir procédé à une inspectionlocale, a rejeté lerecours formé par les époux A. contre l'arrêté declassement du 23 juin 1999. 
Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit publicformé par les époux A. contre l'arrêt du 8 février 2000, qu'il a annulé. 
Extrait des considérants: 
2.- Les recourants se plaignent essentiellement de laviolation de leur droit de propriété, garanti autrefois parl'art. 22ter aCst. et désormais par l'art. 26 al. 1 Cst. 
a) Les restrictions à la propriété ne sont compatiblesavec la Constitution que si elles reposent sur une baselégale, sont justifiées par un intérêt public suffisant etrespectent le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst. ; pour la jurisprudence relative à l'art. 22teraCst. , cf. ATF 121 I 117 consid. 3b p. 120; 120 Ia 126consid. 5a p. 142, 270 consid. 3 p. 273; 119 Ia 348 consid. 2a p. 353, et les arrêts cités). 
 
 
b) La LPMNS/GE a notamment pour but de conserver lesmonuments de l'histoire, de l'art ou de l'architecture(art. 1 let. a LPMNS/GE). L'arrêté de classement, dont ladurée est illimitée (art. 11 al. 2 LPMNS/GE), a pour effetque le bâtiment visé ne peut, sans l'autorisation duConseil d'Etat, être démoli, transformé, réparé, fairel'objet de simples travaux ordinaires d'entretien ou d'unchangement dans sa destination (art. 15 al. 1 LPMNS/GE). Lepropriétaire est tenu d'entretenir le bâtiment classé (art. 19 LPMNS/GE). L'Etat peut participer aux frais deconservation, d'entretien et de restauration des immeublesclassés (art. 22 LPMNS/GE). 
c) Les restrictions au droit de propriété ordonnées envue de la protection des monuments répondent en principe àl'intérêt public (ATF 120 Ia 270 consid. 4a p. 275; 118 Ia384 consid. 5a p. 388/389; 115 Ia 370 consid. 3a p. 373; 109 Ia 257 consid. 5a p. 259). Celui-ci prévaut, enprincipe, sur l'intérêt privé lié à une utilisationfinancière optimale du bâtiment (ATF 120 Ia 270 consid. 6cp. 285; 109 Ia 257 consid. 5d p. 263). Le classement nepeut être ordonné pour la protection des intérêts d'uncercle privilégié de spécialistes; cette mesure doitsatisfaire à des critères larges, objectifs etfondamentaux, répondant aux besoins d'une grande part de lapopulation (ATF 118 Ia 384 consid. 5a p. 389; 89 I 464consid. 4b p. 474; arrêt non publié B. du 23 juin 1995, reproduit in: ZBl 97/1996 p. 366 et résumé in: RDAF 1997 1p. 503, consid. 4b). Le classement d'un bâtimentconstituant une restriction grave au droit de propriété(ATF 118 Ia 384 consid. 4a p. 387), le Tribunal fédéralexamine librement la légalité de cette mesure (ATF 124 I 6consid. 4b/aa p. 8; 121 I 117 consid. 3b/bb p. 120/121; 119Ia 88 consid. 5c/bb p. 96, 362 consid. 3a p. 366, et lesarrêts cités), ainsi que l'application du droit cantonal, la pesée des intérêts en présence et le respect du principede la proportionnalité (ATF 121 I 117 consid. 3b/bb et c p. 
