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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
8C_537/2016  
   
   
 
 
 
Arrêt du 11 avril 2017  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux 
Maillard, Président, Frésard et Wirthlin. 
Greffière : Mme Fretz Perrin. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représentée par Me Olivier Vallat, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents (évaluation de l'invalidité; parallélisme des revenus à comparer), 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, du 20 juin 2016. 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, titulaire d'un diplôme de "Restaurantfachfrau", a travaillé à partir du 21 août 2007 en qualité d'opératrice à l'étampage dans l'atelier B.________ SA à U.________, par l'entremise d'une entreprise de placement de personnel. A ce titre, elle était assurée obligatoirement contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).  
 
Le 21 janvier 2008, elle a chuté dans les escaliers et percuté une vitre qui s'est brisée, se blessant au niveau du coude. Elle a bénéficié d'une intervention chirurgicale en urgence consistant à réparer une section partielle de l'artère humérale et une section partielle du muscle antéro-brachial. La CNA a pris en charge le cas. Se fondant sur le rapport final du docteur C.________ (spécialiste FMH en chirurgie, rattaché à la division de médecine des assurances de la CNA), du 26 février 2009, cette dernière a mis fin au versement des indemnités journalières à compter du 16 mars 2009 (décision du 18 mars 2009). 
 
A.b. Le 15 février 2011, l'assurée a annoncé une rechute en raison de douleurs au membre supérieur droit depuis la reprise d'une activité en tant que sommelière. Une expertise a été confiée au docteur D.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique. Après avoir demandé la réalisation d'une IRM du coude droit, ce dernier a constaté une section totale du tendon distal du biceps, près de son insertion radiale ainsi qu'une lésion neurologique associée, lesquelles étaient en relation de causalité vraisemblable à certaine avec l'accident du 21 janvier 2008. Selon l'expert, l'assurée n'était plus en mesure de reprendre ses anciennes activités dans l'industrie et la restauration. Cependant, elle était à même d'exercer une autre activité à plein temps avec un rendement complet, compte tenu d'un certain nombre de limitations fonctionnelles (sans port de charges avec le membre supérieur droit ni de mouvements répétitifs en flexion-extension du coude et/ou de prosupination et à condition que le membre supérieur droit ne soit pas utilisé en permanence durant toute la journée; rapport d'expertise du 16 mars 2012). Se fondant sur ledit rapport, A.________ a demandé la révision de la décision du 18 mars 2009. Par décision du 9 janvier 2013, confirmée sur opposition le 21 février 2013, la CNA a nié le droit de l'assurée à une rente d'invalidité et lui a alloué une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 5 %.  
 
A.c. Saisie d'un recours contre la décision sur opposition de la CNA, la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura l'a rejeté, par jugement du 2 avril 2014. Par arrêt du 22 septembre 2015, le Tribunal fédéral a admis le recours formé par l'assurée contre ce jugement et a renvoyé la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision (cause 8C_414/2014).  
 
B.   
A la suite de ce renvoi, la Cour des assurances sociales a admis le recours par arrêt du 20 juin 2016. Elle a annulé la décision sur opposition du 21 février 2013 et reconnu à l'assurée un taux d'invalidité de 10 %. Elle a en outre renvoyé la cause à la CNA pour qu'elle procède au calcul et au versement de la rente. 
 
C.   
La CNA forme un recours en matière de droit public, dans lequel elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué. 
 
A.________ conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le jugement attaqué doit être considéré comme une décision finale au sens de l'art. 90 LTF. En effet, bien que la juridiction cantonale renvoie la cause à la CNA pour calcul des prestations dues, ce renvoi ne laisse aucune marge de manoeuvre à l'assureur-accidents qui doit allouer à l'assurée une rente LAA en fonction du degré d'invalidité reconnu par les juges cantonaux (cf. ATF 134 II 124 consid. 1.3 p. 127 s.). 
 