 
120/121; 119 Ia 362 consid. 3a p. 366). Le Tribunal fédérals'impose toutefois de la retenue particulière dans l'examende questions d'appréciation ou de circonstances locales, dont les autorités cantonales ont une meilleureconnaissance, notamment pour ce qui concerne la protectiondes monuments (ATF 120 Ia 270 consid. 3b p. 275; 119 Ia 88consid. 5c/bb p. 96; 118 Ia 384 consid. 4b p. 388). Leprincipe de la proportionnalité exige qu'une mesurerestrictive soit apte à produire les résultats escomptés etque ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moinsincisive; en outre, il interdit toute limitation allantau-delà du but visé et il exige un rapport raisonnableentre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis(ATF 124 I 40 consid. 3e p. 44/45; 119 Ia 348 consid. 2a p. 353; 118 Ia 394 consid. 2b p. 397). Sous ce dernier aspect(principe de proportionnalité au sens étroit), une mesurede protection des monuments est incompatible avec laConstitution si, dans la pesée des intérêts en présence, elle produit des effets insupportables pour lepropriétaire. Savoir ce qu'il en est ne dépend passeulement de l'appréciation des conséquences financières dela mesure critiquée, mais aussi de son caractèrenécessaire: plus un bâtiment est digne d'être conservé, moins les exigences de la rentabilité doivent être prisesen compte (ATF 118 Ia 384 consid. 5e p. 393). 
d) Les recourants ne contestent pas que la mesurecritiquée repose sur une base légale. 
 
e) Selon le Tribunal administratif, le classement dubâtiment A1035 serait justifié par le fait que la salle decinéma aurait conservé, à l'intérieur comme à l'extérieur, ses caractéristiques d'origine. Hormis la modification dela scène, de la fosse et de la buvette, l'aménagementintérieur serait resté inchangé, tant pour ce qui concerneses éléments décoratifs que sa structure. La salle seraitle dernier témoin des cinémas de quartier et un exempled'une architecture fonctionnaliste moderne au coeur d'unsite bâti ancien. 
Dans le cadre de la présente procédure, les recourantsont renoncé à remettre en cause cette appréciation, mêmes'ils persistent à penser que le bâtiment ne mérite pas, entant que tel, d'être protégé. L'existence d'un intérêtpublic au classement n'étant plus contesté, ce point peut être considéré comme acquis. Il n'en demeurepas moins que personne ne prétend sérieusement que lebâtiment A1035 constituerait, comme tel, un édifice d'unegrande valeur architecturale ou artistique qui devrait êtresauvegardé à tout prix. Preuve en est qu'il n'a pas étédésigné comme bâtiment classé ou maintenu selon le plan desite du Vieux-Carouge. Sans doute, les conceptions enmatière de protection des monuments ont-elles évolué aucours des deux dernières décennies, comme le soulignel'arrêt attaqué, dans le sens de protéger non seulement desoeuvres d'art, mais aussi des bâtiments qui sont lestémoins caractéristiques d'une époque ou d'un style. Lepréavis de la Commission cantonale, l'arrêté de classementet l'arrêt attaqué se fondent sur ces préoccupationsnouvelles. Ils restent cependant marqués d'une certaineambiguïté, dans la mesure où il est difficile de discerner, dans les motifs des autorités cantonales, si le bâtimentA1035 devrait être classé en raison de ses caractéristiquesarchitecturales ou en raison de son affectation comme sallede cinéma de quartier. Il semble que ce dernier élément aitjoué un rôle prépondérant, comme le montrent la demande del'Association, à l'origine de la mesure attaquée, lepréavis de la Commission cantonale et les prises deposition de la commune. Quoi qu'il en soit, si le bâtimentA1035 peut être digne d'être conservé, ce n'estcertainement pas au point d'écarter d'emblée les intérêtséconomiques des recourants. Sur ce point, la présente causese distingue des états de fait ayant conduit au prononcédes ATF 118 Ia 384 et 109 Ia 257. 
f) Les recourants reprochent au Tribunal administratifd'avoir minimisé les intérêts s'opposant au classement et,partant, procédé à une pesée arbitraire des intérêts enprésence. Cette argumentation revient à dire que larestriction contestée serait disproportionnée. 
g) L'arrêté de classement du 23 juin 1999 visel'intégralité du bâtiment A1035, son enveloppe extérieurecomme ses aménagements intérieurs. De l'avis desrecourants, l'ensemble des contraintes résultant de lamesure critiquée aurait pour effet de les obliger àmaintenir l'affectation du bâtiment comme salle de cinéma, alors même que cette activité serait déficitaire. 