2.   
Le litige porte sur le point de savoir si c'est à bon droit que la juridiction cantonale a reconnu le droit de l'intimée à une rente de 10 %. 
 
3.   
Dans la procédure précédente (cause 8C_414/2014), l'intimée avait contesté le montant du revenu sans invalidité retenu par la juridiction cantonale en faisant valoir qu'il ne tenait pas compte du fait que son revenu était très nettement inférieur au revenu moyen dans l'industrie horlogère. Elle s'était référée pour la première fois devant le Tribunal fédéral à la jurisprudence relative au parallélisme des revenus à comparer (ATF 135 V 297; 134 V 322). Le Tribunal fédéral avait alors considéré que l'art. 99 LTF n'interdisait pas de présenter cette nouvelle argumentation. Il a toutefois jugé qu'il ne lui appartenait pas, en première et unique instance, de se prononcer sur l'argumentation présentée par l'intimée. Il a dès lors renvoyé la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle examine la question soulevée ici en précisant : "Si elle arrive à la conclusion que les conditions mises à une parallélisation des revenus à comparer sont remplies, elle devra encore examiner dans le cas concret s'il y a lieu, et dans quelle mesure, de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou d'autres facteurs; cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79) ". 
 
4.  
 
4.1. Les premiers juges ont constaté que l'assurée aurait réalisé, selon les indications de l'employeur, un salaire de 42'035 fr. en 2009, année au cours de laquelle la rente avait pris naissance (ATF 129 V 222). Celui-ci était inférieur de 23,82 % au salaire moyen dans l'industrie horlogère pour des activités simples et répétitives effectuées par des femmes en 2009 (soit 55'181 fr. 15 selon le calcul effectué à partir des donnes statistiques issues de l'Enquête suisse sur la structure des salaires [ESS] 2008 adaptées pour 2009). Ils ont estimé que rien ne laissait supposer que l'intéressée s'en contentait délibérément et ont dès lors parallélisé les revenus à comparer jusqu'à concurrence de la part qui excède le taux minimal déterminant de 5 %, soit 18,82 % (23,82 - 5). Il en résultait un revenu sans invalidité déterminant de 52'420 fr. 10 (soit 42'035 + [18,82 % x 55'181.15]).  
 
4.2. S'agissant du revenu d'invalide, la juridiction cantonale a retenu que l'assurée était à même d'exercer à plein temps une activité simple et répétitive adaptée à ses limitations fonctionnelles. Elle s'est donc référée au salaire moyen tiré de l'ESS. Le revenu réalisé en 2008 par les femmes dans une activité simple et répétitive était de 51'367 fr. 80, compte tenu d'un salaire mensuel de 4'116 fr. (tableau TA1, total) alloué 12 fois l'an et d'un horaire de 41,6 heures par semaine. Indexé en 2009 (+ 2,1 %), ce salaire annuel était de 52'446 fr. 50. En ce qui concernait le point de savoir si une déduction devait être opérée sur ce revenu d'invalide, les premiers juges ont considéré que les limitations de la recourante étaient relativement importantes au vu du type d'activité exigible. Toutefois, il s'agissait du seul critère entrant en considération, de sorte qu'un abattement de 10 % tenait suffisamment compte de la situation de l'assurée. Le revenu d'invalide devait ainsi être fixé à 47'201 fr. 85 et le revenu sans invalidité après parallélisation étant de 52'420 fr. 10, on obtenait un taux d'incapacité de gain de 9,95 %, lequel, arrondi à 10 %, ouvrait droit à une rente d'invalidité du même taux.  
 