aa) Le rapport de l'expertise ordonnée dans le cadre dela procédure cantonale indique que le bâtiment A1035 setrouve dans un très mauvais état. Il y a des fuites d'eau, en raison de défauts de l'étanchéité du toit; le système declimatisation ne fonctionne pas; les arcs-boutants du toitsont corrodés; les murs de façade sont dégradés; la cabinede projection est minuscule; l'escalier d'accès n'est pasconforme aux normes applicables; la chaufferie et lesinstallationssanitaires sont obsolètes. Si la stabilité des structuresdu bâtiment est assurée, des travaux de rénovation sontindispensables, dont l'expert a estimé le coût total à420'000 fr. Il est constant que ces travaux devront êtreréalisés de toute manière si le bâtiment est maintenu, quelle que soit son affectation future. L'Etat pourraitparticiper à ces frais, selon l'art. 22 LPMNS/GE, sans êtretoutefois obligé de le faire. 
Le rendement actuel de la salle est médiocre. L'experttient le loyer annuel, d'un montant de 52'660 fr., pour"ridiculement bas", tout en soulignant qu'il ne peut êtreaugmenté, les recettes étant très faibles: en mars/avril1998, le taux d'occupation de la salle n'a pas dépassé7, 6%; le film ayant drainé la plus forte affluence a été vupar 2071 spectateurs en 84 séances, soit 25 spectateurs enmoyenne par séance. Selon l'expert, une améliorationsignificative de la rentabilité de la salle ne serait guèreenvisageable, car les charges d'exploitation resterontlourdes en raison de l'obligation de disposer d'unepersonne à la caisse et d'un projectionniste. Quant auxperspectives de développement des petites salles dequartier, elles ne sont pas brillantes. Une petite salle, même rénovée, souffrira toujours plus de la concurrence descomplexes réunissant plusieurs salles, situés à lapériphérie de l'agglomération urbaine; ces établissementsoffrent en effet de grandes facilités de stationnement, desinstallations confortables, une programmation diversifiéeet bénéficient de coûts réduits en raison du regroupementdes salles. En l'espèce, l'existence même du Bio 72 estincertaine, puisque l'actuel locataire de la salle aindiqué aux recourants qu'il ne souhaitait pas renouvelerle bail au-delà du terme fixé, soit le 30 avril 2003. Dèscette époque, l'exploitation de la salle ne sera même plusassurée. Les recourants, âgés de soixante-douze et desoixante-huit ans, n'étant pas disposés à reprendreeux-mêmes la gestion de la salle, il n'est pas exclu quecelle-ci doive être fermée à moyen terme. 
bb) Si les recourants entendaient aliéner en l'état lebâtiment classé - sous réserve du droit de préemption del'Etat et de la commune (art. 24 ss LPMNS/GE) -, ilspourraient escompter un prix de 640'000 fr., correspondant, selon l'expert, à la valeur vénale du bâtiment dont ladémolition serait interdite. Encore faudrait-il trouver unacquéreur prêt à payer non seulement ce prix, mais encorecelui de la rénovation indispensable d'un bâtiment dontl'affectation ne pourrait être modifiée. Une telleperspective paraît d'autant moins envisageable sérieusementqu'en l'espèce, la collectivité publique semble excluretout engagement en ce sens. Classer le bâtiment dans sonétat actuel oblige ainsi, de fait, les recourants àmaintenir unesalle déficitaire qu'ils n'ont pas les moyens de rénover etqu'ils ne peuvent raisonnablement espérer ni vendre, nilouer à l'expiration du bail en cours. 