5.   
La recourante se réfère à un arrêt du Tribunal fédéral du 17 mai 2016 (causes jointes 8C_141/2016 et 8C_142/2016) selon lequel le revenu sans invalidité d'un ouvrier non qualifié dans la construction qui correspond au salaire minimum prévu par la Convention nationale du secteur principal de la construction en Suisse (CN) ou bien même le dépasse, ne peut être considéré comme inférieur au salaire moyen tel que l'entend la jurisprudence en matière de parallélisation des revenus à comparer, quand bien même il serait nettement inférieur au salaire statistique dans la construction. Elle fait valoir qu'en refusant de comparer le salaire sans invalidité pour l'année 2009 avec le salaire fixé dans la convention collective de travail (CCT) des industries horlogères et microtechniques suisses pour la même période, les juges cantonaux ont ignoré ou n'ont pas appliqué la jurisprudence relative au parallélisme des revenus développé dans l'arrêt précité et ainsi violé le droit fédéral. 
 
6.  
 
6.1. Dans la jurisprudence invoquée, le Tribunal fédéral a constaté qu'il existait en l'occurrence une différence importante entre le salaire statistique issu de l'ESS 2012 (tableau TA1, branche de la construction, niveau de qualification 1 pour les hommes) et le revenu sans invalidité de l'assuré. Dans ce cas, le salaire minimum d'embauche selon la CN/CCT représentait de manière plus précise le salaire usuel dans la branche de la construction que le salaire selon l'ESS correspondant. Aussi, le Tribunal fédéral a-t-il jugé que c'était à juste titre que les premiers juges avaient renoncé à majorer le revenu sans invalidité dans le cas d'espèce, lequel était supérieur au salaire minimum selon la CN/CCT.  
 
6.2. Cette jurisprudence est applicable mutatis mutandis aux autres branches d'activités pour lesquels une CN ou une CCT a été conclue. Bien que postérieure à l'arrêt de renvoi du 22 septembre 2015, elle s'applique aux affaires encore pendantes au moment où elle a été adoptée et par conséquent aussi dans le cas particulier (cf. ATF 132 II 153 consid. 5.1 p. 159). En l'espèce, le salaire minimum d'embauche négocié dans le cadre de la CCT entre la Convention patronale de l'industrie horlogère suisse et les partenaires sociaux en 2009 pour une personne non qualifiée dans la région du Jura et du Jura bernois était de 3'083 fr. par mois, versé 13 fois l'an, soit 40'079 fr. par année (cf. annexe du Rapport annuel 2009 de la Convention patronale de l'industrie horlogère suisse, consultable sous format pdf depuis le site www.cpih.ch/fr/qui-sommes-nous/rapport-annuel.php; voir aussi la version de cette même CCT pour l'année 2012 versée au dossier de la procédure cantonale, faisant état d'un revenu de 3'300 fr. par mois). Le revenu sans invalidité de l'intimée (42'035 fr.) étant légèrement supérieur au salaire minimum d'embauche selon la CCT applicable dans le secteur de l'horlogerie, il n'y a avait pas lieu, contrairement à ce qu'ont fait les premiers juges, de paralléliser les revenus à comparer par une majoration du revenu sans invalidité (cf. arrêt 8C_141/2016 consid. 5.2.2.3). Quoi qu'en dise l'intimée, il n'est pas décisif, au regard de cette jurisprudence, que son revenu sans invalidité s'écarte notablement du salaire statistique moyen.  
 
6.3. Vu ce qui précède, il convient de retenir, au titre du revenu sans invalidité, le salaire obtenu en dernier par l'intimée, soit 42'035 fr. Quant au revenu d'invalide de 47'201 fr. 85 fr., il n'est pas contesté. Ce dernier étant supérieur au revenu sans invalidité, l'intimée ne subit aucune incapacité de gain et n'a dès lors pas droit à une rente de l'assurance-accidents.  
 
7.   
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et la décision attaquée annulée. Comme la jurisprudence invoquée par la recourante a été rendue peu de jours avant le jugement attaqué et qu'elle n'était dès lors pas encore connue des premiers juges au moment de rendre leur décision, il y a lieu de renoncer exceptionnellement à percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 1, 2ème phrase, LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. Le jugement de la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 20 juin 2016 est annulé et la décision sur opposition de la CNA du 21 février 2013 est confirmée. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 11 avril 2017 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
La Greffière : Fretz Perrin