cc) La précarité de la survie du Bio 72 n'a pas échappéaux autorités cantonales. Le Conseil d'Etat, tout enadmettant que la rentabilité de la salle était faible aupoint de rendre difficile, voire impossible, sa rénovation, a considéré que le propriétaire pouvait néanmoins en faire"un usage conforme à sa destination et économiquementrationnel, même si l'avenir de ce type de salle de cinémaprésente quelques incertitudes". Quant au Tribunaladministratif, il a estimé que la salle du Bio 72 seprêterait "à toutes sortes d'animations culturelles, musicales et artistiques". Ces affirmations ne reposent surrien et les autorités cantonales ne donnent aucuneindication précise quant aux possibilités et aux modalitésde l'affectation polyvalente du bâtiment litigieux qu'ellespréconisent. Il est d'ailleurs contradictoire d'ordonner unclassement intégral - avec la conséquence que toutaménagement, transformation et travail même d'entretien estsoumis à l'autorisation du Conseil d'Etat (art. 15LPMNS/GE) - tout en prétendant que les recourantsresteraient libres d'utiliser la salle à leur guise, pourles besoins d'activités complémentaires. Quant à unchangement de destination, il paraît exclu d'emblée, l'affectation de la salle au cinéma constituant en l'espèceun élément déterminant du classement. Le bâtiment nedispose ni de loges, ni de coursives, ni de buvette. Lascène et la fosse d'orchestre n'existent plus. On voit malcomment, dans une salle nullement conçue à cet effet, lesrecourants pourraient organiser les spectacles, lesconcerts et les conférences qu'évoquent les autoritéscantonales - sans parler de l'aménagement du café suggérépar l'Association dans sa réponse du 8 mai 2000. Outrequ'il n'est pas prouvé que ces activités pourraient êtreconduites parallèlement à la projection de films, rien nepermet de dire qu'elles seraient de nature à procurer auxrecourants un revenu conforme à un "usage économiquerationnel", selon les termes du Conseil d'Etat. Sur cepoint crucial de l'affaire, l'arrêt attaqué repose sur desimples conjectures: là où il aurait fallu s'appuyer surdes faits solidement établis (sur la base, par exemple, d'une expertise complémentaire), le Tribunal administratifs'est contenté d'affirmations catégoriques. En agissant dela sorte, il n'a pas pesé correctement les intérêts enprésence, au détriment de ceux des recourants. 
h) L'autorité qui ordonne le classement d'un bâtimentdoit s'entourer de précautions particulières lorsque cettemesure produitconcrètement l'effet de maintenir l'affectation du bâtimentet oblige, comme en l'espèce, le propriétaire à poursuivre, même contre son gré, une activité économique déterminée. 
S'agissant d'une restriction grave au droit de propriété(consid. 2c ci-dessus), l'autorité doit, en premier lieu, établir les faits de telle manière qu'apparaissentclairement toutes les conséquences du classement, tant pource qui concerne le bâtiment lui-même et son utilisationfuture, que le rendement que le propriétaire pourradésormais en escompter. A cette fin, l'autorité et lepropriétaire doivent se concerter pour examiner tous leseffets du classement, étudier d'éventuelles variantes etsolutions alternatives, fixer les modalités, les charges etles conditions de l'utilisation future. Cette obligation decollaboration ne change pas la nature de l'acte declassement, qui n'en devient pas négociable pour autant, etdemeure une prérogative exclusive et unilatérale de l'Etat. 
De même, l'éventuel défaut de coopération du propriétairedans la phase de l'instruction de la cause n'empêchera pasl'Etat d'ordonner le classement, si l'état de fait estétabli clairement et complètement. Cela fait, et après lapesée des intérêts en présence, une mesure de classementest proportionnée, partant compatible avec l'art. 26 al. 1Cst. , si elle garantit au propriétaire un rendementacceptable. Celui-ci peut soit résulter de la continuationde l'activité économique antérieure, soit d'unereconversion totale ou partielle, pourvu que les frais decelle-ci puissent être raisonnablement mis à la charge dupropriétaire. A défaut, l'Etat doit ou renoncer à la mesurede classement envisagée, ou en réduire la portée, ou encorela maintenir, mais à la condition, dans ce dernier cas, deprêter son concours, y compris financier, au changementd'affectation nécessaire, voire à l'exploitation future dubâtiment. 
Lausanne, le 28 juin 2000